Patrocle, tu écris :
Ce texte commence par souligner un danger "symétrique" pour la classe ouvrière, celui du FN et celui de "montée du communautarisme et de l’islamisme", symétrique mais qui pèserait "à un autre niveau" (???).
A un autre niveau, parce qu'il n'existe pas, contrairement à la droite et à l'extrême-droite franchouillarde, de parti politique constitué représentant la droite et l'extrême-droite musulmanes, avec pignon sur rue, et intervenant de façon systématique et ouverte dans la vie publique, dans les débats publics électoraux ou pas etc. Dans d'autres pays, oui. Par contre, il existe des courants qui agissent dans le périmètre des milieux musulmans pour imposer leurs idées de régression ; et lorsque la "mayonnaise" prend, on voit ces tentatives déborder jusque dans les relations que les musulmans peuvent avoir avec les non musulmans, y compris dans certains syndicats, et dans certaines associations de quartiers populaires. C'est ça, la différence de niveau. C'est plus insidieux, ça prend différentes formes, mais ceux qui sont aux premières loges, le danger ils peuvent le voir...
C'est contre ça qu'il s'agit de lutter, ce n'est pas une question d'islam en général mais de progression des idées les plus réactionnaires parmi certains musulmans. Et le recours au sentiment communautariste est un de leurs véhicules favori. D'ailleurs, ces courants réacs jouent sur des communautarismes différents qui divisent même les musulmans entre eux : à côté de courants réacs chez les Maghrébins on peut voir un courant réac chez les Turcs, et pas question d'avoir les mêmes mosquées : collectes distinctes pour avoir chacun la sienne. Chez les Turcs c'est plutôt un courant pro-Erdogan, et chez les Maghrébins il y a des tas de courants.
A défaut de définition du communautarisme le texte va la préciser par des exemples comme, citation :
"des revendications religieuses, des salles de prière dans les entreprises, des gars qui font la prière ostensiblement pour isoler ceux d’origine musulmane qui ne la font pas, la pression pour avoir de la nourriture exclusivement halal, y compris dans les barbecues des syndicats, le port du voile et maintenant des réunions non mixtes, interdites aux Blancs y compris dans des syndicats !"
Cette citation montre finalement que les droits pour les musulmans ne sont pas les mêmes que pour les autres religions. La question des salles de prières ou des moquées est une attaque récurrente contre les musulmans alors qu'il y a des clochers et des lieux de cultes pour les chrétiens à foison.
Les exemples donnés par le texte se situent dans les entreprises, et peu d'entreprises ont "
des clochers et des lieux de cultes pour les chrétiens à foison"...
Dans certaines entreprises, nous sommes amenés à côtoyer de nombreux travailleurs musulmans, et à lutter ensemble dans les syndicats par exemple. Pas de problème. S'il nous arrive de discuter religion ou autre, c'est d'abord après avoir établi une relation personnelle de confiance, et c'est de la même façon qu'on peut le faire avec des chrétiens, des animistes ou des gens qui croient à l'horoscope. Et on se battra au coude-à-coude contre le patron. Le problème, c'est quand certains gars se mettent à incarner un courant religieux prosélyte, cherchant à séparer sous une forme ou l'autre les musulmans des non musulmans. C'est autre chose : c'est la progression des idées réacs, visant à diviser les travailleurs, et c'est un danger. Cela prend la forme de revendications que tu peux trouver anodines, comme des salles de prière dans la boîte, des revendications de nourriture halal exclusive etc., mais c'est du flan, l'intention est ailleurs. Avoir la possibilité de manger halal pour ceux qui le souhaitent c'est une chose, avoir une exclusivité halal pour tous les musulmans avec surveillance et réprimande de ceux qui n'observent pas bien les règles religieuses par d'autres, c'en est une autre.
Les musulmans eux bien sur sont tolérés à conditions qu'ils soient ....
invisibles. Le foulard sur les cheveux c'est interdit ou fortement déconseillé mais la kipa ou la croix autour du cou sont à juste titre ignorés.
