Mort de Nahel : Une légitime colère !

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Re: Mort de Nahel : Une légitime colère !

Message par Plestin » 12 Juil 2023, 13:05

La principale différence que je trouve entre 2005 et 2023 - mais peut-être est-ce seulement parce que je ne me souviens pas bien de 2005 - c'est ce petit air de pogrom, en filigrane, que l'on ressent pour la deuxième fois cette année : à l'occasion de la fameuse cagnotte créée par Jean Messiha pour soutenir le flic qui a tué, et qui a récolté 1,5 million d'euros (ce qui signifie forcément pour beaucoup : allez-y, tuez-les, bon débarras) et à l'occasion de l'opération Wuambushu à Mayotte avec les déclarations des politiciens locaux LR et LIOT contre les Comoriens. La déliquescence des quartiers populaires s'est aggravée, mais l'enracinement, dans les esprits, d'idées d'extrême-droite de plus en plus décomplexées (au-delà même des limites de l'extrême-droite politique) est tout de même notable. Le Pen, Zemmour, Papacito & Co. sont passés par là, avec l'aide remarquable de Sarkozy, Hollande, Macron. Les discours anti-immigrés, désormais, cela peut inclure des discours de mise à mort. Le flic assassin "n'a fait que son devoir" et les Comoriens, pour les empêcher d'immigrer, il faudrait "peut-être en tuer quelques-uns".
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Re: Mort de Nahel : Une légitime colère !

Message par Cyrano » 12 Juil 2023, 15:39

Oui, Ottokar, l'article de loi qui est souvent cité en ce moment n'autorise pas à faire feu n'importe comment, mais... mais.... On fait feu au cas où les occupants sont… «susceptibles» de faire des conneries sur eux ou à autrui. On est dans le flou de l'interprétation car, évidemment, si on part de l'idée que du moment qu'un conducteur refuse d'obtempérer il peut être dangereux et écraser n'importe qui, alors, bang! Mais faire usage de son arme n'implique pas de balancer illico une prune dans la tête.
Ottokar: «De toute façon, ce n'est pas un problème de rédaction de la loi, la police est faite pour réprimer les pauvres» Bin, en étant blanc, blond, bien fringué, essaie donc de refuser d'obtempérer, y'aura le même résultat.

Plestin:
«La principale différence que je trouve entre 2005 et 2023 […] c'est ce petit air de pogrom, en filigrane, que l'on ressent pour la deuxième fois cette année […] l'enracinement, dans les esprits, d'idées d'extrême-droite de plus en plus décomplexées (au-delà même des limites de l'extrême-droite politique) est tout de même notable»
Y'a pas que la cagnotte, y'a aussi ces sorties des identitaires dont j'ai parlées. Un air de progrom? lâchons le mot? Le Canard Enchaîné d'aujourd'hui lâche le mot avec un article qui est titré: «Le Renseignement redoute des ratonnades»
On n'avait pas eu ça en ça en 2005. Ça en cause peu, d'ailleurs.
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Re: Mort de Nahel : Une légitime colère !

Message par yannalan » 12 Juil 2023, 15:45

Bin, en étant blanc, blond, bien fringué, essaie donc de refuser d'obtempérer, y'aura le même résultat.


Non, parce que la trouille du flic ne sera pas la même et le blond bien fringué , il ne lui demandera peut-être même pas de s'arrêter. Du temps où j'habitais en région parisienne, je regardais les flics dans le métro, "vérifier des identités". Ils font ça au look et au faciès...
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Re: Mort de Nahel : Une légitime colère !

Message par Cyrano » 12 Juil 2023, 17:18

Faudrait pas se croire ainsi en dehors du jeu.
Si un véhicule est arrêté, ça peut être un bon blanc qui conduit ou un "racisé" (comme dit Révolution Permanente).
Et là, alors, si la véhicule n'obtempère pas, personne n'est à l'abri d'un tir.
Souvent, y'a une raison (c'est pas comme le enième contrôle d'identité de la journée - souvent par les mêmes flics): comportement hasardeux du véhicule, contrôle pour le transport de drogue, etc.
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Re: Mort de Nahel : Une légitime colère !

