Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par Matrok » 03 Mai 2017, 19:43

logan a écrit :Ce qui a convaincu [les électeurs de Mélenchon] c'est d'une part le discrédit du PS, la radicalité du discours et le rejet de la division des travailleurs (notamment la dénonciation de l'islamophobie)


Si on joue le jeu de savoir qu'est-ce qui dans sa campagne explique le succès relatif de Mélenchon, il faut éviter de sortir des arguments qui ne marchent pas parce qu'ils impliqueraient le succès d'autres que lui. Je ne vais pas redire ce qu'a très bien dit titi au sujet de la "radicalité", le discours de Mélenchon n'était vraiment pas très "radical" et si c'est la "radicalité" qui apportait un plus alors Nathalie Arthaud aurait fait un carton.

Et puis franchement, ça veut dire quoi de mettre FN et FI dans le même paquet de la "radicalité" ? C'est quoi la "radicalité" d'un électeur de Marine Le Pen ? Radicalement chauvin, xénophobe, islamophobe, antisémite, réactionnaire... On n'a rien à tirer de cette "radicalité" là, on la dénonce au contraire. Et si elle vient un jour "s'exprimer dans des luttes", ça sera celle de fascistes et il n'y aura rien d'autre à faire que de les combattre.

Quant à la dénonciation de l'islamophobie, Mélenchon n'a pas dit grand chose là-dessus. Par exemple, dans les clips de campagne officiels c'est Hamon et Poutou qui l'ont fait, et dans le débat à 11 c'est surtout Nathalie Arthaud qui l'a fait en dénonçant les amalgames entre musulmans et terroristes propagés par Le Pen et Fillon.

Le discrédit du PS a joué, c'est évident, suffisamment en tout cas pour plomber la campagne de Hamon, mais pas assez pour mettre du plomb dans l'aile de celle de Macron, pourtant poulain officiel de Valls entre autres. En fait le rejet des partis politiques traditionnels et des hommes qui vivent de la politique était aussi un des moteurs de la campagne de Macron ; la manière de laquelle il a accueilli froidement les différents soutiens le montre (à chaque fois, "je remercie Machin de son soutien mais je pense quand même qu'il faut changer de têtes", bing). Ce rejet s'était déjà exprimé dans le mouvement Nuit Debout, et il concerne plus les électeurs de gauche : il n'a pas tellement plombé Fillon (c'est au contraire le soutien de son parti qui lui a permis de ne pas sombrer) ni encore moins Le Pen.

Sinon, j'applaudis aussi le long message de Plestin, il y a plein de choses dedans avec lesquelles je suis totalement d'accord.
Matrok
 
Message(s) : 177
Inscription : 12 Mars 2003, 21:43

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par com_71 » 03 Mai 2017, 23:55

Prise de parole de Nathalie Arthaud le 1er mai :

« Avec le second tour de l’élection présidentielle dimanche prochain, ce 1er Mai a une résonance particulière. Les résultats du premier tour et nos discussions montrent combien le monde du travail est perdu politiquement, désorienté et divisé. Et pour cause !

Pendant des décennies, les travailleurs ont été baladés avec l’alternance gauche-droite. Aujourd’hui, l’écœurement et le rejet de cette comédie nous conduisent au summum de la duperie électorale, où on nous ordonne de choisir entre Le Pen, une démagogue d’extrême droite et ennemie mortelle du mouvement ouvrier, et de l’autre côté un politicien dévoué au grand capital. C’est une escroquerie pour nous pousser à la soumission. Eh bien pour nous, c’est non ! Nous ne marchons pas !

Aujourd’hui, nous avons réaffirmé, comme le faisaient les premiers cortèges du 1er Mai, que nous nous sentons d’abord des travailleurs et pas des Français. Nous avons affirmé que notre drapeau n’est pas le drapeau français bleu-blanc-rouge, qui a accompagné les boucheries des tranchées de la Première guerre mondiale, les crimes coloniaux, les répressions du mouvement ouvrier, mais que c’est le drapeau rouge, le drapeau des révolutions ouvrières.

Cette affirmation est d’autant plus indispensable que nous rentrons dans une période où s’ajoutent au chômage de masse et à l’aggravation de l’exploitation, la montée des idées réactionnaires et racistes et les menaces de guerre.

