Page 1 sur 2

Message Publié : 13 Jan 2004, 10:00
par Barnabé
Dans le dernier numéro de Convergences Révolutionnaires (édité par la fraction de LO):
a écrit :
Que peut-on attendre de la campagne commune LO-LCR ?

Mis en ligne le 12 janvier 2004

D'abord évidemment une mesure de l'influence de l'extrême gauche par rapport à la gauche mais aussi à l'extrême droite, sinon à la droite. En présentant des listes communes aux régionales et aux européennes les deux organisations se sont données au moins l'instrument le plus adéquat pour prendre cette mesure.


S'adresser à l'électorat populaire déboussolé

Sans doute, l'extrême gauche n'attirera pas une seule voix supplémentaire de l'électorat a priori hostile, ceux bien décidés à ne pas voter pour elle qu'elle soit unie ou pas. Mais il y a tous les autres : les électeurs déboussolés et dégoûtés des politiciens et des partis de gauche comme de droite. Ceux-là n'ont plus envie de revoter pour les mêmes (le plus souvent la gauche mais pas toujours). En tout cas ils hésitent, envisagent de s'abstenir, voire de voter pour l'extrême droite, ne serait-ce que par défi, dégoût ou vengeance.

Ces mêmes sentiments peuvent en pousser certains à voter à l'extrême gauche. Mais la plupart d'entre eux ne prêteront attention de notre côté que si nous leur donnons d'autres raisons de voter pour nous que par défaut. Pour dire « merde » aux autres, ils ont en effet d'autres moyens de le faire.

En se montrant assez responsables pour s'unir et présenter un front commun sur la base du programme qu'elles partagent, les deux organisations leur ont donné des raisons positives d'envisager de voter pour elles (et pas seulement pour émettre le fameux vote « protestataire » si cher aux politologues, sociologues et journalistes). Et voter pour des raisons positives c'est commencer à prêter attention au programme et aux idées. Il ne faudrait pas exagérer la signification d'un vote : tous ceux qui ont voté Laguiller ou Besancenot aux dernières élections présidentielles n'ont pas voté pour la révolution, c'est sûr. Il ne faudrait pas non plus la nier. Aujourd'hui, les électeurs du FN qui mettent leur bulletin de vote dans l'urne par simple dépit, sont quand même après cela, qu'ils le veuillent ou non, un peu plus sensibles à ses propositions réactionnaires, racistes ou anti-immigrés. Hier, les millions d'électeurs du PCF, au bon temps de celui-ci, auraient peut-être été en peine de préciser ce qu'était le communisme, ils se sentaient quand même un peu communistes. Il en est de même pour l'extrême gauche. C'est bien l'une des raisons de la participation des révolutionnaires aux élections bourgeoises.


Inquiéter la gauche

La gauche ne s'y est d'ailleurs pas trompée. Si, avant même qu'il soit conclu, l'accord LO-LCR a été depuis trois mois l'objet de ses attaques virulentes, c'est qu'elle en a vu l'enjeu. Après la déculottée reçue en 2002, juste punition pour la politique de cinq ans de gouvernement Jospin, toute la politique du PS, comme de ses satellites PCF ou Verts, a été de laisser passer le temps. Sûre que la droite au pouvoir ne ferait pas mieux qu'elle - un pari gagné d'avance - et finira par se déconsidérer à son tour, elle attend que les électeurs lui reviennent, par lassitude des Chirac et Raffarin sinon par enthousiasme pour les Hollande et consorts. C'est d'ailleurs pourquoi ses principaux leaders, les Fabius, Strauss-Kahn, Lang ou autres, ont l'œil rivé sur 2007 et les présidentielles. De toute évidence ils considèrent 2004, les régionales et les européennes, comme une étape sans importance (et surtout encore trop près de 2002). Ou plutôt ils considéraient, avant que l'extrême gauche vienne troubler leur sieste politique. Aujourd'hui ils s'inquiètent.

Certes les prévisions avancées par une certaine presse (Le Monde, Libération…) quant à nos possibles résultats sont sans doute exagérées pour les besoins de leur cause : tenter d'effrayer ceux qui hésitent entre la gauche et l'extrême gauche. C'est une façon de faire croire qu'accorder ses suffrages à cette dernière, même pour donner une bonne leçon à la première, ce serait faire le jeu de la droite, extrême ou pas. Parions que ce thème va être développé sur tous les tons dans les six mois qui viennent. Et qu'importe que tout ait prouvé, et en particulier les dernières élections présidentielles, que la gauche n'a besoin de personne, et pas plus de LO ou de la LCR, pour se tirer dans le pied !