Message par yannalan » 13 Juil 2023, 12:25

Cyrano en théorie, tu as raison. Dans la pratique, il y a des gens qui ont des rapports plus ou moins conflictuels avec la police sans être délinquants et qui préfèrent ne pas les rencontrer... je pense à un collègUe, d'origine juive tunisienne: un soir avec ses copains les motaRds les arrêtent.Ils obéissent, le motard demande ses papiers au chauffeur (ni pâle, ni blond...).Le gars met la main dans la poche du blouson, il se prend un coup de crosse en pleine figure. (mâchoire fêlée, dents cassées). le flic s'est à peine excusé.
Il y a aussi un tas de gens qui ne peuvent pas passer le permis (question d'argent, ou de papiers, etc...) et ont besoin d'un véhicule. Il y a d'autres techniques d'intervebtion. Question d'entraînement...
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Re: Mort de Nahel : Une légitime colère !

Message par Cyrano » 14 Juil 2023, 09:29

Je répondais pour cette situation précise: faut-y s'arrêter, obtempérer à un contrôle? Et là, on peut être à égalité des chances pour subir une connerie de la police. Pour le manque de permis de conduire, ne faisons pas trop dans le misérabilisme. Dans les reportages que j'ai vus à la téloche, y'avait toutes sortes de gens qui roulaient sans permis (et sans assurance).

J'ai déjà rajouté un commentaire à ce que disait Plestin: «l'enracinement, dans les esprits, d'idées d'extrême-droite de plus en plus décomplexée» en parlant des groupes d'extrême-extrême droite - j'avais lu ça dans le Canard Enchaîné. Faudrait rajouter les comportement des syndicats policiers avec leurs déclarations - y compris de l'UNSA qui était moins droitisé que le syndicat Alliance.
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Re: Mort de Nahel : Une légitime colère !

Message par Plestin » 16 Juil 2023, 16:24

J'oserai un parallèle entre la colère explosive de ces jeunes et le mouvement des black blocs, et même celui des gilets jaunes.

Le système capitaliste qui, dans un pays comme la France, est encore fort supportable et fort agréable à une partie conséquente de la population, la bourgeoisie grande et moyenne mais aussi une partie de la petite et des couches supérieures (en revenu) de la classe ouvrière, devient de plus en plus insupportable et invivable pour un nombre croissant d'habitants, tant parmi les couches les plus démunies que chez certaines catégories de travailleurs et de petits-bourgeois qui voient leur niveau de vie chuter parfois brutalement.

Chez certains qui, peut-être, il n'y a pas si longtemps, espéraient beaucoup d'un changement de gouvernement (surtout parmi les travailleurs et les petits-bourgeois), la désillusion est désormais bien présente et s'ajoute au désespoir.

On se retrouve avec un schéma typique de la petite-bourgeoisie radicale impatiente : "je crois au changement par les urnes" devient désormais "il n'y a plus d'espoir et je veux tout casser pour manifester mon mécontentement", comme certains à d'autres époques ont pu par exemple commettre des attentats anarchistes. Qui d'entre nous n'a pas entendu un jour de ces gens pleins d'illusions la veille dire le lendemain que la seule solution était de tout casser ? (avant de revenir éventuellement au bercail à l'illusion électorale suivante). Et les reportages sur les black blocs "vus de l'intérieur" sont assez édifiants, des gens qui en ont marre et qui se disent que la solution n'est pas de se contenter d'un défilé plan-plan avec les syndicats en écoutant du Manu Chao (ce qui est vrai), donc tout casser est un meilleur moyen de se faire entendre (mais de faire entendre quoi ? une autre forme d'illusion, "voyez comme nous sommes furieux, donc débrouillez-vous au gouvernement pour mener une autre politique" ?)

Or, la vraie solution passe par des luttes d'ampleur de la classe ouvrière - luttes qui ne sont pas là, en particulier sous la forme de grèves puissantes et contagieuses - c'est-à-dire une chose sur laquelle beaucoup de ces gens n'ont pas prise du tout ou alors n'ont pas conscience d'avoir prise. Elle passe aussi par la construction, longue et patiente dans ces conditions - un véritable travail de fourmi - d'un instrument pour changer la société, à savoir le parti ouvrier communiste et révolutionnaire, c'est-à-dire quelque chose qui est bien trop sérieux, bien trop peu visible et qui nécessite de la patience et un engagement sur un bien trop long terme pour pouvoir constituer le moindre exutoire à une colère immédiate. "Bien trop long terme" jusqu'à nouvel ordre, bien entendu, puisque la situation peut basculer à tout moment, mais là maintenant tout de suite cela n'est pas visible.

