CITATION
L'extrême gauche, objet de la schizophrénie socialiste
Obsédé par l'accord LO-LCR, le PS en oublie de se tourner vers l'électorat.
Par Paul QUINIO
samedi 08 novembre 2003
Pas si puissants, piètres stratèges, mais malgré tout sujet de préoccupation obsessionnel. Ce paradoxe sert de toile de fond à l'intérêt soutenu que le Parti socialiste entretient pour l'extrême gauche. Nombreux sont ses dirigeants qui minimisent le poids électoral de l'extrême gauche lors des prochaines élections régionales. Et ils sont encore plus nombreux à considérer que la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), pacsée avec Lutte ouvrière (LO) depuis le week-end dernier, a commis «une faute terrible» en acceptant de se caler sur la position traditionnelle de la formation d'Arlette Laguiller : le refus de se prononcer en faveur de la gauche au second tour. Selon la rue de Solférino, cette décision aurait l'avantage de reporter sur l'extrême gauche «la pression» que les socialistes subissaient depuis le rassemblement du Larzac, cet été, autour de José Bové. Désormais, ce n'est plus la question de l'influence de l'extrême gauche au premier tour des élections qui serait dominante, mais celle de son attitude à l'égard de la gauche en général, et du PS en particulier, au second tour.
Ce raisonnement a cependant un inconvénient majeur : il relève du strict discours d'appareil. Faire de la tambouille dans l'arrière-cuisine électorale au moment où les Français attendent les socialistes sur le terrain des contre-propositions au gouvernement n'est pas vraiment habile. Lors du bureau national de mardi, Jean-Christophe Cambadélis a ainsi estimé que les débats chez les socialistes ne devaient pas s'organiser autour de «la lorgnette» LCR, alors que le «gouvernement est sur la défensive». Lors de la même réunion, de nombreux intervenants n'ont pu que constater les difficultés du PS «à cristalliser» en sa faveur le rejet du gouvernement. François Rebsamen, secrétaire national aux fédérations, a relayé les reproches qui montent du terrain : «Les militants nous disent que le PS ne se fait pas suffisamment entendre.»
Pas encore audible, prisonnier d'une relation boutiquière avec l'extrême gauche, les dirigeants socialistes ont aussi pris conscience des limites de leur appel à l'union lancé au PCF et aux Verts pour les alerter sur les dangers d'un éparpillement du style du 21 avril 2002 (Libération du 27 octobre). Mais, là encore, la rhétorique relève du discours d'appareil. François Hollande s'adresse davantage à ses homologues, Gilles Lemaire chez les Verts ou Marie-George Buffet au PCF, qu'à leur électorat potentiel. Faute de propositions pour le séduire ? Les mêmes que le PS n'oppose pas au gouvernement ? Hollande a promis d'en aligner dans «le contrat» qu'il va soumettre aux Français à l'occasion des régionales.
© Libération
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