Manifestants et casseurs

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Gaby » 25 Oct 2010, 13:11

(com_71 @ lundi 25 octobre 2010 à 13:44 a écrit :
(Gaby @ lundi 25 octobre 2010 à 12:00 a écrit :
Ceci dit, péter une banque, si le mouvement en arrive là un jour et qu'on s'y met à plusieurs dizaines de milliers plutôt qu'à quelques-uns, c'est bon on a gagné, on aura fait mieux que les Communards.

Smiley oublié ?
Exproprier ce n'est pas casser des vitres ? :(
Gaby
 
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Message par Matrok » 25 Oct 2010, 18:43

(Faber @ lundi 25 octobre 2010 à 08:34 a écrit : C'est exactement ce qui est employé à Lyon, en "enfermant" les jeunes place Bellecour, la police n'assure la sécurité ni des biens ni des personnes, mais fait exactement le contraire.

En effet.

Il est peut-être utile de revenir sur ce qui s'est passé Jeudi dernier Place Bellecour à Lyon. Le site rebellyon.com (quoi qu'on en pense par ailleurs, et je serais le premier à qualifier ses "analyses" de gauchistes et inconséquentes) a recueilli plusieurs témoignages que je vous invite à lire ici :
Témoignages sur la "prison" Bellecour
À lire ça, j'ai mieux compris pourquoi certains camarades parlaient du "piège" que serait devenu la place Bellecour...

Pour résumer (pour ceux qui ne liraient pas tout) : Une manif de l'UNL et de la CGT était prévue place Antonin Poncet, juste à côté de la place Bellecour, une très grande place du centre de Lyon. Cette manif a attiré de nombreux lycéens et étudiants, majoritairement pacifiques, qui pensaient passer par la place Bellecour car c'est le chemin le plus naturel. Or de très importantes forces de police + CRS + gardes mobiles + GIPN ont fermé tous les accès de la Place Bellecour, en laissant entrer les gens mais en les empêchant de sortir, et ce pendant plus de quatre heures. Ils ont harcelé les personnes présente, les ont même filmés depuis un hélicoptère. Puis ils ont balancé des grenades lacrymogènes, les canons à eau, les matraques, etc... Et seulement après, ils ont commencé à les faire sortir, mais en les filtrant : contrôle d'identité, fouille corporelle, photographie, en priorité pour les beurs. Ils en ont embarqué un certain nombre qui n'avaient pas leurs papiers.
Matrok
 
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Message par Matrok » 25 Oct 2010, 19:13

Par ailleurs, on peut se rendre compte que ces provocations policières sont passées sous silence, ou leurs allégations traitées par le mépris dans les grands médias. Ainsi l'autre jour, c'est avec des rires dans la voix et un ton de mépris certain que le journaliste de France Inter qui présentait le journal a rapporté les propos de Jean-Luc Mélenchon comme quoi :
a écrit :Il y a des moments où on trouve que certains groupes ont un comportement un peu étrange: nous voyons des gens qui cinq minutes jettent des pierres et la minute d'après, ont un brassard...

En fait, Mélenchon faisait référence à des évènements pris en photo à Chambéry le 19 octobre dernier, et qui avaient déjà été commentés sur le site du Parti de gauche. Ce n'est pas de l'affabulation. Je ne doute pas que les propos violents de Mélenchon contre la "médiacratie" ne lui valent guère d'amitiés de la part des journalistes, mais sur ce coup ils auraient mieux fait de faire leur métier...
Il a fallu que le syndicat de police Synergie Officiers demande au ministère d'engager des poursuites judiciaires contre Mélenchon pour que le journal Libération en parle, bien sûr toujours au conditionnel.
À noter que l'édition lyonnaise de Libé avait cependant été un des rares journaux à décrire ce qui s'est réellement passé jeudi place Bellecour, mais sur un ton particulièrement léger, comme s'il ne fallait pas souligner ce qu'il y avait de révoltant.
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Message par Matrok » 26 Oct 2010, 20:32

[quote=" (Matrok @ lundi 25 octobre 2010 à 19:13"]
Il a fallu que le syndicat de police Synergie Officiers demande au ministère d'engager des poursuites judiciaires contre Mélenchon pour que le journal Libération en parle, bien sûr toujours au conditionnel.
Rien de neuf sur ce plan là, "Libération" reste prudent... La couardise de ces journalistes est sidérante.
Matrok
 
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Message par ianovka » 26 Oct 2010, 20:34

Mais non voyons, ça s'appelle de l'objectivité. :hinhin:
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Message par Matrok » 26 Oct 2010, 21:36

Gaby avait posté plus haut l'article d'Arrêt Sur Image sur la fameuse vidéo "du casseur et du Ninja", avec le dépiautage de la vidéo et les témoignages recueillis des personnes présentes.

