Santé et laïcité

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Message par luc marchauciel » 05 Avr 2012, 08:33

Voic un texte de membres du Front de Gauche critiquant une postiton de celui-ci sur la question de la laïcité dans les hôpitaux.
Le genre de question très difficile. Mais, à tout prendre, je crois que la version Front de Gauche me convient mieux que la version de ses critiques
J'ai peut-être un problème avec cette idée de droit inaliénable des patients à choisir leur médecin, qui peut en pratique surtout avoir comme conséquence d'entériner l'ordre imposé par des islamistes qui ne veulent pas qu'un autre homme voit leur femme.
Et où s'arrête ce droit inaliénable, cette conception du système de santé comme un self-service ? Faut-il accepter aussi que quelqu'un réclame un médecin blanc parce qu'il est plus à l'aise avec les gens comme lui ?
Si je transpose la logique de ce texte du terrain de la santé à celui de l'éducation, ça donne :
"On constate que les riches contournent bien plus facielement la carte scolaire que les pauvres et choisissent l'établissement de leur progéniture. Conclusion : il faut donc abolir la carte scolaire."
Plus généralement, ça revient à dire que puisque les inégalités de classe pervertissent l'application des règles, alors il faut abolir les règles, pour plus d'égalité.

http://blogs.mediapart.fr/edition/2012-ils...front-de-gauche

a écrit :
Laïcité: quelle mouche a piqué le Front de gauche?

«Interdire le choix du sexe du médecin à l'hôpital public», comme le propose le programme du Front de gauche au chapitre Laïcité, c'est «désigner le ou la ségrégué-e comme le/la responsable de la ségrégation», interpellent Héloïse Duché, féministe, militante du Christianisme social et du Front de gauche, Stéphane Lavignotte, écologiste, militant du Christianisme social et du Front de gauche et Patrick Silberstein, médecin de quartier, auteur de Vive la discrimination positive (Syllepses).





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Nous vivons dans un monde lézardé par les ségrégations multiples. L’ambition des partisans de la transformation sociale doit être de les identifier et de prendre toutes les mesures pour y mettre fin. Aussi, quelle n'a pas été été notre surprise quand, dans le programme du Front de gauche, nous avons lu la phrase suivante : « Toute ségrégation de genre ou communautaire de l’espace public sera interdite (par exemple le choix du sexe du médecin à l’hôpital public) ».

Pourquoi, pour illustrer son projet de « déségrégation », le Front de gauche a-t-il choisi un exemple popularisé par la droite réactionnaire? C’est Jean-François Copé qui avait, le premier, évoqué cette mesure et personne n’avait alors été dupe de la population  qu’il visait : c'est en pleine charge islamophobe qu'avait surgi cette proposition. Il y en a eu bien d’autres depuis…

Ainsi, selon les rédacteurs de ce texte, la ségrégation ne serait plus le produit de notre société mais celui de conduites individuelles ou collectives : la demande du choix du sexe de son médecin à l’hôpital public produirait donc la ségrégation. Pour lutter contre cette ségrégation – qu’elle soit « de genre ou communautaire » –, il faudrait donc interdire le choix du sexe du médecin à l'hôpital public. C’est nous faire prendre l’arbre pour la forêt et désigner le ou la ségrégué-e comme le/la responsable de la ségrégation.

De manière étonnante, dans le programme du Front de gauche, la ségrégation de genre est abordée dans le chapitre sur la laïcité et non dans celui traitant de l’abolition du patriarcat. Les rédacteurs auraient pu se souvenir que la ségrégation selon le genre, si elle est un des instrument de la domination masculine, justifie la double revendication féministe: celle de l’égalité ET celle du droit à s’organiser en dehors du pouvoir des hommes. S’il va de soi que la séparation dans l’espace public doit être combattue, il est en revanche tout aussi certain que, pour mieux la combattre, les femmes, si elles en expriment la volonté, doivent pouvoir échapper, ne serait-ce que pour un temps, au rapport de domination induit par la vie dans la société telle qu’elle est.

Nous avons évidemment pu observer le désarroi des personnels hospitaliers devant la revendication de certaines femmes musulmanes de n’être examinées que par des médecins femmes. Répondre à ce désarroi ne doit cependant pas nous faire oublier le rapport difficile que le corps des femmes entretient de longue date avec la médecine et avec le corps médical (longtemps quasi exclusivement masculin). Le programme du Front de gauche devrait au contraire rappeler que le libre choix du médecin est une des bases de notre système de santé et que la lutte contre le libéralisme qui détruit l’hôpital public – au point que ce principe n’est plus applicable – passe par le rétablissement du droit au choix. Il est vrai qu’en dehors du service public, l’argent permet de choisir son médecin ! Il est donc curieux qu’au nom de la laïcité, le Front de gauche annonce qu’il « interdira » aux patient-e-s de choisir leur médecin à l’hôpital public. Cela ne gênera certes pas grand monde à l’hôpital américain de Neuilly, mais qu’en sera-t-il à l’hôpital Avicenne à Bobigny ?

