Retour sur la partielle dans l'Aisne

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Retour sur la partielle dans l'Aisne

Message par Plestin » 04 Nov 2016, 16:22

Suite aux changements induits par les élections régionales de décembre 2015, par le remaniement ministériel de 2016, ou pour d'autres raisons, plusieurs élus politiques ont choisi d'abandonner leur mandat de député. Parmi eux : Xavier BERTRAND (LR), nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (devenue depuis "Hauts-de-France"), qui était député dans la 2ème circonscription de l'Aisne (Saint-Quentin). D'où une législative partielle qui s'est déroulée les 13 et 20 mars 2016, en même temps que celle des Yvelines et celle de Tourcoing dans le Nord.

LO a participé à cette partielle dans l'Aisne (et à celle du Nord, et à d'autres qui ont eu lieu depuis à Nantes et à Strasbourg). L'implantation de LO à Saint-Quentin est plus récente que dans d'autres endroits de l'Aisne (Laon notamment) ; il y a eu une liste LO aux dernières municipales de 2014 et, précédemment, LO avait eu 1 élue sur une liste d'union de la gauche en 2008.

Un grand intérêt de ces élections partielles est de permettre de concentrer ses efforts militants sur une circonscription donnée, au lieu de l'éparpillement caractéristique des législatives nationales où on se présente partout et où il s'agit de couvrir tout le territoire avec nos maigres forces. En 2016, un autre intérêt était de participer à des scrutins parallèlement aux mobilisations suscitées par la loi El Khomri et donc, de mesurer l'écho de notre discours dans ces circonstances. LO a choisi de mener là où c'est possible une campagne très proche du terrain, avec beaucoup de porte-à-porte dans les quartiers populaires, alors que le contexte général est très favorable à l'abstention en milieu ouvrier.


2EME CIRCONSCRIPTION DE L'AISNE (SAINT-QUENTIN)

Cette circonscription dont les contours ont été récemment modifiés, inclut la totalité de la ville de Saint-Quentin (56.000 habitants), qui est la plus grosse ville (mais pas la préfecture) du département de l'Aisne. Elle englobe aussi sa seule véritable ville de banlieue, Gauchy (5.400 habitants), les autres "banlieues" étant toutes des villages. S'y ajoute enfin une myriade de villages, trop nombreux pour qu'on les détaille ici, mais on en retiendra deux : Montescourt-Lizerolles (1.700 habitants) et Itancourt (1.100 habitants) qui jouent un rôle politique particulier.

Bien qu'ancrée à droite, cette circonscription est populaire et ouvrière, et Saint-Quentin et Gauchy sont deux villes ouvrières (malgré une petite, moyenne et grande bourgeoisie surtout à Saint-Quentin). Saint-Quentin était autrefois un grand centre de l'industrie textile, une branche qui a presque disparu (alors qu'elle employait encore 9.000 personnes dans les années 1980). Les dernières usines textiles un peu importantes ont été les tissages Delcer, qui produisaient des vêtements de loisirs et ont fermé en 1998 suite à la perte d'un gros contrat pour Adidas ; l'usine S.I.T. (groupe Trèves), 60 personnes à Gauchy, fermée en 2008 tandis qu'une cinquantaine d'autres salariés étaient transférés sur un nouveau site dans la zone franche de Saint-Quentin pour répondre à la demande de baisse de prix du client Renault ; et l'usine de fibres synthétiques Tergal Fibres à Gauchy (un ancien site du groupe chimique Rhône-Poulenc, 128 personnes) fermée en 2009.

Aujourd'hui, les principaux secteurs industriels sont la métallurgie (MBK, Ensival-Moret), la parfumerie-cosmétique (Fapagau, Soprocos), l'agroalimentaire (Nestlé, Mondelez), la cartonnerie (Ondulys usine de carton ondulé à Morcourt) etc. et il reste un peu de textile (Faurecia Intérieurs ex-Borgers - l'héritier de Trèves - qui fait aussi de la plasturgie). L'agroalimentaire a été marqué par la fermeture des Grands Moulins de Saint-Quentin en 2015.

La principale usine de Saint-Quentin, et de la circonscription, est MBK, une filiale du groupe japonais Yamaha. Les plus anciens se souviennent certainement de l'ancienne marque Motobécane (les fameuses mobylettes bleues...), dont le nom MBK est hérité. L'usine MBK produit aujourd'hui des scooters, ainsi que des motos Yamaha. Les effectifs ont beaucoup baissé au fil du temps (1.500 personnes dans les années 1990, moins de 600 en CDI aujourd'hui + une centaine d'intérimaires), mais depuis les années 2000 il s'agit de gains de productivité et d'effets liés à la spécialisation du site, et non d'un déclin de l'activité industrielle. L'usine a ainsi reçu le renfort de la production de deux-roues d'une usine espagnole vendue par Yamaha, mais a stoppé la fabrication des moteurs de hors-bord qui a elle été transférée en Thaïlande.

