Bistrots et cotisations sociales

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par NazimH » 13 Août 2007, 14:08

a écrit :
Plus de 25% des hôtels, restaurants et cafés fraudent l'Urssaf

Cafés, restaurants et hôtels sont dans la collimateur du fisc. Dans une étude inédite réalisée durant l'été 2005 auprès de 2 400 établissements, les Urssaf, chargé de collecter les cotisations sociales, annoncent que 26,5 % d'entre eux étaient en infraction et 3 % étaient suspectés de fraudes et près d'un salarié sur dix était employé au noir.


Le bilan 2006 de la lutte contre le travail illégal réalisé par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) qui fédère les Urssaf montre que la fraude est homogène et touche tout le territoire, sauf en Ile-de-France et les DOM où les taux de fraude sont très élevés : respectivement 61 % et 48 %. L'ordre de grandeur du quart représente une borne minimale du taux réel de fraude dans le secteur en France, note l'Acoss.
FAIRE ÉVOLUER LES MENTALITÉS

Les agents de l'Urssaf ont changé de méthode pour évaluer la fraude. Ils ont choisi au hasard des sociétés représentatives du secteur de l'hôtellerie-restauration. Les employeurs ont dû décliner numéro SIRET, nombre de salariés et présenter le registre du personnel. Quelques 7 000 salariés ont été auditionnées pour faire le point sur leur statut et leurs conditions de travail. Résultat : le préjudice pour la Sécurité sociale serait de l'ordre de 10% des cotisations dues, soit des millions voire plusieurs dizaines de millions d'euros de manque à gagner, dans les secteurs des soins médicaux, les retraites, les allocations familiales.

En 2004, une opération similaire avait été lancé sur le littoral méditerranéen et atlantique et avait conclu à 30% d'établissements fraudeurs sur 1 500 contrôles. 4 millions d'euros de préjudice mensuel, selon les Urssaf de Bayonne, Montpellier et Toulon.

Après leur contrôle, les Urssaf ont constaté dans une étude lancée en 2004 qu'"un surcroît de croissance de 5% des montants de salaires déclarés par rapport à ce qu'aurait donné une situation sans contrôle", preuve selon l'Acoss que le contrôle contribue à rendre le contribuable "plus vertueux".

André Daguin, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih, patronat), qui représente 200 000 établissements, a "condamné les fraudeurs qui exercent une concurrence déloyale envers leurs collègues"."La meilleure façon d'éradiquer ce genre de fraude serait le passage à une TVA à 5,5% dans la restauration, comme chez le charcutier ou le kebab du coin", a-t-il ajouté. L'Umih a mis en place une formation de trois jours, obligatoire depuis le 15 mai, pour ouvrir le moindre bistro, boîte ou restaurant.

En France, le travail dissimulé pour absence de déclaration d'embauche d'au moins un salarié, de bulletin de paie ou de sous-déclaration des heures effectuées est une fraude passible de 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende.

LE MONDE



Et voilà ces entreprises qui vont faire "travailler plus"...

Tout est édifiant dans cet article.

1) L'absence totale de contrôle des "lois sociales" de la part de l'Etat : si les travailleurs veulent que les patrons respectent des règles qui leur soient moins défavorables, il faut qu'ils les fassent respecter eux-mêmes.

Au passage, la télé notait que dans une station balnéaire méditerranéenne (cap d'Agde) il y avait un contrôleur URSSAF pour 1500 restaurants... Pourtant sur le papier la sanction est lourde... 3 ans de prison

Question à 100 euros : combien de condamnations ont été prononcées en 2006 pour ces faits ? :whistling_notes:

2) La dissimulation des heures effectuées a pour seul but de permettre au patron d'échapper aux cotisations sociales c'est à dire à diminuer les SALAIRES (les cotisations font partie du salaire sous une forme indirecte). Mieux même le patron va toucher une aide aux bas salaires ou au temps partiel (baisse supplémentaire de charges).

L'arrangement semble parfois gagnant sur le coup (sur le plan purement individuel) au salarié concerné : le patron lui refile parfois une part minime des cotisations et il peut éventuellement diminuer son impôt. Mais souvent c'est une grossière erreur de calcul. Les travailleurs concernés sont des travailleurs souvent frappés par le chômage : la sous-estimation de leur salaire conduit à la baisse de leur allocation de chômage. De plus le calcul de leur retraite est largement diminué. Il n'est donc même pas sûr que le salarié concerné y "gagne", contrairement à une croyance largement répandu.