Un autre témoignage de la même scène est apparu sur internet, dans les commentaires d'un article sur le site internet du journal "Le Monde".

(Jérémy Robine @ docteur en géopolitique, 25.10.10, 19h17 a écrit :Le 18/10, par curiosité je suivais la manifestation sauvage, en retrait trottoir de droite avec des journalistes (on me voit courir dans la vidéo). Je me suis retrouvé à moins de 10 mètres de la scène de l’attaque de la banque etc. J’ai suivi le ninja ensuite, je l’ai perdu à l’entrée de l’opéra, et je l’ai retrouvé rue de Charenton avec un brassard Police, puis lorsqu’il a quitté le dispositif, par l’autre côté de la rue, où j’étais pour mieux voir. Je crois que c’est clair, comme ça, non ?”

Il est vrai qu'un message sur un forum internet est toujours douteux, mais enfin celui-ci est signé d'un nom qui n'est pas inventé...

(au passage, je remercie barf sur le forum de Libé pour avoir cité ce témoignage que j'ignorais).
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Message par Matrok » 26 Oct 2010, 21:54

Enfin, un autre témoignage de la même scène... et d'un peu plus a été publié sur le blog de Guy Birenbaum.
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Message par ianovka » 27 Oct 2010, 23:00

a écrit :Lutte Ouvrière n°2204 du 30 novembre 1999
Le mouvement au jour le jour

Lyon - Manifestations lycéennes et déploiement policier

Les médias ont beaucoup montré les images des incidents qui ont émaillé les manifestations lycéennes à Lyon. On a entendu Hortefeux et Sarkozy s'exprimer sur les « casseurs » qui ne resteront pas impunis.

Le déploiement de plus de 800 CRS et gendarmes mobiles, avec parfois l'aide de l'hélicoptère qui a tourné tous les jours essentiellement dans le quartier de la Presqu'île, a permis l'arrestation, sur plusieurs jours, de plus de 300 jeunes. Mais, contrairement aux déclarations du préfet, la majorité ne sont pas « des voyous et des délinquants défavorablement connus de la police » car, si ce type d'individus étaient présents, ils ont su lui échapper. D'après des sources judiciaires, la plupart des jeunes arrêtés sont mineurs et parfois même très jeunes, et plus des deux tiers sont inconnus des services de police. La quasi-totalité sont scolarisés. Sur plus de 300 arrestations, cinq seulement auraient été condamnés à de la prison ferme.

Les jeunes arrêtés ne sont pas des cas isolés, puisqu'ils étaient des centaines à affronter les forces de l'ordre, ou à être là à observer et s'enfuir devant elles. Souvent issus de lycées professionnels ou de collèges, ils sont accusés le plus souvent d'avoir lancé des pierres contre la police, ou parfois de s'être servis dans des magasins dont la vitrine avait été cassée par d'autres. Souvent mal à l'aise à l'école, en particulier dans des filières qu'ils n'ont pas choisies, et destinés à un travail qu'ils n'ont pas envie de faire, vivant dans des quartiers où il y a plus de 20 % de chômeurs, en particulier chez les jeunes, ils expriment leur rejet de la société en s'en prenant à ces symboles que sont la police et le quartier Bellecour, où sont concentrés les magasins de luxe.

Ces jeunes n'ont peut-être pas choisi la meilleure façon d'exprimer leur révolte, mais la seule réponse que leur a donnée le gouvernement a été le déploiement policier. Car on peut prévoir que demain, pas plus qu'aujourd'hui, rien ne sera fait pour diminuer l'échec scolaire, le chômage et la pauvreté.

D'autre part, la police ne s'est pas contentée d'arrêter les « casseurs ». Jeudi 21octobre, elle a encerclé sur la place Bellecour plusieurs centaines de manifestants, étudiants et lycéens, les empêchant de rejoindre la manifestation qui partait de la place voisine, avec des jeunes et des syndicalistes. La police a refusé toute discussion, y compris avec les syndicalistes. Les jeunes encerclés sont restés six heures, pratiquement sans incidents de leur part, mais ils ont reçu en abondance des grenades lacrymogènes et même la lance à eau, en particulier quand ils essayaient de parlementer pour sortir. Quand ils ont enfin pu sortir, ce fut un à un, non sans avoir été fouillés au corps, contrôlés... et emmenés au poste de police pour ceux qui n'avaient pas leurs papiers.