Les bombardements sur la Syrie et l’Irak sont certes à des milliers de kilomètres, mais plus près de nous, en Europe, la Russie et l’Ukraine continuent de se mener une guerre larvée. Et puis il y a le terrorisme, que nous subissons déjà tous. Alors oui, le capitalisme et tous les politiciens qui lui sont dévoués, et c’est le cas de Le Pen et de Macron, nous conduisent tout droit à la catastrophe.

Aujourd’hui, on nous dit qu’il faut voter pour le moins pire. Mais il n’y aura pas de moins pire pour les travailleurs, tant qu’ils ne renoueront pas avec leurs repères et leur boussole : les idées de lutte de classe et la volonté de renverser le capitalisme.

C’est parce que le Parti socialiste a abandonné cette perspective qu’il a trahi les intérêts des exploités à chaque fois qu’il a gouverné. C’est parce que le parti communiste a dénaturé l’idéal même du communisme, avec le stalinisme, que la grande masse des travailleurs est aujourd’hui déboussolée.

Oui, les idées nationalistes et les idées racistes sont un poison pour le monde du travail ! Mais qui a préparé le terrain dans la classe ouvrière en défendant le « produire français », le protectionnisme et la fermeture des frontières à l’immigration ? C’est le Parti communiste français, et aujourd’hui, Mélenchon continue à entretenir ces idées, qui ne peuvent que désorienter les travailleurs !

Les idées internationalistes et les idées de lutte de classe représentent les seules bases solides sur lesquelles nous pourrons reconstruire un parti ouvrier digne de ce nom. Aujourd’hui, nous nous retrouvons de plus en plus seuls pour l’affirmer. Il faut continuer et, dimanche prochain, nous lèverons une fois de plus ce drapeau de la conscience de classe et du camp des travailleurs en votant contre la millionnaire démagogue Le Pen et contre le banquier Macron. D’ici là, dénonçons cette duperie électorale et montrons à ceux qui la rejettent qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils peuvent nous rejoindre. »
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par Viriato » 04 Mai 2017, 09:31

Question auto-satisfaction, ce forum gagne le premier prix!

La prochaine fois "les idées communistes" (ou le gauchisme extrême) feront encore moins et on sera (loin de la réalité, mais) encore plus contents.

Faute arrêter avec la moquette, si chaque fois que cela empire cela est encore mieux, cela me rappelle la fameuse anecdote du propriétaire, un peu avare quand même, qui voulait savoir de combien pouvait-il diminuer l'avoine qu'il donne à son cheval.
Quand il a trouvé, son cheval a trépassé.

Bon, finalement, c'est sans grande importance.

Ex nihilo nihil.

Dommage tout de même que vous ayez contribué avec le NPA et Hamon à la présence de MLP au deuxième tour.
Je sais, c'est terriblement "électoraliste" mais je n'y peux rien; les temps sont "terriblement électoralistes" et les travailleurs aussi.
Viriato
 
Message(s) : 7
Inscription : 04 Mai 2017, 09:19

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par Plestin » 04 Mai 2017, 09:46

Ah oui, il paraît que Le Pen au deuxième tour, c'est de notre faute.

Bien entendu, les gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédés, ainsi que la crise du système capitaliste, n'y sont pour rien.

En tout cas, merci, c'est regonflant, de nous reconnaître un tel pouvoir !
Plestin
 
Message(s) : 2274
Inscription : 28 Sep 2015, 17:10

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par Viriato » 04 Mai 2017, 09:49

Plestin analyse le pourquoi ça va toujours plus mal question "électoralisme"

Conclusion : plutôt que de se demander quelle stratégie serait plus payante ELECTORALEMENT, mieux vaut implanter des militants révolutionnaires partout.
Plestin

