Les inrocks (david doucet)
Après quatre années passées loin de la tête du NPA, Olivier Besancenot revient aux affaires comme tête de liste aux européennes en Ile-de-France. Séduira t-il à nouveau l’opinion ?
Aux alentours de midi, à Montreuil. Une voiture, du rap à fond les enceintes, se gare sur le parking du siège du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Au volant, Olivier Besancenot. L’ancien porte-parole du NPA coupe le contact et sort du véhicule, le visage poupin qu’une barbe de trois jours ne parvient pas à masquer. “J’étais en train d’écouter Barbès Clan, un groupe de rap du XVIIIe”, sourit l’ex-facteur de Neuilly, aujourd’hui guichetier porte de Clignancourt. Avec son style sportswear d’ado, on se demande si le candidat normal, ce n’est pas lui.
Même s’il s’en défend, Olivier Besancenot est bien de retour sur la scène politique. L’ex-candidat à la présidentielle est tête de liste en Ile-de-France aux élections européennes. En 2011, il avait annoncé qu’il renonçait à être candidat à la présidentielle, cédant sa place à Philippe Poutou. “Olivier répétait qu’il voulait ‘prendre le pouvoir sans être pris par le pouvoir’ et qu’il y avait une trop grande distance entre ‘son personnage dans les médias et sa propre personnalité”, explique son ami François Sabado, membre de la direction du parti. Olivier Besancenot, alors jeune père de famille, invoquait le facteur lassitude après dix ans de bons et loyaux services électoraux. “Aux yeux de l’opinion, le NPA était devenu le parti d’Olivier Besancenot, c’était totalement contradictoire avec le message collectif que nous souhaitions porter”, justifie-t-il aujourd’hui.
Rappelé en première ligne sous le drapeau rouge et blanc du NPA, Olivier Besancenot assure qu’il n’a pour autant jamais quitté le terrain des luttes sociales. “J’ai continué à mouiller la chemise en participant à des réunions publiques, des meetings ou des manifs, confie-t-il. J’ai regagné une liberté personnelle qui m’allait très bien, mais aujourd’hui l’urgence politique et sociale m’a poussé à participer à cette bataille électorale.” François Sabado renchérit : “Olivier a beaucoup tergiversé mais la crise politique et sociale a rendu indispensable sa candidature. Nous sommes un trop petit parti pour refuser de jouer le jeu politique et médiatique.”
Sur le canapé rouge de Drucker
Mais que s’est-il passé pour que le leader d’extrême gauche prenne la clé des champs, il y a maintenant trois ans ? Pour le comprendre, il faut remonter au dimanche 11 mai 2008. Le porte-parole du NPA est alors l’invité de Vivement dimanche sur France 2. Sur le canapé rouge de Michel Drucker, Olivier Besancenot connaît le point d’orgue de sa starification. Couverture du Nouvel Obs, portrait dans le New York Times, demi-page dans Gala, les médias s’arrachent le leader de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR).
Le soir de la diffusion de l’émission, Drucker est en Provence. Il doit dîner avec le couple Chirac à L’Oustau de Baumanière, un restaurant situé dans une demeure du XVIeme siècle. Vers 20 heures, l’animateur se retrouve en tête à tête avec Bernadette Chirac. L’ancien président de la République se fait attendre. Quinze minutes plus tard, Jacques Chirac débarque avec le sourire :
“Je suis un peu en retard car je voulais regarder votre émission jusqu’au bout. Vous avez eu raison d’inviter Besancenot, il a de la personnalité ce gamin. C’est un bon !”
Quelques jours plus tard, les chiffres confirment l’intuition chiraquienne. L’émission réalise 21,3 % de part de marché, un record. Les sondages prédisent même un score à deux chiffres à Besancenot en cas de troisième candidature à la présidentielle.
“Je pensais que cette émission signerait son envol définitif, avoue Drucker. Mais au sein de cette famille politique, même s ils ont un porte-parole qui est brillantissime, il ne doit pas sortir la tête du rang”.
Car cette pipolisation fait grincer des dents au sein de sa famille politique. Son principal opposant à la LCR, Christian Picquet, dénonce “une entreprise de dépolitisation de la société française et de personnalisation à l’extrême”.
Il naît à la politique après un crime raciste
La politique est venue à Besancenot plus qu’il n’est venu à elle. Natif de Levallois-Perret, ce fils d’instit grandit à Louviers, dans l’Eure. En 1988, il naît à la politique après qu’un jeune ado qu’il connaît fut victime d’un crime raciste. Révolté, il adhère à SOS Racisme puis aux Jeunesses communistes révolutionnaires. “J’ai assez vite compris que le racisme était inscrit dans le code génétique de la société capitaliste.”
“Olivier n’a jamais cherché à se mettre en avant, il ne marche pas à l’ego, assure son ancien prof d’allemand, Pierre Vandevoorde, animateur local de SOS Racisme et militant de la LCR. Comme Engels, il a toujours réalisé ce qu’il jugeait utile pour la diffusion de ses idées.” Vandevoorde se rappelle les premiers pas de son poulain au lycée : “Avant une mobilisation importante, l’un de nos plus vieux militants est tombé malade. Cloué au lit. Olivier venait d’arriver au lycée mais il a accepté de le remplacer au pied levé.” Surmontant son trac, le jeune homme tient tête à son proviseur avec un mégaphone et convainc ses camarades de se mettre en grève.
