Retour sur les résultats des régionales - Département 04

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Retour sur les résultats des régionales - Département 04

Message par Plestin » 31 Jan 2016, 17:01

Dans le cadre de notre périple électoral, voyons maintenant les ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE (04).

On se situe ici dans la région PACA (Provence-Alpes-Côte-d'Azur), où LO a obtenu au total 1,48 % avec 26.278 voix. Il s'agit d'un score très proche de la moyenne nationale (1,50 %), ce qui est tout à fait inhabituel pour cette région qui, d'habitude, tire nettement la moyenne nationale vers le bas.

Mais dans ces régionales, une particularité est que la configuration électorale est différente d'une région à l'autre. Rappelons-nous que dans Nord-Pas-de-Calais-Picardie, il existait une liste conduite par le PCF, qui a pu faire le "plein" relatif des voix du milieu PC. Ici, en PACA, le PCF, fondu dans le Front de Gauche, s'est mis à la remorque des Verts (EELV), dans une liste commune dirigée par la "Verte" Sophie Camard. Malgré l'octroi au PCF de deux têtes de liste départementales dans les Bouches-du-Rhône et les Alpes-Maritimes, cette situation semble avoir déplu à une partie de l'électorat PCF dont une petite fraction semble s'être tournée vers LO.

Pour l'instant, nous sommes dans les ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE (04).

Ici, le PS pèse lourd. C'était le fief de l'ancien ministre, ancien député, ancien président du conseil général et ancien maire de Digne Jean-Louis Bianco. Et c'est un "poulain" du même département, Christophe Castaner, député-maire de Forcalquier et ancien vice-président du conseil régional sortant, par ailleurs rapporteur de la loi Macron, qui était tête de liste du PS pour toute la région PACA.

Le PCF a aussi une bonne implantation et détient encore plusieurs mairies, notamment en milieu rural. C'est un département où l'image du rôle du PCF dans la Résistance est encore bien présente. Et même, chez certains militants politiques ou syndicaux, on trouve toujours une fierté de l'insurrection des Basses-Alpes contre le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte du 2 décembre 1851, popularisée par le livre de Luc Willette : "Et la montagne fleurira..." (Un soulèvement qui s'était terminé par une répression féroce et de nombreuses condamnations à la déportation en Algérie).

LO n'est guère présent dans ce département où l'on ne compte aucune liste aux municipales, ni aucune ville faisant l'objet d'une journée d'action. De fait, une grande partie des événements qui se sont produits depuis une dizaine d'années, et notamment les luttes des travailleurs de la plateforme chimique de Saint-Auban, ont eu lieu hors présence de LO, mais sous influence du PCF ou de militants CGT influencés par lui ou, ensuite, par le Front de Gauche. Pendant ces régionales, la presse locale a toutefois fait quelques articles sur les camarades faisant campagne sur le marché de Digne ou à la sortie de l'usine Sanofi de Sisteron. LO a obtenu 1,50 % (soit la moyenne nationale ce qui est bien pour le département) et 1.035 voix.

Au premier tour, le PS arrive en 2ème position (près de 30 %) pas très loin derrière un FN à 35 %, et loin devant une droite (Estrosi) à 19 %. La liste Verts-Front de Gauche obtient 7,43 %, un score légèrement supérieur à sa moyenne régionale. Au second tour, Estrosi soutenu par la gauche l'emporte avec 56 % contre un FN à 44 %.

Le 04 est un département peu peuplé (un peu plus de 160.000 habitants), en grande partie composé de montagnes et plateaux, coupé en deux par la vallée de la Durance, axe de communication vers le Sud en direction des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, et vers le Nord en direction des Hautes-Alpes. Les principales villes (Manosque, Oraison, Sisteron, Château-Arnoux-Saint-Auban...) sont en général dans cette vallée, ou dans une vallée annexe (Digne), mais quelques-unes sont situées à l'écart, Forcalquier à l'Ouest, Castellane à l'Est, Barcelonnette au Nord-Est. De nombreux villages sont assez isolés, mais la mise en service de l'autoroute entre Aix et Gap, qui suit la Durance, a considérablement désenclavé le département. La bourgeoisie petite et moyenne, urbaine et rurale, y est bien représentée, mais les travailleurs de l'industrie et surtout des services sont nombreux dans les villes.

Le poids de l'agriculture est important, y compris pour l'industrie qui compte de nombreuses PME liées à la transformation de la viande ovine, de la lavande, de l'olive, la fabrication du miel ou des confitures, la production vinicole... Un petit côté folklore local, mais une activité qui est loin d'être négligeable, puisque 1.200 salariés travaillent dans l'agroalimentaire, et 800 dans un secteur dénommé "agroalimentaire spécialisé, savonnerie, cosmétique, parfum d'ambiance" ! On verra que derrière ce tableau se cachent parfois des intérêts et des réalités moins poétiques. Une autre activité d'importance considérable est le BTP, avec près de 4.800 salariés, répartis dans une myriade de structures petites et moyennes dont certaines appartiennent à de grands groupes.

C'est aussi un département où l'industrie est représentée par trois gros sites : l'usine Sanofi de Sisteron, la plateforme chimique de Saint-Auban et l'usine de parfums et cosmétiques L'Occitane en Provence à Manosque.

Et bien entendu, c'est un département où le poids des services (commerce, tourisme, transports) et des services publics est important. Les services publics sont marqués par de multiples plans d'économie comme on en voit partout ailleurs mais avec des conséquences d'autant plus visibles et dramatiques dans un département où les administrations et les hôpitaux font partie des plus gros employeurs et où, lorsqu'un service disparaît, les habitants doivent parcourir de grandes distances pour en trouver un autre.