Leur inquiétude est quand même significative. A l'unisson de la droite, la gauche pense que l'extrême gauche peut à nouveau refaire le score des présidentielles, et que l'accord LO-LCR ouvre cette perspective. C'est d'ailleurs bien pour cela qu'il est de l'intérêt de l'ensemble des militants et groupes révolutionnaires - y compris ceux qui de fait ne sont pas inclus dans l'accord - de faire campagne pour les candidats communs LO-LCR. Meilleurs seront les résultats, en voix et en élus, plus l'extrême gauche toute entière sera dans une position favorable pour affronter la période qui suivra et l'offensive annoncée du patronat et du gouvernement.

Et plus aussi il y aura des chances que cet accord électoral ait des suites après les élections.


Remettre les divergences à leur juste place

Il ne faut pas être grand clerc, en effet, pour deviner que la suite dépendra d'abord des résultats. S'ils sont mauvais ou médiocres, la tentation sera grande dans les deux organisations de briser là, de vaquer chacune de son côté à ses propres affaires et retourner en gros à la situation qui a prévalu entre les élections de 1999 et celles de 2004.

La tendance à ne pas se soucier de ce qu'elles pourraient faire en commun, est déjà une constante chez l'une comme chez l'autre. Sous le prétexte qu'à deux on ne fait pas mieux que chacun de son côté, les adversaires de l'alliance ou ceux qui ne l'ont admis qu'avec réticence reprendront l'offensive. Dans la LCR pour renouer les liens du côté de la gauche, dans LO pour renoncer à toute politique active vis-à-vis du reste de l'extrême gauche.

Et dans LO comme dans la LCR pour brandir le prétexte des divergences de toutes sortes : le type de parti à construire (léniniste ou social-démocrate ?), les milieux visés en priorité (s'investir ou pas dans le mouvement altermondialiste ?), le type d'intervention dans la classe ouvrière (par le biais privilégié des syndicats ou celle directe de l'organisation politique ?) et d'autres encore.

Prétexte, non que ces divergences ne soient pas bien réelles et qu'elles ne limitent pas automatiquement des possibilités d'actions communes. Mais prétexte parce qu'elles ont été invoquées trop souvent là où elles n'avaient rien à faire, là où elles n'étaient pas des obstacles véritables. L'accord LO-LCR le prouve a contrario. Si ces divergences n'empêchent pas une alliance pour les élections, qui peut croire qu'elles étaient, sont ou seront un obstacle insurmontable pour des interventions communes… sur tous les autres terrains ?


Préparer la suite

De bons résultats électoraux ne suffiront certes pas à changer d'un coup les préjugés, les illusions et les sectarismes qui existent dans l'une comme dans l'autre des deux organisations. Peut-être même, s'ils poussaient vers l'extrême gauche un petit courant de nouveaux adhérents et militants, contribueraient-ils à exacerber la concurrence et la rivalité pour savoir laquelle les attirera. Cela n'a d'ailleurs rien de choquant ni d'anormal entre deux organisations révolutionnaires, même alliées, tant qu'elles demeurent deux formations séparées. Or pour que la question d'une fusion se pose (en admettant même qu'elle soit désirable et que certains obstacles politiques soient levés) il faudrait un afflux massif de nouveaux militants et adhérents auquel les deux organisations ne pourraient faire face qu'en commun… et qui exigeraient eux-mêmes qu'elles fassent face en commun.

Mais de bons résultats changeraient quand même la donne. Les travailleurs qui voteront pour des listes communes LO-LCR peuvent se moquer de savoir s'il y a une ou deux organisations. En revanche, surtout s'ils se savent nombreux à l'avoir fait, ils ne pourront manquer de demander ce que l'extrême gauche leur propose d'autre que de mettre un bulletin dans l'urne. Si les résultats électoraux aident les travailleurs à retrouver le moral (l'un des buts que se fixe à juste titre la campagne électorale commune) ils ne pourront manquer de demander ce que LO et la LCR proposent maintenant pour défendre le programme pour lequel, ensemble, elles leur ont demandé de voter.

Et c'est bien ce que nous pouvons espérer de mieux de cette campagne. Que l'extrême gauche soit mise en demeure par la pression des résultats (et des travailleurs qui lui auront accordé leur suffrage) de définir une politique, d'envisager des interventions sur le terrain même de la lutte de classe, les problèmes des licenciements, du chômage, de la défense des services publics, de la Sécurité sociale… bref tous ceux pour lesquels la LCR et LO s'engagent dans leur profession de foi à aider « à préparer les luttes collectives de demain ».

