La société du "care"

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Message par rougeole » 06 Juin 2010, 18:37

a écrit :Entre le président qui a déjà annoncé à mots couverts qu'il serait candidat à sa propre succession en 2012 et la première secrétaire du Parti socialiste (PS) en pleine ascension dans les sondages, le duel des personnes, la valse des petites phrases a commencé. Mais qu'en est-il des propositions ?

Des idées concrètes, des solutions de chacun à la crise actuelle et à l'inquiétude des Français ? Et celles du PS pour commencer ? Le 30 mai, aux Docks de Paris à La Plaine-Saint-Denis, le PS a adopté son projet de société, présenté comme la "première pierre" de son programme de gouvernement pour 2012.
Décryptage Visite au pays du " Care "



Pour la première fois depuis longtemps, le parti a retrouvé son unité et parlé d'une seule voix. C'est déjà une victoire pour Martine Aubry. Seule note discordante, celle du maire de Lyon, Gérard Collomb, qui considère que le texte "s'aligne sur les positions irréalistes de la gauche du parti".
Qu'y a-t-il dans ce projet ? Rien de moins qu'un "nouveau modèle économique, social et écologique".

Il se situe classiquement à gauche, entend renforcer les services publics, défendre la protection sociale, imposer les hauts revenus. Il ajoute des propositions innovantes sur l'économie verte, le soutien au monde industriel, le "compte formation" et le "compte retraite" tout au long de la vie. Il reprend quelques idées importantes sur une "société du bien-être" plutôt que de "l'avoir", et du "care", du "soin, du soutien". C'est pour discuter sur le fond de ce projet politique, pour comprendre ce qu'est concrètement cette société du "care" que Le Monde Magazine a rencontré la première secrétaire.

Pourriez-vous nous donner une définition de cette société du "care" ?

C'est une société de l'attention aux autres. Mais il ne s'agit pas simplement que chacun prenne soin des autres, cela implique aussi que l'Etat prenne soin de chacun. Pour cela, il faut une véritable révolution des services publics. Jusqu'à présent, les services publics fonctionnaient sur des règles générales, et non sur la prise en charge de chacun. Pour moi, c'est cela le "care". Nous voulons une société du respect, et non pas une société dure, violente, brutale, égoïste.

D'où vient cette expression, "care" ?

Je l'ai utilisée une fois dans un entretien à Mediapart mi-avril et, depuis, cela a été interprété de beaucoup de façons. Tant mieux si cela a lancé le débat. C'est une réflexion que je développe depuis longtemps.

La politique apparaît comme un discours général, trop froid, trop loin des gens, alors qu'il faut descendre au niveau des parcours de chacun, pour pouvoir aider et accompagner. La modernité politique est là. C'est l'égalité réelle.

Notre projet appelle à faire des individus des citoyens qui se respectent les uns les autres, à l'inverse d'aujourd'hui où le gouvernement divise, oppose, les jeunes contre les personnes âgées, les Français nés ici et ceux nés ailleurs, le public contre le privé, etc.

Je défends l'idée que les Français peuvent être à la fois des individus et des citoyens porteurs de valeurs, attentifs aux autres, prenant soin des autres. Je préfère le mot anglais, "care", parce qu'il implique une idée mutuelle, du lien. Mais ne nous enfermons pas dans une définition.

Nous voulons une société du respect, une société décente, une société du soin. Voyez dans le Larousse : "Soins : actes par lesquels on veille au bien-être de quelqu'un ou de quelque chose" " I don't care ", en anglais, signifie "J'en n'ai rien à faire de celui-là". Dire "I care" implique "Il compte pour moi, il se passe quelque chose entre nous". Voilà pourquoi j'ai employé le mot "care" qui me semble meilleur que "l'attention à l'autre" ou "le soin". Peut-être faut-il prendre un autre terme ? Ça m'est égal.

Vous n'entendez donc pas le "care" comme un courant de pensée, auquel vous vous affiliez ?

Non, il ne s'agit pas d'une filiation théorique. Des courants de pensée du "care", il en existe au moins cinq ou six. Je pourrais vous citer Levinas, qui parlait aussi du "soin", et qui l'utilisait dans le même sens que moi, une société de l'attention aux autres, une société d'émancipation.

