Verts changent de majorité et se démarquent vers la gauche
Par Rodolphe Landais
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NANTES (Reuters) - Réunis en Congrès à Nantes, les Verts ont rejeté samedi dans l'opposition la direction sortante et donné une majorité à une alliance plus nettement marquée à gauche.
La motion de synthèse présentée par Alain Lipietz et les "environnementalistes" de Maryse Arditi associés à Guy Hascoët a obtenu en fin d'après-midi 54,4% des voix des 585 délégués réunis à Nantes.
Le texte présenté par Noël Mamère a été crédité de 23,5% des suffrages tandis que le troisième texte en présence, celui présenté par l'ancienne député d'Eure-et-Loir Marie-Hélène Aubert, obtenait un peu moins de 20%.
De fait, les "ténors" des Verts été ont sèchement renvoyés dans la minorité, ce qui constitue en premier lieu une revanche personnelle éclatante pour Alain Lipietz. Désigné comme candidat des Verts à l'élection présidentielle, il avait été écarté au profit de Noël Mamère après ses propos sur l'amnistie des crimes de sang en Corse.
"C'est vrai, nous sommes l'aile radicale du parti et notre défi est de rasssembler encore plus largement. J'y crois", a-t-il sobrement commenté à l'issue du scrutin.
Qualifié d'"alliance de la carpe et du lapin" par Denis Baupin, adjoint au maire de Paris et proche de Noël Mamère, l'accord noué entre les motions d'Alain Lipietz et de Maryse Arditi marque un ancrage plus affirmé à gauche des écologistes.
La motion majoritaire, intitulé "Tous d'accord", prévoit ainsi l'abandon du désistement automatique au second tour en faveur du candidat de gauche le mieux placé dans un scrutin. Sur le bilan de la participation des Verts au gouvernement, le texte dénonce "trop de renoncements" et fustige le "jospinisme" qui n'a été, selon les signataires, "qu'une méthode érigée en dogme: l'équilibrisme".
"Nous devons affirmer notre identité d'écologistes sans complexe. Nous n'avons pas besoin d'un grand frère protecteur et encore moins d'un parti unique de la gauche", a lancé à la tribune Gilles Lemaire.
Cet informaticien de 51 ans, proche d'Alain Lipietz et responsable des Verts dans le centre de Paris, devrait théoriquement être élu dimanche secrétaire national des Verts où il succèdera à Dominique Voynet.
"Je ne le connais pas, je le jugerai sur pièce", a dit de lui l'ancienne ministre de l'Environnement du gouvernement Jospin, qui a décidé cet été de prendre du champ.
"Je lui conseille de mettre le paquet sur la réconciliation et ce ne sera pas facile, même si je pense que les vieux maoïstes sont aussi capables d'ouverture", a-t-elle ajouté.
"MAJORITÉ FOURRE-TOUT"
Dominique Voynet, qui faisait ses adieux au poste de secrétaire national, avait souhaité un peu plus tôt que "l'esprit de sagesse" prévale parmi les Verts.
"Rien ne sert de masquer nos divergences, il convient au contraire d'en faire l'inventaire", avait-elle dit lors de sa dernière intervention.
"Au point où nous en sommes, le débat n'oppose pas des gauchistes et des droitiers, il oppose des militants qui s'interrogent sur les moyens de faire progresser une même cause", avait-elle poursuivi, regrettant une fois de plus le "décalage" entre l'importance des idées défendues par les Verts et leur poids électoral.
Appelés à départager six motions le 1er décembre dans chaque région, les militants Verts n'avaient pas tranché, plaçant en tête Alain Lipietz avec 29,7% sans lui donner de majorité claire.
La motion signée par Noël Mamère - avec lequel les Verts ont franchi pour la première fois la barre des 5% à une élection présidentielle, le 21 avril - était arrivée en deuxième position sous le titre "Retrouver et convaincre la société" (RCS), avec 24,3%.
Deux autres motions avaient obtenu des scores assez proches: Ecolo, de Maryse Arditi et Guy Hascoët (22,5%), et Rénovons maintenant, de Marie-Hélène Aubert (18,6%).
Dès samedi matin, un accord s'était esquissé entre les amis d'Alain Lipietz et le courant du pôle "Ecolo" de Maryse Arditi, validé par une motion de synthèse finalement majoritaire.
Principale victime de ce rapprochement, Noël Mamère a estimé que "la somme des minorités, ça ne fait pas une majorité". Et le député-maire de Bègles de préférer "être dans une minorité solide, stable, avec des orientations politiques précises, que participer à une majorité fourre-tout".
"Les Verts continuent à se regarder le nombril. Ils feraient mieux de se demander pourquoi la moitié des militants n'ont pas voté début décembre, en prélude à ce congrès. Pour être un grand parti responsable, il ne suffit pas d'adopter la posture d'associations comme Greenpeace ou Attac, d'être dans la contestation permanente", a-t-il ajouté.