par Barnabé » 16 Nov 2003, 23:25
Article dans le dernier bulletin Avanti! :
CITATION LIGUE COMMUNISTE REVOLUTIONNAIRE
Un XV° congrès largement positif
Jamais sans doute le congrès d’une organisation révolutionnaire n’aura été, dans notre pays, autant médiatisé. C’est d’abord le résultat de la nouvelle situation politique dans laquelle on est entré après le 21 avril 2002, puis le grand mouvement de mai et juin 2003 qui a confirmé et développé dans la lutte de classes les tendances politiques du premier tour de l’élection présidentielle. Alors que le gouvernement Chirac-Raffarin commence à battre des records d’impopularité, et que la radicalisation anticapitaliste continue de s’exprimer sous des formes multiples, la « gauche » libérale-sociale ne parvient pas à se relever du coup terrible que les travailleurs lui ont asséné le 21 avril.
L’aspiration croissante à une autre société, dans laquelle l’homme et les fruits de son travail ne seraient plus des marchandises, ne trouve à s’incarner au plan politique que dans l’extrême gauche, seul courant national qui – tout simplement – défende aujourd’hui les salariés et les opprimés. C’est ainsi que face aux deux larrons en foire, souteneurs de droite et de gauche du capitalisme néolibéral, et face la vermine fascisante qu’ils ont fait prospérer ces vingt dernières années, un quatrième pôle est en train d’émerger. Dans et pour ce pôle, la LCR a une responsabilité particulière, du fait d’un profil politique (qui doit encore être consolidé) lui aussi particulier : celui d’une gauche révolutionnaire démocratique et non sectaire.
Deux grandes questions
Du 30 octobre au 2 novembre, les délégué(e)s au XV° congrès de la LCR devaient principalement répondre à deux questions, que l’on résumera ici de façon très – et donc trop – succincte.
Premièrement, sommes-nous et voulons-nous construire : a) une composante de « toute la gauche » mais « 100 % à gauche » ? Marie-George Buffet pouvant être alors 45 % à gauche (ou plus, ou moins – peu importe), Gilles Lemaire, 30 % à gauche et François Hollande, 15 % à gauche… b ) une alternative radicale et donc radicalement différente et opposée à toute ce vieux fatras ? Sans pour autant vouer aux gémonies, tout au contraire, les électeurs et les militants de ces formations, que nous devons toujours savoir différencier clairement des appareils bureaucratiques pro-capitalistes.
Les délégué(e)s membres des plates-formes 1 (58 % du congrès, 56 % dans ce vote) et 2 (13 % du congrès) se sont globalement retrouvés sur une réponse allant plutôt dans le sens de la seconde position. Par rapport aux échéances électorales (régionales puis européennes) de 2004, il en découlait logiquement une position favorable à l’accord électoral avec Lutte ouvrière, condition afin de pouvoir offrir dans ces élections un pôle de classe à des millions de travailleurs et d’opprimés.
Deuxièmement, l’alternative à construire doit-elle être : a) un parti révolutionnaire « pur jus » dont le passage obligé est la recherche d’une unification avec Lutte ouvrière ? b ) une « nouvelle force politique anticapitaliste » qui ne se réduise pas aux révolutionnaires convaincus mais qui vise à regrouper largement les militants des grèves et du mouvement social ?
Les délégué(e)s membres des plates-formes 1 (à 56 %) et 3 (29 % du congrès) ont pris position en faveur de la seconde solution. Ils ont en effet approuvé un « Appel pour le rassemblement de la gauche anticapitaliste », dans lequel la LCR s’engage à agir dans ce sens, en commun avec toutes celles et ceux qui le souhaiteront, en travaillant dès à présent à l’organisation de rencontres locales et régionales, vers des assises nationales à la fin 2004. Ce texte devrait être, dès les prochains jours, diffusé très largement dans tout le pays.
Notre intervention dans ce congrès
Depuis son ouverture au printemps dernier, avant donc le mouvement de mai-juin, le débat préparatoire à notre congrès a connu des évolutions notables. Les membres du courant Avanti ! avaient été à l’initiative de la formation d’une tendance de congrès, une « plate-forme » désignée d’abord par la lettre C puis, début septembre, par le chiffre 5. A l’époque, le regroupement majoritaire (qui réunissait la majorité de la position 1 du congrès ainsi que sa position 3) délimitait de façon très vague les contours de la nouvelle force à construire, en confondant en fait l’anti-libéralisme et l’anticapitalisme. En outre, il refusait d’envisager concrètement les tâches de construction d’une nouvelle force anticapitaliste, au motif que la LCR n’avait « pas de partenaires ». La plate-forme C puis 5 défendait alors de façon conséquente les réponses « b » aux deux grandes questions résumées précédemment : pour une alternative en rupture radicale avec le vieux monde et tous ses défenseurs, pour agir maintenant vers un parti anticapitaliste de masse.
A la rentrée, les clarifications induites par le débat sur l’accord électoral avec Lutte ouvrière, ainsi que les leçons tirées du mouvement de mai-juin 2003, ont permis une convergence puis une fusion entre la plate-forme 1, qui avait le soutien d’à peu près une moitié des militants de l’organisation, et la plate-forme 5, qui en représentait quelque 5 à 6%.
Le succès politique de cette fusion s’est illustré dans les deux grandes décisions d’orientation du congrès. D’une part, l’approbation des projets de profession de foi et de protocole d’accord pour des campagnes électorales communes avec LO. De l’autre, l’élaboration (durant le congrès lui-même) puis l’adoption de l’Appel pour le rassemblement de la gauche anticapitaliste. Cet appel, qui fixe des objectifs et échéances concrets, doit permettre aux militants de commencer à travailler utilement dans cette voie ; d’autant plus que sa définition de la « nouvelle force » à construire est clairement anticapitaliste : il s’agit de renverser le système fondée sur la propriété privée des moyens de production et de lui substituer une société nouvelle fondée sur l’appropriation sociale.