Message(s) : 158
Inscription : 28 Sep 2015, 17:10


Et il ne lui vient pas à l'esprit que pour "implanter" quoi que ce soit, il faut tout de même se faire entendre par la grande masse des travailleurs de manière à être suivi?
Mélenchon a commencé la campagne avec un modeste 10% et sans "aucune possibilité de se faire élire".
N. Arthaud c'était de même.
L'un affirmait partout qu'il était candidat pour gagner: il a fini à 20%. Et avec 440 000 Insoumis dont un bon pourcentage organisés partout en France. Et en gagnant des voix ouvriers à Marine Le Pen. Dans la plupart des villes ouvrières JLM est devant MLP.
N.Arthaud a dit dès le début qu'elle n'avait aucune chance et elle a fini encore plus bas et sans avoir organisé personne. Elle a dit que "cela" c'était être une vraie communiste...
Bref, un "gagnant" et une "perdante" dès le départ.
Bien sûr, l'une était "communiste" (lisez gauchiste extrême) et l'autre "électoraliste". Bref, social-démocrate de gauche.
Tout de même si le "gagnant" avait réussi à passer au deuxième tour cela aurait provoqué un tremblement de terre politique à niveau de la planète. Les travailleurs le plus conscients l'ont bien compris en votant pour lui.
Dommage que les Hamon, Poutou et Arthaud l'en aillent empêché.
Quant à l'autre... elle était sympathique, point barre.
Viriato
 
Message(s) : 7
Inscription : 04 Mai 2017, 09:19

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par com_71 » 04 Mai 2017, 11:59

Viriato a écrit :Tout de même si le "gagnant" avait réussi à passer au deuxième tour cela aurait provoqué un tremblement de terre politique à niveau de la planète.


On a vu un tel séisme récemment avec épicentre à Athènes...
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par Gaby » 04 Mai 2017, 15:43

Cette discussion est difficile. Si un militant de LO pensait que la stratégie était à revoir, il ne le dirait jamais publiquement. Même les affaires de direction, de style et de personnel sont comprises comme cosmétiques ("le militant que j'ai rencontré s'habillait en k-way" répond-on à celui qui se demande s'il était utile de changer de porte-parole). Caractère, discipline, appelez cela comme vous le voulez, ça n'a pas d'importance. Je pense surtout que si les militants de LO veulent changer quelque chose, personne ne l'apprendrait ici.

Alors la seule façon d'avoir une discussion honnête, c'est de partir du présupposé qu'il n'y a pas de volonté de changer d'approche. Et là, oui, toute personne extérieure aura vraiment l'impression que LO applique la méthode n'importe coué, et les critiques seront sévères, catégoriques, parce qu'elles sont exprimées par des gens que LO a perdus.

L'optimiste dira "tant mieux !". Ce sont des chieurs, ou des électeurs de Mélenchon, ou de Poutou. Syllogisme : oui, quelqu'un qui ne croit pas en la stratégie de LO est perdu par LO et ne vote pas pour LO... et il y a 5 à 6 fois plus de votants perdus qu'il ne reste de votants tout court.

Les critiques de cette stratégie dans cette micro-communauté du FALO sont des gens qui, il y a 10 ans, étaient encore convaincus de la stratégie de LO. Certains pseudos ont changé, d'autres sont les mêmes. Certains ont fait des allers-retours aussi, retournant à LO par déception d'une autre expérience ailleurs, ce qui est facile à comprendre également.

On peut considérer que c'est la bonne stratégie malgré tout, et simplement imputer cela à "la période", période qui était déjà toujours invoquée comme explication à toutes les fluctuations. Et tant pis s'il y a minoritaire à 10% avec deux organisations qui collaborent, et minoritaire à moins de 2% avec deux organisations qui s'ignorent. C'est la période. La période vous dis-je ! Une période sacrément longue d'ailleurs, et tout le monde sait que la stratégie sera la même jusqu'au centenaire du programme de transition, lui-même formulé 90 années après le manifeste.

Le contentement cache quelque chose, c'est que toute une génération venue à la politique il y a 15 ans n'a pas poursuivi dans cette voie, mais je suppose que les anciens confieront que le turnover est permanent. Restent les chiffres électoraux, violents pour LO. Ignorés parce que c'est "la période". N'en disons rien alors.

Je me souviens d'une discussion ici, quelqu'un (Nadia je crois) qui demandait "comment avez-vous rencontré les militants de LO ?", et tout le monde qui confiait ses souvenirs. Je connais pas mal de jeunes qui sont venus à la politique et pour qui ce souvenir, ce sera une vidéo youtube de Mélenchon, dans laquelle il partage sa culture politique, et tous ses biais problématiques. Faites de cela ce que vous voudrez, je me doute bien que beaucoup n'en feront rien.