Et puis bien sûr avec ce type d'arrangement, le salarié ne peut jamais revendiquer collectivement une hausse de son salaire. Le patron a une réponse toute prête : "fais des heures" (il peut aussi menacer de leur suppression etc...)

3) En région parisienne, c'est simple tous les bistrots et cafés fraudent. D'ailleurs si vous connaissez personnellement un patron (c'est mon cas) il ne s'en cache pas une seconde. La dissimulation d'une partie du chiffre d'affaires est une pratique NORMALE, USUELLE de la profession. Et celui que je connais n'est pas le plus âpre au gain de ces gens-là ... Il avoue sans aucun problème qu'il peut très bien faire travailler un cuisinier pendant trois mois sans aucun contrat ("faire des papiers, c'est difficile" sic !)

Et pendant ce temps on multiplie les contrôles sur les "assistés" du RMI ou du chômage...

4) A noter dans l'article la réaction du représentant des bistrotiers. Sans aucun état d'âme, il revendique ... le droit à faire encore plus d'argent -comme il est malin il présente cela sous la forme de la baisse de la TVA qui bien sûr profitera au consommateur ou au salarié ! Par quel mystère cela incitera-t-il cette fraction de petits et grands possédants à ne pas se mettre cela dans la poche ? On ne sait pas ils seront peut-être touchés par la grâce...

Quelle société misérable que la notre qui pourchasse des enfants venus d'ailleurs et laisse des coquins entasser leurs tristes picaillons...
NazimH
 
Message(s) : 26
Inscription : 15 Oct 2003, 15:34

Message par jeug » 13 Août 2007, 16:06

(NazimH @ lundi 13 août 2007 à 15:08 a écrit :Quelle société misérable que la notre qui pourchasse des enfants venus d'ailleurs et laisse des coquins entasser leurs tristes picaillons...

Une société de classes, dont l'une est dominante, de manière criante, et l'autre exploitée.
Et cette société est tout entière au service de la domination de la première sur la 2ème, par ses lois économiques, par son appareil répressif au service de ces mêmes lois, par toute son organisation en fait.
Et pour que ça change, pour arriver à une société sans classe, il faut commencer par renverser cette situation, que ce soit au contraire la classe jusqu'ici exploitée de façon éhontée qui se mette à exercer son contrôle, notamment économique, et pas seulement sur le paiement de la TVA et des charges patronales.
jeug
 
Message(s) : 35
Inscription : 18 Jan 2007, 16:13

Message par south hamerik1 » 14 Août 2007, 00:41

(jeug @ lundi 13 août 2007 à 17:06 a écrit :
(NazimH @ lundi 13 août 2007 à 15:08 a écrit :Quelle société misérable que la notre qui pourchasse des enfants venus d'ailleurs et laisse des coquins entasser leurs tristes picaillons...

Une société de classes, dont l'une est dominante, de manière criante, et l'autre exploitée.
Et cette société est tout entière au service de la domination de la première sur la 2ème, par ses lois économiques, par son appareil répressif au service de ces mêmes lois, par toute son organisation en fait.
Et pour que ça change, pour arriver à une société sans classe, il faut commencer par renverser cette situation, que ce soit au contraire la classe jusqu'ici exploitée de façon éhontée qui se mette à exercer son contrôle, notamment économique, et pas seulement sur le paiement de la TVA et des charges patronales.
entièrement d'accord avec toi, mais le seul problème pour arriver à cette société sans classe c'est non seulement d'abolir ces classes mais faire aussi que aucun de ce qui l'abolissent ne se sentent tellement supérieur qu'il en recréera une
c'est ça la vraie révolution.... c'est faire qu'aucun(e) ne puisse la reprendre à son compte :victory:
south hamerik1
 
Message(s) : 0
Inscription : 19 Avr 2007, 15:57

Message par chuck » 14 Août 2007, 09:18

Et encore, là on parle de petits commerçants de quartier. A quand une évaluation grandeur nature des fraudes fiscales et du travail non déclaré dans les grands groupes, y compris chez leurs sous-traitants ?
chuck
 
Message(s) : 0
Inscription : 15 Sep 2006, 17:34

Message par NazimH » 14 Août 2007, 12:16

a écrit : Et encore, là on parle de petits commerçants de quartier. A quand une évaluation grandeur nature des fraudes fiscales et du travail non déclaré dans les grands groupes, y compris chez leurs sous-traitants ?


Oui enfin là je suis d'accord et je ne suis pas d'accord. D'abord parler de petits commerçants de quartier c'est une erreur pour une bonne partie des bistrotiers parisiens ( ceux qui fraudent le plus).