Certains policiers laissaient entendre qu'on voulait ainsi leur enlever toute envie de manifester. Mais pour ces jeunes venus manifester pacifiquement, le sentiment, après un tel traitement, était surtout la colère et l'envie de l'exprimer.

Correspondant LO
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Message par Jacquemart » 29 Oct 2010, 13:55

Voici un témoignage que j'ai reçu par mail.

a écrit :Jeudi 21 octobre 2010. Témoignage des évenements de la Place Bellecour, Lyon.

J’arrive un peu après 12h sur la Place Bellecour, accompagnée de plusieurs ami(e)s étudiant(e)s. Une manifestation d’étudiants et de lycéens en partenariat avec la CGT et SUD, est prévue pour 14h Place A. Poncet, située à l’angle de celle de Bellecour. De nombreux jeunes sont présents, en majorité des lycéens et collégiens. On franchit un cordon de policiers pour entrer sur la place. Ceux-ci sont placés par plusieurs dizaines à toutes les sorties de cette place publique, une des plus grandes de France. Ils sont équipés d’armures des pieds à la tête, casque, bouclier, matraque, pistolet… Se trouvent également un camion du GIPN (groupe d’intervention de la police nationale, qui eux ont un camion blindé et sont cagoulés) et deux camions à eau anti-émeute. Un hélicoptère survole le lieu à basse altitude. Une demi-heure plus tard, suite à quelques pierres lancées en directions des policiers et de leurs véhicules, les flics se mettent en action et lancent les fusées lacrymogène. Dispersion de la foule.
Vers 13h30 nous commençons à nous rapprocher de la Poste, d’où part la manifestation. Le cordon policier est toujours présent et sépare les manifestants qui sont déjà sur la place Bellecour de ceux qui sont sur la place A. Poncet. Ils refusent de nous laisser passer. Après une demi-heure de discussion, les syndicats aidant probablement, ils finissent par ouvrir le cordon et laissent passer une trentaine de personnes avant de le refermer brutalement, lorsque apparemment la population qui passe ne répond plus aux critères du « bon manifestant » (la peau claire, pas trop jeune, pas de survêtement ni capuche). Plus personne n’a le droit de sortir de Bellecour. La tension monte.

Quelques projectiles sont jetés, auxquels les policiers répondent matraques levées par des fusées lacrymogènes . Pendant plus d’une heure nous essayons, en vain, de rejoindre l’autre partie des manifestants, qui nous attendent, de l’autre côté. Eux aussi se font gazer. La foule de Bellecour est dispersée.

A 15h30, finalement, les manifestants « libres » décident de partir en cortège. Nous, on attend. On est plusieurs centaines sur la Place. Celle-ci est relativement calme. On attend, éparpillés par petits groupes sur l’ensemble de la place. Les flics disent qu’on pourra ressortir quand la manifestation sera partie. On attend. L’hélicoptère tourne au-dessus de nous dans un bruit assourdissant. Il y a quelques mouvements de foule mais la scène reste calme. A vrai dire, on se fait chier. Croyant seulement partir en manifestation, je n’ai rien pris avec moi, ni eau, ni nourriture, ni occupation.

J’attend, comme tous les autres. Un peu plus tard nous décidons de nous en en aller avec une amie. Mais les flics refusent toujours de nous laisser passer. Il doit être aux alentours de 16h30, cela fait trois heures qu’ils nous retiennent. Je leur dit mon envie de pisser et de manger, mais pas moyen. Je commence à en avoir sérieusement marre, et prend conscience de la rétention forcée que je subie. Les flics nous disent que c'est un ordre du préfet, et qu’ils ne savent quand ils auront l’autorisation de nous laisser sortir. A un ami qui demande s’il serait possible d’amener un ballon de foot de l’extérieur, histoire de s’occuper, le flic répond qu’il n’a qu’à prendre la vessie bien gonflée de la jeune fille qui vient de demander à sortir pour aller aux toilette, avant de s’esclaffer avec ses collègues.

Personne ne comprend la situation. Malgré tout la place s’est vidée un peu. Aidés par des habitants et des propriétaires de magasins, qui leur ont ouvert les portes et arrière-boutique, certaines personnes ont pu sortir. J’apprends également que les policiers ont laissé sortir certains amis étudiants, mais qu’en revanche les jeunes typés maghrébins qui étaient à côté d’eux se sont vus la sortie refusée. Le délit de faciès est systématique. Sur la place, nous ne nous organisons pas. Chacun reste dans son coin, on est abasourdis, on attend juste de pouvoir sortir. La moyenne d’âge des personnes retenues ne dépasse pas 18 ans.

