Quelle mouche a piqué Jean-Luc Mélenchon?
Par Alexandre Sulzer, publié le 22/08/2014 à 17:50, mis à jour à 18:41
L'ancien candidat à la présidentielle annonce qu'il quitte la co-présidence du Parti de Gauche mais se met "en pointe pour aider à la formation d'un Mouvement pour la 6e République".
Jean-Luc Mélenchon a officialisé sa démission de la co-présidence du Front de gauche.
afp.com/Rodrigo Buendia
Il reste dans le "combat politique" mais ne veut "plus être englué dans la bagarre politicienne". Nuance. Il assume sa "lassitude" mais "n'en a pas marre". Nuance. Il quitte la co-présidence du Parti de Gauche mais se met "en pointe pour aider à la formation d'un Mouvement pour la 6e République". Nuance.
Décidément, Jean-Luc Mélenchon aime les subtilités. Celui dont on connaissait le "vague à l'âme" depuis une interview pour le site Hexagones.fr fin juillet a confirmé vendredi qu'il quittait la co-présidence du Parti de Gauche (PG) avec Martine Billard. L'information devait être officialisée ce week-end mais France Inter l'a fait fuiter, contraignant l'ancien candidat à la présidentielle à improviser une conférence de presse pour expliquer son retrait... qui n'en est pas un. C'est en tous les cas ce qu'il promet.
Comme un vague à l'âme
L'annonce n'est pas une surprise. Dans son entretien à Hexagones, Jean-Luc Mélenchon explique qu' "à un moment, il faut s'arrêter de courir". "Là, j'ai besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles. [...] Retrouver mes pinceaux et mon encre de Chine", confessait le tribun, échaudé par le catastrophique résultat du PG aux municipales et surtout aux européennes.
"Cette démission était dans l'air du temps", confirme à L'Express Eric Coquerel, le secrétaire national du PG, qui garde son poste. "Si on ne veut pas se retrouver dans une situation catastrophique en 2017, on n'y arrivera pas avec le Front de gauche [NDLR: alliance du PG et du PCF] ou le PG. Ça passera par autre chose. Jean-Luc Mélenchon va se redisposer sur cette autre chose." Un nouveau parti? Une alliance de partis? Un mouvement citoyen? "On ne connaît pas encore la formulation mais on connaît l'objectif: rassembler tous ceux qui sont disponibles pour lutter contre l'austérité et pour faire émerger une 6e République."
Copiner avec les autres formations à la gauche du gouvernement
Façon policée d'enterrer le Front de gauche. "Un échec", reconnaît sans détour Eric Coquerel, qui se refuse encore, diplomatie oblige à l'égard des camarades communistes, à officialiser la mort: "On verra bien..." Par ailleurs, reconnaît ce cadre du PG, affronter sabre au clair le présidentialisme de la Ve République quand on est soi-même co-président d'un parti, "ça ne colle pas trop".
C'est en revanche aux autres formations, à la gauche du PS, que Jean-Luc Mélenchon entend désormais coller. La tribune de la députée européenne EELV Eva Joly et de Julien Bayou, porte-parole de la formation écologiste, parue dans Libération vendredi n'est pas passée inaperçue aux yeux de Jean-Luc Mélenchon et de ses proches. "Si au lieu d'être obsédés par le socialisme gouvernemental, nous tentions d'ouvrir un autre chemin pour 2017?", s'interrogent-ils, presque en écho au désormais ex coprésident du PG. "Ce que disent Joly et Bayou nous intéressent ainsi que ce que dit Marie-Noëlle Lienemann", confesse à L'Express Eric Coquerel. La sénatrice socialiste, figure de l'aile gauche du PS, conteste la ligne gouvernementale et appelle à un Congrès extraordinaire du parti.
"Poste de combat"
Comme pour illustrer son propos, Jean-Luc Mélenchon indique, dans une interview publiée jeudi dans le Dauphiné Libéré, que "ce qui s'est passé à Grenoble [aux municipales] est une anticipation qui me fait rêver". Le nouveau maire de la ville, Eric Piolle, y a été élu grâce à une alliance du PG, d'EELV et de groupuscules d'extrême gauche.
"Je dois sortir du dispositif purement partidaire pour être à un autre poste de combat", a précisé ce vendredi Jean-Luc Mélenchon, en référence à son nouveau rôle. Très en verve, Cécile Duflot semble elle aussi, en cette rentrée politique, être en première ligne. Ça peut tomber plutôt bien. Ou ça peut tomber plutôt mal. Une grosse nuance qui dépendra, comme souvent en politique, des égos d'anciens dirigeants de parti pas encore vraiment à la retraite.