Trois ans plus tard, il récidive lors du déclenchement de la guerre du Golfe. Prenant la tête d’une délégation de lycéens, l’apprenti révolutionnaire décide d’en découdre avec François Loncle, le député de sa circonscription qui a voté en faveur de l’engagement français en Irak. “C’était un peu chaud, se souvient amusé, François Loncle. Il faut dire que c’était un meneur d’hommes, il avait déjà un sacré charisme pour son âge.”
Candidat malgré lui
Après avoir obtenu sa licence d’histoire à Nanterre, Olivier Besancenot décide d’arrêter ses études pour se consacrer à son engagement. Il passe le concours de La Poste. En parallèle, son ascension au sein de la LCR est fulgurante. En 1996, il entre au comité central. Deux ans plus tard, il siège au bureau politique. Repéré par Alain Krivine, le leader de la LCR lui propose de devenir son attaché au parlement européen en 1999. Olivier Besancenot hésite puis accepte.
Cette concession n’est que la première d’une longue liste. Deux ans plus tard, François Sabado lui suggère d’être le candidat de la LCR à l’élection présidentielle de 2002. Sa première réaction ? “Mort de rire”, puis “Tu déconnes ou quoi ?” Comme personne ne veut se présenter, Besancenot réclame quinze jours de réflexion qu’il passe aux Antilles avec sa copine. A son retour, il retrouve son mentor dans un café sur l’avenue des Champs-Elysées. Autour d’un Mocaccino, il finit par accepter : “On va tenter le coup.”
Très vite, Besancenot s’impose comme un débatteur hors pair sur les plateaux de télévision tandis que son affiche de campagne (” Olivier Besancenot, 27 ans, facteur”) marque l’opinion. “Il y a eu un processus d’identification d’une partie du pays autour de sa personne, analyse Sabado. Avant, nous ne nous adressions qu’à des personnes politisées, il a su traduire notre message politique pour des millions de gens.”
Au soir du premier tour, il recueille 4,25 % des voix, un score inimaginable pour la LCR. Deux ans plus tard, il devient l’un des hérauts du “non” au référendum sur le traité constitutionnel européen. Lors de l’élection présidentielle de 2007, devant l’insistance du parti, Besancenot rempile. A l’annonce des résultats, la direction de la Ligue exulte. Besancenot se paie le luxe de faire un meilleur score qu’en 2002 et coiffe au poteau tous les candidats de la gauche de la gauche avec 1,5 million de voix. Marie-George Buffet, Dominique Voynet, Arlette Laguiller et José Bové assistent impuissants à ce que les médias appellent désormais “l’effet Besancenot”. “Il a sorti la LCR de sa marginalisation, estime son ami, le sociologue Michael Löwy. Il a permis à notre mouvement d’acquérir une audience quatre fois plus importante que celle que nous avions auparavant.”
Le NPA, victime de sa “Besancenot-dépendance”
Au-delà de cette visibilité, le facteur renouvelle les références du mouvement trotskyste. Dans ses discours, il privilégie la Commune de Paris à la révolution de 1917, cite le Che plus que Trotski, et écoute davantage JoeyStarr ou la Scred Connexion que de vieux chants révolutionnaires.
Dans la foulée du succès de 2007, Besancenot souhaite transformer la LCR en parti de masse. En février 2009, l’organisation est dissoute et laisse place au NPA.Trois lettres pour un nouveau départ. Sûr de lui-même, le Nouveau Parti anticapitaliste refuse toute alliance avec le Front de gauche aux élections européennes de 2009 puis aux régionales de 2010. Cette posture isolationniste ramène le parti dans les limbes électorales.
“Besancenot aurait pu être le leader de la gauche radicale, mais on a loupé le coche”, regrette Omar Slaouti, ex-membre de la direction. Victime de sa “Besancenot-dépendance”, le NPA ne sort pas indemne de sa non-candidature à la présidentielle de 2012. Une partie importante du mouvement rejoint le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon pendant que Philippe Poutou, loin d’avoir le charisme de son prédécesseur, ne récolte que 1,15 % des voix. De 9000 adhérents lors de sa fondation, le NPA chute à moins de 2500.
A 40 ans, Olivier Besancenot s’est résolu à revenir en première ligne. “Olivier était très content de sa retraite médiatique mais il sait qu’il a une aura plus grande que celle du parti”, raconte Michael Löwy. “Aujourd’hui, quand je discute avec lui, j’ai l’impression de parler avec le responsable politique de l’organisation. Il assume son rôle de leader politique”, confirme le secrétaire national du Parti de gauche Eric Coquerel.
“On a connu des moments difficiles, mais aujourd’hui nous sommes de nouveau en phase avec la situation politique, veut croire Olivier Besancenot. La campagne va nous permettre de nous battre pour construire une Europe des travailleurs et des peuples en prenant le meilleur des législations sociales de chaque pays comme l’établissement d’un smic européen.” Fuyant les questions personnelles durant l’entretien, le candidat du NPA craque lorsque le sujet football arrive sur la table. “Oui, bien sûr, je continue à jouer au foot à Gennevilliers”, répond Besancenot. A quel poste ? Gêné, il répond : “Je suis plutôt devant.”