Le Front de gauche aurait dû se souvenir que les mouvements pour le contrôle des naissances et la liberté sexuelle ont bataillé pour que les femmes puissent dire haut et fort : « Mon corps m’appartient ». Or, la présence de médecins femmes dans les lieux où ce droit est mis en œuvre est une garantie pour les femmes qui viennent consulter qu’elles seront écoutées « autrement ». C’est évidemment tout le contraire de ce qui est écrit dans ces deux lignes malheureuses qu’il faut faire : il faut rétablir le libre choix concret en donnant les moyens nécessaires au système public d’assurer ses missions ! Le programme du Front de gauche doit affirmer que chacun-e est libre de décider s’il/elle se fait soigner ou non, où et par qui.

La possibilité de refuser un médecin avec lequel nous ne sommes pas à l’aise est aussi une garantie d’accéder à des soins de qualité. Qui en effet ne s’est jamais senti-e mal à l’aise devant un médecin ? Qui n’ a jamais ressenti-e le besoin de choisir son médecin selon son sexe ? Hommes ou femmes, nous demandons des seconds avis, nous changeons de médecin quand il ne nous satisfait pas. Il n’est pas pensable de laisser croire que Front de gauche souhaiterait, au nom d’une curieuse conception de la laïcité et de la lutte contre les ségrégations, revenir sur ce droit !

Si on suit le raisonnement absurde de la phrase que nous mettons en cause, pourquoi alors ne pas supprimer la séparation homme-femmes dans les toilettes publiques ou les wagons-lits réservés femmes ? Après tout, ce sont des lieux de ségrégation de genre... Dont hommes et femmes de tout bord s’accommodent pour des raisons d’hygiène (mais n’est-ce pas sexiste de considérer que les hommes sont sales par nature ?), de pudeur (mais pourquoi donc les hommes refuseraient d’uriner dans une pissotière en présence de femmes ?) et de sécurité (mais n’est-ce pas étonnant de considérer que les voyageurs sont des agresseurs potentiels ?).

Le droit de choisir son médecin n’a rien à voir avec la laïcité, c’est un droit inaliénable qui concerne la santé de tous et de toutes. D’ailleurs, la charte de la personne hospitalisée, censée être remise à tout-e patient-e qui entre à l'hôpital depuis la loi du 4 mars 2002, dit : « Toute personne est libre de choisir l'établissement de santé dans lequel elle souhaite être prise en charge. (...) Toute personne peut également choisir son praticien sous réserve que les modalités d'organisation de l'établissement ne s'y opposent pas.» Quand le gouvernement Jospin a voté cette loi, Jean-Luc Mélenchon était ministre de l'enseignement professionnel et Marie-Georges Buffet, ministre de la jeunesse et des sports…

Interdire aux citoyen-nes de choisir leur médecin, c’est considérer que la puissance publique, ici l’hôpital, ailleurs l’État, peut décider pour nous à qui nous confions notre corps et notre esprit, ainsi que leurs maux. Les rédacteurs de la phrase en question pensaient certainement préserver des femmes d’un choix qui ne serait pas le leur, mais celui de leur mari. C’est parfois la réalité, mais qui peut le vérifier et prétendre sonder les cœurs et les esprits ? Si une femme souhaite un médecin femme, rien ne nous permet de croire que ce n’est pas sa volonté, à moins de la considérer comme un être forcément sous domination et incapable de penser et de croire en pleine conscience. Aucune femme, quelle que soit sa classe, son origine ou ses convictions religieuses n’est une victime par essence.

Le Front de gauche dit vouloir ouvrir la voie à une VIe République. Celle-ci sera-t-elle inclusive ou exclusive ? La loi de 1905 est loi de séparation et de garantie de la liberté de religion parce qu'elle a rejeté les positions dogmatiques et sectaires du radical-socialiste Combes et qu’elle a repris celles, plus intelligentes et plus ouvertes, de Jaurès et Briand. Elle promeut une conception de la laïcité qui refuse de contraindre les esprits.

