par regivanx » 19 Fév 2008, 23:39
Je dois admettre que je me sens un peu désarmé face à vos réactions...
Je vais essayer de m'expliquer.
La propagande graphique est une science qui ne laisse rien au hasard. Il y a quatre éléments dans cette affiche : les parents, les étudiants, l'amorce (Certains prétendent...) et la solution (construction de logement pour les étudiants !). Pris séparément, ces éléments n'auraient aucune valeur pour l'UNEF. La nécessité pour elle de procéder à un tel montage démontre qu'elle n'a rien de concret pour étayer sa « solution ».
Prenons d'abord les éléments graphiques : les parents et les étudiants. La scène n'est pas un inceste mais elle évoque un inceste. Tous les éléments de l'inceste sont rassemblés mais sont désassemblés : enfants, parents, sexe. Il y a une évocation de contrainte dans la mesure où chacun des couples s'impose à l'autre.
Prenons maintenant les éléments du discours : « certains prétendent que les étudiants n'ont pas de problèmes de logement... ». Que signifie cette annonce ? Quel rapport avec l'image ? Ah ! Si les étudiants sont dans le lit de leurs parents c'est parce qu'ils n'ont pas de logement pour eux ! Et voici la solution : « construction de logement pour les étudiants ! ».
Analysons le déroulement de la pensée : le spectateur pense vaguement à l'inceste, et cette idée lui est désagréable. Que font ces jeunes dans le lit de vieux ? Pourquoi ces vieux semblent chercher à dormir en ignorant ce qui se passe dans le lit ? La première question évoque l'oedipe, la seconde l'ignorance des parents envers la sexualité de leurs enfants. Si vous vous représentez objectivement la scène avec une attention soutenue, vous ne pourriez que ressentir un malaise, la sensation que quelque chose d'extrêmement anormale est en train de se passer.
Ici vient l'amorce. « Certains prétendent que les étudiants n'ont pas de problèmes de logement... » Ce serait pour ça ? Ici vient le commencement d'une libération, le commencement de la levée de l'angoisse, de la tension... Ce serait donc pour ça ? Et vous avez le plaisir de découvrir cela tout seul : mais oui c'est bien ça ! C'est parce qu'ils n'ont pas de logement que les étudiants couchent dans le lit avec leurs parents ! Ainsi l'absurdité, d'où le rire : si des étudiants couchaient véritablement dans le lit où dorment leurs parents pour y faire l'amour, ils n'auraient assurément pas qu'un problème de logement... et les parents non plus... Et enfin la solution pour ceux qui n'auraient pas bien compris : « construction de logement pour les étudiants ! » avec le logo « UNEF » en gros à côté, pour bien signifier que c'est à l'UNEF qu'on doit cette admirable solution.
Comme vous le voyez, cette affiche est extrêmement travaillée. Tout le cheminement de la pensée a été étudié pour présenter la conclusion de l'UNEF non pas comme la solution de la crise du logement, mais comme la solution de l'inceste, comment empêcher l'inceste. C'est dans la représentation du spectateur, par le refoulement de l'idée de l'inceste, que la solution de l'UNEF apparaît comme la solution de la crise du logement, et comme une solution, après tout, excellente : ne faut-il pas effectivement plus de logement pour les étudiants ? Mais en vérité, on n'est pas arrivé à cette conclusion par une progression intellectuelle consciente, par la réflexion ; elle s'est imposée à nous comme une évidence, comme quelque chose allant de soi. Si l'affiche ne voulait présenter que l'exiguïté de l'appartement familial, pourquoi le lit ? Pourquoi la scène de sexe ? Pourquoi les parents et les enfants ainsi rassemblés ? Parce que c'est une scène plus piquante ? Pourquoi est-elle plus piquante, justement ?
C'est pour cette raison que cette propagande est très dérangeante, très scandaleuse ; c'est parce qu'elle instrumentalise la peur de l'inceste à des fins politiques. Trouver une peur inconsciente, un tabou social et lui donner une solution illusoire, n'est-ce pas l'expression d'une manipulation radicale ?
Je ne peux être certain de vous avoir convaincu. Mais c'est mon opinion, vous me l'avez demander, je vous la donne.