32e congrès du PCF

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Message par Louis » 13 Avr 2003, 22:45

Le congrès de tous les défis

Entretien avec Francis Wurtz (note de LCR : je le trouve délicieux ! surtout quand on sait comment tout ça a fini !)
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Le 32e congrès du PCF, qui s'est tenu du 3 au 6 avril à la Plaine-Saint-Denis, devait relever un premier défi : celui de récuser le pronostic d'une mort annoncée.

La chute inexorable des scores électoraux, l'évidence de l'affaiblissement, les échecs répétés de Robert Hue... Autant de signes que le PCF est un parti en difficulté et autant de questions à prendre à bras le corps. La procédure adoptée pour mener cette réflexion ne manque pas d'originalité. Organisée par une "commission de transparence", sous la houlette de Francis Wurtz, elle a permis l'élaboration d'une "base commune". Les Refondateurs et les militants regroupés autour de Pierre Zarka ont fait le choix de s'inscrire dans ce cadre et d'avancer des "propositions alternatives". L'autre voie possible était de présenter une base différente, devant être soutenue par une fédération ou par 200 militants pour être enregistrée. Deux textes ont ainsi été proposés, l'un par la fédération du Pas-de-Calais, l'autre par Nicolas Marchand et Yves Dimicoli. Donc, un débat à partir de la question centrale de la "mutation" : doit-on ou non lui imputer la responsabilité de la crise ?
Les deux textes alternatifs répondent fermement par l'affirmative, assimilant ladite "mutation" à une dérive à droite du parti. Position exactement opposée : celle de Roger Martelli et Pierre Zarka, qui considèrent que la mutation a échoué parce qu'elle est restée trop timide, que la direction Hue est restée au milieu du gué. Par rapport à une base commune qui préconise de poursuivre sur la voie de la rénovation et de l'ouverture, ils se démarquent par des propositions visant à ce que le PCF se déclare en faveur d'un nouveau parti communiste, se tourne résolument vers le mouvement social et la gauche radicale, avance des propositions en ce sens pour les élections de 2004.

Le défi de la diversité

Les militants ayant eu à se prononcer sur la "base commune" de leur choix, on dispose d'une photographie assez précise du parti. La première donnée est la faible participation des militants, 70 % d'entre eux ne s'étant pas déplacés. Ce qui semble devoir être interprété comme une manifestation de grand mécontentement par rapport à la direction. La deuxième est une absence de majorité au sein du parti : le texte défendu par la direction obtenant 55 % des votes - mais en incluant ceux des militants qui adhèrent aux propositions de Martelli et Zarka -, contre 45 % pour les deux textes alternatifs. Situation inédite à plus d'un titre pour le PCF !
Le texte, à nouveau débattu et largement amendé dans les congrès locaux et lors du congrès national, a finalement recueilli plus de 75 % des voix : rapide progrès du pouvoir de conviction de la direction ou une représentation des congrès locaux quelque peu déformée ? Ce succès a un prix.
D'abord, une perte de clarté quant aux perspectives politiques. Plusieurs intervenants ont souligné un paradoxe : alors que le tête-à-tête avec lui est systématiquement dénoncé comme responsable de l'affaiblissement du parti, le Parti socialiste est le seul à être nominalement évoqué. Si la LCR est fréquemment citée dans les discussions, elle disparaît des textes. La nécessité fortement affirmée d'une "autre construction politique", d'une "démarche radicalement nouvelle", ne s'en trouve guère éclairée... Et la question politique clé - quelle alternative à la satellisation par le Parti socialiste ? - n'a pas été tranchée. Les textes alternatifs prônent un ancrage à ce qui est présenté comme l'identité traditionnelle du parti (le communisme, la lutte de classes, la protestation sociale...), mais les perspectives se bornent à un balisage du champ politique ("ni social-démocratie, ni extrême gauche"), dont on voit mal sur quoi il peut déboucher. L'orientation défendue par les Refondateurs et les amis de Pierre Zarka a, pour sa part, perdu en lisibilité du fait du choix tactique de s'inscrire dans la "base commune". Elle est sans doute apparue comme signifiant une prise de risques excessive pour un parti qui se sent fragilisé et voit menacées ses dernières positions électorales. Quant à la direction, elle se réfugie souvent dans un mutisme qui présente l'avantage de lui laisser les mains libres...
D'autre part, le déficit dans les débats directement politiques s'est traduit par un excédent de passion pour l'élection de la direction. Nombre d'intervenants se sont indignés qu'une direction accusée d'être responsable des échecs essuyés se voit de facto reconduite.
Toutes ces difficultés ont été exacerbées par la manière d'aborder les questions dites de la "diversité". Contre l'évidence de la division profonde révélée par les débats et les votes du parti, on s'est efforcé de maintenir le tabou du refus des tendances, au profit d'un "pluralisme sans tendances". D'où la dramatisation de la présentation, face à une liste bloquée, d'une liste alternative. Celle-ci étant amalgamée à l'idée de tendance, elle-même perçue comme le signe de la social-démocratisation ou le signal de l'éclatement. Alors que le Pas-de-Calais s'était d'emblée inscrit dans la liste commune, Nicolas Marchand et Maxime Gremetz ont présenté une liste alternative de 31 membres. Si, après pressions et négociations, le premier renonçait, le second a tenté de maintenir une telle liste. Exégèse des statuts à l'appui, cette possibilité fut finalement refusée dans un climat proche du psychodrame. Tout cela laissant des traces : au final, 170 votes nuls (24 %), s'ajoutant à la soixantaine de délégués n'ayant pas participé au vote, témoignaient d'une perte de légitimité pour la direction.
Le PCF a montré qu'il était bien vivant. Il a aussi confirmé que les réponses à sa crise restent à définir.