Il est environ 17h, et nous apprenons que nous ne sortirons peut-être pas avant 21h. Les esprits commencent à paniquer. J’entends des collégiens qui essayent de faire comprendre à leur parents, au téléphone, qu’ils ne peuvent pas rentrer car ils sont retenus par des policiers. Il fait de plus en plus froid. Je retourne voir les policiers pour des explications. Un d’entre eux m’explique « qu’on a de la chance d’être en France car si on était en Espagne on se serait déjà fait fracassé la tête par la garde civile », et que « lorsqu’il y a des troubles de l’ordre public, la liberté de circuler librement peut être suspendue ». La place, à ce moment et depuis plus d’une heure, est parfaitement calme. Lorsqu’un peu plus tard des jeunes commencent à se rassembler en protestant au centre de la place, ces policiers avec qui nous « discutions » pointent sur nous leurs armes (je ne sais pas si c'est des lances-fusées ou des flash-ball) et nous somment de reculer. Ce qu’on fait. Des lacrymo sont lancées sur toute la place : des fusées jetées dans le ciel et qui s’éparpillent, en retombant, sous forme incandescente. Les gens courent dans tous les sens. On essaie de rester sur le trottoir, le long des façades, pour se protéger le plus possible. Un jeune homme est à terre. Les autres reviennent pour le secourir, tandis que les policiers, à 10m les menacent toujours de leurs pistolets. J’entends qu’il est blessé, et des jeunes, mains en l’air, demandent aux policiers de ne pas charger. Finalement les flics font reculer tout le monde. Ils cherchent à relever ce jeune homme, qui se débat. Ils l’immobilisent à trois, au sol, puis le traînent par un bras sur 20m, jusqu'à leur camion, derrière lequel il disparaît. Devant moi, une jeune fille, environ 15 ans, en pleurs, dans les bras d’une amie à elle. Elles vont voir les policiers, demandent à sortir, elles pleurent, disent ne plus en pouvoir, veulent rentrer chez elles. Le flic leur dit de dégager. Des détonations continuent de retentir, la fumée recouvre la Place. Il est dur d’ouvrir les yeux et de respirer. A 30 m à ma droite une jeune fille est étendue sur le sol. Des gens se regroupent autour pour l’aider. Je ne la vois pas réagir, je ne sais pas ce qu’elle a. Peut-être une crise d’asthme, peut-être un coup de flash-ball ? (au final je crois qu’aucun tir de flash-ball n’a été fait). Les gens crient pour qu’on appelle les pompiers. Finalement, au bout de peut-être 10 minutes des policiers repoussent tout le monde et l’entraine plus loin.

L’hélicoptère tourne, encore, au dessus de nos têtes.

Face à notre incompréhension, un flic nous dit : « c'est une innovation policière ».

Je marche. Un rassemblement commence à se faire au milieu de la place. Tout le monde en a marre. On commence à avoir peur de ne plus pouvoir sortir. Cris de protestations. Quelques pierres sont jetées. Ils répondent, encore, par de la lacrymo et des détonations extrêmement sonores.

Finalement ils décident de sortir les camions à eau anti-émeute. Ils arrosent. Les gens sont dispersés. On attend. Ils renvoient encore une ou deux fois de l’eau. On reste dispersé. On erre. Les gens marchent. J’en ai trop marre. Je commence à craquer. Il n’y a plus de soleil sur la place. Il fait froid. Je n’ai pas mangé depuis ce matin. On commence à marcher, plus ou moins en groupe.