Que répondez-vous à Manuel Valls (Le Monde du 14 mai), qui écrit à propos de "la société du soin": "Cette intention, si noble soit-elle, est une erreur profonde et constitue même un recul pour la gauche et pour le pays. Car l'individu n'est ni malade ni en demande de soins" ?

Pour éviter les contresens comme celui-là, replaçons cette idée de société du soin et du respect dans l'ensemble du projet que nous voulons construire. Nous nous intéressons d'abord à l'économie. Et plutôt que cette société du "toujours plus", nous voulons construire une économie du bien-être qui pose des questions majeures : que construire ? comment produire ? comment redistribuer ? Nos premières réponses ont été actées.

Nous voulons ensuite une société du respect et de l'émancipation de chacun. C'est là que l'on retrouve cette idée que l'Etat et les collectivités territoriales doivent prendre soin de chacun mais aussi que chacun doit prendre soin des autres. Nous voulons prendre en compte la situation de chacun non pas pour lui porter des soins, mais pour lui donner les moyens de prendre sa vie en main, pour l'aider à mieux vivre, à s'émanciper.

Propos recueillis par Sandrine Blanchard, Frédéric Joignot et Sophie Landrin


Et voilà, le nouveau projet émancipateur du PS. :prosterne:
rougeole
 
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Message par meichler » 08 Juin 2010, 05:38

Hypocrisie et baratin pour l'essentiel dans tout cela, bien évidemment. Mais comme pour tout nouveau produit lancé sur le marché (fût-il idéologique ou politique), la séduction, le désir, ne sont pas absents, ne se tiennent jamais bien loin. Qui ne souhaite une telle société où chacun "prend soin" de tous ? Sauf que dans le discours d'Aubry, cela tient du monde de «Oui-oui» (n'oublions pas le gendarme ! I.e. = l'État bourgeois, en réalité), alors que seule la société communiste (c'est-à-dire la seule société humaine, consciente d'elle-même) peut permettre que les individus soient réellement l'incarnation des potentialités de l'espèce, donc responsables les uns des autres.

Une simple question permet, me semble-t-il de déjouer le mensonge des Aubry et consorts : La «société du care», le «soin des autres» sont-ils compatibles avec l'économie capitaliste ? Poser la question c'est y répondre. Le capital ne connaît qu'une loi, celle du profit maximum, et le plus vite possible. Que les hommes crèvent en masse pour cela, lui est indifférent, comme c'est en fait indifférent à la classe qui le porte. L'État n'est pas la protection des faibles, mais le rempart des puissants. Toutes les protections que les pauvres ont obtenues, ils ont dû les conquérir par la lutte, rude, violente, pour arracher chaque pouce de conquête sociale aux défenseurs du sac d'or.

C'est ainsi que le lénifiant discours Aubryiste se révèle pour ce qu'il est : un oripeau de misère jeté sur les souffrances du plus grand nombre, pendant que les possédants se gavent et continuent de servir leur maître, le grand capital financier, agonisant mais féroce.
«Ni rire ni pleurer, comprendre.»

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Message par Zelda » 08 Juin 2010, 07:01

Qui de Royale "Oui-Oui au pays des méchants", Aubry "Léon Blum ressuscité qui se la pète un max" ou DSK "Le directeur du FMI qui veut diriger le Parti Democrate français new look" l'emportera pour concourir aux prochaine présidentielles sous le dossard du PS ?

La question me taraude... Mais malheureusement Meichler tu as raison, le plus incroyable pour moi, c'est qu'au boulot, les gens voient pas ces 3 lascars comme moi, il y en a toujours au moins un ou une qui trouve grâce à leurs yeux... Comme je ne suis pas assez politique, ça m'attriste profondément. Qu'on ait des illusions quand des bons comédiens font semblant de vous en donner, je comprends. mais là, ils ne font même pas semblant.
Zelda
 
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Message par jeug » 08 Juin 2010, 07:55

Je ne suis pas sûr que pour beaucoup ce soit vraiment des "illusions".
On les fait jouer à un jeu : quelle est la merde qui pue le moins.
Et comme ils sont joueurs, ils jouent.
jeug
 
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Message par Zelda » 08 Juin 2010, 08:23

Il y a du vrai dans ce que tu dis.
Mais évidemment, ils ne le formulent pas ainsi.

