Manifestants et casseurs

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Matrok » 01 Nov 2010, 19:29

Un article qui m'avait échappé dans le dernier numéro de LO.

a écrit :Lycée Paul-Éluard (Saint-Denis) Un mouvement qui sait vaincre les obstacles

Au lycée Paul-Éluard de Saint-Denis, une minorité d'enseignants avaient engagé un mouvement de grève contre la réforme des retraites. Les lycéens, eux, se sont lancés dans l'action à partir du jeudi 14 octobre en bloquant le lycée.

Ce blocage a été maintenu jusqu'au vendredi des congés. Le lycée est devenu le point de ralliement des établissements de la commune et des villes avoisinantes.

Malheureusement, dès le premier jour du blocage, les lycéens se sont trouvés confrontés à l'arrivée de bandes de jeunes profitant de l'occasion pour chercher « la casse ». Pendant plusieurs jours, le même scénario se répéta : ils s'emparaient des poubelles qui servaient au blocage devant le lycée, pour ensuite les placer au milieu de l'avenue et y mettre le feu, n'hésitant pas à frapper les organisateurs du mouvement qui pouvaient s'opposer à eux. Cela provoquait aussitôt la venue des policiers en tout genre, à pied, à cheval, en hélicoptère. Nombre de voitures furent cassées et brûlées. Les jets de pierres contre les CRS et la BAC provoquaient aussitôt leur charge. Des centaines de lycéens étaient ensuite curieusement canalisés vers le centre-ville, et non vers la périphérie, permettant aux casseurs de s'adonner pendant plusieurs jours au pillage des magasins... pendant que d'autres jeunes défilaient, criant parfois des slogans, dans la plus grande confusion.

Pendant plusieurs jours, les lycéens les plus responsables et les plus soucieux de l'intérêt du mouvement, tout en déplorant la tournure que prenaient les événements, restaient impuissants face à ces jeunes organisés et très violents. Mais petit à petit, au travers de plusieurs réunions à l'université voisine, avec l'aide d'étudiants et de professeurs soucieux de les aider à s'organiser, s'est mise en place une coordination représentant sept établissements et réunissant une cinquantaine de lycéens. Une stratégie fut élaborée pour développer le mouvement et ne pas le laisser détourner par les « casseurs », des tracts ont été rédigés, des comités d'organisation mis en place. La participation à des manifestations avec les salariés ou les étudiants a ainsi été planifiée.

Pendant les vacances, les lycéens ont prévu de rester mobilisés et ils sont très déterminés à repartir en lutte à la rentrée.

Correspondant L O
Matrok
 
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Message par luc marchauciel » 01 Nov 2010, 21:54

A lire, cette très bonne analayse de Laurent Muchielli sur son blog :

a écrit :
L'infiltration policière des manifestations est un fait, mais comment l'interpréter ?
29 Octobre 2010 Par Laurent Mucchielli


L'infiltration de nombreux policiers dans les manifestations actuelles, en civil et parfois déguisés en syndicalistes, est un fait. Il suffit d'un exemple indiscutable pour le prouver. A Lyon, des témoignages concordants ont été finalement prouvés par une vidéo et, du coup, le Préfet lui-même a été obligé de reconnaître les faits, ajoutant même au passage qu'il s'agissait d'une « tradition » dans le travail de police. Quelques jours auparavant, le chef local de la police (DDSP) parlait pourtant de « mythomanie »...

On eut ainsi apprécié que les conseillers du ministre de l'Intérieur lui fassent reconnaître plus tôt la pratique de l'infiltration, au lieu d'attendre les déclarations à l'emporte-pièce de tel ou tel pour mieux se draper dans la posture indignée et dénoncer les « vieilles ficelles d'extrême gauche » et les discours anti-police, comme s'empresse de le répercuter fidèlement le Figaro. Les déclarations furieuses de certains responsables policiers se trompent également de combat, quand elles ne font pas preuve d'une apparente naïveté comme cet ancien commissaire publié dans Rue 89. Mettre cette question sur le tapis ne signifie pas vouloir ternir l'image de la police, mais simplement chercher à connaître la vérité sur ses modes d'infiltration.

