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N° 463 - mercredi 18 février 2004
ACTUALITE POLITIQUE (Spécial élections)
Roseline Vachetta, tête de liste LO-LCR en Rhône-Alpes
“On n’est pas là pour faire du racolage pour le PS”
Entretien. Députée européenne LCR et militante à Grenoble, ancienne éducatrice spécialisée, Roseline Vachetta reproche aux militants lyonnais de son parti ne pas se mobiliser pour la liste LO-LCR qu’elle conduit.
© Félix Ledru
Lyon Capitale : La LCR se veut proche des altermondialistes, contrairement à Lutte Ouvrière, souvent qualifiée de sectaire. Comment gérez-vous cette contradiction en tant que tête d’une liste d’union LO-LCR ?
Roseline Vachetta : Les régionales ne portent pas d’abord sur la question altermondialiste, mais, à notre avis, sur la question sociale. Dans ce domaine, nous avons l’habitude de lutter avec LO. Nos propositions communes méritent d’être essayées, car elles ne l’ont jamais été.
Même en URSS ?
(Rires) La grande différence, c’est que nous ne faisons pas le bonheur des gens à leur place. En URSS, la population a été privée de la démocratie, elle n’a pas pu s’opposer au développement de la bureaucratie, ce qui a tué le programme communiste. Nous, on est pour un contrôle des élus par les électeurs, pour des budgets participatifs comme à Porto Alegre, et on est contre un parti unique.
Aux municipales de 2001, la LCR s’était alliée avec À gauche autrement, un collectif de militants associatifs, sociaux, ou altermondialistes. Aujourd’hui, ces derniers se sentent “trahis” par votre alliance avec LO et vous accusent d’avoir “détruit les listes alternatives”…
On a proposé à À gauche autrement de participer à nos listes, mais ils ont refusé. Pourtant nos idées se ressemblent : nous souhaitons l’interdiction des licenciements, un autre partage des richesses, un développement du service public, plus de droits sociétaux et dans l’entreprise. Mais nous ne nous enfermons pas dans un tête-à-tête avec LO et travaillons à la création d’une nouvelle force politique anticapitaliste et ouverte à tous. Nous appelons à des assises en décembre pour créer une nouvelle gauche radicale. Et on s’y retrouvera tous !
Pour créer ce nouveau parti, il faudra reconstruire la confiance rompue avec les mouvements comme À gauche autrement…
Nationalement, 28 % des militants de la LCR étaient contre l’alliance avec LO. Cela ne les empêche pas de faire campagne. À Lyon, la majorité de nos camarades ne joue pas le jeu. C’est rageant de voir que leur rejet de LO est tellement fort qu’ils ne voient pas que l’intéret des salariés et des exclus était de faire cette alliance. Il n’y a pas d’un côté des zombies, et de l’autre, des gens d’À gauche autrement qui seraient les seuls à penser.
Pourquoi ne pas vous allier avec le FN, qui parle aussi d’urgence sociale ?
(Rires) Gollnisch explique aussi qu’il faut baisser les charges patronales “qui tuent l’emploi”, et qu’il faut supprimer l’ISF et l’impôt sur le revenu. Si on fait ça, on casse toute solidarité.
Appellerez-vous à voter à gauche au second tour ?
Non. Et si on fait 10 %, on se maintiendra. On n’est pas là pour faire du racolage pour le PS, comme le font les Verts. Le PS n’est pas l’opposition que mérite cette droite, sans limite et arrogante.
On a vu des drapeaux LCR dans les manifestations contre la loi sur le voile. On vous a d’ailleurs reproché un rapprochement avec des islamistes comme Tariq Ramadan. N’est-ce pas contradictoire avec vos combats laïques et féministes ?
Je suis tout à fait d’accord avec vous ! La LCR n’appelait pas à participer à ces manifestations, mais certains camarades ont choisi d’y aller. Je pense que ce n’est pas une bonne loi, car elle cible une population déjà stigmatisée. Mais le voile est tout sauf une libération de la femme. Pour moi, Ramadan est dangereux car il séduit, habilement, en proposant un projet de société sur des bases religieuses. Il faut le combattre.
Le sociologue Philippe Corcuff (LCR) reproche à l’extrême-gauche une tendance à tomber dans la judéophobie, par solidarité avec les Palestiniens et par difficulté à concevoir que des “opprimés” – des Arabes – puissent aussi être parfois des oppresseurs…
C’est vrai qu’aujourd’hui, les actes racistes concernent massivement la population arabe qui souffre déjà de discrimination sociale. Mais on dénonce aussi l’antisémitisme.
Pour lutter contre le FN et plus largement construire une société plus juste, ne faut-il pas lever, comme l’affirme Sarkozy, l’hypothèque de la délinquance ?
Pour lutter contre le FN, il faut des luttes victorieuses sur l’insécurité sociale qui fait son lit. Il faut renforcer la présence humaine dans les quartiers difficiles, au lieu de la remplacer par des policiers. On s’aperçoit que dans les collèges, quand il y a plus d’adultes, il y a moins de violence. Aujourd’hui, on fait l’inverse ! Les crédits de l’éducation populaire (MJC, éducateurs de rue…) ont baissé de 25 % en 5 ans.
Vous n’avez pas présenté de programme régional. Est-ce que cela traduit un rejet de la décentralisation ou un manque d’implantation locale ?
On est la seule liste où tout le monde travaille, est implanté dans la Région et y paye ses impôts — on n’a pas les ennuis de M. Le Pen ! Mais c’est vrai, on pense que la décentralisation n’est pas un bon projet. Depuis 1982, elle sert en priorité les objectifs du patronat. Cela permet d’éparpiller les services publics, pour les privatiser par morceaux.
Beaucoup disent au contraire, que sans la régionalisation, les lycées et les TER n’auraient pas été rénovés…
Les services publics de prestige se sont améliorés. Mais les autres sont détruits, les agences postales ferment… Et douze maternités ont été fermées dans la Région en six ans.
Ce n’est pas la compétence de la Région !
Peut-être, mais la Région est un outil au service d’une politique libérale que l’on combat.
Propos recueillis par R. R.