Nous verrons les secteurs suivants :

- La partie Sud de la vallée de la Durance (Manosque, Oraison)
- La partie centrale de la vallée (Château-Arnoux-Saint-Auban)
- La partie Nord de la vallée (Sisteron)
- Le secteur de Digne-les-Bains, au centre du département
- L'Ouest du département (Forcalquier)
- L'Est (Valensole, Castellane, lac de Sainte-Croix et gorges du Verdon)
- Le Nord (avec Barcelonnette)


Secteur VALLEE DE LA DURANCE / SUD (Manosque, Oraison)

Les villes sont : Manosque (22.000 habitants), Oraison (5.700 habitants), Villeneuve (3.900), Pierrevert (3.700), Sainte-Tulle (3.400), Volx (3.100), et le plus gros village est Corbières (1.000 habitants).

Manosque est une ville assez petite-bourgeoise, mais la classe ouvrière y est quand même bien présente (dans la ville ou dans les communes très proches, Pierrevert et Sainte-Tulle). Même situation un peu plus au Nord, avec Oraison et les villes proches Villeneuve et Volx.

Cette zone abrite de nombreux techniciens, cadres, chercheurs employés dans les Bouches-du-Rhône voisines et notamment dans le secteur d'Aix-en-Provence et sur le site d'études nucléaires de Cadarache. Une partie des installations est désormais démantelée, mais quelques nouvelles sont créées et surtout, le vaste projet ITER a pris le relais, outil d'expérimentation sur la fusion nucléaire "à des fins pacifiques". La phase de construction, commencée en 2007, devrait s'achever en 2020. L'exploitation durerait ensuite 21 ans, et il faudrait 5 ans pour démanteler l'installation. De nombreux ingénieurs du monde entier seront attirés par ce projet, s'installeront dans la région et, si d'aucuns préfèreront Aix-en-Provence, Manosque aura l'avantage de la proximité (20 km). En attendant, le chantier ITER génère beaucoup d'activité pour le secteur du BTP, très développé.

L'industrie est représentée par les parfums et cosmétiques (L'Occitane) avec près de 600 personnes dont environ 300 dans l'usine (le reste dans des activités administratives, commerciales, logistiques et de recherche, non compris le personnel des boutiques L'Occitane ou des filiales à l'étranger), et par l'agroalimentaire (pizzas, vin, fruits secs...), avec aussi quelques activités de mécanique spécialisée dédiés à l'aéronautique, l'espace, l'armement ou la recherche. Il y a aussi des centrales hydroélectriques d'EDF (à Sainte-Tulle), beaucoup d'activités de services à l'industrie (grossistes en matériel électrique, en produits métallurgiques etc.) et des hypermarchés et supermarchés (600 emplois). Manosque a un hôpital local, un peu moins touché que les autres hôpitaux du département par les fermetures de services, pour l'instant.

L'usine L'Occitane réputée moins turbulente que la plateforme chimique de Saint-Auban, a tout de même fait une semaine de grève sur les salaires avec blocage du site en juin 2011. Un mouvement qui s'est traduit par une victoire : la direction proposait 1,5 % d'augmentation, quelques euros de plus sur une prime qui aurait ainsi atteint royalement 13 euros, et une nouvelle prime dite "de sécurité" de 20 euros seulement si aucun accident du travail n'était déclaré dans le mois... Elle a dû lâcher 3 % et une prime de vacances nettement plus élevée. L'Occitane avait besoin de produire, elle a d'ailleurs annoncé quelques mois plus tard une importante extension de l'usine, du centre de recherche et la construction d'un entrepôt logistique à quelques km.

Le secteur de Manosque abrite beaucoup d'activités liées à la vigne et au vin, avec le label AOC Pierrevert. Il ne reste plus qu'une coopérative vinicole aujourd'hui, à Pierrevert, toutes les autres du département ont disparu (sauf une qui fait davantage d'huile d'olive et de céréales que de vin). Comme le reste de la Provence et d'autres régions viticoles de France, le mouvement coopératif a évolué à l'inverse de ce qu'on a pu observer dans le reste de l'agriculture : pas de grosses fusions de coopératives devenant des multinationales comme dans le blé ou le maïs, au contraire. Avec la montée en qualité des vins et la baisse du nombre de vignerons (les plus pauvres ont arrêté ou fait faillite), bien des vignerons restants ont choisi de "jouer perso" pour commercialiser eux-mêmes leurs meilleurs vins, n'envoyant plus à la coopérative que les moins bons, d'où une baisse de qualité peu propice aux ventes qui a provoqué la disparition de nombreuses coopératives.

Dans les municipalités du secteur, la droite et les maires "sans étiquette" ont gagné du terrain au détriment de la gauche. Le PCF, qui avait déjà perdu le village de Corbières en 2008 au profit d'un UMP, a perdu en 2014 Sainte-Tulle qu'il tenait depuis 1953, au profit d'un "sans étiquette". L'UMP a repris en 2014 Pierrevert à une maire "divers gauche". Le maire PS devenu divers gauche de Villeneuve a démissionné et a été remplacé par un "sans étiquette". Les deux principales communes sont aussi à droite : Manosque (Les Républicains) et Oraison (UDI). Seul Volx reste au PS.

Les résultats de LO sont bons uniquement dans l'ex-ville PCF Sainte-Tulle (2,03 %) et moyens (par rapport au département) ou faibles partout ailleurs : Oraison (1,37 %), Villeneuve (1,35 %), Pierrevert (1,31 %), Manosque (1,20 %), Volx (1,14 %). Quant au village de Corbières, l'honneur est sauf, mais de peu (0,18 % avec 1 voix !). Clairement, le secteur de Manosque tire la moyenne LO vers le bas.

La liste Verts/Front de Gauche (mélange de la carpe et du lapin) fait un score élevé à Sainte-Tulle (15,16 %) et bas partout ailleurs : Volx (5,91 %), Manosque (5,87 %), Villeneuve (5,13 %), Oraison (4,45 %), Pierrevert (4,36 %), mais obtient quand même 5,71 % dans le village de Corbières. Un phénomène que l'on retrouve souvent dans le département, en milieu rural, l'héritage PCF laisse quand même quelques voix à la liste Verts/Front de Gauche mais très peu à LO (peu de "vases communicants" PCF-LO en milieu rural) sauf quelques exceptions, alors qu'on note souvent un probable report de voix PCF vers LO dans les villes ouvrières où le PCF est le plus implanté. Ici, c'est toute la différence entre Sainte-Tulle (meilleur score LO) et Corbières (pire score LO) alors que les deux sont d'anciennes communes tenues par le PCF.

