«Le socialisme est une doctrine morte»

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Message par Matrok » 09 Nov 2012, 10:50

Une interview de l'économiste Bernard Maris, ex-pilier de Charlie Hebdo période Phillippe Val, devenu depuis quelques années l'un des meilleurs chiens de garde du capitalisme qu'il considère comme un horizon indépassable puisque "le socialisme est mort" selon lui. Sa dernière lubie est la décroissance. C'est paru dans Libération. Il y a quelques vérités là dedans, si on le lit comme un aveu.

(Libération @ Économie, 7 novembre 2012 à 16:28 a écrit :
«Le socialisme est une doctrine morte»

«Virage», «tournant», «révolution copernicienne» pour la gauche : ainsi la presse qualifie-t-elle les mesures sur la compétitivité annoncées mardi par Jean-Marc Ayrault. Et particulièrement la principale d'entre elles : un crédit d'impôt massif de vingt milliards d'euros au bénéfice des entreprises, financé notamment par une hausse de la TVA et une réduction des dépenses publiques.

Pour l'économiste Bernard Maris, membre du conseil général de la Banque de France et auteur d'un désabusé Plaidoyer (impossible) pour les socialistes, paru chez Albin Michel, ces annonces ne font que confirmer un mouvement entamé de longue date : l'édulcoration de la doctrine socialiste et sa soumission au «carcan économique».

Après les dernières annonces sur la compétitivité, avez-vous le sentiment que François Hollande se soit renié ?

Pas vraiment. Il avait déjà pris une pente gestionnaire pendant sa campagne, avec son objectif d’une réduction drastique du déficit budgétaire, qui relève d’une analyse comptable de l'économie. De toute façon, les socialistes sont de farouches défenseurs des entrepreneurs depuis Edith Cresson [Premier ministre de François Mitterrand en 1991-1992, ndlr]. Il est faux de dire qu’il y a une haine entre eux. L’actuel gouvernement estime que la compétitivité dépend du coût du travail. C’est une analyse typique de la droite, qui considère le travail, non pas comme un investissement, mais comme une charge. La hausse de la TVA, dont on voit mal la différence avec la TVA sociale de Nicolas Sarkozy, va dans le même sens.

Cette préférence pour une politique de l’offre, et pas de stimulation de la demande, est-elle inédite pour le PS ?

Selon moi, le tournant remonte tout de même à la rigueur décidée par François Mitterrand en 1983. A partir de cette date, il se plie à la mondialisation et à l’exigence de concurrence libre et non faussée. Pour sa réélection, en 1988, Mitterrand rédige d’ailleurs une «lettre à tous les Français» dont les considérations sur la compétitivité pourraient être réutilisées à la virgule près aujourd’hui.

Le rôle de Pierre Bérégovoy [ministre de l’Economie, puis Premier ministre entre 1988 et 1993] a été considérable dans la financiarisation de l'économie française. Avant lui, Jacques Delors avait commencé avec sa politique du franc fort. Le PS de Jospin, avec ses privatisations, et d’aujourd’hui, est en plein dans cette ligne. Malgré quelques retours de flamme doctrinaux, comme les 35 heures, dont ses concepteurs ont presque eu honte de dire qu’ils les inscrivaient dans la tradition d’un Léon Blum.

Une autre politique est-elle encore possible dans le cadre des engagements européens de la France, tels que le traité budgétaire et sa limite du déficit à 3% ?

Sur la macro-économie, effectivement, le PS ne peut pas faire très différemment. On ne peut pas se battre avec des sagaies contre des tanks. La métaphore de la guerre économique est plutôt bonne. Le PS n’a pas le choix, mais ce n’est pas du socialisme, c’est pour ça que je ne lui en veut pas trop. Il vit sur une doctrine édulcorée, apprivoisée, soumise au carcan économique. C’est une doctrine morte. Elle a accompli l’essentiel de sa tâche en 1945, avec le programme du Conseil national de la Résistance. D’autres avancées ont suivi, mais le plus gros était fait. Depuis, les socialistes ne font qu’un travail de résistance à la dégradation de l’Etat-providence, pas de proposition.

N’y a-t-il plus aucune différence avec la droite ? Et avec les partis sociaux-libéraux allemands ou britanniques ?

La droite s’est peu à peu «socialisée», et on assiste donc à une convergence des deux doctrines. Le RSA, le revenu minimum d’existence, la croissance verte, le mariage homosexuel... Je suis convaincu que n’importe quel homme de droite avec un peu de bon sens pourrait reprendre ces mesures à son compte. Avec les autres partis sociaux-démocrates d’Europe, il y a toujours une différence rhétorique; mais ce sont les actes qui comptent, pas les envolées lyriques. On se rapproche d’eux à petit pas, et on n’en était déjà pas loin avec Delors et Bérégovoy.

Quelle alternative à ce socialisme à gauche ?

A titre personnel, je me raccroche au courant écologiste décroissant. Après la guerre, le libéralisme a triomphé en proposant un mode de gestion de la violence fondé sur le libre-échange : on ferait du commerce au lieu de faire la guerre. Socialistes et communistes proposaient un autre contrat, fondé sur le partage, mais toujours avec l’abondance matérielle en ligne de mire. Il faut maintenant aller vers une abondance spirituelle, avec un contrat fondé sur l’intelligence et la recherche. Mais le socialisme reste pris dans le maelstrom productiviste.
Matrok
 
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