Souvent leurs patrons possèdent plusieurs établissements et ils ont des capitaux investis de l'ordre de plusieurs millions d'euros, sans parler des plus importants encore... En parlant de petit commerçant à propos de ces gens on rentre dans leur petit jeu du gentil cafetier de quartier etc ... Alors d'accord faisons des différences. Mais entre le serrurier qui a une échoppe "clés-minutes", le bar avec trois chaises et 40 000 euros de fonds de commerce et la famille Peugeot, il y a de la place.

Et la place c'est toute la gamme de la bourgeoisie petite et moyenne dont certains (pas tous bien sur) sont et seront indécrottablement hostiles aux intérêts des travailleurs.

Mais surtout ce qui me hérisse chez toute cette profession -même les "sympas"- c'est que ce sont des défenseurs (et des pratiquants) sans état d'âme des pires valeurs bourgeoises. Ils les véhiculent par toutes les pores.

Deux exemples pour illustrer.

1) Un tiré de mon expérience. Un restaurateur ("sympa" hein, bon enfant et jovial et tout, bref celui qu'on aime...) parle de sa carte (de plats) et de sa conception : " voila tu mets une petite viande genre magret de canard avec des patates persillées, un petit dessert genre fondant au chocolat et là tu te gaves avec une formule à 18-20 euros. Ca coute quelques euros à peine si tu fais cavaler les serveuses (note de moi : oui il ne faut surtout pas trop mettre de personnel et si une serveuse râles "tu lui expliques qu'elle se trompe car à moins nombreux elle se fait plus de pourboires".. - fin de la note). Et en plus si tu mets des chandelles le gars offrira à sa femme une bouteille et là c'est bingo !" (les expressions ne sont pas de moi et j'ai un peu résumé).
Voilà l'envers des restaurants "sympathiques", "décontractés", "intimistes" j'en passe et des meilleures car pour le baratin sur "l'ambiance chaleureuse et accueillante qu'a su créer le propriétaire" vous trouvez toujours des guides pour vous faire l'article. L'envie de faire de l'argent est principale et tout le reste c'est une stratégie de vente.

Alors après, à la télé, on vous vend les "grands chefs" à 200 euros le repas : eux font cela "par passion". C'est le rêve ! Et puis quand on veut se payer le rêve et qu'on en a pas tout à fait les moyens, on s'offre l'ersatz à 20 euros le samedi soir (moi le premier sauf que je ne craque jamais sur la bouteille malgré les chandelles, trop radin, on ne me la fait pas ^^).

Donc premier commandement : après l'argent tu courras en exploitant tes salariés et en vendant sans état d'âme.

2) Le deuxième exemple c'est l'attitude qu'ont prises il y a quelques mois les quelques restaurateurs branchés, "cool" qui sont situés à Paris près du canal Saint-Martin. C'est là que les SDF avaient planté leur tentes avec Les Enfants de Don Quichotte.

Au début, ils ont rien dit, non je suis méchant, ils ont même soutenu pour certains. C'est qu'attention ils ont quand même une conscience...Et puis assez vite la plupart ont fait ouvertement pression pour que "les pauvres se barrent". Leur principal grief c'est que cela les empêchait de vendre tranquillement leur bière ou leur consommé de fenouil.
Si vous avez suivi l'affaire, vous aurez vu défiler à la télé et à la radio une panoplie de "petits commerçants et restaurateurs" ( dans ce quartier, je peux vous garantir qu'ils ne sont pas si "petits") étaler leurs préjugés les plus crasses avec plus ou moins de vergogne.

Second commandement : à l'exploitation tu rajouteras le mépris ...

Bon je sais, dis comme cela il y en a plein qui ne sont pas comme cela. M'enfin la bourgeoisie ça existe et elle n'est pas limités aux capitalistes !
Ce sont ces gens qui forment une fraction de la base sociale du capitalisme. Ils n'en sont pas les principaux profiteurs certes... mais descendre en flèche leurs attitudes réactionnaires, cela soulage...

Sur ce que tu dis des grands groupes capitalistes, la fraude qu'ils pratiquent, à la limite ils n'en ont même pas besoin. Comme tu le dis justement ils font pression sur leur sous-traitants (qui eux fraudent alors, pour faire baisser les salaires) pour diminuer leurs couts. Ce n'est pas qu'ils ne cherchent pas à exploiter leurs salariés : mais leur problème c'est surtout de récupérer un maximum d'argent et pour cela ils ont bien d'autres moyens que les bourgeois plus faibles. (intérêt bancaire, aides et commandes de l'État, spéculation boursière, prix de monopoles, dividendes d'actionnaires etc...).

