Sur le sujet Charlie Hebdo : les caricatures provocatrices, c'est depuis toujours leur spécialité. Il y en a sur l'islam comme sur les églises chrétiennes. Il y en a sur les politiciens qui nous gouvernent, sur les émirs des pays arabes et sur la politique du gouvernement d'Israël. Toutes les caricatures sont susceptibles de heurter quelqu'un. Quand on caricature Fillon, ça heurte les gens de droite. Quand on caricature Le Pen, ça hérisse les gens du FN. Quand on caricature le PS, ça révulse les gens du PS. Et certains, carrément ça les "blesse". Même chose pour les religions. C'est le principe de la caricature provocatrice. Un truc que les dictateurs et les puissants n'ont jamais aimé et ont toujours eu envie d'interdire.
La question que je poserai à ceux qui critiquent Charlie Hebdo (et qui en ont parfaitement le droit !) est donc :
si vous étiez en situation d'exercer un pouvoir de censure contre Charlie Hebdo, est-ce que vous l'exerceriez ?Moi, non. Et pourtant, je n'apprécie pas trop Charlie Hebdo. Les rares fois où je l'ai acheté, certains trucs m'ont fait rire ou sourire et d'autres non. Mais si ce journal venait à disparaître, je ne ferais pas partie de ceux qui crieraient "Bon débarras !". Parmi ceux-là, on trouverait la plupart des politiciens des grands partis qui nous gouvernent (car ils font les hypocrites à manifester après l'attentat, mais ils n'en pensent pas moins) et un bon nombre de responsables religieux de tout poil. Au contraire, c'est très important que certains puissent librement critiquer tel ou tel aspect de la société même si ça fait grincer des dents ceux qui sont visés. Et je dirai exactement la même chose du Canard Enchaîné même si ça lui est arrivé de dire des conneries sur LO (recopiées chez d'autres).
Quant à savoir s'il existe une évolution interne à Charlie Hebdo, là je ne sais pas. Est-ce vrai ou pas ? Aucune idée, mais si je comprends bien, c'est ça qui chiffonne certains interlocuteurs. Ceux-ci en voient la "preuve" dans les dessins du journal, mais en eux-mêmes, les dessins ne prouvent rien. Il est question de "déclarations", mais celle de Riss qui a été citée ne montre rien non plus, je trouve. Bref, pour y voir une évolution vers une position réac, du moins sur la base des seuls éléments étalés ici, il faut d'abord chausser les lunettes qui prédisposent à voir une position réac. (Jusqu'à preuve du contraire. Une telle évolution est bien sûr possible, c'est déjà arrivé à d'autres, les gens qui dérivent dans toutes sortes de directions ça se produit régulièrement, de Dieudonné à Fadela Amara. Mais là non... jusqu'à preuve du contraire.)
(Salut Ian, tu parles carrément de racisme, sexisme et homophobie à propos de Charlie Hebdo, sur quoi tu te fondes ? De mon côté je n'ai pas dû en lire assez pour y remarquer ça et, dit comme ça, ça me semble excessif, mais si c'est le cas, tu peux illustrer ?)
Ici, un article sur Riss dans l'Huma de l'an dernier.
https://www.humanite.fr/riss-lhomme-der ... ure-614129Sur le fait que la critique de l'islam vise en particulier les plus opprimés dans notre société, et donc, que cela revient à faire front avec les réacs ou avec la politique impérialiste etc., pas d'accord. L'islam c'est aussi bien les populations de diverses obédiences qui n'aspirent qu'à vivre tranquille, n'embêtent personne et veulent seulement qu'on leur fiche la paix, que les régimes qui s'en réclament. Et là aussi il y a toute une palette, entre le Maroc et la Tunisie, l'Egypte et la Turquie, l'Iran et l'Arabie saoudite, la Mauritanie et DAESH (un Etat religieux, non reconnu et actuellement en difficulté mais un Etat religieux quand même). Le point commun de tous ces régimes, c'est qu'ils utilisent l'islam pour maintenir leur population sous leur coupe. D'ailleurs, ici aussi, en France, certains politiciens à la Sarkozy tout en tenant des discours écoeurants de racisme ont oeuvré dans les faits pour que l'islam se structure en lien avec les autorités du pays, dans un but de meilleur contrôle de la population musulmane en France. Et nos politiciens sont en général en très bons termes avec les "représentants du culte musulman". Enfin, à l'époque coloniale, les autorités françaises ont toujours tout fait pour que les populations musulmanes croupissent dans la misère et l'ignorance sous l'égide de leurs chefs religieux ou traditionnels. (Et dire qu'il y a des gens pour revendiquer ces traditions comme un combat anticolonialiste !)
