Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

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Re: Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

Message par Duffy » 11 Fév 2015, 00:42

Non.

Ce n'est tout simplement pas Trotsky qui parle, mais Broué, dans sa biographie de Trotsky de 1988.

La phrase complète (de Broué) :

Des commentateurs plus avisés s'attacheront cependant à une idée exprimée par Trotsky au cours du débat de 1939-1940 contre Burnham et Shachtman, et citée plus haut : il y affirme en effet que l'absence de révolution à la fin de la Seconde Guerre mondiale serait la preuve de l'incapacité historique du prolétariat à assumer le destin de la société tout entière, et qu'elle obligerait à revoir les perspectives marxistes et à envisager un processus de décadence de la civilisation humaine, dans laquelle il n'y aurait plus de place pour la révolution socialiste.


(Voir plus bas pour "l'idée exprimée par Trotsky et citée plus haut" par Broué).
Et Broué toujours, dans le paragraphe suivant immédiatement le précédent :

En chercheurs consciencieux, mes amis et moi avons pris l'hypothèse au sérieux et cherché dans ses papiers un développement ou au moins un brouillon, des notes, qu'il n'aurait pas manqué de rédiger si cette phrase avait exprimé pour lui une hypothèse sérieuse et non un procédé pour démontrer que ses adversaires manquaient de « l'optimisme révolutionnaire » le plus élémentaire. Nous n'avons rien trouvé. Nous le reprochera-t-on ? Notre ami Van pensait, lui, que cette phrase pouvait bien refléter le fond de la pensée de Trotsky et que ce dernier, à cette date, était prêt à « retailler la barbe de Marx », selon son expression. Il a vainement cherché avec nous et finalement renoncé, faute de documents, à faire le travail qu'il avait envisagé sur cette question. Je laisse à d'autres la responsabilité de tirer des conclusions définitives et profondes de ce passage.


Ce que dit Trotsky, cité par Broué (je mets la citation complète, celle faite par Broué est tronquée de telle façon qu'une phrase n'a absolument plus aucun sens, et qu'une autre perd une partie de son sens) :

Si cette guerre provoque, comme nous le croyons, la révolution prolétarienne, elle entraînera inévitablement le renversement de la bureaucratie en U.R.S.S. et la résurrection de la démocratie soviétique sur des bases économiques et culturelles infiniment plus élevées qu'en 1918. Dans ce cas, la question de savoir si la bureaucratie stalinienne est une "classe" ou une excroissance sur l'Etat ouvrier se résoudra d'elle-même. Il sera clair alors que, dans le processus du développement de la révolution internationale, la bureaucratie soviétique ne représentait qu'une rechute épisodique.

Si l'on considère, au contraire, que la guerre actuelle provoquera non point la révolution mais la déchéance du prolétariat, il n'existe alors qu'une autre issue à l'alternative : la décomposition ultérieure du capitalisme monopoliste, sa fusion ultérieure avec l'Etat et la disparition de la démocratie, là où elle s'est encore maintenue, au profit d'un régime totalitaire. L'incapacité du prolétariat à prendre en main la direction de la société pourrait effectivement dans ces conditions mener au développement d'une nouvelle classe exploiteuse issue de la bureaucratie bonapartiste et fasciste. Ce serait, selon toute vraisemblance, un régime de décadence qui signifierait le crépuscule de la civilisation.


Et, du même article (des paragraphes que ne cite pas du tout Broué) :

L'orientation vers la révolution internationale et la régénération de l'U.R.S.S.

Un délai d'un quart de siècle s'est révélé trop court pour le réarmement révolutionnaire de l'avant-garde prolétarienne internationale et trop long pour préserver le système soviétique dans un pays arriéré isolé. L'humanité en paie le prix aujourd'hui par une nouvelle guerre impérialiste. Mais la tâche essentielle de notre époque n'a pas changé pour cette simple raison qu'elle n'est pas résolue. Un acquis colossal dans le dernier quart de siècle et un gage inappréciable pour l'avenir voilà ce que représente le fait que l'un des détachements du prolétariat mondial à été capable de démontrer dans l'action comment la tâche peut être résolue.

