Laïcité
La melting manif des antiloi
De la LCR aux collectifs musulmans, ils étaient quelques centaines à Paris. Par Thomas COLINON et Catherine COROLLER et Charlotte ROTMAN
jeudi 05 février 2004
«Le débat sur la laïcité a été pris en otage par ceux qui veulent réduire le débat citoyen à un affrontement communautaire.» Communiqué des militants laïques à Strasbourg.
De visu, le mélange est assez inédit. Des jeunes filles voilées et des hommes portant le collier de barbe des musulmans pratiquants, des hommes et femmes arborant un autocollant des Jeunesses communistes révolutionnaires, de la Section carrément anti-Le Pen (Scalp), de la LCR, du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap)... «C'est la création d'un pôle musulmano-mouvementiste [allusion à l'extrême gauche proche du mouvement altermondialiste]», rigolent Tawfik Kawtari et Omeyya Seddik, dirigeants du Mouvement de l'immigration et des banlieues. Hier, ce pôle manifestait contre le projet de loi sur la laïcité. Ces organisations réunies au sein du collectif «Une école pour tous-tes» avaient appelé à un rassemblement devant l'Assemblée nationale. Plusieurs centaines de personnes ont répondu à l'invitation.L'alliance entre ces organisations n'a pas été facile à conclure. Si les associations musulmanes Collectif des musulmans de France, Etudiants musulmans de France, Jeunes Musulmans de France, Participation et Spiritualité musulmanes défendent la liberté pour les femmes de porter le voile, d'autres, comme le Centre d'études et d'initiatives de solidarité internationale, y sont plutôt hostiles. L'accord s'est fait sur le refus de l'exclusion des filles voilées.Sur la place où sont réunis les manifestants, l'ambiance est bon enfant. Quelques banderoles, une sono qui braille du rap. Le député Noël Mamère, seule personnalité politique à s'être ralliée à la manifestation, vient faire un tour pour dénoncer une loi «de circonstance, dangereuse, qui vise à stigmatiser la deuxième religion de France», l'islam. Gilles Lemaire, le secrétaire national des Verts est là aussi.Dans un coin, un homme s'agenouille pour faire la prière. Le service d'ordre lui demande gentiment de s'abstenir. Il ne s'agit pas d'une manifestation religieuse. Des tracts circulent. L'un annonce que «deux jeunes filles ont décidé d'entamer une grève de la faim ; et ce en qualité de citoyennes françaises de confession musulmane». Un autre appelle à manifester contre la loi sur la laïcité, samedi à Paris. Une femme déclare qu'elle n'ira pas : «On considère que, parmi les organisateurs, certains ne sont pas corrects. On préfère aller là où c'est plus clair.» A l'origine de cet appel, on trouve en effet un rassemblement d'associations musulmanes mal identifiées. Le collectif Une école pour tous-tes organisera sa propre manifestation le 14 février.Hier, d'autres rassemblements se sont déroulés dans plusieurs villes de France. Le deuxième en nombre a regroupé 200 personnes à Strasbourg, également à l'appel du collectif Une école pour tous-tes. Beaucoup de jeunes filles voilées, mais aussi des personnes opposées au port du voile, qui souhaitaient dénoncer «une loi discriminatoire et liberticide».Un peu plus tôt dans la journée, les «prolois» s'étaient également fait entendre. SOS-Racisme a présenté un collectif «Laïcs, retrouvons-nous», et lancé une «contre-offensive citoyenne». Dans leur communiqué signé par Pierre Bergé, Bernard-Henri Lévy, Jack Lang ou Sonia Rykiel, ces militants se disent «inquiets, parce que le débat sur la laïcité a été pris en otage par ceux qui veulent réduire le débat citoyen à un affrontement communautaire. La laïcité est pour ceux-là un obstacle à abattre pour mieux attaquer la dignité de la femme et enjoindre chacun à se réfugier dans une communauté religieuse». Ils appellent à manifester le 6 mars.