L'usine Ensival-Moret de Saint-Quentin (240 personnes) appartient à un grand fabricant de pompes industrielles qui a historiquement alimenté les sucreries et d'autres secteurs.

L'usine Hazemeyer, constructeur d'équipements électriques à Gauchy, voulait supprimer 16 postes en 2013 (sur une centaine), chiffre ramené à 12 après une grève d'une semaine du personnel qui dénonçait la responsabilité de la direction (qui avait licencié des commerciaux auparavant) dans la baisse d'activité de l'usine.

Dans le secteur chimie, on trouve aussi deux usines filiales du groupe L'Oréal à Gauchy : Fapagau (parfums) et Soprocos (aérosols), employant environ 270 personnes chacune soit un total de 540 personnes, pas très loin de l'effectif de MBK donc. Elles jouent un rôle important dans le dispositif industriel de L'Oréal. Fapagau produit toutes les marques européennes de parfums de luxe du groupe pour le monde entier (Lancôme, Cacharel, Armani...) tandis que Soprocos s'insère dans le réseau des produits grand public du groupe et constitue l'une des plus importantes usines d'aérosols au monde (déodorants Mennen, Narta, mousses coiffantes Vivelle Dop, laques Elnett etc.)

Le village d'Itancourt abrite un complexe industriel lié au groupe Nestlé, avec sur le même site une usine Nestlé, produisant des soupes en sachets et une usine Cereal Partners (50 % Nestlé - 50 % General Mills, une société américaine) fabriquant des céréales pour petit déjeuner (Clusters, Fitness, Lion etc.), tandis que le centre de stockage-distribution de ces activités, jouxtant le site, est géré par l'entreprise de logistique et transport Citra. Le tout emploie dans les 450 personnes.

Le village de Jussy possède depuis longtemps une usine de biscuits et gâteaux passée dans le giron de divers groupes (Vandamme Pie qui Chante, Lu, Mondelez) et qui est spécialisée dans les biscuits multicouches et les moelleux au chocolat (Milka, Napolitain, Vandamme, Pepito) avec environ 140 personnes.

La circonscription compte aussi des établissements plus ou moins importants dans les transports (Citra a plusieurs sites), les hôpitaux etc., et des centres commerciaux autour d'Auchan au Nord-Ouest, Cora au Nord, Leclerc à L'Est et Intermarché au Sud.

Dans l'ensemble, la région a été lourdement marquée par les licenciements ou les non renouvellement de postes, dans le textile et la métallurgie principalement. Cela a également touché les zones frontalières de la circonscription, à une exception notable (l'usine de fonte émaillée Le Creuset à Fresnoy-le-Grand, au Nord de Saint-Quentin, commune qui ne fait plus partie de la 2ème circonscription ; cette usine qui employait 500 personnes il y a quelques années recrute et vise les 800 personnes, ce qui a nécessairement un effet sur le bassin d'emploi de Saint-Quentin).

L'ELECTION PARTIELLE

9 candidats étaient présents au 1er tour.

A droite, Julien DIVE, candidat pour Les Républicains à la succession de Xavier BERTRAND (ex-maire de Saint-Quentin), et par ailleurs maire du village d'Itancourt ; et Sylvie SAILLARD-MEUNIER candidate du FN, conseillère régionale et conseillère municipale de Saint-Quentin.

A gauche, Anne FERREIRA DA COSTA pour le PS, Michel MAGNIEZ pour les Verts, et surtout, grande particularité de cette partielle, deux candidats du PCF, l'un sous l'étiquette Front de Gauche, Gérard BRUNEL (secrétaire départemental du PCF), et l'autre sous l'étiquette PCF, Corinne BECOURT (infirmière, secrétaire locale du PCF).

La candidate pour LO était notre camarade Anne ZANDITENAS, enseignante en lycée professionnel, également ancienne conseillère municipale de Saint-Quentin ; avec pour suppléante Christelle LEBLOND, une camarade qui a enchaîné les emplois précaires.

Il y avait également deux candidats sans étiquette : Eric NOREL (présenté comme un "homme d'affaires") et Belaidi LOGRADA ("père de famille ayant fait carrière dans l'hôtellerie et actuellement sans emploi", selon le journal L'Aisne Nouvelle).

Résultats du premier tour :

La participation est d'environ 33 %. Au premier tour, la droite arrive en tête avec 36,3 % suivie par le Front National à 28,8 % qui semble mordre à la fois sur la droite et sur la gauche.