La deuxième guerre impérialiste place la tâche encore non résolue à une étape historique encore plus haute. Elle met à l'épreuve une fois de plus non seulement la stabilité des régimes existants mais aussi la capacité du prolétariat de les remplacer. Les résultats de cette épreuve auront sans aucun doute une signification décisive pour notre appréciation de l'époque contemporaine en tant qu'époque de la révolution prolétarienne. Si, contrairement à toutes les probabilités, la Révolution d'Octobre ne trouve pas, au cours de la présente guerre, ou immédiatement après, son prolongement dans l'un ou l'autre des pays avancés ; et si, au contraire, le prolétariat est rejeté en arrière partout et sur tous les fronts, alors nous aurions à coup sûr à poser la question d'une révision de notre conception de la présente époque et de ses forces motrices, il ne s'agirait pas de savoir quelle étiquette coller sur l'U.R.S.S. ou la clique stalinienne mais d'une réévaluation des perspectives historiques mondiales pour les décennies, si ce n'est les siècles, à venir : sommes-nous entrés dans l'époque de la révolution sociale et de là société socialiste, ou au contraire dans l'époque de la société décadente de la bureaucratie totalitaire ?

Les schématiques dans le genre d'Hugo Urbahns et de Bruno R. commettent une double erreur : premièrement ils proclament que ce régime est déjà définitivement en place ; ensuite ils le définissent comme un long état transitoire de la société entre le capitalisme et le socialisme. Cependant il est tout à fait évident que si le bilan à tirer de l'expérience de notre époque entière et de là nouvelle guerre en cours c'était que le prolétariat se révèle incapable de devenir le maître de la société, cela signifierait l'effondrement de tous les espoirs en la révolution socialiste car on ne saurait certainement attendre des conditions plus favorables pour la révolution ; en tout état de cause personne ne peut ni les prévoir ni les définir.

Les marxistes n'ont pas le moindre droit (à moins de considérer le désenchantement et la lassitude comme un "droit") de tirer la conclusion que le prolétariat a épuisé ses possibilités révolutionnaires et doit abandonner ses prétentions à parvenir au pouvoir dans la toute prochaine période. Sur les balances de l'histoire vingt-cinq années correspondent à une heure de la vie d'une homme quand de très profonds changements des systèmes économiques et culturels sont en jeu. A quoi est bon un homme qui, pour quelques échecs empiriques qu'il subit pendant une heure ou une journée, abandonne le but qu'il s'était fixé à partir de l'expérience et de l'étude de toute sa vie antérieure? Dans les années sombres de la réaction russe (1907-1917) nous partions des possibilités qu'avait révélées le prolétariat russe en 1905. En ces années de réaction mondiale nous devons aussi partir des possibilités qu'a révélées le prolétariat russe en 1917. La Quatrième Internationale ne s'est pas désignée par hasard comme le parti mondial de la révolution socialiste. Notre voie est immuable. Notre orientation c'est celle qui mène à la révolution internationale et, par là-même, à la régénération de l'U.R.S.S. comme Etat ouvrier.


C'est dans Défense du marxisme, "L'URSS dans la guerre" (septembre 1939).

Bref, chacun en pensera ce qu'il veut, mais une chose certaine, c'est que ce que dit Broué de "l'idée exprimée par Trotsky" ne correspond pas à ce qu'a écrit, vraiment, Trotsky (qui ne parle pas "d'incapacité historique du prolétariat", pas plus que de "processus de décadence de la civilisation humaine, dans laquelle il n'y aurait plus de place pour la révolution socialiste" ; cela Broué l'invente, "en chercheur consciencieux" qu'il est, comme il dit). Par ailleurs, même tout ce dernier bout de texte cité est tout simplement incompréhensible sans le remettre dans le débat sur la nature de l'URSS et la guerre. Alors chacun peut constater qu'il n'y a pas eu de révolutions prolétariennes avec la Seconde guerre mondiale, mais en tirer des conclusions sur Trotsky qui aurait alors été prêt à abandonner le socialisme scientifique, la classe ouvrière et la révolution d'un coup, d'un seul, c'est délirant.
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Re: Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

Message par Zelda_Zbak » 11 Fév 2015, 13:36

spartacre a écrit :comme dit l 'autre " pas nécessaire d'espérer pour entreprendre "...

Pour reprendre la citation :
"Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer"

Je ne sais pas si elle est de Guillaume le Tactiturne, Charles le Téméraire ou du Chevalier de la Barre, je sais par contre que c'est la fanfaronnade la plus fausse que j'aie jamais entendu ! Et heureusement que les humains avant d'entreprendre quoi que ce soit, étudient la faisabilité du projet et ses chances de réussir, évaluent les progrès faits aux différentes étapes etc.
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Re: Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

Message par spartacre » 11 Fév 2015, 15:26

Guillaume le taciturne..

ce n'est pas si insensé que cela . Guillaume le Taciturne finit par vaincre l 'Espagne de Philippe 2 malgré l 'apparente supériorité de cette dernière.. cela veut dire aussi que les combats perdus sont ceux qu 'on ne mène pas ..idem pour le mouvement communiste....
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Re: Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

