(Libération @ Politiques, Le 22 novembre 2011 à 18h00 a écrit :Parrainages : «Si on signe pour un candidat, on est catalogués»
Reportage - Publication de leur nom, peur d'être étiquetés : au salon de la porte de Versailles, des maires expliquent leurs réticences, alors que plusieurs petits candidats se lancent à la pêche aux signatures.Par
LAURE EQUYOn vise les badges
«congressistes». «Bonjour vous êtes maire?» «Oui.» «Allez-vous parrainer un candidat?» «Non», répondent presque tous les maires croisés au salon de la porte de Versailles. En rigolant, l’air de se demander ce qu’ils iraient faire dans cette galère.
«Vous ne trouvez pas qu’il y en a trop, des candidats à chaque élection présidentielle?» «Le candidat que j’aurais choisi n’a pas besoin de ma voix.» Ou encore:
«Pour retrouver mon nom dans la presse locale, non merci!» Bref:
«Que des emmerdements!»Il y a bien Germinal Peiro, le député-maire (PS) de Castelnaud-la-Chapelle (Dordogne) qui compte signer pour François Hollande et a déjà parrainé, par le passé, des candidats d’extrême gauche -
«Alain Krivine (LCR), je crois bien» - parce qu’il trouvait
«normal qu’ils y soient». Mais la grande majorité des maires croisés au salon s’affichent sans étiquette et n’ont aucune intention de dévoiler une orientation politique en donnant un coup de pouce à tel ou tel candidat.
Parrainer à l’occasion de la présidentielle: une démarche en principe purement républicaine, qui ne vaut pas pour un soutien?
«Quand même si on signe, on est catalogués, considère Ginette Laudy, maire de Daglans (Dordogne).
Moi qui suis sans étiquette, pourquoi est-ce que j'en privilégierais un plutôt qu’un autre, qu’il soit de droite ou de gauche?» Elle, qui a déjà reçu quatre demandes dont celle du NPA, a en tête les mésaventures d’un élu qui a sauté le pas:
«Un collègue m’a dit qu’il avait déjà parrainé et c’est sorti dans la presse, ça ne lui a pas plu.» «Une fois, un sans-étiquette avait parrainé un candidat et il s’est fait mettre en boîte par les autres élus!», se souvient Jean Cimaz, maire adjoint de Bessans (Savoie).
«On ne souhaite pas être associés à un nom ou à un candidat, on a une intercommunalité qui marche très bien où les élus sont sans étiquette», ajoute-t-il.
«Le JO, tout le monde peut mettre son nez dedans»
La publication de son nom, et donc le risque d’être interpellé sur son choix, de devoir
«rendre des comptes», sont à chaque fois invoqués par les élus.
«Après mon nom paraîtra au journal officiel, et le JO, tout le monde peut mettre son nez dedans», anticipe Claude Ehlinger, maire d’Urbes (Bas-Rhin), tandis que son collègue et voisin, maire de Moosch, voit d’ici les
«tensions» au conseil municipal.
«Les candidats disent que c’est seulement un acte républicain. Cela s’entend mais c’est théorique, nous, on a les conséquences pratiques. Dans mon village, le conseil municipal est un vrai patchwork, argumente José Schruoffeneger.
Et si je soutiens un candidat minoritaire et que les habitants ne suivent pas l’indication du maire?» Tous deux seraient prêts à parrainer si on pouvait leur garantir l’anonymat.
Pour Claude Deflesselle, maire de Coisy (Somme), il faudrait monter à mille signatures le seuil pour pouvoir se présenter à la présidentielle mais tenir secret les noms des «parrains». Autrement de quoi aurait-il l’air si on lui demandait
«au coin de la rue "pourquoi as-tu choisi celui-là?" Les administrés ne comprendraient pas.»N’en déplaise à
Marine Le Pen (FN) passée en coup de vent, à Christine Boutin (Parti chrétien démocrate), à Jean-Pierre Chevènement (MRC) ou à Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République), aussi attendus au salon, la multiplication des candidatures ne passe pas non plus très bien auprès des maires. Qui s’érigent en filtres, voire en
«garde-fous», dit un Alsacien.
«Il faut éviter le trop-plein, il y a déjà une douzaine de candidats, regardez Chevènement», lance Gabriel Peyronnet, maire de Giou de Mamou (Cantal). De
«sensibilité de gauche», il aurait pu signer pour Hollande mais
«pas pour la Verte», et il a déjà été sollicité par Dupont-Aignan.
Et tant pis si certains candidats représentent un courant réel dans l’opinion.
«Vous imaginez si je parrainais le FN? D’abord ce n’est pas du tout mon état d’esprit et j’aurais des élus qui démissionneraient», coupe-t-il. Maire (PS) d’Aureil (Haute-Vienne), Daniel Demarty se sent, lui,
«tenu à une certaine discipline de parti». Et s’il estime que
«les courants les plus importants ne devraient pas avoir de barrage», il ne se voit pas
«sauter le pas» en signant pour un autre candidat que celui de son parti:
«C’est quand-même chargé de signification, ça ferait un peu désordre.»