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Message Publié : 07 Fév 2004, 09:02
par pelon
a écrit :
EXTRÊME GAUCHE LO et la LCR ont lancé hier leur campagne pour les régionales en Ile-de-France. Objectif: traquer les subventions au privé
Comment les conseillers régionaux trotskistes combattent le «grand capital»
Arlette Laguiller et Olivier Besancenot ont lancé hier soir à la Mutualité à Paris leur campagne pour les élections régionales en Ile-de-France. Les porte-parole de LO et de la LCR ont centré leur campagne sur l'interdiction des licenciements et la suppression des aides publiques aux entreprises. Ce principe guide depuis 1998 les votes des conseillers régionaux d'extrême gauche.

Elsa Freyssenet
[07 février 2004]

Pas un sou d'argent public pour les patrons. C'est l'un des principaux mots d'ordre de la campagne régionale de Lutte ouvrière (LO) et de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Et c'est ce principe qui, de 1998 à 2004, a guidé les votes des conseillers régionaux d'extrême gauche. C'est par «refus des cadeaux faits aux patrons» que les deux élus de la LCR en Midi-Pyrénées ont par trois fois (en 2001, 2003 et 2004) votés contre le budget de la région. Les autres années, ils se sont abstenus, considérant que des «efforts» étaient engagés sur d'autres dossiers tels les lycées ou la gratuité des transports pour les chômeurs.

Les conseillers régionaux de LO n'ont, eux, jamais infléchi leur position. En Ile-de-France (trois élus), Nord - Pas-de-Calais (sept) et Haute-Normandie (deux), ils rejettent avec constance les budgets des présidents socialistes au motif qu'ils incluent des aides aux entreprises. Et tant pis s'ils approuvent par ailleurs bien d'autres chapitres tels la santé, la solidarité, le logement ou la culture. Ainsi, en Ile-de-France, Arlette Laguiller et ses amis ont voté pour ou se sont abstenus sur la plupart des dépenses du budget 2004... pour finalement voter contre lors du scrutin global. «Et cela ne les a pas gênés de mêler leur voix à celles du FN», critique le président du groupe Vert, Jean-Félix Bernard (la droite avait quitté la salle).

«C'est un principe. Pour nous, tout l'argent public doit aller au public», explique l'élue de Haute-Normandie Gisèle Lapeyre. Toutes les entreprises sont visées, y compris les plus petites. Et la traque ne se limite pas au seul chapitre du développement économique. Dans le Nord - Pas-de-Calais, les élus de Lutte ouvrière, qui siègent à la commission permanente, épluchent les délibérations de tous les secteurs. Dans leur ligne de mire, des mesures aussi diverses que les aides à l'apprentissage («L'enseignement doit être public», explique Dominique Wailly), certaines infrastructures portuaires («C'est aux exploitants de payer»), des programmes de dépollution de site («C'est au pollueur de payer»), voire des incitations à la maîtrise d'énergie ou à l'amélioration de la qualité de l'air, pour peu qu'elles puissent profiter... au secteur privé.

Lorsqu'une délibération mélange aide au public et au privé, l'abstention est de mise. En juin 2003, Arlette Laguiller s'est abstenue sur un programme francilien d'«amélioration des conditions d'accueil et de soins au sein des services d'urgence», car il subventionnait aussi «des permanences de médecins libéraux», a-t-elle regretté en séance. «Ils sont enfermés dans leurs certitudes», soupire Jean Le Garrec. Le président du groupe PS du Nord - Pas-de-Calais en veut pour preuve le refus des élus LO de participer au vote, début 2003, d'une subvention de 1,6 million d'euros aux sous-traitants de Metaleurop, menacés par la fermeture de l'usine.

«Il aurait mieux valu mobiliser la population pour récupérer le pognon auprès des actionnaires», souligne Dominique Wailly, s'attirant cette réplique de Jean Le Garrec: «Ce n'est pas en se contentant d'attendre le grand soir qu'on aide les salariés.» De là à douter de l'«utilité» des conseillers régionaux de Lutte ouvrière... «Ils n'apportent rien à la région», pense l'élu socialiste. «Avec eux, c'est toujours tout ou rien, du coup ils n'influent pas sur grand-chose», ajoute le Vert Dominique Plancke.

De leur côté, les élus trotskistes veulent croire que leurs protestations ont rendu «le PS plus vigilant sur l'attribution des subventions aux patrons». Peut-être pas totalement insensibles aux critiques sur leur jusqu'au-boutisme, ils se sont lancés dans un recensement de leurs votes positifs: 66 % des délibérations de la commission permanente approuvées dans le Nord - Pas-de-Calais, un tiers de vote «pour» en assemblée plénière en Haute-Normandie...

Pour autant, la communication entre socialistes et trotskistes est proche de zéro. Les élus de LO refusent de serrer la main aux anciens ministres et ne manquent pas une occasion de fustiger les «renoncements» du gouvernement Jospin. Tandis que les socialistes ironisent, tel le président du groupe PS d'Ile-de-France, Jean-Paul Planchou, sur leur désir de «garder les mains pures dans l'attente d'une révolution mythique».

C'est en Picardie que, paradoxalement, la tension semble la plus forte. Dans la région où Charles Baur a été élu en 1998 grâce aux voix du Front national, les élus de l'ex-gauche plurielle et de LO n'ont fait véritablement cause commune qu'une seule fois, pour bloquer l'élection de représentants du FN dans les organismes extérieurs. Depuis, aucun autre front commun n'a été possible. «Ils se nourrissent de la crise, donc ils ont intérêt à l'entretenir», accuse la tête de liste socialiste Claude Gewerc. Tandis que Roland Szpirko refuse de «se compromettre» avec «une gauche qui méprise le peuple lorsqu'elle est au pouvoir». Impossible dialogue.