[quote=" (Ian @ lundi 30 avril 2012 à 14:10"]
Il me paraît surtout important qu'il y ait une opposition de gauche à ce gouvernement. Peu importe les étiquettes, ce qui va compter c'est la capacité à peser et faire entendre une opposition de gauche, sans laisser tout le terrain de l'opposition gouvernementale à la droite.
A mon avis c'est surtout le terme "de gauche" qui dérangent certains intervenants. Vouloir mener une opposition de gauche au futur gouvernement Hollande... c'est un peu ce que veut faire Mélenchon en fait. Alors s'il faut éviter de resortir les leçons du passé, comparons-le à
Die Linke en Allemagne, ou le
block de isquierda en Espagne.
Le vocabulaire de Ian est aussi symptomatique de ses sympathies au NPA. Vouloir une opposition de gauche, c'est expliquer que la gauche officielle ne serait pas assez représentative des volontés d'une partie des électeurs de gauche... qu'il faudrait "peser" (selon ses propres mots) pour infléchir le PS tout en lui laissant le pouvoir... "Peu importe les étiquettes" nous dit-il, il faut absolument qu'il y ait des politiciens qui s'auto-estampillent "plus a gauche" pour qu'il y ait un contrebalancement au parlement avec deux partis de gouvernement au centre et deux partis radicaux de chaque côté.
Il faut bien que la république tienne sur ses 4 pieds, c'était d'ailleurs l'un des buts annoncé par Mélenchon: contrecarrer le vote FN dans les milieux populaires.
Si la référence aux leçons historiques est une marque de fabrique LO, c'est vrai que je vois beaucoup de camarades se servir de l'exemple de 1981 dans leurs discussions avec des gens qui s'expriment de gauche; alors cette rengaine sur "la gauche de la gauche" est bien une marque de fabrique de la LCR/NPA. Krivine ou Besancenot n'ont jamais caché leur volonté de constituer un bloc de gauche radicale indépendant du PS... mais soutien de la droite face à l'extreme droite...
On peut pas polémiquer longtemps sur ces deux lignes de Ian, mais je les trouve assez symptomatiques de cette tendance centriste qui cherche à s'intégrer dans le jeu politicien du droite-gauche. Comme si le mot "gauche" représentait encore quelque chose de concret dans les faits. Dans la tête des gens oui, ça comporte encore un certain nombre de valeurs, mais a quoi bon critiquer la gauche officielle si c'est pour en reprendre les termes?
Je pense qu'il faudrait mieux utiliser des termes de classe, ça commencerait par dissiper tout risque d'illusion. Je ne crois pas qu'un gouvernement "vraiment de gauche" pourrait etre bénéfique en l'absence de pouvoir ouvrier. C'est pourtant ce que défendait le NPA dans sa profession de foie: "un gouvernement s'appuyant sur les mobilisations et sur le contrôle de la population"... ce qui ne veut rien dire, il n'y a guère que le mot "mobilisation" qui rappelle vaguement quelques idéaux de gauche, mais on peut difficilement faire plus vide.
Ce type de parti s'est toujours fourvoyé lorsqu'il est arrivé au pouvoir. De multiples exemples historiques le montrent, et les intervenants ont raison de le rappeler. Même soutenu par des masses en colère, Allende ou autres ont du se plier aux exigences des grands capitalistes. Vouloir faire une opposition "vraiment de gauche" revient à constituer la derniere roue du carosse bourgeois en cas de gros pépin; et tant que les militants ne seront pas persuadés que l'on n'a rien à attendre d'un gouvernement ou d'une opposition politique ne se basant pas sur une rhétorique de classe sociale, alors ses militants, et donc le parti ira de compromissions en trahisons.
Et même si le vocabulaire et l'action se maintiennent strictement sur une ligne de classe, comme l'étaient les partis de gauche français avant la seconde guerre, ils ne pourront pas constituer une opposition solide à la bourgeoisie sans une étude rigoureuse de l'histoire politique et sociale, et même philosophique. Ce que le NPA a, selon moi, voulu esquiver en noyant son phrasé révolutionnaire dans un galimatias qui regrouperait tous ceux qui voudraient proposer autre chose que le capitalisme.