Message par églantine » 21 Avr 2015, 12:59

Tant que les trotskystes susciteront des interrogations c'est qu'ils ne sont pas morts ou qu'ils aient échoué.
La classe ouvrière trime toujours, est-ce que la question sous-entend que la classe ouvrière ne peut plus livrer bataille ?
Mais ça va pas de se poser des questions pareilles ? ?????
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Re: Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

Message par com_71 » 21 Avr 2015, 13:13

Un passage de Trotsky, cité plus haut :

Les marxistes n'ont pas le moindre droit (à moins de considérer le désenchantement et la lassitude comme un "droit") de tirer la conclusion que le prolétariat a épuisé ses possibilités révolutionnaires et doit abandonner ses prétentions à parvenir au pouvoir dans la toute prochaine période. Sur les balances de l'histoire vingt-cinq années correspondent à une heure de la vie d'une homme quand de très profonds changements des systèmes économiques et culturels sont en jeu. A quoi est bon un homme qui, pour quelques échecs empiriques qu'il subit pendant une heure ou une journée, abandonne le but qu'il s'était fixé à partir de l'expérience et de l'étude de toute sa vie antérieure ?


L'Urss en guerre (septembre 1939)
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

Message par Koceila » 03 Nov 2015, 13:28

Bonjour,
Je vous remercie pour toutes les réponses que vous avez bien voulu apporter à mes questions.
Cependant, aucune d’elles ne me satisfait. En effet, lorsque l’on s’intéresse un tant soit peu à l’actualité, française ou internationale, rien ne laisse présager une prochaine révolution prolétarienne, bien au contraire ! Partout, nous voyons les masses se tourner vers les charlatans et les faiseurs de miracles ; les voix de ceux qui les appellent à agir pour eux-mêmes, à ne pas croire les bonimenteurs et ceux qui promettent le paradis sont étouffées ou noyées dans la clameur réactionnaire.
Vous, vous me dites, en substance, que rien n’est joué, que le prolétariat peut se ressaisir ! Peut-être, est-ce parce que Nathalie Arthaud a un score électoral supérieur à celui du FN aux élections présidentielles ? Peut-être voyez-vous que la classe ouvrière crée partout des sections de l’internationale, tant rêvée, qui les mèneront au combat décisif ?
Hélas, vous êtes les seuls à rêver ! En France, les ouvriers sont plus enclins à voter pour le FN que pour LO, et, d’après le Figaro, 40 % des personnes interrogées lors d’un sondage sont favorables à un gouvernement autoritaire et technocratique. Partout en Europe, on constate une progression de cet être sournois que certains croyaient mort avec Hitler et Mussolini. Evidemment, pour l’abattre définitivement, il aurait fallu abattre le capitalisme. Or, où que se tourne le regard, la classe ouvrière internationale est servile avec les puissants, et n’est nullement prête à relever le défi. Elle préfère donner sa confiance aux démagogues de gauche, de droite ou d’extrême droite voir fascisants (comme les islamistes agissants sur ordre de l’impérialisme ou de monarques).
Depuis la Première Guerre mondiale, a fortiori depuis l’émergence du stalinisme, la classe ouvrière a divorcé avec l’élite révolutionnaire, c’est-à-dire les trotskystes. D’errements en errements nous voilà parvenus au seuil de l’autodestruction. Ceux qui, parmi les gauchistes, pensaient par naïveté, ou par calcul qu’après l’arrivée de la gauche au pouvoir, et quand son imposture sera mise en évidence, les travailleurs français se tourneraient vers eux comme un seul homme. J’ai fait partie de ceux qui défendaient une thèse contraire, je me suis fait traiter de fasciste, y compris par un camarade proche (à ce dernier j’adresse un salut contrit). A l’époque, je ne savais pas si l’on comptait des Trotski ou des Lénine, dans nos rangs, mais nous avions des Staline à coup sûr. Peut-être était-il encore temps, dans ces années soixante-dix, de redresser la barre…
Enfin, à l’instar de Claude Lévi-Strauss, je suis mécontent de ce début de 21e siècle. Peut-être faut-il attendre le siècle suivant pour sortir de la nuit ? Si d’ici là, la bourgeoisie n’a pas commis l’irréparable !
A vous.
Koceila
 
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Re: Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

