a écrit : Ottokar
1) elle souligne à juste titre que l'URSS s'est développée, infiniment plus que les autres pays capitalistes comparables, grâce à la planification d'Etat et malgré les gâchis de la bureaucratie, les détournements, la dictature et le massacre de millions de paysans dans la collectivisation, d'ouvriers dans cette industrialisation désordonnée des années 30. Ni plus ni moins.
2) "Le socialisme a montré sa validité non dans les pages du capital mais dans les plaines d'Ukraine etc. " C'est ce bilan que le discours défend et qui fait dire à Trostky (et je suis d'accord avec ça aussi) que oui, les bolchéviks à la tête du prolétariat russe ont bien fait de tenter de changer le monde, même s'ils ont échoué à le faire
1)L’URSS ne s’est pas développée plus vite que les pays équivalents. C’est un mythe. Cela pouvait sembler vrai… en 1939. C’est sur cette période que Trotsky s’appuyait. Mais, à l’échelle historique, c’est faux. Si l’URSS avait atteint un tel niveau, la Russie d’aujourd’hui, héritière de l’URSS, ne serait pas au niveau où elle se trouve actuellement. Beaucoup d’autres pays se sont développés plus vite sur la période 1928-1990.
2) Le socialisme n’a prouvé sa validité ni dans les plaines d’Ukraine, ni dans les steppes du Caucase, ni ailleurs, pour la bonne raison qu’il n’y a jamais eu de socialisme en URSS.
La concentration de l’économie aux mains de l’Etat a seulement prouvé qu’on pouvait construire une industrie militaire relativement puissante et relativement moderne, en consacrant la majeure partie du surproduit social à cet objectif, au détriment des conditions de vie de la population. La Chine maoiste, et des pays comme la Corée du Nord voire… l’Iran des mollahs (qui sont mysogines et homophobes mais pas technophobes…) prouvent exactement la même chose.
Cette concentration des moyens dans l’industrie lourde et militaire, et les sacrifices qui en découlent pour la classe ouvrière et l’ensemble de la population, auraient pu à la limite
se justifier si l’objectif de l’Etat avait été la révolution mondiale. Mais, à partir du moment où, au contraire, l’Etat de l’URSS jouait un rôle contre-révolutionnaire, ces sacrifices étaient faits en pure perte.
Oui, la tentative des bolcheviks de changer la société était justifiée, comme l’était avant elle celle des Communards. Mais nul besoin d’invoquer une supériorité imaginaire de l’économie de l’URSS stalinienne pour justifier cette tentative !
La référence aux origines de la révolution russe, aux premiers congrès de l’Internationale, oui. Mais ça n’implique pas de porter un jugement « globalement positif » sur l’économie stalinienne qu’il faudrait distinguer du reste de la politique stalinienne.
LA PLANIFICATION
Personne, parmi nous (enfin sur ce forum), ne doute de la nécessité de planifier l’économie à l’échelle mondiale. La crise le montre plus que jamais. On aimerait d’ailleurs entendre plus souvent les représentants de l’extrême-gauche évoquer cette nécessité.
Mais la planification dans un Etat isolé n’a pas en elle-même un caractère de classe – tout dépend qui la met en œuvre. C’est l’erreur de Trotsky qui considérait qu’il s’agissait d’un critère de classe, parce que la planification était hors de portée d’un Etat bourgeois. Or la Chine maoiste a prouvé le contraire.
Alors, la planification stalinienne a-t-elle eu un caractère progressiste ? Représente-t-elle un apport historique pour l’humanité ? D’une part, dès l’époque où elle a été mise en place, le problème fondamental de la société n’était plus le développement des forces productives, mais leur mise au service de la population. Donc, même le développement économique de l’URSS – beaucoup plus limité que ne le croyaient les staliniens et les trotskystes – n’a pas vraiment un caractère progressiste. On voit bien aujourd’hui que ce n’est pas l’URSS qui a fait progresser de façon significative les forces productives à l’échelle mondiale. L’arriération de son industrie à la veille de son effondrement le montre clairement. Cette arriération est d’ailleurs une des causes de l’effondrement de l’URSS.
Reste que la Russie a connu une « révolution double », à la fois bourgeoise et prolétarienne. Une fois le prolétariat écarté du pouvoir, les acquis de la révolution bourgeoises sont restés, en particulier la destruction des structures pré-capitalistes, féodales etc. Tout comme en Chine d’ailleurs.
Mais, à l’échelle historique, les souffrances terribles imposées à la population, les massacres, le travail forcé, la terreur etc ont été infligés en pure perte.
On ne peut donc pas se revendiquer de cette planification comme d’une démonstration positive du « socialisme », puisqu’elle est absolument inséparable de la dictature la plus féroce. Dictature qui était indispensable pour concentrer le surproduit social entre les mains de l’Etat. Sans dictature, ni les paysans ni les ouvriers n’auraient accepté de pareils souffrances et sacrifices pendant des dizaines d’années.
SUR LE COURANT CLIFF
A mon avis, c’est le courant de Cliff qui a le mieux compris le phénomène stalinien après la seconde guerre mondiale, en le plaçant dans le contexte du développement économique ET de l’apparition d’Etats semblables comme la Chine. Le courant trotskyste majoritaire a capitulé devant le stalinisme en voyant de nouveaux Etats ouvriers, et LO a adopté des positions incohérentes, dont elle paie encore le prix maintenant en se trouvant obligée de voir toujours un Etat ouvrier dans la Russie de Poutine.
Le courant Cliff a fait l’effort de réfléchir sur l’évolution du capitalisme depuis la seconde guerre mondiale, ce que n’a pas fait LO.
Cela ne signifie pas que ce courant, et Cliff lui même, ne se sont jamais trompé, n’ont jamais hésité, n’ont pas modifié leurs analyses. C’est le propre de militants qui réfléchissent en permanence et ne se contentent pas de réciter des dogmes. C’était d’ailleurs l’attitude de Trotsky lui-même qui a maintes fois revu et corrigé ses analyses, a reconnu s’être trompé etc.
Et cela ne signifie pas non plus bien entendu que ce courant aurait eu raison sur tous les autres plans.