La collègue (que j'aime beaucoup, qui est une femme très bien et très saine dans ses rapports avec les gens) et qui vote PS au second tour (peut-être PC au premier, je ne sais pas encore), et qui fait gentiment pression pour que l'on vote PS aux seconds tours, dit textuellement "Il faut se rendre compte que la perfection n'est pas de ce monde. Ca ne peut pas être tout ou rien la politique. Alors votez à gauche, car vous SAVEZ que la droite, c'est pire. Sinon, objectivement, vous laissez gagner la droite en attendant je ne sais quels jours meilleurs".

C'est une formulation sincère et intelligente.
Il doit quand même y avoir une illusion là-dessous non ? Mais je ne sais comment la formuler. Peut-être comme cela : Faute d'illusions véritables, elle a l'illusion d'être réaliste et efficace ?

:blink:
Zelda
 
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Message par satanas » 08 Juin 2010, 08:42

(Zelda @ mardi 8 juin 2010 à 09:23 a écrit : Il y a du vrai dans ce que tu dis.
Mais évidemment, ils ne le formulent pas ainsi.

La collègue (que j'aime beaucoup, qui est une femme très bien et très saine dans ses rapports avec les gens) et qui vote PS au second tour (peut-être PC au premier, je ne sais pas encore), et qui fait gentiment pression pour que l'on vote PS aux seconds tours, dit textuellement "Il faut se rendre compte que la perfection n'est pas de ce monde. Ca ne peut pas être tout ou rien la politique. Alors votez à gauche, car vous SAVEZ que la droite, c'est pire. Sinon, objectivement, vous laissez gagner la droite en attendant je ne sais quels jours meilleurs".

C'est une formulation sincère et intelligente.
Il doit quand même y avoir une illusion là-dessous non ? Mais je ne sais comment la formuler. Peut-être comme cela : Faute d'illusions véritables, elle a l'illusion d'être réaliste et efficace ?

:blink:
Il me semble aussi que la "diabolisation" de Sarkozy favorise cette toute petite illusion : tout est de la faute de Sarkozy, c'était mieux avant lui, n'importe qui sera moins pire que lui...
Ca peut donc paraitre très "fédérateur " d'emboucher les trompettes de l'anti-sarkozisme : tout le monde semble d'accord pour des raisons diverses et variées.
Et quand en plus les mobilisations ou les luttes ne décollent pas vraiment, ça devient la seule perspective de "battre Sarkozy", même en acceptant n'importe quelle ânerie d'Aubry ou les autres, même sans y croire un seul instant.
Et un petit peu de "christianisme de gauche" dans ce monde de brutes, ça fait un gentil petit vernis pour le PS en étant à peu près sûr de ne déplaire à personne, même aux patrons qui trouvent peut-être que Sarko en fait parfois trop.

Et puis des gens comme ta collègue, j'en connais pas mal aussi, Zelda, sincères et un peu désabusés, et ce n'est pas facile, dans cette période de reflux ouvrier de les convaincre qu'on peut faire autre chose que limiter les dégâts.
Mais on doit le faire cependant sans relâche, fraternellement bien sûr...
satanas
 
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Message par Ottokar » 08 Juin 2010, 08:51

(Zelda @ mardi 8 juin 2010 à 08:23 a écrit : Votez à gauche, car vous SAVEZ que la droite, c'est pire.
L'illusion, elle est là. Et c'est faux, car si c'était la droite en Grèce ou en Espagne, je ne dis pas qu'elle se heurterait à une réaction populaire genre 36 mais elle ne bénéficierait pas d'un préjugé favorable au départ, elle n'anesthésierait pas les militants syndicaux, elle aurait moins les mains libres.

Il y a dix ans, le FMI c'était le diable, partout où il passait. Il a DSK à sa tête, et c'est le docteur désagréable qui vous dit de faire un régime ou d'arrêter de fumer selon les cas, mais ce n'est plus la même chose. Si Sarko avait fait nommer Juppé ou Villepin à la tête du FMI, serait-il perçu de la même façon en Europe ?