Dans TOUTES les communes mentionnées, alors qu'on a vu l'importance de la droite et des "sans étiquette" pour les municipales, le PS arrive en seconde position derrière le FN mais devant la droite. Ceci montre, premièrement que le PS a bien tenu ses troupes dans le département "fief" de Christophe Castaner, deuxièmement que le succès du FN au premier tour vient d'abord d'un déplacement du milieu électoral de la droite traditionnelle.

Au second tour, la droite (qui bénéficie du soutien de la gauche) l'emporte largement à Manosque (62 %), Pierrevert (58 %), moins largement à Sainte-Tulle (54 %) et Volx (54 %). Mais le FN obtient une courte majorité à Oraison (51 %) et Villeneuve (50 %, à 5 voix)... et une large majorité dans le village de Corbières (58 %).


Secteur VALLEE DE LA DURANCE / CENTRE (Château-Arnoux-Saint-Auban)

Il s'agit du secteur le plus ouvrier du département. Un grand nombre de travailleurs de la plateforme chimique de Saint-Auban habite dans l'une ou l'autre des principales communes : Château-Arnoux-Saint-Auban (5.200 habitants), Les Mées (3.600 habitants), Peyruis (2.800), Malijai (2.000), Volonne (1.700), L'Escale (1.400). C'est d'ailleurs ce qui donne une certaine unité au secteur, que les communes soient de petites villes ou de gros villages. On trouve aussi des travailleurs de Sanofi Sisteron.

Outre la chimie, le secteur accueille d'autres activités industrielles, bien sûr chez les sous-traitants de la chimie (maintenance mécanique ou électrique...), mais aussi (petites unités de 15 à 50 salariés) dans l'agroalimentaire, l'imprimerie, et comme toujours le BTP, dont Perasso (groupe Colas) qui exploite une carrière et produit des granulats à Malijai. Les services sont surtout localisés à Château-Arnoux-Saint-Auban (collège, instituts médico-éducatifs...) mais il y a un hôpital local aux Mées.

Le secteur vit au rythme des déboires de la chimie à Saint-Auban, qui existe depuis la première guerre mondiale (créée pour fabriquer des gaz de combat) et est le principal foyer de la classe ouvrière organisée du département. Des vocations militantes générées par un patronat de combat, jusqu'à ce que l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 amorce un long processus de désagrégation. Malgré l'effet anesthésiant de la gauche, l'usine est restée combative et les syndicalistes CGT du site, qu'ils soient ou pas proches du PCF, n'ont jamais été considérés par la direction comme vraiment "fiables" en termes de "dialogue social", et ce jusqu'à ce jour... L'usine, passée par divers groupes industriels, a atterri (dans la foulée des nationalisations de Mitterrand) dans le giron du groupe d'Etat Elf qui a procédé à des restructurations et des suppressions d'emplois. A Saint-Auban, l'usine était passée de 2.100 personnes en 1979 à 1.400 dès 1986, puis la baisse d'effectif s'est poursuivie. Elf a lui-même été privatisé puis a été repris par Total. Total a décidé de céder une partie de sa chimie en l'introduisant en bourse sous le nom d'Arkema. Et, sous la pression des intérêts boursiers, Arkema a fait le tri dans ses activités, cédant les moins rentables et notamment toute une partie qui a pris le nom de Kem'One. C'est ce qui explique que la plateforme de Saint-Auban soit aujourd'hui un site majoritairement Arkema qui héberge une activité appartenant à Kem'One.

Cette plateforme est emblématique de la façon de procéder des grands groupes industriels pour restructurer leurs activités. Nous sommes alors en 2005. Saint-Auban était un site chimique entièrement intégré : il produisait du chlore et de la soude dans une unité d'électrolyse de la saumure (à partir du sel de Salin-de-Giraud en Camargue), recevait une matière première pétrochimique (l'éthylène) par pipeline depuis la région de l'étang de Berre, synthétisait à partir du chlore et de l'éthylène toute une série de produits, dont l'un, le CVM (chlorure de vinyle monomère), était ensuite polymérisé sur place pour donner le fameux plastique PVC. Les produits chimiques en question étant pour la plupart dangereux,tout faire au même endroit était un avantage en matière de sécurité, pour éviter de transporter des produits toxiques par wagons. Le groupe avait d'ailleurs quelques années plus tôt fermé une usine de PVC à Brignoud en Isère sous prétexte qu'il était trop dangereux d'y envoyer du CVM par wagons depuis l'étang de Berre...

En 2005, le groupe lance un plan de suppression de 380 postes sur les 715 qui restaient. Ce faisant, il ferme l'unité de CVM... et met en place un transport par wagons depuis l'étang de Berre pour continuer d'alimenter ses unités de PVC, tout en expliquant que le PVC restait viable ! Il ferme également d'autres activités, dont l'AMCA (acide monochloroacétique) qu'il ne pouvait plus vendre au prix fort à ses clients depuis qu'un "cartel de l'AMCA" dont il faisait partie avait été découvert, dénoncé et condamné à de grosses amendes par la commission européenne ; selon la direction, maintenant que les trois seuls producteurs ne pouvaient plus s'entendre sur les prix, l'AMCA ne pouvait plus être rentable et de toute façon la demande allait baisser. (Quelques mois plus tard, les deux autres producteurs en ont profité pour augmenter toutes leurs capacités dans le monde, se partageant le marché à deux...) Enfin, le groupe ferme l'électrolyse - qui utilisait un procédé au mercure polluant la Durance et dont le renouvellement devenait de plus en plus urgent - en le remplaçant par une nouvelle électrolyse plus "propre", mais de capacité nettement plus petite (l'unité aval consommatrice AMCA disparaissant) : une réduction de la taille de l'usine.