D'abord lorsqu'il était encore possible de refuser que les jeunes filles portent le foulard en cours, les camarades enseignants confrontés à ça exigeaient aussi que tous les insignes religieux, chrétiens ou juifs, soient invisibles. (Et idem dans les classes sans foulard, d'ailleurs !)
Que dire de la revendication Hallal dans les cantines scolaires qui a déclenché à plusieurs reprises des campagnes nationales, certains allant défendre la suppression du plat de substitution les jours où étaient servi du porc.
D'abord, "certains", c'est sûrement pas LO ! Dans ce genre de débats puants, le problème est qu'on est confrontés aux deux vagues réactionnaires antagoniques, celle visant à faire progresser les idées réacs chez les musulmans, et celle visant à faire progresser les idées réacs chez les non musulmans.
J'ai eu récemment l'exemple d'un petit village de l'Ardèche, où il y avait juste une seule jeune fille musulmane dans l'école et sa famille réclamait qu'elle puisse manger à la cantine, mais d'avoir autre chose le jour où il y aurait du porc. Ils ne réclamaient pas que la viande soit halal, juste que la petite puisse manger autre chose que du porc. La maire (réac) du village refusait formellement. Des gens de gauche aimant bien LO et que l'on voit de temps en temps mais qui ne sont pas très proches politiquement, habitent dans ce village et ont défendu l'idée que la petite puisse avoir un autre menu. Ont-ils bien fait ? Je dirais que oui. Une gamine doit pouvoir manger à la cantine, on ne va pas l'obliger à manger du porc qui la dégoûte et va la faire vomir et il est hors de question que certains jours elle reste le ventre vide. Cela aurait été une revendication que la viande soit halal, j'aurais dit que non car cela aurait reflété autre chose, davantage un prosélytisme religieux. C'est pas la même chose "d'être" musulman et "d'être" pour imposer davantage de religion dans la vie des musulmans. Si on invite nos voisins musulmans à manger, on ne leur fera pas du porc, ce serait débile et une provocation contraire à toute volonté de tisser un lien. Mais, comme dit si justement le texte du congrès :
"Nous avons donc de plus en plus souvent à nous positionner au cas par cas, à trouver la bonne attitude et à discuter". Au cas par cas, Patrocle, je crois que l'expression t'a échappé... Au cas par cas, parce qu'il n'y a pas de règle absolue valable dans toutes les situations.
Alors les merguez Hallal dans les barbecues syndicaux serait un problème ? Va-t-on interpréter la demande de Fanta comme du communautarisme ? Puisque en France c'est du bon gros rouge qui tache qui doit les accompagner et pas de la gazouz !
C'est absurde. C'est aux camarades qui participent au barbecue syndical en question de voir ce que la demande reflète vraiment. Le gars qui apporte ses propres merguez halal pour lui, c'est pas encore la même chose que merguez halal obligatoire pour tous, sauf s'il cherche à faire pression sur d'autres. Il faut donc savoir comprendre et saisir ce qu'il y a derrière.
Les merguez, on en fait à la fête de LO, ce sont des merguez boeuf-mouton, régulièrement quelques personnes demandent s'il n'y a pas de porc dedans et on leur dit que non. Mais elles ne sont pas halal, ça les gens le savent et ils en mangent quand même. La viande de mon boucher, elle est halal et je vais chez lui parce que sa viande est bonne. Certes, il n'y a plus que des boucheries halal dans mon coin, mais je pourrais aussi aller au supermarché.
Quant à parler la même langue... c'est une expression, justement imagée, qui consiste à faire tomber les barrières mises là exprès pour qu'on ne se parle pas. Et c'est valable aussi bien avec les musulmans que dans les autres cas que tu cites. Du moins si ce sont à des travailleurs que l'on s'adresse. La langue commune, c'est la langue des travailleurs, celle que les institutions ne parlent pas.
Bref je ne vais pas passer tous tes arguments en revue, mais je crois vraiment que tu te trompes quand tu nous prêtes des intentions telles qu'imposer le "
bon gros rouge qui tache". (N'est-ce pas d'ailleurs un tantinet méprisant pour les prolos qui, forcément, boivent du "bon gros rouge qui tache" ?)