a écrit :Non à la Constitution européenne,
Oui, à une Europe des travailleurs et des peuples,
aux Etats-Unis socialistes d’Europe !
« Bien entendu, les Français sont directement concernés, et ils seront donc directement consultés… » A entendre Chirac annoncer, le 14 juillet, la tenue d’un referendum sur la Constitution européenne, la question n’aurait jamais souffert la moindre hésitation…
Propos de bateleur, Chirac tente à nouveau de se donner une dimension gaullienne, au-dessus des calculs politiciens. Il espère que « les hommes politiques ne polluent pas […] le vrai débat » auquel il invite les Français à s’associer.
Trois jours plus tard dans Le Monde, Douste-Blazy, en précisant les propos de Chirac, ne faisait que mieux en souligner le calcul politique : « Oui. En choisissant la voie du référendum, le président de la République permet à chaque Français de se déterminer sur un choix historique qui engage notre avenir et celui de nos enfants. C'est la raison pour laquelle il faudra éviter que ce référendum soit pollué par des enjeux de politique intérieure. Je m'y emploierai, en faisant activement campagne pour le "oui". »
Jusqu’alors, Chirac avait tendance à écarter le referendum, il craignait qu’il ne se transforme en vote sanctionnant son gouvernement. Il a choisi maintenant d’en faire un atout politique, dans l’objectif de prolonger le consensus du 5 mai 2002. Ce que les socialistes ont bien compris comme l’a exprimé Fabius en déclarant : « je ne pense pas qu’il faille toujours voter avec Chirac » (Le Monde du 23 juin).
Chirac aimerait-il que le Parti socialiste « l’aide dans cette affaire ? », interrogeaient les journalistes le 14 juillet. Il répond avec la même fausse naïveté : « Le Parti socialiste fera ce qu’il estimera devoir faire. Ses représentants ont été, à la Convention, tout à fait sur la même ligne que les propositions de M. Giscard d’Estaing ».
C’est précisément ce qui embarrasse une partie des dirigeants du PS, conscients que leur posture d’opposition au gouvernement repose sur une marge bien étroite. Hollande, qui avait tardé à déclarer son adhésion au projet de constitution, est plus réservé sur le referendum : «Notre réponse, a-t-il déclaré après l’interview de Chirac, ne peut être acquise à ce jour pour une consultation qui aura lieu à la fin de 2005».
Mais c’est Jack Lang qui est le plus explicite, dans une interview réalisée par Le Monde le 20 juillet dernier. « Les socialistes sont les premiers à avoir demandé un référendum. C'est donc pour nous une victoire importante », commence-t-il par se réjouir, pour ajouter aussitôt : « Je retourne l'argument utilisé par J Chirac : cette consultation ne doit pas être "polluée" par la "petite politique". N'oublions pas que nous avons été trompés à deux reprises au moins. La première fois, le 5 mai 2002, quand nous avons apporté notre soutien au candidat Chirac. Ce contrat moral a été déchiré comme un chiffon de papier au bénéfice d'une politique de régression sociale et de sectarisme politique. La deuxième fois sur l'Irak alors que nous avons été les meilleurs soutiens du président. Croyez-vous que nous avons été ensuite consultés, associés ? Pas une seule fois. »
Cette indignation vertueuse et hypocrite révèle à quel point répondre, dans un sens ou dans l’autre, à ce referendum, serait pour les militants du mouvement ouvrier, se prêter à une imposture démocratique. Le choix qu’offrent les partis de droite ou de gauche qui ont tous, à un titre ou à un autre, soutenu ou mis en œuvre au gouvernement, une politique anti-ouvrière qui s’inscrivait dans le cadre de l’Europe de la BCE et de la finance est bel et bien truqué : c’est un choix entre le « oui » de l’adhésion à cette Europe et au gouvernement, actuel ou futur, qui y inscrit sa politique, et le « non » de ceux qui s’affirment opposés aujourd’hui à ce qu’ils ont fait hier, sans parler du « non » des souverainistes d’extrême droite, de droite ou de gauche.
Pour que les populations puissent réellement choisir sous quelle forme politique elles veulent coopérer au sein de l’Europe, c’est une assemblée constituante qu’elles devraient pouvoir élire. Mais une telle volonté démocratique est incompatible avec la nature et les objectifs de l’Europe des bourgeoisies.
Elle ne peut devenir une réalité que dans la rupture révolutionnaire avec cette Europe, elle est indissociable de la perspective des Etats-Unis socialistes d’Europe.
C’est cette perspective, celle d’une Europe des travailleurs et des peuples, que nous devons défendre, comme nous l’avons fait aux élections européennes avec Lutte Ouvrière. Etre offensif sans nous laisser enfermer dans les fausses logiques institutionnelles ou les fausses évidences des raisonnements binaires, c’est affirmer clairement une alternative révolutionnaire et internationaliste.
Il n’y a pas, du point de vue des intérêts du mouvement social, de frontière entre ce qui serait un enjeu européen et un enjeu de politique intérieure. Il y a une même politique, les mêmes intérêts de classe, que les partis au pouvoir, ou ceux qui aspirent à y revenir en 2007, tentent de masquer.
Galia Trépère