
Je poste ci-dessous un reportage paru dans Libé Lyon. Je n'étais pas à la manif aujourd'hui : mes collègues de labo ne sont pas en grève, ce qui est compréhensible au moins pour les étrangers, et j'avais certaines obligations professionelles vis-à-vis de certains d'entre eux... Je n'ai donc rien vu de ce que cet article décrit, mais comme je sais que pas mal de lyonnais fréquentent ce forum certains auront peut-être des témoignages. Et même si vous n'êtes pas du Rhône, vous avez peut-être un témoignage ou un commentaire sur ces évènements ou ceux similaires par exemple en région parisienne.
a écrit :Il est 11 heures du matin. La rue de la République, artère principale du centre de Lyon, semble avoir été ravagée par le passage de Godzilla. Les voitures sont retournées comme si elles étaient tombées du ciel. Les poubelles brûlent. Les abribus et les vitrines ont été éclatés par des jets de pierre. Un camion est couché sur son flanc. Plus loin, des boutiques sont pillées. En fait de Godzilla, un millier de lycéens et de collégiens ont envahi le centre ville en fin de matinée. Ils n'ont pas de banderoles, pas de slogans. Juste des cris, se résumant à un appel groupé à la sodomie du président de la République. Et des gestes, ruades par groupes et jets de projectiles sur tout ce qui se casse. Certains posent à côté des voitures renversées tandis que leurs copains les filment avec leurs portables. Ils n'ont pas l'intention de rejoindre le cortège syndical qui part au même moment de l'autre bout de Lyon. Parmi ceux que nous avons interrogés, certains ignorent même qu'il y avait aujourd'hui une journée de mobilisation nationale…
Pendant ce temps, dans le 8è arrondissement de Lyon, la manifestation officielle s'élance tranquillement. Chacun est rangé derrière sa banderole syndicale ou professionnelle. La CFDT, comme toujours, a prévu un orchestre rock. Autour, les gens dansent. Les élus PS défilent une rose à la main. Aux abords du cortège, le service d'ordre de la CGT veille. Il y a peu de lycéens. Au milieu, le lycée de Givors (banlieue sud de Lyon), pour qui la municipalité communiste avait affrêté un bus et prévu un encadrement. Derrière la banderole "lycée du Parc", chic lycée du 6è arrondissement de Lyon, il n'y a que des profs. Le gros des jeunes troupes est en tête du cortège.
Seules quelques voitures retournées ci et là le long du parcours donnent la température de ce qui se passe en dehors de la manifestation. Les manifestants s'en désolent. Marie-Christine, enseignante et militante CFDT, s'inquiète de ce qui se passe avec les lycéens. "C'est terrible, mais c'était prévisible. On a tous les ingrédients pour que ça pète. Et le gouvernement le savait. Il y a une part d'irresponsabilité". Marc, un travailleur social, n'arrive pas bien à savoir si le mouvement est en train "de dégénérer ou de se régénérer". Mais il sait que ce qui se passe "dépasse le débat sur la réforme des retraites" et dénonce "l'arrogance du gouvernement".
Le cortège officiel est arrivé place Bellecour peu après midi. Il s'est télescopé avec les groupes de jeunes qui venaient d'écumer la rue de la République. Et avec les escadrons de CRS. Confusion de jets de pierres, de slogans et gaz lacrymogènes. Vers 14 heures, la police essayait toujours de faire évacuer une place enfumée. Les yeux piquants, des militants CGT tentaient de maintenir leur buvette. Des jeunes nez sous leurs foulards continuaient à se chercher avec les forces de l'ordre. Le centre ville de Lyon ne comptait plus guère de commerces ouverts. Gérard Collomb, le maire socialiste, en voyage depuis quelques jours en Asie, fait savoir qu'au vu de la situation, il rentrait dans ses pénates. Il retrouvera les abords de son hôtel de ville un peu en bazar.
Alice Géraud et Anne-Caroline Jambaud
Précisions à l'attention de nos lecteurs-commentateurs incrédules :
- Nous étions bien sur place, Alice Géraud dans le centre presqu'île, et Anne-Caroline Jambaud, dans le cortège officiel.
- Effectivement la moitié nord de la rue de la République est bien ouverte à la circulation et nous avons pu constater sur place les voitures renversées tout au long de cette partie. Ces voitures ont été ramassées peu avant midi par un camion à étage transporteur de véhicules.
- Il y a effectivement aussi eu des vitrines cassées et d'autres dégâts rue Victor Hugo, au sud de la place Bellecour mais nous ne pouvions y accéder à ce moment-là. Ce qui explique que nous les ayons pas mentionné ce midi.
- Il y avait bien des tirs de lacrymogènes place Bellecour (comme l'indique la photo ci-dessus prise aux alentours de midi). Plusieurs personnes ont d'ailleurs dû être prises en charge par les pompiers à cause des émanations irritantes. Il y a eu ensuite d'autres tirs de gaz lacrymogènes plus haut rue de la République.