CITATION
Télévision : Voile ou piercing ?
La France entière s'était préoccupée, à la rentrée, du sort d'Alma et Lila, deux jeunes filles exclues le 10 octobre d'un lycée de la banlieue parisienne parce qu'elles refusaient de retirer le voile qui leur couvre presque complètement la tête. Et s'il ne s'agissait que d'une banale crise d'adolescence ?
C'est ce que l'on pouvait deviner à demi-mots en regardant, dimanche soir sur TF 1, l'excellent reportage consacré par "Sept à Huit" aux deux sœurs d'Aubervilliers. Jusqu'ici on avait entendu les deux sœurs elles-mêmes et leur père. Il manquait la mère.
"Je me bats contre ce voile comme je me battais l'an dernier pour qu'elles ne se fassent pas faire de piercing", disait-elle. En 2002, en effet, Lila voulait un piercing. "C'est niet de chez niet", lui répondait sa mère. Les deux sœurs vivaient alors chez elle à Reims.
Mina Omari est professeur d'économie, syndicaliste et peu portée sur la religion. C'est précisément l'an dernier que les deux sœurs quittaient Reims et leur mère pour aller s'installer dans la région parisienne chez leur père, pas davantage religieux, puisqu'il se définit comme un juif athée. Leurs parents sont séparés. Le voile, c'est nettement mieux que le piercing pour se faire remarquer.
"On n'est pas sous l'influence de terroristes, d'extrémistes ou de fondamentalistes. On est sous notre influence à nous, et pour certains ce n'est peut-être pas mieux !", disait Lila avec un petit sourire narquois. On reconnaissait le grand classique de l'adolescence : personne ne me comprend ! Mais le soupçon se faisait plus insistant encore lorsqu'on entendait les deux sœurs affirmer qu'elles comprenaient parfaitement la lapidation pour les femmes adultères.
Elles la réclamaient dans ce cas pour elles-mêmes avec un extraordinaire enthousiasme. Elles l'exigeaient comme un dû. Elles en redemandaient, en quelque sorte. On n'était plus dans le registre de la conviction mais dans celui de la provocation. "N'importe quoi ! Toutes mes aïeules doivent se retourner dans leur tombe", commentait leur mère. "Jamais une Kabyle ne s'est voilée", ajoutait-elle.
Les deux sœurs ont un grand-père juif et une grand-mère musulmane. Le mot de la fin revient à ce grand-père, avocat à la retraite : "A n'importe quel âge, on n'a pas fini d'être emmerdé avec ses enfants !", disait-il.
dominique dhombres
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