par Plestin » 12 Juil 2017, 11:31
A LO on est plutôt persuadés que les directions syndicales SERONT un obstacle, et qu'il ne sera pas facile de le franchir...
Néanmoins, lors du dernier conflit sur El Khomri, je confirme (comme Logan qui n'est pas à LO) qu'on n'a pas vraiment vu de grosses tentatives de la CGT pour empêcher les travailleurs de se mobiliser (contrairement à bien d'autres grèves), tout simplement parce qu'elle ne se sentait pas en danger d'être débordée... ce qui renvoie aux limites de la profondeur du mouvement. L'appareil lui-même était partagé, mais les mouvements qui ont éclaté de manière un peu plus profonde l'ont fait d'une manière un peu particulière.
Il y a eu une mobilisation à la SNCF, parce que les cheminots avaient un autre sujet de mobilisation qui tombait en même temps. La presse bourgeoise ne s'est d'ailleurs pas privée de les critiquer pour cela. Bien des cheminots avaient le sentiment que leur combat ne faisait qu'un avec ceux qui luttaient contre la loi El Khomri, mais pas tous.
Il y a eu une mobilisation dans les raffineries de pétrole et la pétrochimie, parce que la fédération CGT des Industries Chimiques (FNIC) compte pas mal de militants combatifs (souvent au PC ou proches du PC) et qu'elle est sur une position officiellement plus radicale que la confédération ; elle n'a pas été très motrice dans le lancement du conflit (des syndicalistes locaux l'ont été davantage) mais elle ne s'y est pas opposée et a même surfé sur la vague sans difficulté (sans chercher à étendre à d'autres secteurs de la chimie, et nos camarades qui l'ont tenté n'y sont pas parvenus et ont juste réussi parfois à emmener un peu plus de monde aux manifs, mais n'ont pas rencontré l'opposition frontale des dirigeants syndicaux pour autant). La FNIC s'est servi du mouvement un peu comme faire-valoir à l'intérieur de la CGT. Et une précédente grève dans les raffineries avait montré qu'il faudrait vraiment qu'un conflit dure très, très longtemps avant que les réserves de carburants soient à sec...
Le mouvement a été particulièrement important à la raffinerie de Feyzin (Lyon) et ça, c'est totalement inhabituel, d'habitude c'est l'une des raffineries qui fait le moins grève. Mais on y constatait depuis quelques mois déjà une évolution syndicale. La CFDT autrefois majoritaire et très opposée aux grèves a été confrontée au départ d'une bonne partie de ses troupes qui, hésitant un moment à rejoindre la CGT, sont finalement allées à FO. Dans le mouvement El Khomri, les deux syndicats CGT et FO ont été très combatifs. La CGT a été largement épaulée de l'extérieur par un camarade de LO très expérimenté, récemment retraité de Solvay, qui a ranimé une structure départementale de la chimie CGT, et qui à ce titre a pu aider les grévistes à s'organiser (on n'a pas de militants à la raffinerie elle-même). Par contre, FO a quand même fini par lâcher en premier, dans un contexte où le nombre de grévistes s'amenuisait déjà depuis plusieurs jours et en accusant la CGT d'être irresponsable à vouloir continuer.
Il y a eu ensuite des appels à des grèves plus ou moins tournantes dans les centrales nucléaires, avec peu d'effets.
Pendant tout le mouvement, bien des travailleurs avaient de la sympathie pour les grévistes, et même étaient parfois prêts à les soutenir (ex. : financièrement pour qu'ils tiennent plus longtemps), mais pas prêts à partir en grève eux-mêmes : c'est ce qu'on a appelé "faire grève par procuration" et ça, on a pu le constater dans toutes les entreprises où on a des militants. (Par exemple à Lyon, où LO a une présence non négligeable, en plus de 4 ou 5 sites de la SNCF : dans cinq hôpitaux, différents centres de La Poste, à l'hypermarché Carrefour de Vénissieux, dans deux usines pharmaceutiques, 5 usines chimiques, Renault Trucks et quelques autres usines de la métallurgie, sans compter les nombreux enseignants). Le POID est aussi un peu présent et, que je sache, il n'est pas parvenu à faire mieux que nous, ni que le NPA.
Les travailleurs ont dit bravo aux cheminots, puis bravo aux raffineries, et attendaient de voir si cela serait suffisant pour faire capoter la loi. Histoire de marquer le coup, certains participaient aux journées d'action et aux manifs, mais c'est tout.
Les journées d'action à répétition n'ont cette fois-ci pas contribué à "épuiser" le mouvement (du moins pas au début), au contraire, se voir nombreux dans les manifs a redonné la pêche à beaucoup pour venir un peu plus nombreux dans la manif d'après, et encore un peu plus dans la suivante. Cela, pendant toute la phase de montée en puissance du mouvement. C'est pour cela qu'on appelle le 12 septembre prochain : si la journée est vraiment réussie, cela peut avoir un effet regonflant qu'on espère suffisamment fort pour permettre ensuite de déborder le cadre des manifs (il n'y a donc là aucun suivisme vis-à-vis des directions syndicales). Mais pendant El Khomri, le côté regonflant n'a pas été jusque là.
Quant à la période électorale récente, tu peux peut-être faire une liste de conflits survenus un peu partout en France, mais à l'échelle du pays cela ne représente vraiment pas grand chose, et beaucoup beaucoup moins que ce qu'il y avait pendant le mouvement contre la loi El Khomri !
Cela dit, je suis ravi de voir qu'au POID, il y a encore des militants comme toi Bradley qui se réclament du trotskysme, quelle que soit la différence de nos analyses. J'espère qu'à l'intérieur du POID vous êtes nombreux.