Alors voici ce que j'en retiens, et qui compte pour moi :
Je sais que venu à la politique en 2002, j'ai regardé les trotskystes pas seulement parce qu'ils disaient des choses qui me touchaient, mais AUSSI parce qu'ils me donnaient l'impression de pouvoir contribuer, peser, agir.
Aujourd'hui, si j'étais adolescent, je ne ressentirais pas cela. Quelque chose a changé quand on regarde de l'extérieur.
Gaby
 
Message(s) : 401
Inscription : 27 Fév 2004, 10:53

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par Ian » 04 Mai 2017, 16:03

Dommage tout de même que vous ayez contribué avec le NPA et Hamon à la présence de MLP au deuxième tour.

Très drôle d'accuser les 3 candidats les plus clairs sur ce sujet d'avoir contribué à faire voter pour le FN. Dans le genre troll grossier...
Par contre, la légitimation des idées d'extrême droite par Mélenchon (nationalisme, rapprochement avec Poutine/Assad, islamophobie, etc) devrait faire réfléchir sur sa part de responsabilité, même si elle n'est quand même pas au niveau des gouvernements successifs et de leur politique...

Tout de même si le "gagnant" avait réussi à passer au deuxième tour cela aurait provoqué un tremblement de terre politique à niveau de la planète.
Et la marmotte... :lol:
Je crois qu'on touche le fond là... visiblement au delà du troll volontaire, Viriato est trop jeune pour avoir connu l'élection de Mitterrand... (même indirectement)
Ian
 
Message(s) : 290
Inscription : 22 Mars 2009, 13:58

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par Viriato » 04 Mai 2017, 16:22

Justement la question n'est pas d'être le plus "clairs" (s'ils l'étaient, dont je doute fort, surtout question Assad) mais la perception qui en avaient les travailleurs conscients et qui se mobilisent en ce pays.
Si les avancées de la social démocratie progressiste en Espagne et en Grèce ont fortement préoccupé la bourgeoisie mondiale pour le potentiel d'activité de masses qui comportaient, je maintiens qu'un triomphe de Mélenchon aurait fait l'effet d'une bombe atomique d'enthousiasme parmi les travailleurs conscient de la planète....sauf les gauchistes impénitents, naturellement.

Quant à "la légitimation des idées d'extrême-droite par Mélenchon"... en voilà un truc rigolo. Je pense que Ian ne pourrait pas dire cela en une manifestation comme celle du 1er mai où presque la moitié des manifestants, moi inclus, faisaient parti des Insoumis.
Voilà bien les ravages de l'ultra gauchisme: une déformation complète de la vision.
Viriato
 
Message(s) : 7
Inscription : 04 Mai 2017, 09:19

Re: Les résultats du 1er tour de la présidentielle 2017

Message par satanas 1 » 04 Mai 2017, 16:49

Plestin a écrit :Je ne vois pas en quoi 230.000 voix ça serait un échec.

Allez, n'ayons pas peur des mots. Un échec électoral peut-être - nous ne sommes pas parvenus à convaincre beaucoup plus d'électeurs qu'en 2012 de voter pour nous, seulement un peu moins de 30.000 - et donc, un score décevant parce qu'on aurait bien aimé faire plus, OK ; mais certainement pas un échec tout court !

Cette campagne a été très intéressante sur le terrain, tous les camarades l'ont remarqué, on a pu discuter avec beaucoup de monde, bien des travailleurs nous apprécient ou sont contents qu'on vienne les voir même s'ils ne votent pas pour nous, on a à nouveau une candidate un peu connue, et notre discours est plus clairement identifié que par le passé. Les échecs électoraux sont bien plus gênants pour les électoralistes que pour nous. Mélenchon avait pour objectif d'aller au 2ème tour et d'être élu président : avec ses 7 millions d'électeurs, c'est un échec, un vrai, puisque pour ces gens-là le succès ou l'échec électoral font tout. Et, alors même que ses voix ont énormément progressé, que son résultat est assez extraordinaire, une partie de son électorat qui y croyait vraiment est déçue ! Mélenchon n'a plus qu'à essayer de le remobiliser pour les législatives en espérant que ça marche.

A l'extrême-gauche, plus un discours est clair et typé, moins il ratisse large en termes d'électeurs, et c'est bien normal. Cela explique la différence entre Nathalie Arthaud et Philippe Poutou.