Eviter autant l'angélisme que la diabolisation
Pour le comprendre, il faut d'abord rappeler que tout cela est une affaire politique. La manifestation est un acte politique, elle est en l'occurrence une opposition directe et frontale à la politique du pouvoir actuel. Dès lors, le « maintien de l'ordre » policier déployé face aux manifestations est lui aussi une affaire politique. Les CRS, les gendarmes mobiles, et les policiers présents en civil, sont à ce moment là sous l'autorité des préfets représentant l'Etat.


Sachant cela, on comprend que le but de l'infiltration n'est pas principalement d'arrêter les méchants casseurs afin de protéger les gentils manifestants, comme le prétend la Com' gouvernementale sur un mode quelque peu « bisounours ». On se souvient d'ailleurs que, au contraire, c'est l'inaction des CRS face aux casseurs qui avait fait scandale lors des manifestations anti-CPE de mars 2006. Il n'est pas non plus – sauf dérive locale théoriquement possible mais concrètement improbable – de transformer les policiers en casseurs afin de faire volontairement dégénérer les manifestations et ainsi justifier une répression machiavéliquement prévue d'avance.

Certes, ceci est arrivé dans le passé. Un communiqué du syndicat CGT-Police (pdf) rappelle en ce sens le cas de la célèbre manifestation des sidérurgistes de mars 1979. Mais on pourrait citer le cas plus récent des manifestations d'avril 1993 et d'autres encore,étudiés par Olivier Fillieule. Il faut donc, là encore, ne pas faire preuve de naïveté. Mais on a du mal à croire que des instructions aient pu être données en ce sens par le pouvoir politique actuel. Ce serait en effet beaucoup trop risqué pour lui, tant il paierait cher la moindre « bavure ». Et trop risqué aussi pour les policiers du terrain qui pourraient y jouer leur carrière. Nous sommes en 2010, à l'heure où pratiquement tout le monde peut prendre une photo et même faire un film avec son téléhone portable, à l'heure où tout ceci circule sur Internet en quelques secondes. Nous ne sommes plus au temps du SAC, des officines d'extrême droite utilisées en secret par le pouvoir et des barbouzeries en tout genre. La police aussi a changé. Un Président de la République ou un ministre de l'Intérieur ne peuvent plus lui demander de faire n'importe quoi. Ils peuvent donner des consignes aux préfets, aux CRS et aux gendarmes mobiles quant au niveau répressif du maintien de l'ordre. Ils peuvent choisir de tenter d'impressionner, de « dégouter » les manifestants et de casser la dynamique d'une manifestation, comme ils l'ont fait pour celle du 21 octobre à Lyon (d'une façon tellement disproportionnée  - que faisait là le GIPN ?! - que l'on s'étonne du silence de l'opposition politique), au terme d'un engrenage plus ou moins maîtrisé avec la visite-récupération politique d'Hortefeux survenue la veille et suivant elle-même des scènes de pillage survenues l'avant-veille. Mais ils ne peuvent pas demander aux policiers de se mettre en civil pour aller jouer les casseurs.


suite et fin sur :

http://www.mediapart.fr//club/blog/laurent...-fait-mais-comm
luc marchauciel
 
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Message par artza » 02 Nov 2010, 08:53

(luc marchauciel @ lundi 1 novembre 2010 à 21:54 a écrit :Nous ne sommes plus au temps du SAC, des officines d'extrême droite utilisées en secret par le pouvoir et des barbouzeries en tout genre. La police aussi a changé. Un Président de la République ou un ministre de l'Intérieur ne peuvent plus lui demander de faire n'importe quoi.

Certes nous ne sommes plus au temps du SAC pas plus qu'au temps de la milice de Darnand.

Quant au changement des moeurs policières à travers les âges? :33: c'est une autre paire de manches.

IL n'ya pas si longtemps un président de la république n'hésitait pas dans le plus grand secret de faire "loger" toutes les personnes liées de près ou de loin au lycée Henri IV de Paris pour des raisons tout à fait personnelles et finalement futiles.

Celà m'amuse un peu, mais je devrais peut-être pas, d'imaginer des camarades de LO qui ont pu fréquenter le lycée Henri IV et ses abords comme élèves, pions, voir femmes de ménage, éboueurs ou soupirant(e)s d'un(e) élève être parfaitement connus des services de police, leurs activités, leurs loisirs, leurs fréquentions, leurs revenus etc...

C'est un bon article s'il convaint guère des changements (profonds, irréversibles?) de la police il montre la naïveté récurrente des illusions démocratiques.
artza
 
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