Message par Plestin » 03 Nov 2015, 15:57

Bonjour,

Indépendamment de savoir dans quelle situation sont les militants trotskystes et leurs organisations, les "fondamentaux" sont toujours là : une société révoltante, la misère, l'exploitation, les guerres... La classe ouvrière (la classe des travailleurs, pas seulement les ouvriers d'industrie) est présente dans tous les pays et joue un rôle absolument essentiel dans tout le processus de production de richesses à l'échelle du monde. Donc, les ingrédients de la révolution existent toujours, et ils sont même en plus grande quantité qu'à l'époque de Trotsky, de Lénine et a fortiori de Marx : il suffit de regarder la classe ouvrière chinoise, coréenne, indienne ou brésilienne pour le constater. De plus, s'il est vrai que dans certains pays les luttes les plus visibles se situent sur un autre terrain apparent, celui du nationalisme ou de la religion, dans d'autres - ou dans les mêmes - il y a d'importantes luttes de la classe ouvrière. On l'a vu en Afrique du Sud par exemple, avec les grèves très dures dans les mines de platine, mais on a pu le voir aussi en Corée du Sud, en Turquie, au Bangladesh, dans certaines régions de Chine etc. et dans ces pays ce n'est pas en termes d'élections que les travailleurs se posent les problèmes ! Bien entendu, partout il peut y avoir à un moment donné une vague révolutionnaire mais aussi, en fonction des circonstances et des forces en présence, une vague réactionnaire. Et le système capitaliste a mille moyens pour tenter d'atomiser la classe ouvrière, en la divisant en de multiples catégories selon la nationalité, la religion quand il y en a une, le sexe, l'âge, le statut (public ou privé, CDI ou CDD, avec ou sans papiers, entreprise principale ou sous-traitante...) Cela rend la tâche plus difficile pour les militants.

Ce que l'on peut dire, c'est que les luttes, elles ont lieu et elles auront encore lieu demain (avec ou sans les révolutionnaires) mais on ne peut pas prévoir où, ni quand. Par contre, pour que les révolutions ouvrières soient victorieuses demain, il est indispensable que se créent des partis communistes qui militent dans ce sens et qui soient à la hauteur de la tâche. Le grand intérêt des idées trotskystes, c'est d'avoir accumulé un capital politique considérable qui englobe la révolution russe de 1917 mais aussi, l'explication de sa dégénérescence ultérieure et finalement de tous les traits de la société actuelle. Alors on n'est jamais sûr de réussir, mais il faut essayer, sinon c'est certain que l'on ne réussira pas ! Et au stade actuel, on dispose d'une organisation qui s'appelle LO, qui est de petite taille par rapport aux grands partis mais qui est d'assez grande taille par rapport aux autres groupes trotskystes, même si elle n'est pas encore assez importante ni influente pour se dire parti révolutionnaire.

Les élections sont une occasion pour les révolutionnaires de s'exprimer, mais ne peuvent pas changer la société. Dans un pays comme la France, c'est possible de les utiliser, mais il y en a bien d'autres où il n'en est même pas question (imagine-t-on les conditions pour militer en Arabie saoudite par exemple ?) En France, bien sûr des tas de travailleurs ont des illusions et votent pour les grands partis bourgeois, d'autres n'en ont plus et la plupart a cessé de voter. C'est là toute la difficulté de notre position, à LO : on explique que les élections ne peuvent pas changer la société. Les gens qui croient aux élections préfèrent voter pour ceux qui pensent que c'est possible ! Même lorsqu'ils disent ne pas avoir d'illusions, ils en ont, puisque la question de savoir quelle équipe bourgeoise va obtenir la majorité au deuxième tour (par exemple dans les régions bientôt) les préoccupe au plus haut point, et puisqu'ils s'apprêtent dès le premier tour à voter sinon pour le parti qu'ils préfèrent, du moins pour le candidat le mieux à même de faire barrage à celui qu'ils ne veulent surtout pas voir gagner... Quant à ceux qui ne croient pas au pouvoir magique des élections, c'est rarement parce qu'ils ont un niveau de conscience élevé, en général, c'est plutôt qu'ils se fichent de la politique (qui n'a jamais rien fait pour eux) et donc, ceux-là s'abstiennent... Ils ne sont pas comptés dans les résultats électoraux, mais ils sont très nombreux, beaucoup sont des travailleurs et il faut aussi s'adresser à eux !

Dans les pays développés comme la France, il faut, de plus, faire avec d'anciens partis ouvriers historiques qui ont dégénéré comme le PCF, voire sont devenus des partis bourgeois comme le PS, et avec les appareils syndicaux soumis à leur influence et qui font tout pour anesthésier la capacité de lutte des travailleurs. Malgré leurs déboires, ils sont encore puissants et leur pouvoir de nuisance est important pour aiguiller les travailleurs vers des voies de garage : par exemple, le nationalisme anti-allemand et anti-européen du PCF (attaquer Merkel et l'Europe c'est bien pratique pour éviter de trop attaquer Hollande alors que demain il faudra gouverner avec lui ou son successeur, sinon à la tête de l'Etat, du moins dans les régions... Quant à Hollande, on préfère dire qu'il doit "changer de cap"...) Et il faut constater aussi que l'inertie des partis et des organisations est forte : malgré leurs innombrables trahisons, ils continuent à fidéliser de nombreux militants, même si ça leur en a coûté un bon nombre d'autres.