Ce plan, portant un coup sévère aux travailleurs du site et faisant craindre la disparition de l'usine à terme, a déclenché une réaction très forte, avec grève reconductible, manifestations variées dont une importante à La Défense, au siège d'Arkema puis du groupe Total : 700 personnes dont 500 venues de Saint-Auban (d'autres sites étaient touchés), le poste d'accueil d'Arkema réduit en miettes, des fusées tirées à l'intérieur de la tour Total histoire d'aller chatouiller le PDG Thierry Desmarest dans son bureau protégé au dernier étage... Une manifestation avec des associations de femmes de travailleurs, des associations de commerçants de la ville, une délégation de maires de plusieurs communes (avec leurs écharpes...) Et une "grève des maires" touchant la totalité des 200 communes des Alpes-de-Haute-Provence, dont les maires refusent de siéger dans toute commission administrative départementale ou régionale, après que Total ait annoncé 9 milliards d'euros de bénéfices.

Malgré plusieurs semaines de grève ou de débrayages (suivant les salariés), la direction n'a cédé que sur des bricoles. Principalement parce que les autres sites du groupe n'ont pratiquement pas bougé (ils le feront plus tard, quand ce sera leur tour...) Et parce que pour Total, l'enjeu allait au-delà : il fallait absolument supprimer les activités les moins rentables pour pouvoir introduire avec succès Arkema en Bourse quelques mois plus tard.

Total a par contre donné des gages aux élus locaux, qui ont fini par se laisser convaincre devant l'ampleur des projets de "revitalisation économique" annoncés. En particulier un projet séduisant : Silpro (Silicium de Provence), une nouvelle usine de silicium ultra-pur pour les cellules photovoltaïques des panneaux solaires. Détenue par un consortium germano-néerlandais avec une présence d'EDF Energies Nouvelles au capital. Des chiffres impressionnants : un investissement de 250, puis 500, puis finalement 700 millions d'euros dans sa dernière version, pour une nouvelle usine à construire entre 2008 et 2010 qui emploierait 250 à 300 personnes et aurait l'avantage d'utiliser certains produits chimiques ultra-purs de l'usine Arkema, qui s'en trouverait confortée. Et d'autres projets plus petits, avec le soutien financier de Total.

Ce projet soutenu par les pouvoirs publics a permis de lanterner les travailleurs et la population locale mais n'a jamais vu le jour. En 2009 (donc, après le début de la crise de 2008 et la baisse de la demande mondiale en silicium), le projet est interrompu, la société Silpro est mise en redressement judiciaire, puis liquidée ! Et ce, malgré les discours rassurants du député UMP local Daniel Spagnou. Un certain Christian Estrosi, ministre de l'industrie de Sarkozy, déclare alors : "je me battrai pour trouver un autre investisseur". Rapidement, un autre projet voit le jour : une usine de panneaux solaires, First Solar, qui doit s'implanter sur la commune de Peyruis, là encore avec la participation d'EDF Energies Nouvelles ; projet qui capotera à son tour avant même la fin de l'année 2009. Mais l'espoir fait vivre, encore aujourd'hui, puisqu'un projet de véhicule électrique est sur les rails qui pourrait générer... 75 postes. Retardé de plusieurs années, il a fini par s'installer "provisoirement" à Malijai en attendant de pouvoir prendre une dimension industrielle à Peyruis. Il a sorti son premier véhicule en octobre 2014, qu'EDF a acheté pour l'utiliser sur son site de Sisteron. Des aides de l'Etat, de la région, du département et de la communauté de communes Moyenne Durance (au moins 455.000 euros), ont facilité son démarrage. L'histoire ne dit pas si l'usine a produit un deuxième véhicule (4 roues motrices, 3 places, vitesse maximale 45 km/h, autonomie 60 km). EDF a acheté un véhicule pour une application souterraine bien spécifique, mais a choisi la Kangoo électrique de Renault pour les trajets plus longs.

Revenons à notre plateforme chimique. Après le plan de 2005, d'autres suppressions ont suivi, et notamment l'arrêt de l'un des deux ateliers de PVC auparavant "viables". Puis, la cession par Arkema de tout un pan d'activité a conduit à la coupure du site en deux : d'un côté, l'électrolyse de chlore et diverses installations chimiques (dont un produit très stratégique appelé T111) gardant le nom d'Arkema, de l'autre l'atelier de PVC devenant Kem'One.

C'est toujours la même histoire : pour séduire les boursicoteurs, Arkema se devait de se débarrasser de ses activités les moins rentables. Ne parvenant pas à trouver de repreneur "ordinaire", il dégotte un homme d'affaires américain navigant entre la Suisse et Londres, Gary Klesch, volontaire pour reprendre 22 usines ou morceaux d'usines à Arkema (dont l'atelier PVC de Saint-Auban). Volontaire, on le serait à moins : prix d'achat zéro euro, plus un cadeau de 100 millions laissés par Arkema pour que la nouvelle entité ait assez de trésorerie, entre autres... Mais ce cher monsieur Klesch s'est empressé de siphonner tout cet argent grâce à sa société basée dans l'île de Jersey, et Kem'One a bien failli disparaître... A noter qu'Arkema était parfaitement au courant du mode de fonctionnement de cet individu, qui avait déjà liquidé les chaussures Myrys dans l'Aude. Arkema vantait la réussite du projet de reprise par Klesch d'une usine d'aluminium aux Pays-Bas ; pour en avoir le coeur net, certains syndicalistes sont montés voir : ils ont trouvé un site fermé, et des syndicalistes locaux qui leur ont expliqué comment leur entreprise avait été liquidée... De retour à Paris, ces arguments n'ont absolument pas empêché Arkema de vendre quand même à Klesch, et les pouvoirs publics l'ont clairement appuyé. On n'entrave pas le processus de mise en Bourse d'un "fleuron de l'industrie nationale".

