a écrit :Michel Boujut débarqué
de Charlie-Hebdo
Dans un communiqué, le chroniqueur cinéma de l'hebdomadaire se dit victime d'un "changement de maquette-épuration".
Le critique et historien du cinéma Michel Boujut a annoncé lundi dans un communiqué qu'il quittait Charlie-Hebdo, où il tenait sa chronique depuis dix ans, pour cause de "changement de maquette-épuration".
Dans une lettre ouverte intitulé "Chronique d'une disparition", Michel Boujut s'estime "débarqué comme une planche pourrie avec ses indemnes", actuellement en négociations. Selon lui, la raison invoquée par la direction pour lui "couper le sifflet du jour au lendemain" est "un changement de maquette". Il juge cette raison "dérisoire et cousue de fil blanc".
"'Plus de chronique cinéma!' décrète sèchement et unilatéralement le rédac'chef Philippe Val, sans consulter quiconque, ni Cavanna, fondateur du titre, pas plus que Gébé, directeur de la publication (et voisin de page de Michel Boujut ndlr)". Le tout, "sans informer préalablement la rédaction mise devant le fait accompli", affirme le chroniqueur.
La rédaction en chef de l'hebdomadaire "de la France d'en haut" n'a pour l'heure pas souhaité commenter ces propos.
Michel Boujut, producteur de "Cinéma Cinémas" sur Antenne-2, était entré à Charlie-Hebdo à la suite d'une rencontre avec Gébé après la disparition de cette émission mythique. "Je regretterai Michel Boujut en tant que lecteur", nous a déclaré Gébé. Mais pour le reste, "il y a eu une décision de changer la maquette. Et on s'est aperçu qu'il n'y avait plus de place." "C'est la décision du rédacteur en chef dont l'autorité est totale", a-t-il ajouté.
Interview de Michel Boujut :
a écrit :Pourquoi quittez-vous Charlie-Hebdo ?
- Je ne quitte pas Charlie-Hebdo. On me débarque. Le rédacteur en chef Philippe Val, qui est également un des propriétaires du journal, m'a fait savoir jeudi dernier qu'il n'y aurait plus de chronique cinéma.
On m'avait prévenu la semaine précédente qu'il y avait une nouvelle maquette et qu'il n'y aurait pas de chronique dans le numéro de mercredi [dernier, ndlr]. Cela m'avait surpris, mais bon…
Lors d'un précédent changement de maquette il y a trois ans, la chronique à quatre mains [texte + dessins de Tardi puis d'Honoré, ndlr], qui semblait plaire à tout le monde, a été abattue en plein vol. C'était très étrange qu'un rédacteur en chef décide tout seul de la fin d'une chronique qui marche, mais j'ai continué ma tribune. C'était un premier grignotage.
Jeudi dernier, Philippe Val m'a dit qu'il "fallait passer à autre chose". Des enquêtes, ou je ne sais quoi, sans que cela m'apparaisse incompatible avec la tenue d'une chronique. Il n'y avait pas beaucoup d'affinités entre Philippe et moi, mais ce n'est pas mon travail qu'il contestait.
Le jeudi était le jour de la conférence [de rédaction ndlr], où je ne suis pas allé, et le compte-rendu est assez violent. Une partie de la rédaction a demandé des comptes et Philippe Val, qui n'est pas un homme de dialogue, a poussé une grosse colère, comme à son habitude dans ces circonstances.
Etes-vous seul concerné ?
- Mon départ vient après beaucoup d'autres, dans des circonstances brutales: Lefred-Thouron, François Camé, Olivier Cyran et d'autres collaborateurs moins connus…
A Charlie-Hebdo, il y a les patrons: Val, Bernard Maris, Cabu. Cette direction tricéphale, ce triumvirat, comme on voudra, a évidemment quelques alliés dans la rédaction, mais il y a aussi en face un grand malaise.
Philippe Val se comporte, et c'est déplaisant, comme les patrons qu'il dénonce à longueur de colonnes. Ce sale comportement est la règle. C'est intolérable de la part de quelqu'un qui se veut moraliste. Ou qu'on peut aussi qualifier de donneur de leçons. Mais je préfère être dans ma peau que dans la sienne.
Quel bilan tirez-vous de dix ans de chroniques à Charlie ?
- Je n'étais pas obligé de mettre les lunettes de Charlie-Hebdo pour voir le cinéma. Et j'ai senti longtemps une grande confiance de la part de la rédaction dans son ensemble.
Le grand bonheur, c'était un véritable dialogue avec les lecteurs, parce que "l'esprit Charlie" dépasse le cadre du journal. Ce dialogue, la discussion des arguments sur un film, c'est une prolongation de l'activité, une partie intégrante de la fonction critique. C'est une chose que je regrette.