Vers 18 heures, les flics nous informent qu’on peut sortir dans l’angle nord. Tout le monde s’y rend. Ils nous répondent par de la lacrymo. On y retourne. Les gens crient, mains en l’air : « on nous a dit qu’on pouvait sortir par là ! ». Rebelotte. Fusée lacrymo, dispersion. A la troisième tentative, on nous laisse approcher. Effectivement, les flics nous laissent enfin sortir. Ils font sortir les gens un par un, relèvent les noms, prénom, adresses, puis font une fouille au corps (palpation disent-ils), et vident les sacs. Comme nous sommes plus de 200 personnes, cela prend beaucoup de temps. On se serre, docilement, pour faire la queue, tête baissée. Alignés, ils rabattent tous les prisonniers à l’extrémité de la place. Ils nous disent qu’on sortira tous, mais au compte-goutte. On attend. Ceux qui n’ont pas leurs papier d’identité sont mis de côté. On fini par nous laisser passer. Pendant qu’elle me « palpe » elle me dit qu’elle va faire ça vite. Je suis écoeurée. Cela fait presque 6h que les policiers ont reçu l’ordre de ne laisser sortir personne de la place Bellecour. 6 heures qu’environ 200 personnes (et je pense dire cela au bas mot) sont privées de leurs liberté essentielles : circuler, manger, boire, aller aux toilettes. 6 heures que l’on est retenu sur une place publique, sonnés, dans l’incompréhension, avec plus d’une centaine de policiers qui nous encerclent, pointent sur nous leurs armes au moindre mouvement de foule et les utilisent… et l’hélicoptère qui tourne quasiment en permanence. Le flic qui contrôle l’identité de mon amie lui dit « au moins, hein, vous avez plus envie de recommencer ! ».

C'est dégueulasse…

Les nerfs lachent, un policier s’aperçoit que je suis en pleurs et se charge de nous amener rapidement derrière le dernier cordon de flics qui nous sépare de l’extérieur. Ils nous fait passer au milieu d’un groupe d’une trentaines de jeunes, tous typés maghrébins ou africains, qui sont en train de monter dans un bus. Ils n’ont pas plus de 18 ans. Je demande où ils vont : au poste, pour contrôle des identités. Il est 18h45. Les flics disent qu’ils les relâcheront dans la soirée. 2 bus vont ainsi partir en direction du commissariat.

Une fois passé les cordons de CRS je rejoint les manifestants libres, qui après la manifestation sont venus au plus près de la place Bellecour pour nous soutenir. On nous propose à manger, nous réconforte. Les manifestants tentent d’empêcher les bus de partir. La B.A.C. intervient, les bus s’en vont.

Très mal vécu cette situation, oui. Choquée, oui. Pour terminer je vais au premier bar que je trouve pour aller aux toilettes. Le propriétaire refuse, il me dit qu’il vient déjà de refuser à 10 personnes, et qu’il ne fera pas d’exception pour moi. Je pisse dans la rue, sous le regard des passants et des manifestants.

Humiliée, oui.

On m’a retiré le droit de manifester, on m’a retirer le droit de circuler librement. Nous étions parqués comme des animaux, parfois rabattus d’un côté ou l’autre de la place par des groupes armés mobiles. Je n’ai insulté personne, ni levé la main sur quiconque. 6 heures de garde à vue collective à ciel ouvert avec intimidation policière. Durant ces 6 heures, aucune vitrine de la Place n’a été brisée, aucune dégradation de biens publics. Je peux vous dire que pourtant, au bout de plusieurs heures, moi-même qui suis pacifiste, je commençais à nourrir une certaine colère. Besoin de protester. Oui. Car besoin de dire Non à des « innovations policières » de ce genre. Cette rétention était injustifiée, anormale. Nous étions sans cesse mis sous pression, et les armes déployées étaient démesurées face à la population retenue. Je me rendais simplement, comme beaucoup de ceux présents cet après-midi à Bellecour, à une manifestation, déclarée et autorisée par la préfecture.

Ce soir, je n’arrive pas à dormir.

Lou-Andréa, étudiante à l’Ecole Normale Supérieure, Master Sociologie.
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Message par Matrok » 29 Oct 2010, 17:18

(Jacquemart @ vendredi 29 octobre 2010 à 13:55 a écrit : Voici un témoignage que j'ai reçu par mail.

a écrit :Jeudi 21 octobre 2010. Témoignage des évenements de la Place Bellecour, Lyon. (...)

Ce témoignage fait partie de ceux qui se trouvent sur le site web que j'avais cité plus haut.

(Matrok @ lundi 25 octobre 2010 à 18:43 a écrit :Le site rebellyon.com (quoi qu'on en pense par ailleurs, et je serais le premier à qualifier ses "analyses" de gauchistes et inconséquentes) a recueilli plusieurs témoignages que je vous invite à lire ici :
Témoignages sur la "prison" Bellecour
À lire ça, j'ai mieux compris pourquoi certains camarades parlaient du "piège" que serait devenu la place Bellecour...


Dans mon labo, je l'ai déjà dit, personne n'est jamais en grève ni ne va jamais aux manifs. Cependant les échos de ce qui s'était passé ce jeudi ont quand même soulevé une certaine indignation...
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