Kem'One a finalement été repris par quelqu'un d'autre et a survécu. Quant à la plateforme chimique, elle emploie désormais moins de 300 personnes réparties entre Arkema et Kem'One (mais sans compter les sous-traitants).

Une dernière lutte importante : celle des anciens travailleurs d'Arkema exposés à l'amiante, regroupés dans le collectif CAPER. Lors d'un premier jugement, ils avaient obtenu une indemnité de 8.000 euros pour le préjudice d'anxiété, soit moins que ce que d'autres sites en France avaient reçu ; mais, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a cassé cette décision et ramené la somme à 2.000 euros, mettant les victimes en situation de devoir rembourser les sommes supérieures déjà perçues ! En mars 2015, les anciens travailleurs bloquent l'usine pour obliger Arkema à négocier autre chose, mais Arkema ne cède pas. En septembre 2015, nouvelle menace de blocage de l'usine (et du produit stratégique T111), et Arkema propose un accord à 5.200 euros bruts par personne (mais pour tous les anciens salariés, pas seulement ceux de la production), rien à restituer pour tous ceux qui ont perçu jusqu'à 6.000 euros, et un étalement du remboursement au-dessus de 6.000 euros. Le CAPER a considéré qu'il s'agissait d'une victoire, un vote sur la question a donné 143 voix pour accepter l'accord et 43 voix contre, et le CAPER a renoncé au blocage (non sans le ressentiment d'une partie de ses membres sans doute). Il faut dire que quelques frictions commençaient à se faire sentir entre les "anciens" et les travailleurs actuels dont certains, perméables à la propagande patronale, craignaient que le blocage ne mette en danger leur site...

Toute cette histoire s'est déroulée sous la direction de militants syndicalistes plus ou moins liés au PCF ou au Front de Gauche, avec leurs limites, hésitant sans cesse entre proposition de modèles industriels viables et forte méfiance envers la direction, et n'ayant pas peur de recourir à l'arme de la grève. Faute de forces locales, il n'y a pas eu de militants de LO pour jouer un rôle dans ce conflit complexe.

Néanmoins, aux élections régionales, c'est dans ce secteur géographique particulièrement intéressant que LO a fait de manière répétée sur plusieurs communes voisines ses meilleurs scores du département : à Volonne (2,51 %), Château-Arnoux-Saint-Auban (2,35 %), Les Mées (2,11 %), Peyruis (2,11 %), Malijai (1,82 %). Seul L'Escale (le village le moins peuplé) donne un mauvais score (1,27 %).

La commune de Volonne a pour particularité d'avoir un maire Vert (EELV) qui a pris la mairie à l'UMP en 2014. Volonne abrite de nombreux travailleurs de la chimie, et les Verts ne font pas forcément très bon ménage avec la chimie... Les travailleurs les plus politisés proches du PCF n'ont peut-être doublement pas apprécié qu'on leur demande de voter pour une liste Verts-Front de Gauche dirigée par les Verts.

Château-Arnoux-Saint-Auban a un maire PRG depuis 2008 (le précédent, PS devenu chevènementiste, a payé cher d'avoir soutenu un projet de décharge publique sur la commune).

Parmi les autres communes, Les Mées est dirigée par le PCF, Peyruis par un "divers gauche", Malijai par un "sans étiquette" et L'Escale par le PS.

La liste Verts-FG (dont faisait partie le PCF) obtient des scores inférieurs à la moyenne du département à Château-Arnoux-Saint-Auban (7,17 %), Malijai (6,05 %) et Peyruis (5,90 %), moyens à Volonne (7,92 %), supérieurs uniquement dans la ville des Mées (9,68 % mais c'est peu pour une commune PCF) et maximaux dans le village de L'Escale (10,71 %).

Ici aussi, le PS arrive systématiquement en 2ème position derrière le FN mais devant la droite au premier tour.

Au deuxième tour, la droite l'emporte partout, parfois très largement (59 % à Château-Arnoux-Saint-Auban et à Volonne), parfois moins largement (56 % à L'Escale, 55 % à Peyruis, 52 % aux Mées), sauf dans une commune : Malijai, où le FN gagne d'une courte tête (51 %).


Secteur VALLEE DE LA DURANCE / NORD (Sisteron)

Ici, la ville de Sisteron (7.300 habitants) se détache nettement des communes suivantes qui sont toutes des villages : Peipin (1.400 habitants), Mison (1.000 habitants) etc.

L'économie est dominée par la présence de l'usine Sanofi Chimie, qui synthétise des molécules intermédiaires et des principes actifs de nombreux médicaments cardiovasculaires, neuropsychiatriques etc. C'est désormais la première usine du département, depuis le recul de la plateforme chimique de Saint-Auban. Les effectifs sont encore de 550 personnes, contre 645 vers 2013. Il y a quelques années, c'était une usine très stratégique pour Sanofi, car elle fabriquait la molécule de clopidogrel pour l'un des médicaments phares du groupe, le Plavix pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux et des infarctus, avec lequel il a réalisé des milliards d'euros de ventes. Le personnel de l'usine n'avait guère l'habitude de bouger, avec les meilleurs salaires de la région, des investissements permanents et le très efficace discours interne officiel relayé de haut en bas par le biais d'un encadrement acquis à la cause de la "maison"... Puis, les brevets du Plavix ont expiré, le médicament a été copié par de nombreux génériques, les volumes sur le site ont fortement baissé, et l'usine de Sisteron s'est trouvée reléguée dans le lot des usines fabricant des médicaments "anciens". Un incendie sur l'incinérateur du site a créé une situation tendue, l'usine ne pouvant continuer à fonctionner que grâce à une dérogation du préfet concernant la qualité de ses rejets dans l'environnement... Le groupe Sanofi, qui fait des milliards de bénéfices, a commencé à parler d'économies, et début 2015 a eu le culot lors des négociations annuelles obligatoires sur les salaires, de proposer une hausse de ... zéro pour cent ! Cela a déclenché une grève de 5 semaines "pour les 120 euros", organisée par la CGT, qui s'est traduite par une (relative) victoire : Sanofi a lâché 80 euros, 3 embauches, accepté de réaliser un investissement sur l'incinérateur, et laissé la possibilité de remplacer les jours de grève par des congés, RTT ou récupérations. Dans la foulée, la CGT a nettement progressé aux élections. Mais maintenant, Sanofi annonce sa volonté de réduire ses coûts de 20 % sur tous les sites chimiques et de nouvelles attaques sont en préparation.