Nathalie a certes critiqué vertement les politiciens, mais ce qu'elle a martelé, c'est la responsabilité de ceux qui, derrière les politiciens, tirent vraiment les ficelles : le grand patronat. Evidemment, pour certains électeurs et surtout commentateurs, c'est un peu comme une lubie : "Mais enfin, qu'est-ce qu'elle a à toujours taper sur le patronat et tout ramener au capitalisme ? Elle fait une fixation ?" Pourtant, elle a été la seule à évoquer clairement la nécessité pour les travailleurs d'arracher le pouvoir à ces gens-là et de mettre fin à la société capitaliste pour mettre en place une société communiste. Et aussi la seule à dire sans ambiguïté que tous les éléments de notre programme n'étaient pas un programme électoral, mais un programme de lutte. Le message est clair, beaucoup le comprennent sans être prêts à se l'approprier, en gros, ils préfèrent boycotter la malbouffe et voter à gauche qu'exproprier les multinationales, vu que c'est plus facile. Ils avaient d'autres possibilités de vote, ils n'ont donc pas voté pour nous. Mais certains ont quand même gardé en mémoire ce que Nathalie a dit. Quant à ceux qui ont voté LO, ils ont choisi, eux, des bases claires ; ils sont peu nombreux, mais c'est du "concentré" (même si chacun sait que dans notre petit électorat il y a aussi des gens, notamment parmi les plus proches, famille, amis, voisins, collègues, qui ont pu voter LO simplement parce qu'ils nous aiment bien sans partager toutes nos idées).

La campagne de Philippe a dit beaucoup de choses - et sur des sujets plus nombreux - mais ce qui en est ressorti, je trouve, c'est surtout ses attaques contre les politiciens, notamment Le Pen et Fillon. Ce genre de choses plaît, beaucoup d'électeurs aiment, c'est tellement jouissif de voir la tête déconfite de ceux qu'on rêve toute l'année d'entarter... C'est sur cette base qu'il a le plus fait parler de lui. Je ne sais pas si "faire le buzz" était sa priorité, mais en tout cas c'est ce qui s'est produit. On voit bien aussi qu'il met en avant de bonnes revendications pour les travailleurs - augmentations de salaire etc. - et qu'il parle de luttes, mais il n'y a pas la même clarté que dans le discours de Nathalie sur le fait que seules les luttes permettront d'obtenir de telles avancées. Et s'il y a bien une critique du capitalisme et du patronat (mais Mélenchon et même une partie du PS peuvent aussi le faire), il n'y a pas le volet "communisme". Donc, ça draine déjà plus large que LO et ce n'est pas étonnant. On a bien vu, les sondages donnaient Poutou entre 0,5 % et 1 %, tantôt devant Arthaud, tantôt derrière, ou à égalité, et après le grand débat de tous les candidats il a provisoirement bondi à 2 %. Puis, l'aspirateur Mélenchon a augmenté sa puissance et au final, Poutou a fait 1,09 % soit bien mieux que Arthaud mais pas mieux qu'en 2012 (et même un peu moins bien, près de 20.000 voix perdues) alors même qu'on aurait pu penser que ce serait le contraire : il est davantage connu et beaucoup d'électeurs l'ont découvert et apprécié à cette occasion. C'est donc un échec électoral, si on veut, mais là non plus, pour tous ceux qui ne se contentent pas du score, ce n'est pas un échec tout court. Le NPA est mieux identifié lui aussi, et il a fait la preuve de sa résilience ; le profond recul du nombre d'adhérents du NPA depuis sa création, et sa quasi-absence des dernières régionales, pouvaient laisser penser que les dégâts étaient plus grands ; et franchement je ne croyais pas qu'il parviendrait à réunir ses 500 signatures, même si la fin a été un peu rocambolesque avec le soutien in extremis d'un certain nombre d'assez gros notables de la gauche et des Verts qui lui ont permis de compenser ce dont il risquait de manquer en signatures de petits maires. Et il a fait de la propagande utile pour des tas de mesures sympa, dont l'interdiction des licenciements, une mesure mise en avant par Arlette en 1995 et qui a fait quelques émules depuis (même certaines fédérations de la CGT l'ont adoptée). Ce qui prouve que les idées qu'on peut défendre peuvent prendre racine. (Pour cette idée-là, c'était déjà vrai en 2012).