L’ancienne plate-forme 5, devenue une composante de la plate-forme 1, avait cependant maintenu deux amendements aux thèses politiques majoritaires. Le premier visait à mieux délimiter notre projet de celui des courants, souvent très critiques envers le bilan du gouvernement Jospin, qui s’affirment anti-libéraux mais ne sont pas anticapitalistes. Son contenu est développé dans l’article suivant de ce numéro, intitulé « Les trois gauches ».
Le second précisait que le parti anticapitaliste large que nous voulons construire est une médiation indispensable, dans l’étape actuelle de reconstruction du mouvement ouvrier, vers un parti révolutionnaire de masse capable d’aider les travailleurs à prendre le pouvoir. Médiation facilitée par le fait que ce parti large, parce qu’il sera radicalement anticapitaliste, aura dès le départ certaines caractéristiques « révolutionnaires ». En effet, il se donnera pour objectif de renverser le capitalisme pour instaurer le socialisme, et non de réformer le système actuel ; il axera son intervention sur le développement des luttes, de l’action directe des masses, auxquelles l’activité électorale sera subordonnée ; pour « faire de la politique autrement », il œuvrera à supprimer la séparation entre dirigeants et dirigés, en commençant par illustrer ces principes dans son propre fonctionnement… Les marxistes révolutionnaires seront de toute façon la colonne vertébrale du nouveau parti ; ce dernier regroupera des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes dont beaucoup conserveront au départ des illusions réformistes, mais nous devrons les amener tous, progressivement et démocratiquement, à une compréhension d’ensemble de notre programme.
Ces deux amendements ont reçu le soutien de 10 % des militants dans les congrès locaux, et de 8 % des délégués dans le congrès national.
L’élection de la nouvelle direction
L’élection, à la proportionnelle des trois plates-formes restant en présence, du comité central (rebaptisé direction nationale) a été quelque peu chaotique du fait de l’afflux de candidatures. Ce phénomène est, en soi, positif. Il reflétait le développement important de l’organisation (quasi doublement du nombre de militants), donc de ses implantations et interventions, depuis le dernier congrès tenu en juillet 2000. Logiquement et légitimement, chaque ville ou région, chaque secteur d’intervention souhaitait se voir représenté.
La direction nationale élue par le congrès est pour la première fois composée d’un nombre quasi égal d’hommes et de femmes. Par cet acte volontariste, la LCR (qui ne compte actuellement dans ses rangs que 33 % de femmes) entend se donner les moyens de recruter, désormais, à l’image de cette nouvelle instance.
L’élection de la direction nationale a cependant été entachée par un incident aussi étonnant que regrettable : la plate-forme 1 a émis un vote de défiance politique envers notre courant, en réduisant sa représentation dans la direction à un niveau (2,44 %) sans rapport avec sa représentativité, certes modeste mais néanmoins réelle. Considérant que l’accord de fusion PF1-PF5 avait ainsi été désavoué, et que les conditions minimales d’un travail de direction commun n’existaient plus, les délégué(e)s de notre courant et ses représentants dans la direction sortante, parmi eux deux camarades « élus », ont alors décidé collectivement de ne pas participer à la nouvelle direction.
Ce choix ne remet nullement en cause nos engagements militants dans la construction de la LCR au service du développement d’un nouveau parti anticapitaliste de masse. Il montre que « faire de la politique autrement » ne doit pas rester un slogan creux mais s’incarner dans des actes. Et que pour notre part, en tout cas, nous ne confondons pas lutte des classes et lutte des places.
Autres limites
Lors de ce congrès, notre organisation a également adopté de nouveaux statuts, globalement plus démocratiques que les précédents et plus en harmonie avec son fonctionnement réel. Il est toutefois dommage que l’abandon de termes tels que « dictature du prolétariat » ou « centralisme démocratique » n’ait pas donné lieu à une discussion de fond, de caractère théorique et programmatique, qui aurait permis de préciser ce que nous gardons (ou ne gardons pas) des concepts originels de Marx et de Lénine que le stalinisme a défigurés et discrédités.
L’autre grand absent de ce congrès a été la dimension internationale de la lutte de classes. Il est un fait que sans l’intervention du représentant de la Quatrième Internationale – Secrétariat Unifié, qui a mis l’accent sur la bataille pour le développement de la gauche anticapitaliste en Europe, intervention à laquelle on peut ajouter l’existence d’une motion (finalement non soumise au vote) condamnant la participation de la tendance Démocratie Socialiste au gouvernement de Lula, tout le congrès aurait été strictement hexagonal.
Enfin, une résolution d’organisation prévoit notamment d’engager une réflexion sur le système de presse de la LCR, qui ne répond pas aux besoins des militants et ne sert pas les tâches de construction.
Les limites sont donc importantes. Il reste que globalement, l’adoption des deux textes (accord électoral LO-LCR et appel pour le rassemblement de la gauche anticapitaliste) qui doivent guider l’action des militants dans l’année à venir, donne au bilan de ce congrès un caractère clairement positif. Il restera à les appliquer effectivement, c’est-à-dire à savoir combiner – tâche complexe ! – les initiatives pour la nouvelle force anticapitaliste, qui devront fondamentalement être suscitées « d’en bas », nos militants agissant à égalité de droits et de devoirs avec tous ceux et toutes celles qui partageront cette perspective, et les exigences d’une campagne électorale reposant nécessairement sur des logiques d’organisation. Naturellement, il restera aussi dans l’avenir à résoudre une série de problèmes, dont nous avons fait état.
Le conseil de rédaction
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