La révolution russe a été le seul moment de l'histoire où la classe ouvrière a pris son destin en main, renversé la bourgeoisie et géré le pouvoir elle-même. Ne se référer à ce moment là qu'au milieu de plein d'autres, revient à reléguer la lutte de classe bien en retrait de la lutte politicienne pour la défense des intérêts de la bourgeoisie.
N'importe quel politicien, même d'extreme droite, peut scander des slogans plus à gauche que le pouvoir en place. L'histoire allemande des années 20-30 l'a d'ailleurs prouvé. Mais seule la classe ouvrière peut, dans les faits, opposer une autre politique. Ca me semble d'ailleurs symptomatique de la période actuelle où la classe ouvriere est largement a-politique au sens propre du terme, et que des partis cherchent à pallier ce manque en cherchant des raccourcis politiciens... qui le perdent.
M'enfin, on ne peut pas reprocher au NPA et à ses militants de pratiquer leur propre politique avouée: il y a un espace à occuper à la gauche du PC, il faut s'y engouffrer, grossir, et puis on verra après. Même dans toutes les élections précédentes ce parti s'est entre-déchiré pour savoir jusqu'à quel point on peut passer des accords avec la "gauche pseudo-réformiste", il ne fait pas de doute que lors des prochaines échéances qui ne seront pas forcément électorales, le NPA continuera à être paralysé par son dilemne. Et être paralysé en temps de remontée des luttes, c'est se plier aux volontés du plus fort; en l'occurence le plus fort aujourd'hui, c'est la bourgeoisie, et de loin.
J'espère sincèrement que le NPA arrivera à repartir sur de nouvelles bases enrichies des leçons de son propre passé. Mais je n'y crois pas trop, peut-etre qu'une auto-dissolution permettra de devenir phoenix... ou de finir comme les maoistes.
"peser et faire entendre une opposition de gauche" pourrait parfaitement etre défendu par Mélenchon, c'est d'ailleurs le cas. Pour se faire entendre désormais, ou surtout après les législatives, en revient a faire un choix entre: rentrer dans le cirque médiatico-bourgeois en acceptant leurs politesses; ou s'implanter dans la classe ouvriere par des bulletins de boite ou autres moyens.
Bref, tout ça pour dire que l'on ne peut pas faire économie des leçons du passé. Seuls les partis ayant affiné un travail théorique rigoureux et clair, ainsi qu'un travail d'implantation solide dans la classe ouvriere ont réussi à perdurer dans leurs propres convictions révolutionnaires. Le NPA s'est deja efforcé d'organiser autant que faire se peut les travailleurs qu'il fréquente, mais D.Bensaid s'est bel et bien loupé sur son pari "anticapitaliste" adapté à la "nouvelle période". Ca peut arriver à tout le monde, reste à savoir en faire l'auto-critique, ou plutot les auto-critiques des differents courants bien contradictoires qui composent ce parti. Ca me semble indispensable si le NPA ne veut pas rester dans sa position de torpeur qui l'a obligé à mener une campagne d'auto-dérision... auquel suivra l'auto-critique ou l'auto-destruction?
Il faut faire un choix: peser avec la classe ouvriere, ou peser avec la gauche de la gauche? That is the question.
Je pense que la plupart des "trotskystes" qui composent le NPA se rendent bien compte de cette position bancale qui ne peut etre que mortelle en situation révolutionnaire où il n'existera que deux cotés de la barricade.
Comment la vois-tu toi, Ian, cette opposition de gauche dont tu parles? Quel serait son rôle précis, ainsi que ses méthodes d'action et de propagande? Que représentent pour toi aujourd'hui les valeurs de gauche?
Je te demande ça simplement, ça m'intéresse. C'est une proposition de débat en toute franternité respectant l'égalité du temps de parole, ainsi que la liberté d'expression
