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• LE MONDE | 18.01.03 | 13h37
Une série d'attentats racistes secoue la Corse depuis trois semaines
Un nouveau groupe clandestin dit vouloir lutter contre "les communautés étrangères". Dans " U Ribombu", les nationalistes cultivent l'ambiguïté.
Un sigle et un discours sans équivoque. L'organisation s'appelle Resistenza Corsa. Elle s'était manifestée de manière fugace dans des tracts et des bombages, à l'été 2001, mais revendique depuis une vingtaine de jours des attentats, dont certains, comme ceux survenus fin décembre 2002, rue Droite, au cœur du vieux Bastia, auraient pu tuer. Le message a été délivré au téléphone à des gendarmes de Haute-Corse par une voix féminine anonyme : Resistenza Corsa veut lutter "contre la drogue, la délinquance et la présence de communautés étrangères".
Contrairement aux idées et aux chiffres souvent cités dans l'île, la Corse ne compte que 10 % d'étrangers (25 673 personnes, selon le recensement de 1999, très majoritairement des Marocains, pour 260 000 habitants). En revanche, elle se fait régulièrement épingler par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui la classe parmi les régions " les plus touchées" par le racisme (Le Monde du 29 mai 2000). Lors de l'élection présidentielle de 2002, le vote corse en faveur du candidat Front national – organisation quasi inexistante en Corse – s'est aligné, pour la première fois, sur la moyenne nationale. La demi-douzaine d'attentats revendiqués par la nouvelle organisation a alourdi le climat déjà empesé par la multiplication des rivalités au sein de la clandestinité.
"A CORSICA A I CORSI"
Officiellement, la police ne sait pas qui se cache derrière Resistenza Corsa. Certains évoquent un faux nez du FLNC, mais la piste de quelques individus isolés – et très déterminés – de la région bastiaise est privilégiée. "Il suffit de cinq imbéciles pour semer la panique", relève un policier. Dans la nuit du 12 au 13 janvier, une charge de 10 kg – la plus grosse employée – vise un caboulot du Vieux Port, le Funny's Bar, et une voiture à San Martino di Lota, dans le Cap corse. Le 4 janvier, c'est la porte d'une famille maghrébine dans un immeuble du vieux centre-ville qui était visée. Deux inscriptions sont retrouvées sur les murs de l'immeuble, "A droga basta" (la drogue, ça suffit) et " Resistenza Corsa" – sans qu'on sache toutefois si elles étaient en rapport avec l'acte.
Quatre autres attentats avaient été revendiqués fin décembre 2002, parmi lesquels l'explosion d'une charge contenant des clous et de la ferraille qui avait soufflé un portail au 29 de la rue Droite. Cette artère de l'ancien quartier de pêcheurs, aux immeubles pittoresques mais très vétustes, près de la place du marché, est de plus en plus souvent investie par des petits voyous et des dealers. Le 27 décembre, trois policiers qui s'apprêtaient à contrôler des adolescents tenant en laisse des pitbulls non muselés avaient été molestés. Une semaine plus tôt, deux frères avaient été agressés par une bande. Le 29 décembre, au téléphone, la voix féminine précisait d'ailleurs agir "en représailles des agressions qui ont visé de jeunes Corses".
Certains montrent du doigt la politique d'aménagement urbain du maire de Bastia, Emile Zuccarelli (PRG). "La Corse découvre le problème des banlieues avec dix ans de retard", analyse un responsable de gendarmerie, "à sa mesure" : dans une rue, et avec un discours qui ne se cache pas. "Les supporteurs délinquants -de l'Olympique maghrébin- et la racaille des quartiers nord de Marseille n'imposeront pas leur loi en Corse", lisait-on sur un tract orné d'un "ribellu" (un rebelle, le sigle des clandestins) avant le match OM-SCB à Furiani, le 1er décembre. Et sur un autre, cet été, à Corte, au-dessus d'un militant clandestin tenant son fusil en joue : "A Corsica a i Corsi", la Corse aux Corses.
"Il y a déjà eu sur l'île des événements graves et violents qui ont visé des Corses d'origine maghrébine, note André Paccou, président régional de la Ligue des droits de l'homme. Mais ce qui se passe maintenant, pour nous, est différent. Continuer à dire que la société corse est une société de tolérance est aujourd'hui un discours irresponsable", ajoute-t-il en déplorant le "silence des politiques".
"JEUNESSE DÉVOYÉE"
L'hebdomadaire nationaliste U Ribombu (du 9 janvier) redoute, lui, que "l'affaire de la rue Droite ne fasse les choux gras de la presse française qui ne rêve (...) que de montrer la Corse du doigt", mais saisit l'occasion d'"aborder le problème" sans "angélisme". Le journal estime "inacceptable" le trafic de drogue, et juge "intolérable" que "de jeunes étrangers à la Corse (...) affichent une attitude raciste anti-Corse". "Nous n'accepterons pas que des membres d'une communauté étrangère à la Corse insultent impunément notre culture, notre langue, notre peuple, écrit l'éditorialiste Iviu Bourdiec. Le problème d'une jeunesse dévoyée, désœuvrée, appartenant à une communauté étrangère, et où sont recrutés des petits dealers qui tentent de pourrir ou de rendre dépendants certains jeunes Corses est malheureusement bien réel." Les choses, effectivement, sont dites.
Ariane Chemin
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 19.01.03
Je ne sais pas s'il y a un lien ou pas entre ces attentats et les nationalistes mais ce que dit Bourdiec dans
U Ribombu est bien digne de Le Pen.