Francis Sitel.


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Entretien avec Francis Wurtz
- Au terme du congrès, quel bilan tires-tu ?
Francis Wurtz - Depuis sept mois, la commission de transparence a organisé le débat de tout le Parti autour d'une quinzaine de questions. L'appréciation de la mutation, le communisme, la crise du capitalisme, le rassemblement et l'union, la conception du parti, les causes de notre échec sans précédent lors des dernières élections... Avec la volonté d'affronter les problèmes les plus cruciaux dans le respect de la diversité du parti, tout en essayant de construire du commun. C'est assez nouveau dans notre culture : provoquer des confrontations d'opinions et d'options, dans le même temps permettre que la majorité tranche et que le Parti ait sur chacune des questions une position claire.
L'expérience est réussie. Je n'aurais jamais imaginé qu'un tel travail collectif, avec des milliers d'amendements, conduirait à un vote aussi massif : 78 % des délégués en faveur du texte proposé. Donc, un sentiment de satisfaction. Même s'il ne faut pas minimiser les difficultés qui sont devant nous. Tout cela s'est fait dans la transparence, avec une grande liberté de ton, dans le respect mutuel et avec la volonté de construire ensemble.

- Les traductions de la diversité lors de l'élection de la direction ont été marquées par de grandes difficultés...
F. Wurtz - C'est normal. C'est difficile sur le plan des idées, quand on arrive aux individus, c'est encore plus difficile. Néanmoins on a surmonté une situation qui pouvait être négative, une sorte de fractionnement.
Comme le prévoient nos statuts, dès lors qu'il y a une liste alternative recueillant au moins 5 % des voix des délégués, le bureau de congrès se réunit pour voir si ses initiateurs estiment que, sous prétexte de désaccord, ils sont ignorés. On a assez rapidement trouvé un accord avec ces camarades pour constituer une liste commune. La pression du congrès a beaucoup aidé. Les délégués qui scandaient "Tous ensemble, tous ensemble !" ont exprimé une profonde aspiration à l'unité. On a réussi à faire cette liste commune que nous souhaitions. Quelques membres de la liste alternative n'ont pas accepté la décision de leur propre responsable, mais ils étaient isolés et les statuts ne leur permettaient pas de maintenir une liste à partir du moment où les initiateurs et nombre des signataires s'étaient retirés.

Propos recueillis par F. S.

Rouge 2012 10/04/2003
Louis
 
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