On peut dire à ta copine qu'on ne fait pas campagne CONTRE la gauche. On ne peut pas l'empêcher de penser ce qu'elle pense, on ne va pas lui mettre des bâtons dans les roues, on ne va pas dire "surtout ne votez pas à gauche au second tour". Mais qu'on ne nous demande pas de dire le contraire de ce qu'on pense... et de ce qui est la vérité, dans le fond.
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Message par meichler » 08 Juin 2010, 18:39

Réponse intelligente et subtile d'«Ottokar».

Cependant, si l'on prend un cas que nous connaissons sans doute assez bien : celui de la France. Nous avons la droite au pouvoir (et depuis un certain temps tout de même). Les "militants syndicaux" (disons plutôt les appareils dirigeants des syndicats, car les militants syndicaux, c'est vous et moi) sont-ils pour autant moins "anesthésiés" ? Sont-ils plus enclins à s'orienter sur une ligne de rupture, de refus du "dialogue social", de lutte des classes ? Nullement.

L'illusion c'est surtout de croire qu'en période de "reflux ouvrier", «on ne peut faire autre chose que limiter les dégâts». En réalité on ne limite rien si l'on refuse de formuler ceci : il faut affronter et vaincre CE gouvernement, parce qu'est ce CE gouvernement bourgeois que nous avons en face de nous et qui veut liquider nos acquis. Si nous étions en Espagne ou en Grèce, il faudrait affronter et vaincre les gouvernements dirigés par les partis frauduleusement appelés "socialistes", pour espérer défendre les droits ouvriers.

Mais on ne peut pas se contenter de "gérer la cuisine en attendant des temps meilleurs" (meilleurs du point de vue de la conscience politique des travailleurs). Car dans ce cas, on ne limite aucun "dégât", on ne sauve rien du tout, et on ne "gère" que le sous-oeuvre de la sale cuisine des bureaucrates syndicaux. Et de défaite en défaite, la conscience ouvrière reflue de plus en plus loin en recul.

En un mot, il ne faut pas craindre de combattre Sarkozy, au motif que demain on "pourrait" avoir un gouvernement (bourgeois en effet !) dirigé par le PS qui nous trahira (et évidemment qu'ils trahiront ! Et même ils n'attendent pas d'être au gouvernement pour le faire !).

Demain, on verra. Bien sûr qu'il faudra encore et toujours combattre, et bien évidemment contre le gouvernement dit "de gauche". En attendant, aujourd'hui, en face de nous, on a Sarko et sa bande. Et pour le moment c'est eux qu'il faut combattre.

Mais pas au nom de la «société du Care» (qui n'est qu'une fumisterie, comme l'est aussi dans un autre registre, le prétendu «socialisme du 21ème siècle»). Non ! Au nom du socialisme, du communisme, de l'expropriation du capital, et de la destruction des États bourgeois.
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Message par Zorglub » 08 Juin 2010, 18:56

Euh... combattre Sarko, ça signifie quoi exactement ?
Qu'y aurait-il de différent avec un gouvernement de gauche pour nous ?
En quoi l'un empêcherait-il l'autre ?
Et les 'demain, on verra', ça n'évoque pas des bons souvenirs même si je ne pense pas que c'était ton propos.
Zorglub
 
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Message par Zappa » 08 Juin 2010, 19:02

Tout le problème c'est précisément que quand tu dis aujourd'hui qu'il faut combattre Sarkozy, beaucoup de gens comprennent " votez pour la gauche au second tour ". Donc dans ton explication sur pourquoi lutter contre le gouvernement de droite, comment le faire réellement, fatalement tu finis par faire un couplet sur la gauche et sur l'alternance politique comme fonctionnement classique des états bourgeois de tout un tas de pays.
Je ne comprends guère l'attitude de Meichler qui semble dire en substance : bon ne parlons pas trop de la gauche étant donné que c'est la droite qui est au pouvoir. Quand bien même on se retrouverait demain au coeur d'un large mouvement des travailleurs dont un des slogans serait " Dehors Sarko ", faudrait déjà être en train de batailler pour que tout ça soit pas royalement dévoyer sur le terrain électoral, pour le plus grand profit de notre chère social-démocratie.
Zappa
 
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