L'islam n'est pas une religion d'opprimés, c'est la religion qui s'impose à une partie des opprimés, et qui concourt à les laisser précisément mariner dans leur oppression et leur soumission. Les religions d'opprimés, dans le sens "religion dans le camp des opprimés", ça n'existe pas. Je parle bien sûr des religions dans leur ensemble, pas de tel ou tel individu, ça c'est autre chose.
C'est bien ce que reflète le deuxième paragraphe figurant au dos de chaque numéro du "Pouvoir aux travailleurs", le journal de nos camarades africains de l'Union Africaine des Travailleurs Communistes Internationalistes (UATCI), dans la rubrique "Ce que nous voulons" :
"Contribuer, par la propagande et l'éducation, à soustraire les travailleurs à toute forme d'obscurantisme, à l'influence réactionnaire de toutes les religions, chrétienne, musulmane, animiste ou autre, qui prêchent toutes la patience et l'accommodement avec l'ordre établi et qui sont parmi les meilleurs auxiliaires des classes exploiteuses".
Ces camarades militent en Côte-d'Ivoire et dans l'immigration africaine en France (immigration en provenance de nombreux pays africains aux situations différentes, Sénégal, Mali, Mauritanie, Tchad, Madagascar etc.) et recrutent y compris sur cette base. Je dis ça, histoire de ne pas se voir taxer de "LO-l'organisation-qui-ne-peut-pas-comprendre-ces-questions-parce-que-blanche-donc-nécessairement-du-côté-des-oppresseurs", comme c'est arrivé parfois.
Donc, il y a apparemment d'autres pratiques et d'autres façons d'aborder cette question de la religion dans les autres groupes d'extrême-gauche en France, mais nous, nous procédons comme ça. Avec plus ou avec moins de succès que d'autres ? Plus, je ne sais pas, mais assurément pas moins.
Après, la question de savoir
comment en tant que militants on s'adresse à une personne croyante, par exemple musulmane, c'est encore autre chose et ce n'est précisément pas du tout la préoccupation d'un Charlie Hebdo ! (Comme l'a si bien dit Mattathias, il ne faut pas confondre !)
Evidemment on ne va pas engager un premier contact en brandissant la Une de Charlie Hebdo sous le nez de la personne avec qui on souhaite discuter ! Le plus important, c'est de réussir d'abord à faire en sorte que le sentiment d'appartenir à la même classe sociale des exploités prenne le dessus sur celui d'appartenir à la même religion que le roi d'Arabie saoudite (et pas en acceptant une pirouette du genre "oui mais le roi d'Arabie, c'est pas un bon musulman").
Mais une simple discussion sur un marché ou à la sortie d'une entreprise, ça ne suffit pas. Pour avancer sur ce terrain, il faut d'abord que la personne ait compris qui elle avait en face, il faut un rapport de confiance basé soit sur une pratique commune du syndicalisme, soit sur un bon rapport de voisinage etc., et qu'elle sache que celui ou celle qui lui parle est quelqu'un qui manifeste aux côtés des sans-papiers et qui défend l'idée de l'accueil de tous les réfugiés sans discrimination. A partir de là, quand il est clair pour la personne qu'elle n'a pas affaire à un réac / raciste, tout devient possible même discuter de la religion. Et parfois on peut être surpris, quand la personne en face en rajoute même un peu au lieu de freiner... Et si ça ne marche pas, tant pis, on ne va pas se fâcher pour autant !
Donc, voilà. Avec ce processus, quelqu'un qui garderait certaines croyances religieuses mais ne ferait pas de prosélytisme, peut tout à fait rester très proche de LO, dans l'entourage immédiat si l'on peut dire, et participer à certaines activités, des réunions politiques, des petites bouffes de quartier, des diffusions de tracts etc., des choses qui, selon les critères d'autres organisations, seraient déjà de "l'interne". Mais les militants, eux, sont tous athées. Et adeptes du matérialisme dialectique. Dans mon coin par exemple, on est un bon petit groupe de LO (avec y compris des camarades d'origine maghrébine) mais de temps en temps quand on distribue des tracts sur le marché, un vieux monsieur protestant, ancien employé, veut absolument nous filer un coup de main, et il en donne plein, des tracts LO !