Pendant la campagne des régionales, des militants de LO sont venus distribuer et discuter à la sortie de l'usine, et d'après la presse locale, ont été bien accueillis.

Le secteur de Sisteron accueille aussi d'autres industries, notamment toute une filière autour du label rouge "Agneau de Sisteron" : un abattoir municipal (58 personnes) et plusieurs sociétés de négoce et de transformation, le tout représentant environ 300 emplois, sans compter quelques entreprises des environs travaillant le cuir (notamment à Mison). Le BTP est ici aussi un gros employeur (Minetto etc.). Sisteron possède un hôpital local mais celui-ci a souffert d'importantes fermetures de services (certains patients du secteur doivent aller se faire soigner à Gap dans les Hautes-Alpes).

Les principales communes du secteur sont plutôt à droite, notamment Sisteron et son maire Les Républicains Daniel Spagnou, ancien député, ancien conseiller général et régional. Mais aussi Mison, avec un maire également LR issu du sérail des ingénieurs Sanofi. Quant à Peipin, son ancien maire "divers gauche" a été battu en 2014 par un "sans étiquette".

Les résultats de LO sont supérieurs à la moyenne à Mison (1,96 %), un peu au-dessus de la moyenne départementale à Sisteron (1,57 %) et carrément faibles à Peipin (0,72 %).

La liste Verts-FG fait son score maximum à Peipin (7,54 %). Elle est en-dessous de sa moyenne départementale à Sisteron (4,83 %) et à Mison (2,75 %). Un profil inverse de celui de LO.

Comme d'habitude le FN arrive en tête partout, mais c'est la droite qui arrive en 2ème position à Sisteron et Mison, et le PS uniquement à Peipin.

Au deuxième tour, la droite l'emporte à Sisteron et Mison, et le FN l'emporte à Peipin.

Ici, le paysage politique est plutôt celui d'un PCF faible, dans un secteur plutôt à droite, où la gauche parvient bien à tenir ses troupes uniquement à Peipin (y compris face à LO).



Secteur de DIGNE-LES-BAINS

Digne est la préfecture du département. Elle est située au centre, dans la vallée de la Bléone, un affluent de la Durance. C'est la deuxième ville par sa population (derrière Manosque) avec 16.500 habitants, un chiffre en légère érosion ces dernières années. Les principales communes voisines sont déjà des villages : Aiglun (1.300 habitants) et Mallemoisson (1.000 habitants).

Digne est une ville où l'essentiel des emplois provient des services publics et privés. On y trouve un centre hospitalier qui a lui aussi souffert de la fermeture de services, et la presse a relaté les protestations du personnel des services d'urgence (S.A.M.U.) face à une amorce de regroupement avec le centre de Gap pour des raisons d'économies, l'hôpital ayant 2 millions d'euros de déficit. Une vaste zone commerciale à l'entrée de la ville accueille un grand nombre de magasins. Le groupe Carrefour possède un hypermarché, ainsi qu'un centre de distribution alimentaire, Montel Distribution, qui fournit de nombreux magasins de proximité de la région PACA (les enseignes du groupe comme Proxi, Shopi, 8 à huit, Carrefour City etc., mais aussi les commerces sans enseigne). Digne est aussi l'un des deux terminus des Chemins de fer de Provence (ligne Nice-Digne), avec une cinquantaine de salariés sur les 150 de la société. C'est une ville thermale et touristique. C'est enfin la ville qui, avec Manosque, possède les principaux établissements d'enseignement, dont deux collèges, trois lycées et un IUT. Les services de l'Inspection académique de Digne ont fait grève en avril 2015 à l'appel de la FSU contre le risque de disparition du service, du fait d'une baisse permanente des effectifs, alors de 24 personnes, les départs n'étant plus remplacés.

Aux régionales, LO fait des scores un peu supérieurs à sa moyenne départementale à Digne (1,73 %) et dans le village de Mallemoisson (1,75 %) mais plus faibles dans le village d'Aiglun (1,21 %).

L'ancien maire PS de Digne, Jean-Louis Bianco, a été relayé en 2001 par un autre PS devenu "divers gauche", et depuis la mairie est tenue par une alliance divers gauche / PS. Le village d'Aiglun a une tradition plus à droite avec un maire "sans étiquette". Celui de Mallemoisson a été perdu en 2014 par un "divers gauche" au profit d'un "sans étiquette".

La liste Verts-FG fait un peu mieux que sa moyenne départementale à Aiglun (9,31 %), Digne (8,16 %) et moins bien à Mallemoisson (6,52 %).

Le FN arrive en tête partout au premier tour mais le PS arrive partout deuxième devant la droite. Au deuxième tour, la droite est très largement majoritaire à Digne (60 %), encore majoritaire à Aiglun (56 %), mais c'est le FN qui fait le plus de voix à Mallemoisson (56 %).


Secteur OUEST

La partie de plateaux et montagnes située à l'Ouest de la vallée de la Durance compte une seule ville, Forcalquier (4.800 habitants), sous-préfecture, et plusieurs gros villages : Reillane (1.600 habitants), Mane (1.400 habitants), Saint-Etienne-les-Orgues (1.200), Céreste (1.200), Saint-Michel-l'Observatoire (1.200), Banon (1.000).