Il faut bien se rendre à l'évidence, seule une minuscule partie de l'électorat potentiel de l'extrême-gauche vote vraiment par conviction. Le gros de l'électorat, et de l'électorat populaire en général, est très versatile et déplace son vote pour des raisons vraiment électoralistes, soit parce qu'il croît vraiment au discours d'un Mélenchon, soit parce qu'il veut exprimer une protestation et qu'elle lui semble plus efficace avec le plus gros candidat, soit parce qu'il veutdonner une connotation un peu plus "à gauche" et un avertissement aux partis de gauche en votant Arlette par exemple. Au passage, Arlette elle-même drainait des électeurs sur bien d'autres bases que celles de son seul discours, et notamment sur la base d'un énorme capital de sympathie accumulé au fil de ses candidatures (mais les plus anciennes candidatures, à l'époque d'un PCF fort et omniprésent, ne mettaient pas autant en avant qu'aujourd'hui les idées communistes). Ses électeurs de 1995 et 2002 n'en étaient pas plus révolutionnaires pour autant. C'était, alors, un succès surtout électoral ! Ce genre de choses ne nous arrive plus, mais ça peut revenir et il ne faudra pas se méprendre pour autant - d'ailleurs en 1995 et 2002 LO a gardé la tête froide quant d'autres courants... couraient après une prétendue radicalisation.

Il y a aussi des électeurs qui, suivant les circonstances, ont plus le moral, ou moins le moral, et se déplacent pour voter ou pas, ce qui est une variante de l'électoralisme (quand les sondages pour untel montent ça leur donne la pêche et ils vont voter pour amplifier le mouvement).

Alors après, vient donc la question de cette fameuse "radicalisation". Y a-t-il une radicalisation de l'électorat ouvrier et populaire à travers le vote Le Pen et Mélenchon ?

En fait, il ne faut pas confondre deux choses. Les déplacements massifs de votes en faveur de candidats d'allure radicale (ce qui est plus juste que "radicalisation") peuvent intervenir dans des circonstances très différentes allant de l'absence de luttes significatives jusqu'à l'éclatement de luttes qui submergent le pays.

Quand les luttes ne sont pas là et que la condition ouvrière recule depuis longtemps - ce qui est le cas actuellement en France métropolitaine - cette "radicalisation" (je reprends le mot, c'est plus court) peut prendre une tournure réactionnaire (le vote ouvrier pour Le Pen par exemple). En parallèle, ceux qui ne veulent pas de cette évolution mais imaginent changer les choses uniquement par les élections (en les remportant ou en faisant simplement "pression"), ou protester, peuvent s'emparer du vote pour un candidat de gauche ou même d'extrême-gauche. Cette fois-ci c'est Mélenchon, en 2002 c'était Arlette et Besancenot. Mais en l'absence de luttes cela ne fait pas contrepoids à l'évolution réactionnaire de la société (ne parlons même pas de certaines idées réac véhiculées par Mélenchon) et ça peut même jouer aux yeux de ces électeurs un rôle de substitut de lutte. Car, oui, les électeurs de Mélenchon ont des illusions électoralistes : ils croient qu'un bon gouvernement de gauche, c'est possible ! C'est aussi le genre d'électorat prêt à se porter sur Hollande après en avoir soupé de Sarkozy, ou prêt à voter extrême-gauche après en avoir soupé de Jospin. Ils ont pourtant fait l'expérience de la gauche au gouvernement, mais il reste toujours au moins dans les esprits les grands mythes véhiculés notamment par le PCF : le Front Populaire et les mesures de l'immédiat après-guerre "inspirées par le Conseil National de la Résistance". Des mythes repris par Mélenchon, ce n'est pas un hasard. Le système saura susciter autant de "Mélenchon" que nécessaire et donc, à chaque fois, cet électorat sera susceptible d'emboîter le pas à ce type bien particulier de politicien. D'ailleurs, le système saura aussi susciter autant de "Macron" que nécessaire, c'est rare qu'il n'y ait pas un "attrape-tout" surprise dans une élection, on se souvient de Tapie soutenu presque ouvertement par Mitterrand. Or, une partie de l'électorat populaire (notamment immigré) a voté Macron dès le premier tour pour faire barrage à Le Pen et aussi, pour qu'il arrive devant Le Pen (ce qui s'est produit). Est-ce une radicalisation qui fait que Le Pen n'est que deuxième ? Certains attribuent à Mélenchon le pouvoir de faire reculer Le Pen, malgré son résultat record, parce qu'elle a reculé dans les sondages pendant que Mélenchon montait. Mais est-ce que ce n'est pas dû à la chute de Hamon, à la remontée de Fillon, au maintien d'une forte mobilisation pour Macron ? Et même si des voix se sont bel et bien déplacées de Le Pen vers Mélenchon, après tout, quelle est la contribution de Nathalie Arthaud, maintes fois interviewée sur la question du FN et dont les arguments sur le FN qui aide le patronat en divisant les travailleurs ont pu porter sans que l'on vote LO pour autant ? Et si Mélenchon a pu gagner des voix, n'en a-t-il pas gagné sur sa droite, précisément parce que les critiques de Mélenchon par l'extrême-gauche (surtout LO) prouvent que ce n'est pas un révolutionnaire et que quand on est un bon réformiste on peut voter pour lui les yeux fermés ? Alors, radicalisation ou pas ?