La bourgeoisie petite et moyenne, elle, est fatalement "plus directement au charbon". Elle n'a pas d'autre choix pour gagner de l'argent que de presser directement un peu plus les travailleurs qu'elle a sous sa coupe. C'est en ce sens qu'elle peut paraitre beaucoup plus hargneuse que la grande bourgeoisie. Et c'est ce que je voulais illustrer au travers de cet article.
NazimH
 
Message(s) : 26
Inscription : 15 Oct 2003, 15:34

Message par jeug » 14 Août 2007, 12:58

100% d'accord

Personnellement, j'ai de moins en moins envie d'aller au restau, pour ces raisons.
Alors, vous allez me dire, si on pense à l'exploitation, à ce compte-là, on ne mange plus, on ne roule plus, on ne s'habille plus, etc.
Je réponds oui si on va au restaurant par nécessité, comme c'est une nécessité de s'habiller, etc.
Mais si on y va par plaisir, assez peu pour moi, il est vite gaché.
jeug
 
Message(s) : 35
Inscription : 18 Jan 2007, 16:13

Message par clavez » 14 Août 2007, 18:34

je suis d'accord avec vous tous, les salariés du commerce sont fes lavettes en dessous de tout.
:hinhin:
Tout le monde n'a pas un SNES pour gérer son contrat de travail.
Mais, au fait, les classes surchargés, les attaques en tout genre contre les statuts, la privatisation d'edf, le sevice minimum qui vient....
Est-ce que les travailleurs des grosses boites et des administrations se défendent si brillemment que ça?
En tout cas s'il y avait des luttes le patrons du petit commerce seraient, un peu plus facillement tenu en respect.
Ce sont toujours les plus faibles qui trinquent, les enfants pour l'alcoolisme des parents... pour finir dans le bistrotier.
clavez
 
Message(s) : 12
Inscription : 21 Déc 2002, 23:26

Message par artza » 19 Août 2007, 08:58

Une pratique courante dans la teinturie-pressing et la boulangerie et sans doute dans bien d'autres secteurs.

le salarié est embauché avec un contrat à mi-temps.

Dans les faits il se tape des journées de 8, 9 heures ou plus.

la différence est payée au black.

a écrit :Tout le monde n'a pas un SNES pour gérer son contrat de travail


Certes, sans contestation possible.

Mais, n'est-ce pas valable essentiellement pour les agrégés, CAPESiens etc...
pour les autres n'est-ce pas une autre paire de manches?

A La Poste où la proportion de contractuels (CDI, CDD, CDII) ne cesse de croître.
Il n'y a plus de concours de fonctionnaires.
TOUS les syndicats sont lamentables.
En fait cul et chemise avec la direction.
artza
 
Message(s) : 2527
Inscription : 22 Sep 2003, 08:22

Message par redsamourai » 19 Août 2007, 10:35

ouais. pour reprendre un post l'idée d'un post précédent, j'ai parlé il y a pas longtemps à un jeune apprenti boulanger qui bossait dans une boulangerie en stage et qui était complètement dégoûté de la misère que lui payait son patron, sans parler que ce dernier se vantait d'embaucher que des stagiaires et des gars qu'il pouvait payer le 1/3 ou le quart du salaire normal... C'est sûr que quand les luttes reprendront de la vigueur il y aura surement plein de ces merdeux - dsl du mot, euh en fait non - qui feront moins les malins!
redsamourai
 
Message(s) : 8
Inscription : 26 Avr 2007, 16:51

Message par yannalan » 25 Août 2007, 11:39

Ca me rappelle une formation GRETA de pâtisserie pour des demandeurs d'emploi déjà qualifiés en boulangerie. Je leur avais lu la convention collective de leur secteur, ils étaient écroulés de rire tellement c'était loin de la réalité.
Pour ce qui est des luttes dans ces secteurs, il faut déjà se dire que faire une action collective à un ou deux employés n'a rien d'évident, surtout en période de chômage, et que dans les secteurs comme la boulangerie ou l'hôtellerie-restauration, pas mal d'employés ont l'ambition de devenir eux-mêmes patrons, donc ce qu'ils veulent c'est bosser et gagner de quoi le faire.
yannalan
 
Message(s) : 303
Inscription : 15 Déc 2005, 17:37

Suivant

Retour vers Politique française

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 2 invité(s)