Le tourisme, le commerce, l'artisanat, les services et l'agriculture forment une bonne partie des emplois de cette région. Il existe une industrie, mais généralement tournée vers la transformation des produits locaux, dans des établissements de petite taille (10 à 40 salariés). Forcalquier a son hôpital local et des maisons de retraite. La ville accueille une antenne du pôle de compétitivité PASS (Parfums, Arômes, Senteurs et Saveurs) dont le siège est à Grasse (Alpes-Maritimes) et à laquelle émargent diverses entreprises de la région. Il existe en réalité toute une activité autour de ce thème, avec même une université privée, l'Université Européenne des Saveurs & Senteurs qui amène une petite population d'étudiants dans la ville.

Forcalquier est d'ailleurs le siège de l'entreprise Laboratoires BEA (Bains et Arômes), spécialisée dans les cosmétiques, la parfumerie, les savonnettes et bougies parfumées, avec près d'une centaine de salariés et un second site dans le département à Valensole. Cette société qui exploite l'image du "made in Provence" un peu comme a pu le faire L'Occitane, vend ses produits en Europe, aux Etats-Unis, et vise désormais le Moyen-Orient et l'Asie ; elle participe à de grands salons professionnels à Munich, Paris, Dubai et Hong-Kong. Et c'est une filiale d'un groupe plus gros, Condat. Voilà le vrai visage d'une PME locale fabriquant des produits traditionnels provençaux... et bien sûr adhérente du pôle de compétitivité, où les fonds publics permettent de financer une bonne partie de la recherche des entreprises privées.

Le secteur compte bien d'autres entreprises fabriquant de l'huile d'olive, des huiles essentielles, du fromage (AOC Banon) etc. Le tourisme reste actif l'été mais le manque d'enneigement l'hiver a conduit au déclin touristique, et notamment au démantèlement de l'ancienne station de ski de Saint-Etienne-les-Orgues.

Forcalquier a pour maire, depuis 2001, Christophe Castaner qui était la tête de liste régionale du PS en PACA. Cette ville est donc un fief du PS. La commune voisine de Mane est à droite. Mais le PS a repris en 2014 Saint-Etienne-les-Orgues.

Reillanne, ancienne ville PCF jusqu'en 2009 prise ensuite par l'UMP a connu des rebondissements municipaux qui ont conduit à la victoire d'un "divers droite" en 2014, mais à la démission d'une bonne partie des conseillers tant de la majorité que de l'opposition, et au total 10 conseillers sur 19 avaient démissionné début 2015 ; la mairie a finalement été reprise par le Front de Gauche en septembre 2015.

Il existe effectivement une tradition PCF dans ce secteur rural, dont une partie est un héritage historique de la présence de certaines mines de lignite ou de charbon fermées depuis très longtemps. Ainsi, Saint-Maime (800 habitants), ancien village minier jusqu'en 1949, a été géré par le PCF jusqu'en 2014 où un "sans étiquette" a ravi la mairie.

Dans ces élections régionales, "l'effet Castaner" est bien entendu maximal, surtout à Forcalquier ! Bon nombre d'électeurs ont pour pratique de soutenir celui qui est censé représenter leur ville.

Les résultats de LO sont faibles à Forcalquier (1,06 %), comme laminés par "l'effet Castaner", mais ils sont nettement meilleurs juste à côté, à Mane (2,37 %) et à Reillanne (2,06 %) ainsi qu'à Saint-Maime (1,89 %). Ailleurs, ils sont moyens à Céreste (1,61 %, un village très tourné vers le Vaucluse), et faibles à Saint-Etienne-les-Orgues (1,36 %, autre fief PS), Saint-Michel-l'Observatoire (1,19 %) et Banon (1,17 %).

La liste Verts-Front de Gauche fait son maximum à Reillanne (18,89 %) devant Saint-Maime (12,62 %), Saint-Michel-l'Observatoire (10,19 %), Saint-Etienne-les-Orgues (9,98 %), Banon (8,92 %) et fait un score moyen à Mane (7,46 %), Céreste (7,33 %). Le score le plus bas est à Forcalquier (7,12 %) : là aussi, "l'effet Castaner".

Le PS arrive évidemment en tête au premier tour à Forcalquier (43 % devant un FN à 24 %), mais aussi à Reillane, Mane, Saint-Michel-l'Observatoire et Saint-Maime, devant le Front National. Le FN est premier devant le PS à Céreste, Saint-Etienne-les-Orgues et Banon.

Au second tour, la droite (soutenue par la gauche) arrive largement en tête à Forcalquier (64 %), Saint-Michel-l'Observatoire (63 %), Banon (61 %), Mane (58 %), Reillane (57 %), moins largement à Céreste (54 %), Saint-Etienne-les-Orgues (53 %). Le FN est majoritaire au second tour dans le village de Saint-Maime (52 %).


Secteur EST

Ce secteur regroupe le plateau de Valensole et les alentours du lac de Sainte-Croix (retenue d'eau sur le Verdon). Les principales communes sont Valensole (3.200 habitants), Gréoux-les-Bains (2.700 habitants), Riez (1.800), Castellane (1.500 habitants, la plus petite sous-préfecture de France) et Annot (1.100 habitants).

L'économie vit beaucoup du tourisme, notamment autour des gorges du Verdon qui génère de l'activité à Castellane et dans la petite ville thermale de Gréoux-les-Bains (qui possède un casino). On trouve de nombreuses petites fabriques de produits locaux, miel, conserves, confitures, biscottes, charcuterie... avec entre 5 et 90 salariés. La plus grosse usine est la biscotterie Faissole à Annot (90 personnes), dont le patron est aussi le maire "sans étiquette" d'Annot... depuis 2001. Valensole possède une usine de savons et produits d'hygiène filiale des laboratoires BEA de Forcalquier.

Ce secteur est plutôt à droite, notamment Valensole, Gréoux-les-Bains, Annot, et le PS vient de perdre Riez au profit d'un "sans étiquette". Seule Castellane est encore "divers gauche". Un village se distingue par une forte tradition PCF : La Palud-sur-Verdon (335 habitants), dont la maire, Michèle Bizot-Gastaldi, était également vice-présidente du conseil général jusqu'en 2015, quand son canton a été fusionné avec un canton voisin dirigé par le PS qui l'a emporté...