Ainsi, les jeunes déboussolés trouvent un exutoire immédiat en détruisant ce qu'ils ont sous la main surtout si cela symbolise l'Etat oppresseur (mais pas que) et en faisant un concours du quartier qui fera le plus parler de lui, les travailleurs et petits-bourgeois des territoires semi-ruraux laissés pour compte occupent les ronds-points et se heurtent en manifestation à la police mais rangent leur gilet jaune pour ceux d'entre eux qui retournent travailler dans leur boîte, certains petits-bourgeois voire travailleurs des villes participent aux black blocs qui s'en prennent surtout aux symboles de multinationales comme les vitrines des banques, les fast-foods etc., se croient anticapitalistes et se heurtent eux aussi à la police qui incarne la défense du système. Très peu sont en mesure d'entrevoir la moindre solution dans un travail de fourmi qui, de plus, les rebute bien souvent.

Plus largement, beaucoup de ces révoltés ont conscience des énormes problèmes causés par le système capitaliste et peuvent se retrouver dans sa dénonciation, souhaitent autre chose, mais c'est un peu comme tourner en rond dans une grande salle qui s'appellerait "capitalisme" en cherchant l'issue : il y en a bien une qui s'appelle "communisme", mais devant il y a une rangée de vigiles rébarbatifs qui s'appellent Chine, Corée du Nord ou autre, qui n'incarnent pas du tout la société souhaitée et donc pour ces gens ça ne peut pas être de ce côté-là que se trouve la solution ; incapables d'identifier la vraie sortie, ne comprenant rien à rien en matière de communisme, ils sont condamnés à tourner en rond dans la salle du "capitalisme" en cherchant désespérément et avec fracas une autre issue qui n'existe pas et n'existera jamais.

Tout cela ne change rien à la tâche des révolutionnaires, mais tous ces événements sont d'abord des convulsions générées par le système et qui accompagnent son pourrissement alors que l'outil pour y mettre fin n'est pas encore prêt. C'est pourquoi cela n'a pas vraiment de sens de s'enthousiasmer de ces crises d'épilepsie en y voyant comme certains courants un symptôme de radicalisation ou de développement des luttes qui nous rapprocherait du but. Car ce qui se manifeste là, c'est avant tout le symptôme du retard des idées communistes révolutionnaires.

Mais on ne peut préjuger pour autant de la nature des événements qui conduiront le parti à émerger enfin, ni de la vitesse du phénomène à laquelle la classe ouvrière sera en mesure de redevenir un pôle d'attraction... et de traction (une locomotive).
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Mort de Nahel : Une légitime colère ! et y'a 32 ans...

Message par Cyrano » 10 Sep 2023, 15:25

Y'avait un vide-maison, y'avait quelques journaux dans un coin, j'ai été attiré par la une de notre journal local, la une de Berry Républicain du lundi 27 mai 1991 (mille neuf cent quatre-vingt onze – qui qu'était ministre sous la deuxième présidence de Mitterrand ? Depuis le 15 mai, après Michel Rocard, c'était Edith Cresson).
Donc un Berry Républicain qui date de 32 ans…

Vous avez maté le titre ? "Le cri anti-ghettos". Vous comprenez que j'me suis dit: Oh? bin? Comme en… Une pièce de 50 centimes d'euro et hop.

Le chapeau de l'article:
Alors que les députés s'apprêtent demain demain à discuter de la loi d'orientation sur la ville, loi dite «anti-ghettos», une série d'incidents opposant jeunes défavorisés et forces de l'ordre a secoué, ce week-end, plusieurs banlieues françaises.

Le début de l'article:
MANTES - LA - JOLIE, Toulouse, Saint-Etienne, Chanteloup-les-Vignes. Une nouvelle fois, plusieurs banlieues ont connu, au cours du week-end, des incidents opposant jeunes de quartiers défavorisés et forces de l'ordre. […]
Les lois dites «anti-ghettos», devraient notamment permettre de favoriser la construction d elogements sociaux dans le centre des grandes villes et, partant, d'améliorer le cadre de vie des 400 sites de banlieues des grandes villes françaises les plus défavorisés de France. Là où s'additionnent les difficultés: urbanisation anarchique, construction au rabais, échec scolaire, chômage. drogue, délinquance, fortes minorités de populations immigrées. […]


Le texte commentant la photo d'un véhicule incendié:
Mantes-la-Jolie : des groupes de jeunes ont mis le feu à trois véhicules et brisé les vitrines de douze magasins dont certains ont été pillés.

Y'a 32 ans, sous un beau ministère de gauche, après 10 ans de présidence de gauche. Rien de nouveau sous le soleil, qu'il disait, Salomon.
Pièces jointes
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