La parenthèse dans le programme du Front de gauche n’est donc pas une anecdote pour nous. Elle témoigne au minimum d’un glissement de plume qui méconnaît les acquis du féminisme et qui peut rejeter les femmes en dehors du système de santé socialisé pour lequel nous combattons.
luc marchauciel
 
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Message par yannalan » 05 Avr 2012, 09:23

Ma compagne,ma belle-soeur, pour prendre deux exemples non-islamistes et même athées, préfèrent de loin un médecin femme, surtout en gynéco, et ce n'est pas moi qui les y oblige. En-dehors des cas d d'extrême urgence, je pense qu'on doit pouvoir choisir son médecin. Il y en a, hommes ou femmes, chez qui je n'ai strictement aucune envie d'aller.
yannalan
 
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Message par canardos » 05 Avr 2012, 09:36

Tan qu'un choix est possible, on doit pouvoir dire je prefererais voir le docteur trucmuche ou la doctoresse michu mais on doit aussi se donner les moyens juridiques au personnel hospitalier de refuser des diktats de principes de la part de gens qui veulent justement refuser la liberté de choix à leur femme.

donc le texte du FdG
a écrit :Interdire le choix du sexe du médecin à l'hôpital public
donnerait ce moyen d'interdire ce genre d'attitude...et ce n'est peut-être pas par hasard si ce sont deux militantes d'un mouvement chrétien et un adepte de la discrimination positive défenseur du communautarisme qui protestent..les religieux de tous bords n'ont jamais vraiment accepté les droits des femmes et refusent qu'on puisse l'imposer au mari
canardos
 
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Message par yannalan » 05 Avr 2012, 10:16

En cas d'urgence, évidemment, on ne peut pas laisser mourir quelqu'un. Mais les femmes ont aussi le droit de choisir par qui elle préfèrent être soignées.
Pour l'hôpital, il y a une liste de médecins, si elle ne convient pas, il n'y a qu'à aller voir ailleurs...
yannalan
 
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Message par Zelda » 05 Avr 2012, 10:25

D'accord avec Yannalan.
Un médecin ne soigne pas des maladies, il soigne des malades. Bref, le contact humain est primordial, car c'est une relation de confiance... ou non. On doit pouvoir choisir son médecin. La maladie est un combat, le médecin est un partenaire de combat qui nous fournit les bonnes armes, si la relation est bonne.
Toutes les autres considérations sont secondaires.
Et j'ai connu un gynéco homme d'une extrême délicatesse, il y avait une longue file d'attente devant son cabinet.
Zelda
 
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Message par quijote » 05 Avr 2012, 11:21

une femme voilée peut toujours refuser de se faire soigner par un médecin homme : dans ce cas , il faut la mettre face à ses responsabilités ( en l 'informant des risques encourus): vous refusez certes , mais dans ce cas vous signez une décharge , car il vous faudra attendre ..alors qu 'il y a nécessité d 'intervenir en urgence.Et c 'est vous et personne d 'autre que ça concerne.
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Message par artza » 05 Avr 2012, 13:48

(Zelda @ jeudi 5 avril 2012 à 11:25 a écrit :On doit pouvoir choisir son médecin.

Ce libre choix appartient surtout aux privilégiés de la société, comme choisir le meilleur lycée pour ses enfants.

Ce n'est pas qu'une question d'argent ce qui est quand même déterminant, mais aussi d'instruction de culture, de relations et de disponibilité.

C'est un peu comme choisir son magasin d'alimentation, on a le choix entre la superette du coin, le super-marché des environs et puis pour les "parisiens" il y a Hédiart, Fauchon et L'Epicerie de Paris où on trouve même du lait de jument.
artza
 
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Message par yannalan » 05 Avr 2012, 14:16

Non, c'est faux.
Quand je vais chez l'ophtalmo, je préfère aller un peu plus loin chez quelqu'un de sérieux que chez le clown qui n' a pas été foutu de mesurer la myopie et l'astigmatisme de ma copine ou son collègue qui vire les handicapés mentaux en disant aux accompagnateurs d'aller chez le vétérinaire la fois d'après...
Ce n'est pas une question d'argent, ils coûtent le même prix.
Et quand des femmes que je connais préfèrent aller chez une femme, elles paient aussi le même prix.
yannalan
 
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Message par com_71 » 06 Avr 2012, 02:02

(yannalan @ jeudi 5 avril 2012 à 15:16 a écrit : Non, c'est faux.
Quand je vais chez l'ophtalmo, je préfère aller un peu plus loin chez quelqu'un de sérieux que chez le clown qui n' a pas été foutu de mesurer la myopie et l'astigmatisme de ma copine...
Ben oui, question d'instruction et de culture qu'il t'a dit...
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Zelda » 06 Avr 2012, 07:05

On peut être illettré et avoir un mauvais contact avec un médecin près de chez soi mais pédant, par exemple. Et en France pour l'instant, je touche du bois (lol), il y a d'excellents médecins conventionnés secteur 1 près des quartiers HLM. Il y a des médiocres qui courent après le fric secteur 2 et qui ne doivent leurs clients qu'au fait qu'il y a moins la queue parce que cela coûte 15 euros de les voir. Quand on est pauvre, on fait plus la queue. C'est chiant, mais pas vital.
Je parle des généralistes, en tout cas.

C'est comme si vous disiez "Les enseignants chez les élèves pauvres sont moins bons que pour les riches."
C'est faux, en France et jusqu'à nouvel ordre.
Zelda
 
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