Les résultats de LO dans le secteur sont moyens à Castellane (1,54 %) et faibles à Riez (1,34 %), Gréoux-les-Bains (1,17 %), Valensole (1,15 %), Annot (0,41 % - le maire-patron tient bien son personnel...) Il n'y a que dans quelques villages que les scores sont meilleurs, mais la plupart sont trop faiblement peuplés pour que ce soit significatif (faire 5 % avec deux voix...) Le seul petit paquet de voix un peu significatif est... dans le village PCF de La Palud-sur-Verdon, avec 4,86 % correspondant à 9 voix.

La liste Verts-Front de Gauche fait son meilleur score... dans le village de La Palud-sur-Verdon (24,86 %) où elle n'arrive pourtant que deuxième derrière... le PS (32 %). Le FN n'y est que troisième, une situation rarissime, avec 19 %) devant la droite à 13,5 % et LO qui devance les cinq autres candidats.

Ailleurs, les résultats de la liste Verts-FG sont médiocres à Valensole (6,33 %) et Castellane (6,07 %) et mauvais à Annot (4,51 %), Riez (4,42 %) et Gréoux-les-Bains (3,52 %).

Le PS qui détient la municipalité et le nouveau canton de Riez, arrive en tête uniquement à Riez. Ailleurs, il est en général 2ème derrière le FN. Sauf à Annot, où la droite le devance.

Au deuxième tour, c'est le FN qui l'emporte dans les deux plus grosses communes, Valensole (52 %) et Gréoux-les-Bains (51 %). Ailleurs, la droite soutenue par la gauche est largement majoritaire, à Castellane (59 %), Riez (58 %), Annot (57 %), et davantage encore dans le village PCF de La Palud-sur-Verdon (73 %).


Secteur NORD

Ce secteur de montagne est constitué de villages parfois très isolés, mais sa plus grosse commune est Barcelonnette (2.700 habitants), dont la plupart des activités gravitent autour du tourisme, estival et hivernal. Barcelonnette a beaucoup de liens avec sa voisine Jausiers (1.100 habitants). Le seul autre gros village est Seyne (1.400 habitants), également une station de sports d'hiver.

Les résultats de LO sont bas voire très bas : à Jausiers (1,35 %), Barcelonnette (0,85 %) et Seyne (0,49 %).

La liste Verts-Front de Gauche fait son meilleur score à Jausiers (7,19 %), score un peu inférieur à la moyenne départementale. Suivent Seyne (5,55 %) et Barcelonnette (5,22 %).

Le PS tient les mairies de Jausiers et de Seyne, mais a perdu celle de Barcelonnette en 2014 au profit de l'UMP (qui gérait déjà la ville avant 2008). Au premier tour, il arrive effectivement deuxième derrière le FN à Jausiers et à Seyne, mais troisième derrière le FN et la droite à Barcelonnette.

Au deuxième tour, la droite l'emporte haut la main à Barcelonnette (63 %) et à Jausiers (58 %), mais de justesse à Seyne (50 %, à 10 voix près).

Dans ce secteur Nord, il y a bien quelques villages où LO fait des scores élevés, mais cela représente un trop petit nombre de voix pour être significatif, sauf dans un secteur davantage tourné vers Sisteron. C'est là que se trouve le record LO du département : Saint-Geniez (12,31 % avec 8 voix), un village de 92 habitants où l'unique classe a fermé en 2009. Et une commune proche, Clamensane (5,00 % avec 6 voix), village de 179 habitants, plus un saupoudrage de quelques voix donnant à plusieurs reprises des bons pourcentages dans les villages voisins.

Ce pourrait être un simple hasard, mais en réalité ces villages ont un profil atypique marqué par le poids de la gauche : la liste Verts-FG fait elle aussi fait un score nettement supérieur à Saint-Geniez (20,00 % et 13 voix) et Clamensane (20,00 % et 24 voix). A Saint-Geniez, elle est à stricte égalité avec le PS et talonne à une voix près la droite et le FN qui sont eux-mêmes à égalité avec 21,5 % (14 voix). A Clamensane, le FN est en tête mais le PS devance les Verts-FG de deux voix, et la droite est quatrième. Ces deux villages ont donc bien un profil électoral inhabituel, pas seulement pour LO, avec un poids important de la gauche et en particulier de sa composante Verts-Front de Gauche.

Au deuxième tour, la droite gagne largement à Saint-Geniez (61 %) avec 11 voix d'avance, mais le FN a 6 voix de plus à Clamensane (53 %).


* * * *

En regardant (à la loupe !) le département des Alpes-de-Haute-Provence, on a pu retrouver, d'une part, un score dans la moyenne nationale (donc, élevé pour la région), d'autre part, des scores relativement bas dans beaucoup de communes avec quelques ilots nettement meilleurs, en particulier dans des endroits de tradition ouvrière influencés par le PCF, l'actuel Front de Gauche ou la CGT. Le centre de gravité est le secteur de Château-Arnoux-Saint-Auban qui a connu le plus de luttes dans la période récente, sur sa plateforme chimique. On trouve également de bons scores ruraux dans quelques communes où le PCF est influent, ou lorsque la liste Verts-Front de Gauche pèse elle aussi lourd au sein d'un électorat tout petit en nombre. Ces éléments suggèrent bien (je pense) que nos meilleurs scores doivent quelque chose à un petit report de voix du milieu PCF vers LO.
Plestin
 
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Re: Retour sur les résultats des régionales - Département 04

Message par pietro » 12 Fév 2016, 15:03

analyse très fouillée et intéressante sur un échantillon restreint toutefois.
pietro
 
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Re: Retour sur les résultats des régionales - Département 04

Message par Plestin » 13 Fév 2016, 14:52

La suite arrive bientôt, sur un échantillon beaucoup plus gros... (Bouches-du-Rhône)
Plestin
 
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