Alors dans tout çà, il reste des militants communistes révolutionnaires se réclamant de différentes obédiences et disséminés un peu partout dans le monde, et parmi eux, les trotskystes qui sont déjà moins nombreux, et parmi les trotskystes, LO qui semble vraiment la plus solide et la plus sérieuse de toutes les organisations sur le long terme. On ne peut pas savoir si LO saura demain être à la hauteur de la situation, mais l'organisation a quand même son petit bilan : elle est présente dans pas mal de villes (nombre record de listes aux dernières municipales : 204, dans à peu près 90 agglomérations du pays) et je ne connais pas beaucoup d'autres organisations ou même partis, capables de présenter TOUT SEULS des listes dans 55 communes de la banlieue parisienne par exemple (c'est autre chose que de mettre trois noms sur une liste faite par d'autres comme font souvent les écolos, les alternatifs et tous ces machins...) LO fait aussi des journées d'action dans d'autres villes où elle n'est pas toute l'année. LO est présente dans pas mal d'entreprises (surtout métallurgie, chimie, hôpitaux, transports...) et ses militants ont parfois des responsabilités syndicales, on l'a vu encore récemment aux chantiers de Saint-Nazaire, le camarade qui a refusé de serrer la main à Hollande a beaucoup fait parler de lui ... Ses militants jouent parfois un rôle dans certains conflits, comme PSA Aulnay. Donc, on peut penser que s'il y a des luttes importantes en France, LO sera au moins dans le coup, et il existe d'autres militants d'autres organisations qui pourront comparer en situation réelle l'efficacité de leurs politiques respectives et avoir envie de participer à la création d'un parti révolutionnaire.

L'autre bilan de LO qui est loin d'être anodin, c'est le fait qu'elle ait réussi au fil des ans à créer des organisations-soeurs dans d'autres pays, alors qu'elle n'existait initialement qu'en France. Ces organisations sont plus petites mais certaines ont elles aussi leur petit bilan, comme Combat Ouvrier en Martinique et Guadeloupe (positions importantes dans les syndicats, participation à de nombreuses luttes locales, scores électoraux pas si mal), Spark aux Etats-Unis, l'OTR en Haïti, l'UATCI en Côte-d'Ivoire... Et ces dernières années d'autres sont apparues ou se sont structurées, comme en Turquie, en Italie, en Allemagne... Ces organisations sont toutes petites, mais il faut bien commencer par où on peut, et je ne crois pas qu'il y ait tant d'organisations trotskystes que çà en Côte-d'Ivoire...

D'autres courants que LO ont aussi un peu le vent en poupe en ce moment, en Argentine. L'avenir dira ce qu'ils parviendront à faire.

En revanche, c'est vrai que d'autres groupes peuvent être considérés comme ayant échoué, car ils ont quasiment disparu du paysage (je crains qu'il n'y ait plus beaucoup de trotskystes en Inde), ou alors ont construit sur du sable du fait de leur mode de recrutement opportuniste (LCR puis NPA qui ne se dit plus trotskyste), ou se sont intégrés dans des structures qui tiennent un discours chauvin etc. (POI qui ne se dit pas trotskyste). Mais ce n'est pas à vrai dire une surprise, c'est précisément parce que LO se méfiait du mode de fonctionnement et des méthodes de ces organisations qu'elle s'est créée séparément. Donc, certains grands courants trotskystes historiques ont échoué (mais on se retrouvera demain certainement avec une partie de leurs militants dans les luttes), d'autres non et en particulier, LO n'a pas échoué ! Mais il y a toute une tradition politique à reconstruire dans la classe ouvrière, et la tâche est immense. La propagande du système, des grands partis etc. tourne à plein. Mais quand des luttes éclatent, les choses peuvent changer très vite.
Plestin
 
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Re: Pourquoi les Trotskystes ont-ils échoué?

Message par Koceila » 04 Nov 2015, 11:47

Bonjour,
Ta réponse me satisfait pleinement, et je t'en remercie. J'aimerai partager ton optimisme, C'est très difficile quand on voit ce qui s'est passé après la dernière grande révolution en Russie.
Koceila
 
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