Certes aucune intervention commune de l'extrême gauche, même lorsqu'elle est possible, ne se mettra sur pied automatiquement. Tout le passé l'a montré. Il faudra dans les deux organisations, et aussi à côté, des batailles politiques pour l'imposer. Les résultats de la campagne commune peuvent cependant nous servir de points d'appui pour ce combat. En tout cas nous ferons tout pour cela.

Jacques MORAND

Message Publié : 13 Jan 2004, 10:19
par Louis
avant de répondre plus en détail juste une petite question

a écrit :Et dans LO comme dans la LCR pour brandir le prétexte des divergences de toutes sortes : le type de parti à construire (léniniste ou social-démocrate ?),


LO a comme projet de construire un parti social démocrate ??? Parce que, jusqu'a preuve du contraire, ce n'est pas le projet de la ligue non plus ! Et je pense que la collaboration "plus avant" avec une organisation qui a comme projet politique de batir un parti "social démocrate" n'a aucun intéret !

Message Publié : 13 Jan 2004, 10:50
par Louis
oui, mais si tu pense qu'un parti social démocrate peut etre un parti anticapitaliste, c'est que tu te fait beaucoup d'illusion sur la social démocratie ! La ligue n'a jamais fait planer de doute sur ce qu'un tel parti ne sera pas : un parti social démocrate, justement ! Comme quoi meme les plus favorables chez vous a un rapprochement avec la ligue manient les catégories a la truelle !

Message Publié : 13 Jan 2004, 11:39
par Louis
ben on leur montre pas leurs erreurs théoriques ! mais si ils se définissent comme "anticapitaliste", on leur demande de passer a la pratique, et là ils s'aperçoivent trés vite de l'incompatibilité entre les deux conceptions ! Personnelement, je pense que s'instaurer en donneur de leçon n'est pas d'une grande utilité ni efficacité !

Message Publié : 13 Jan 2004, 11:47
par Barnabé
Je ne sais pas si le terme "social-démocrate" est bien heureux dans l'article, mais ce à quoi il est fait référence c'est la politique visant à construire un "parti anticapitaliste large" comme étape obligée (avec pour modèle le PRC ou le PT), et cela renvoie à la vielle conception social-démocrate du parti: un parti large de masse avec des révolutionnaires et des réformiste et avec l'idée que la lutte de classe operera d'elle même les décantations politiques (et c'était la conception d'un certain nombre de révolutionnaires dans la sociale démocratie d'avant 14, notamment de Luxembourg ou de Trotsky à l'époque où il s'opposait à Lénine (notamment au congrès de 1903 du POSDR)).
Il ne s'agit évidemment pas de dire que la ligue cherche à construire un PS bis, mais plutôt un PT à la française.

Message Publié : 13 Jan 2004, 11:53
par Louis
je pense qu'il est effectivement assez malheureux : cette discussion n'avait pour but que de le souligner : effectivement notre projet politique est bien de construire un parti des travailleurs non délimité ! En tenant compte des expérience malheureuses (et ce ce point de vue, le pt brésilien est formidablement formateur de mon point de vue) et des erreurs, des expériences (le prc italien par exemple, mais pas seulement !)

Message Publié : 13 Jan 2004, 13:34
par Fan_Bizet
Je pense qu'il est évident pour tous que l'on ne peut pas construire un grand parti révolutionnaire dans une période qui ne l'est pas. L'apparition d'un tel parti ne pourrait etre que simultanée avec des mouvements sociaux de grande ampleur.
Faire un parti révolutionaire de la taille du PC avec son influence serait déjà un immense bond en avant.
Je ne vois pas comment espérer un grand parti dans la période actuellesans abaisser de fait le niveau d'exigence et donc en faire un nouveau parti réformiste.

cela ne veut pas dire renoncer a grossir, mais il faut connaitre les limites d'une telle démarche et ne pas renoncer à la proie pour l'ombre

Message Publié : 13 Jan 2004, 17:00
par emman
(LouisChristianRené @ mardi 13 janvier 2004 à 12:53 a écrit : je pense qu'il est effectivement assez malheureux : cette discussion n'avait pour but que de le souligner : effectivement notre projet politique est bien de construire un parti des travailleurs non délimité ! En tenant compte des expérience malheureuses (et ce ce point de vue, le pt brésilien est formidablement formateur de mon point de vue) et des erreurs, des expériences (le prc italien par exemple, mais pas seulement !)
le prc italien, c'est un exemple a suivre ? :wacko: ...