Le PS n'arrive qu'en 3ème position avec 15,7 % et est éliminé.

Le 4ème est le sans étiquette Eric NOREL avec 5,8 % (il a a priori mordu sur la droite), suivi par le candidat Front de Gauche avec 3,8 % et la candidate rivale PCF avec 3,3 %. Dans ce contexte de forte concurrence interne au PCF, notre camarade Anne ZANDITENAS a fait un plutôt bon score avec 2,2 % et 528 voix. Enfin, Belaidi LOGRADA obtient 0,6 %.

Nos 528 voix se répartissent ainsi : 250 voix à Saint-Quentin, 40 voix à Gauchy et 238 voix disséminées dans les villages (avec un maximum de 11 voix dans certains villages : Harly, jouxtant Saint-Quentin ; Lehaucourt et Beaurevoir, dans le Nord de la circonscription ; et un record en pourcentage de 10 % avec 9 voix à Tugny-et-Pont dans le Sud).

A titre de comparaison, aux régionales de 2015 la liste LO avait obtenu 1,14 % dans la ville de Saint-Quentin ( avec 207 voix), mais 2,20 % à Gauchy (avec 52 voix). LO a donc gagné 43 voix sur Saint-Quentin et perdu 12 voix à Gauchy. A l'échelle de toute la circonscription, aux régionales LO avait fait 1,17 % et 497 voix : par rapport aux toutes récentes régionales, LO gagne 31 voix - disons que LO est stable.

A Gauchy, le PCF fait 66 voix et le Front de Gauche 173 voix, la concurrence entre les deux a été rude et explique probablement le petit recul LO dans ce cas précis. Gauchy est une ancienne mairie PCF depuis 1972, dont le maire était passé à IDG (Initiative Démocratique de Gauche), un courant dissident du PCF (sur sa droite) né dans le département de l'Aisne en 1991 et conduit par l'ancien député Roland Renard, (toujours) maire du village de Montescourt-Lizerolles. La mairie de Gauchy est restée IDG jusqu'en 2014, où elle a été prise par un divers droite qui a fait à peine plus de 50 % dans une élection triangulaire avec deux candidats de gauche.

Remarque : à Montescourt-Lizerolles, LO fait 3,20 % avec 9 voix. Le PCF fait 5,34 % avec 15 voix, le Front de Gauche 10,68 % avec 30 voix, le PS 24,91 % avec 70 voix. La liste de droite LR ne fait que 9,96 % avec 28 voix. Le FN fait 36,65 % avec 103 voix. Donc, un village de gauche qui met en tête le FN suivi par le PS.

Le FN fait ses plus gros scores en pourcentage dans les villages, avec quelques-uns approchant ou dépassant les 50 %. Il n'y a pratiquement qu'à Saint-Quentin et Gauchy où l'on rencontre des bureaux de vote où le FN est entre 17 et 19 % (mais d'autres où il atteint 35-36%). De fait, Saint-Quentin tire le score du FN à la baisse par rapport au reste de la circonscription.

La plus notable exception est le village d'Itancourt, où le fait que le maire LR soit le candidat LR à la partielle fait chuter le FN à 13,40 % (67 voix), alors que LR fait 73,80 % (avec 369 voix) : on voit bien le phénomène classique de "prime au candidat local". D'ailleurs, à Itancourt, LO fait 0,20 % avec 1 voix, le PCF 0,40 % avec 2 voix, le Front de Gauche 0,80 % avec 4 voix, le PS 7,60 % avec 38 voix !


Comparaison avec le premier tour de 2012 :

En 2012, lors des législatives nationales, LO avait obtenu 242 voix soit 0,54 % dans la 2ème circonscription de l'Aisne (dont le contour était un peu différent, plus vaste). Les 528 voix de 2016 représentent donc une nette progression sur 2012. Mais, en 2012, il y avait un candidat du POI qui avait fait 296 voix et 0,66 %.

En 2012, le Front de Gauche avait fait 4,7 %, en 2016 il fait 3,8 % (mais le PCF fait 3,3 % à côté).

En 2012, le PS avait fait 35 %, en 2016 il est sous les 16 %.

En 2012, la droite (Xavier BERTRAND) avait fait 39 %, en 2016 elle se tasse légèrement.

En 2012, le FN avait fait 16 %, en 2016 il bondit à près de 29 %.

Résultats du 2ème tour :

La droite (soutenue par la gauche) l'emporte avec 61 % contre 39 % pour le Front National. Par comparaison, en 2012, la droite (Xavier BERTRAND) avait emporté de justesse la circonscription avec 50,25 %, face au PS.
Plestin
 
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