Quand les luttes sont là, la situation est défavorable aux idées réac parmi les travailleurs (quoique ça peut galvaniser les autres réacs) mais la conscience politique des travailleurs en lutte n'est pas nécessairement beaucoup plus avancée au début du processus ! Les élections sont toujours saisies comme un moyen d'expression et un moyen de pression. Donc, parmi les candidats de gauche et d'extrême-gauche, ceux qui sont donnés gagnants dans les sondages par exemple, bénéficient encore une fois d'une "prime" et il n'y a pas nécessairement la place pour toute une palette de votes considérés comme protestataires. Il n'y a qu'à voir le résultat de cette présidentielle en Guyane : Mélenchon en tête de tous les candidats avec 24,72%, Poutou 5,24 % et Arthaud seulement 1,72 % (ce qui est pourtant bien plus élevé que les scores de métropole). L'électoralisme ne disparaît pas parce qu'il y a des luttes et il respecte l'ordre des sondages !

Il faudrait voir ce qu'un vote des Guyanais pourrait donner dans une situation plus avancée, si les travailleurs continuaient longtemps la lutte et se donnaient vraiment des organisations indépendantes de celles de la bourgeoisie locale etc. C'est précisément là que les militants révolutionnaires seraient particulièrement utiles. Mais, en l'occurrence, il n'y a pas, que je sache, de militants de LO ou d'une organisation-soeur en Guyane.

Si on regarde maintenant des îles où il y a à la fois pas mal de luttes (moins puissantes qu'en Guyane en ce moment, mais significatives) et où il y a aussi des militants de la tendance de LO (en l'occurrence Combat Ouvrier) influents dans les syndicats, en Martinique et en Guadeloupe, on se rend compte que par rapport à la Guyane ça donne un score déformé où LO fait meilleure figure. Guadeloupe : 1,76 % (contre 0,92 % en 2012) avec un gain de plus de 600 voix. Martinique : 2,06 % (contre 0,99 % en 2012) avec un gain de plus de 800 voix. Malgré, dans les deux îles, une augmentation de l'abstention. En Guadeloupe, Poutou qui était derrière Arthaud en 2012 (0,72 %) passe devant (2,02%), mais en proportion il y a beaucoup moins d'écart que la moyenne nationale ; Mélenchon fait 24,13 %; il est second derrière un Macron à 30,22%. En Martinique, même chose : Poutou fait 2,95 % (contre 1,17 % en 2012) ; mais Mélenchon est en tête avec 27,36 % devant un Macron à 25,53 %. Y a-t-il une radicalisation plus forte en Martinique qu'en Guadeloupe ? Non, et question luttes ce serait même plutôt l'inverse, la Guadeloupe est en tête en ce moment avec une grève victorieuse retentissante dans une grande plantation. Par contre, en Guadeloupe, deux notables locaux qui pèsent très lourd, Ary CHALUS (président du conseil régional) et Eric JALTON (député et maire de la plus grosse commune de l'île, Les Abymes), ont mis leur poids dans la balance en faveur de Macron... Et hop, Mélenchon a fait moins, on a moins de radicalisation ?

