Au Bureau Politique de la LCR
Chers camarades,
Le Comité Central de Lutte Ouvrière, réuni ce week-end, a examiné le contenu de votre courrier du 10 septembre concernant des négociations entre nos deux organisations pour la constitution de listes communes aux élections régionales et européennes de 2004.
Vous trouverez ci-après ce que notre CC soumettra à notre Congrès de décembre 2003.
Bien entendu, cette plate-forme sera accompagnée des conclusions auxquelles nos délégations chargées de cette négociation auront, nous l'espérons, pu aboutir, et c'est sur cet ensemble que notre congrès se prononcera.
D'ores et déjà, nous pouvons vous confirmer que nous sommes prêts à ce que des délégations LO/LCR se rencontrent pour finaliser un accord sur la base de votre courrier.
Vous faites une liste des points sur lesquels pourrait porter une campagne commune.
En résumé :
- l'opposition au gouvernement Chirac-Raffarin
- un plan d'urgence pour sauvegarder les intérêts des travailleurs, entre autres la défense de l'emploi, l'interdiction des licenciements collectifs
- la défense de la protection sociale et des retraites,
tous points que nous agréons d'autant plus qu'ils ont été le centre de nos diverses campagnes antérieures
- et divers autres points que nous pouvons agréer sous réserve d'inventaire et de pondération entre eux.
- un point qui soulèvera cependant une discussion approfondie est, dans la campagne des européennes, le problème de la Constitution européenne car si nous ne défendrons bien évidemment pas cette dernière, nous ne défendrons pas non plus la constitution bourgeoise de la France, c'est-à-dire que nous ne pourrons pas opposer la Constitution nationale à une Constitution européenne. Il nous faudra donc, par exemple, nous expliquer sur une présentation populaire d'une Europe socialiste.
Mais par ailleurs, tous ces points constituent une bien longue énumération qui ne laisse aucune place à l'argumentation pour convaincre. Nous sommes pour limiter l'axe de notre campagne à certains de ces points, à discuter entre nous, mais ne pas tous les énumérer même si nous sommes d'accord avec tous.
Pour l'aspect pratique et concret, nous nous déclarons favorables :
1) à un accord national entre nos deux organisations, les têtes de listes étant des responsables de nos deux organisations. Bien que ce point n'ait pas été précisé dans notre première lettre, il va sans dire que c'était implicite. Nous ajouterons, mais c'est sans doute tout aussi inutile, que cette répartition serait égale et équilibrée entre LO et la LCR, et que la composition de chaque liste serait paritaire, en respectant l'alternance des sexes (listes dites chabada) et l'alternance des appartenances à LO et à la LCR.
Vous ne parlez pas de l'intitulé de ces listes mais nous vous rappelons que nous souhaitons que cet intitulé soit "liste Lutte Ouvrière-Ligue Communiste Révolutionnaire".
2) Votre formulation "dans le cas où des groupes ou des militants voudraient rejoindre le cadre fixé par nos deux organisations" est une formulation que nous pourrions accepter si de tels groupes ou organisations acceptent réellement le cadre tel que nous l'aurons fixé, sans vouloir nous imposer de modification notable, le tout étant décidé en commun par nos deux organisations.
3) En ce qui concerne la "profession de foi", nous ne serions pas opposés à des aménagements régionaux à la condition, comme vous le proposez, qu'ils soient discutés au niveau national afin d'éviter vingt négociations locales de plate-formes.
Cependant la taille des professions de foi est limitée et il ne faudra pas que ces problèmes prennent le pas sur ce que nous avons à dire nationalement, à moins qu'ils s'y intègrent à titre d'exemple locaux
4) Pour le deuxième tour des régionales, nous sommes parfaitement d'accord sur le fait que nos listes ne donneront pas de consigne de vote, d'autant que c'était notre proposition initiale. Et, bien sûr, nous sommes d'accord sur le fait qu'il n'y ait pas, au deuxième tour des régionales, de fusion de nos listes avec les listes de la gauche plurielle.
S'il y a un risque de victoire du FN contre une liste de gauche, nous pouvons envisager d'appeler à voter pour la liste de gauche, au cas par cas, mais cela devrait faire l'objet d'un accord au niveau national.
Nous nous rencontrerons donc au plus vite.
En ce qui concerne le début de votre lettre, nous tenons à vous dire que nous ne tendons pas volontairement et inutilement nos relations, car nous n'avons fait que répondre à vos propos.
Vous parlez d'esprit de fermeture de notre part. C'est pour le moins oublier que c'est nous qui avons pris l'initiative de cette démarche et ce n'est pas la première fois dans notre histoire commune.
La méfiance que nous manifestons vis-à-vis d'éventuels alliés locaux n'est pas une méfiance a priori mais repose sur une bien longue expérience et connaissance du panorama politique.
Vous dites que cette méfiance est condamnable, or c'est une méfiance politique. Vous affirmez que l'essentiel est le contenu politique d'une campagne commune -affirmation avec laquelle nous sommes parfaitement d'accord- mais, justement, nous ne souhaitons pas laisser transformer le contenu de notre campagne commune par l'apport de militants défendant des idées qui ne seraient pas les nôtres. Une politique est un tout, pas un assemblage.
Vous dites que nous n'avons rien fait pour favoriser les relations entre nos organisations et nos militants mais, tant dans la campagne des présidentielles que dans la lutte des enseignants, vous n'avez rien fait non plus pour favoriser les relations entre nos deux organisations et nos militants. Bien sûr, les considérations d'intérêt politique commun prendront le pas sur les blessures qui peuvent en subsister, mais permettez-nous de faire, un peu, ce que vous vous permettez de faire largement.
Nous vous faisons remarquer que, durant la campagne présidentielle, à aucun moment nous n'avons formulé la moindre critique contre la LCR ou son candidat. Ce qui n'est pas votre cas.
De même durant le mouvement des enseignants, à aucun moment, durant des semaines, nous n'avons critiqué ou attaqué la LCR. Nous avons dit notre point de vue sans polémiquer mais nous n'avons rien dit contre la LCR, surtout auprès des journalistes (contrairement à ce que vous affirmez).
Le droit de critique et de défendre ses idées n'est pas à sens unique et pas limité à votre usage exclusif.
Au sein de la LCR, il existe de nombreuses sensibilités différentes et, si nous voulons bien considérer que les militants de la LCR sont des militants disciplinés politiquement et sérieux, nous ne tenons pas, par des discussions locales, voir remis en cause nos accords nationaux. C'est pourquoi, bien que tout puisse être discuté localement entre nos camarades respectifs, nous tenons à ce que tout ce qui pourrait poser problème soit réglé nationalement, sans renvoyer quoi que ce soit à des décisions locales.
Dans l'attente de vous rencontrer, veuillez agréer, chers camarades, nos salutations révolutionnaires.
Pour le Comité Exécutif de Lutte Ouvrière, G. Kaldy et J-P Vial