Annualisation du temps de travail

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par magdalene » 06 Sep 2003, 17:49

CITATION Sous la suppression d'un jour férié, la remise en cause des 35 heures

LE MONDE | 05.09.03 |

En appelant les salariés à travailler le lundi de Pentecôte, M. Raffarin ouvre la voie à une renégociation des lois Aubry, que le Medef réclame depuis des mois. L'augmentation de la durée annuelle du temps de travail va imposer une renégociation des accords de branches et d'entreprise.

Une idée peut en cacher une autre. En se prononçant ouvertement, jeudi 4 septembre, pour la suppression d'un jour férié - le lundi de Pentecôte a sa préférence - afin de contribuer au financement de l'aide aux personnes dépendantes, Jean-Pierre Raffarin a ouvert la porte à la remise en cause des 35 heures, impatiemment réclamée depuis des mois par le Medef.  "L'objectif, a déclaré le premier ministre au Figaro, est que la richesse produite par cette journée supplémentaire travaillée serve au financement d'un dispositif de prise en charge des besoins des personnes vulnérables." Mais il y a mis "deux conditions" : que cet effort collectif ne soit pas supporté par "les seuls salariés", mais par "tous les Français, toutes les entreprises" ; que "le produit de cette journée travaillée ne soit affecté à rien d'autre qu'à ce dispositif".

De facto, la mobilisation des salariés durant un jour supplémentaire va modifier la durée légale du travail en France - actuellement fixée à 35 heures hebdomadaires ou à 1 600 heures par an. Or c'est sur cette durée, au-delà de laquelle les heures travaillées doivent être rémunérées en heures supplémentaires, que sont fondés les accords de branches et d'entreprises négociés à partir de l'adoption des lois Aubry (en 1998 et en 2000). Deux ministres l'ont confié au Monde, après la publication des déclarations de M. Raffarin, et quasiment dans les mêmes termes : "L'idée du jour férié a au moins un mérite : elle permet de revenir sur les 35 heures." On ne saurait être plus clair.

Pour s'aligner sur la durée légalement imposée, la plupart des entreprises ont annualisé le temps de travail de leurs salariés, en intégrant dans leur calcul les congés payés et les 11 jours fériés légaux prévus par le Code du travail. Comme c'est le cas pour le lundi de Pentecôte, ces jours fériés sont, dans la plupart des sociétés, à la fois "chômés" - c'est-à-dire non travaillés - et payés, en vertu d'accords collectifs ou par usage. Si le gouvernement la confirme, la décision de faire travailler les Français un jour de plus va rendre obligatoire la révision des règles complexes issues des lois Aubry. Elle ouvre la voie à une renégociation des conventions collectives et des accords d'entreprises. Le Medef, qui appelle avec constance cette réforme de ses vœux y est déterminé ; mais il lui faudrait l'accord des syndicats.

Dans cette perspective, le patronat dispose visiblement du soutien du gouvernement : "Si les renégociations s'avéraient impossibles,expliquait-on jeudi au ministère des affaires sociales, le législateur pourrait, au nom de l'intérêt général, imposer une modification des textes." Une "disposition d'ordre public social" pourrait alors majorer de 7 heures (ou d'une journée) la durée du travail. Autrement dit : dans un cas comme dans l'autre, par la négociation ou par la loi, la fin des 35 heures est annoncée.

Le Medef en fait une condition sine qua non à l'acceptation de l'effort de solidarité réclamé par le premier ministre. Nul ne sait encore par quel mécanisme les fonds dégagés au nom de la "fraternité nationale", selon l'expression de M. Raffarin, pourront atterrir dans les caisses de l'Etat. Le cadre fixé par le premier ministre ménage en effet deux hypothèses : celle d'un surcroît de cotisations patronales et celle d'une contribution des entreprises sur la richesse dégagée par cet effort supplémentaire. Les services du ministère des finances examinent actuellement les modalités de la mise en œuvre de la mesure. Mais en tout état de cause - ainsi que le déclare au Monde l'un des dirigeants du Medef, Denis Gautier-Sauvagnac -, si les chefs d'entreprise sont prêts à y souscrire, c'est d'abord parce qu'elle signifie, à leurs yeux, la fin des 35 heures, déjà assouplis par François Fillon.

Le président de l'organisation patronale, Ernest-Antoine Seillière, s'était d'ailleurs bruyamment réjoui, le 27 août, au lendemain de la réunion au cours de laquelle, devant les représentants des organismes chargés de l'accueil des personnes dépendantes, M. Raffarin avait lancé l'idée de l'abandon d'un jour férié (Le Monde du 28 août). S'il jugeait alors ce projet "formidable", M. Seillière mettait en avant son intérêt en matière de durée légale du travail : "L'idée qu'on puisse se dire qu'on va régler des problèmes en travaillant plus est une grande première en France, en tout cas depuis cinq ou six ans", déclarait-il alors, à l'ouverture de l'université d'été du Medef. Irrité de la prudence avec laquelle le ministre des affaires sociales, François Fillon, s'était saisi du dossier de l'"assouplissement" des 35 heures, le patronat avait bataillé ferme, pendant l'été et l'automne 2002, pour essayer d'obtenir une loi qui serait revenue purement et simplement sur la réduction de la durée du travail. "Ce qu'une loi a fait, une autre loi doit le défaire", faisait valoir, en privé, le président du Medef.

Depuis quelques semaines, ce désir semble avoir fait des émules au sein de la majorité, dont plusieurs hérauts importants se sont exprimés sur le même thème de la "réhabilitation du travail". En pleine crise de la canicule, le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, avait ouvert le feu, en affirmant qu'il y aurait "une réflexion à mener"sur les 35 heures, qui posaient selon lui "des difficultés insurmontables" aux hôpitaux - tout en estimant, certes, que leur remise en cause n'était "pas d'actualité" (Le Monde du 16 août).

Le 1er septembre, dans Le Parisien, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, Jacques Barrot, proposait, lui, que la durée du travail soit définie "dans un cadre contractuel", précisant : "La loi devra définir les impératifs de repos et laisser aux partenaires sociaux le soin de négocier eux-mêmes la durée du travail." Jeudi, dans son entretien publié par Le Figaro, M. Raffarin lui-même s'est dit "favorable à tout ce qui peut avancer par la voie de la négociation sociale" à propos de la durée du temps de travail et ajoutait vouloir "réhabiliter le travail plutôt que l'impôt".

Claire Guélaud
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