Et puisque nous sommes en outre-mer, je signale aux lecteurs à qui ça aurait échappé, qu'ils sont passés à côté d'une extraordinaire radicalisation à l'occasion des élections européennes de 2014. Il y avait une liste LO / Combat Ouvrier dans toute la grande circonscription d'outre-mer, avec la camarade martiniquaise Ghislaine JOACHIM-ARNAUD comme tête de liste. Le résultat en Martinique a été de 13,39 %, la liste est arrivée quatrième sur 19 ! Elle a fait 15,91 à Fort-de-France (2ème !) et elle est même arrivée première de tous les candidats dans la ville de Saint-Pierre avec 23,26 % devant la gauche, la droite et tous ces machins-là... La révolution en Martinique ? Non, simplement : une élection européenne où la population se sent peu concernée, d'où une abstention énorme ; un scrutin boycotté par les partis indépendantistes, du coup il n'y avait que la liste LO-CO pour dénoncer le néocolonialisme, et une partie du milieu indépendantiste a voté pour nous par électoralisme, pour s'exprimer ! Ces gros scores ne représentent, en nombre de voix, que le double de ce qu'on vient de faire aux Présidentielles. Le même phénomène a touché la Guadeloupe, avec la notoriété de Ghislaine moins forte, ça a donné 7,68 %. Bref, il ne faut pas confondre mouvement électoral et radicalisation. Je concède que les résultats électoraux peuvent avoir quand même un certain poids : à ces présidentielles 2017, l'un des rares notables (élu régional) à avoir accordé son parrainage à Nathalie Arthaud est l'ex-maire de Saint-Pierre qui a monté en responsabilités. On n'est jamais trop prudent, autant préserver sa base arrière.

A La Réunion, il n'y a pas spécialement de grosses luttes en ce moment. Particularité : LO devance le NPA dans toutes les communes sans exception et pourtant les scores sont proches : 1,48 % pour LO, 1,25% pour le NPA ; cette fois-ci, LO est passée devant : en 2012, Arthaud avait fait 0,6 % et Poutou 0,87 %. Pour quelle raison, mystère. Pourquoi davantage de gens choisissent le discours communiste ? On peut juste remarquer que LO est bien visible dans l'île car malgré son implantation limitée et localisée (surtout dans la ville de Saint-Benoît, à l'Est) il y a des journées d'action dans les principales villes tout autour de l'île. Est-ce que ça a joué ? En tout cas, l'influence "de contact" semble prépondérante en termes de résultats électoraux : à Saint-Benoît, base de LO, Poutou fait un score proche de sa moyenne, 1,30 % mais LO fait 2,22 %. Je ne sais pas dans quelle mesure le NPA existe à La Réunion. (Aux Antilles il y a le GRS, Groupe Révolution Socialiste).

En "France hexagonale" (terme à la mode), en réalité, on retrouve des scores LO localement proches voire meilleurs que ceux du NPA essentiellement dans des lieux d'implantation LO. Et des scores NPA bien meilleurs essentiellement dans des lieux d'implantation NPA. Cela ne peut se mesurer que dans les petites villes, car ailleurs, LO comme NPA sont (en tant que forces militantes) noyés dans la masse. C'est d'ailleurs aussi parce que les départements d'outre-mer forment chacun un petit monde, que je les ai pris en exemple. Je ne vais pas vous dérouler la totale ici, mais on constate vraiment cela. La discussion individuelle a fonctionné, c'est là qu'on le voit vraiment. Le vote LO qui a subsisté et résisté malgré la pression Mélenchon, le vote LO qui est aussi le plus difficile à choisir, doit beaucoup semble-t-il aux discussions en tête à tête.

Conclusion : plutôt que de se demander quelle stratégie serait plus payante ELECTORALEMENT, mieux vaut implanter des militants révolutionnaires partout.


Merci à Plestin d'avoir pris le temps de publier une analyse aussi précise et cohérente dont la conclusion répond clairement aux questions que de nombreux militants et sympathisants peuvent se poser.
satanas 1
 
Message(s) : 111
Inscription : 25 Oct 2013, 22:54

PrécédentSuivant

Retour vers Politique française

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : conformistepote et 8 invité(s)