Nanotechnologies

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 25 Nov 2006, 10:20

quelques articles tirés de la revue le vivant avec le pire et le meilleur...

en raison de mon "scientisme" invétéré je commence par le meilleur...

a écrit :

28/03 2006

[center]Des nanoparticules pour décontaminer l'environnement[/center]


Par Damien Jayat
Journaliste scientifique



Certains matériaux issus des nanotechnologies ont un potentiel de décontamination de milieux pollués. Par exemple, des membranes céramiques chimiquement modifiées peuvent traiter des effluents ou des boues contaminés par des substances toxiques. Revers de la médaille, l’introduction de nanoparticules dans l’environnement à des fins de décontamination, ou fortuitement, peut engendrer elle-même une pollution dont les risques écologiques sont mal cernés. Jean-Yves Bottero fait ici le point sur ces deux aspects des liens entre nanotechnologies et environnement. Directeur de recherche au CNRS, il dirige l’équipe de Physico-Chimie des Interfaces au Centre d’Enseignement et de Recherche en Géosciences de l’Environnement (CEREGE) de l'université Paul Cézanne d'Aix-en-Provence.

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Nanoparticules de germanium sur des nanofils d'oxyde de zinc.
© Zhengwei Pan/ORNL

Deux des particules développées par votre laboratoire, l’Alumoxane et le Ferroxane, ont fait l’objet d’un dépôt de brevet en 2001 et en 2003. Quelles innovations apportent-elles ?

L’Alumoxane et le Ferroxane sont des nanoparticules à base d’oxyde d’aluminium ou de fer utilisées comme matériau de base pour la fabrication de membranes de filtration ou de céramiques. Elles sont obtenues en cassant un oxy-hydroxyde métallique de synthèse à l’aide d’acide acétique. En multipliant les étapes de cassage, on obtient des billes de quelques nanomètres de diamètre. Celles-ci peuvent ensuite être soudées les unes aux autres par déshydratation à haute température (900–1100 °C) pour former une céramique. Les espaces entre les billes forment des pores dont on contrôle le diamètre en jouant sur la taille des billes, et on obtient au final une membrane de nano-filtration (1).

L’Alumoxane et le Ferroxane ont été mises au point en collaboration avec l’équipe du Pr. Mark Wiesner, du Department of Civil and Environmental Engineering (CEVE) à l’Université Rice de Houston (Texas), avec qui nous travaillons depuis vingt ans. Les particules ont notamment été développées par Jérôme Rose, un chargé de recherche CNRS de notre laboratoire qui a effectué un séjour post-doctoral là-bas en 1997. Les particules sont fabriquées grâce à une approche top-down, soit du plus grand vers le plus petit : on disloque progressivement des particules dont la taille est au départ micrométrique. Ce procédé est tout à fait original par rapport aux procédés classiques, de type bottom-up (du plus petit vers le plus grand), où des ions métalliques sont assemblés pour construire peu à peu le produit recherché. Le procédé bottom-up passe par la formation d’un gel, étape nécessitant le recours à des solvants organiques souvent toxiques. Il est donc peu recommandable lorsqu’on souhaite développer une « chimie verte » par le biais des nanotechnologies. La technique de fabrication de l’Alumoxane et du Ferroxane ne nécessite que de l’eau et de l’acide acétique, solvant peu coûteux et surtout non toxique. Elle s’intègre donc mieux dans une approche technologique à visée environnementale (2).

Quelles nouvelles fonctionnalités possèdent les nanomembranes pour le traitement de l’eau ?

A partir des billes d’Alumoxane et de Ferroxane nous pouvons fabriquer des membranes dont la porosité n’excède pas quelques dizaines de nanomètres. A cette échelle, deux nouvelles fonctionnalités apparaissent. La première est directement liée à la taille des pores. Les membranes de nanofiltration sont en effet capables d’arrêter la grande majorité des agents pathogènes : agrégats de métaux toxiques, bactéries, mais aussi les virus qui constituent aujourd’hui un souci majeur dans le domaine du traitement des eaux.
 
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Image en fausses couleurs d'une nanoparticule de rutile, un oxyde de titane.
© NIST


La deuxième fonctionnalité des membranes de nanofiltration est liée au fait que, les pores étant petits, tout composé présent dans le milieu à filtrer a de grandes chances d’entrer en contact avec la surface de la membrane.

Cela peut être exploité de deux manières : d’une part, les contaminants métalliques peuvent être adsorbés sur la membrane puis récupérés par un lavage ultérieur ; d’autre part, en fournissant à la surface de la membrane des propriétés catalytiques, certains contaminants peuvent être convertis en composés non toxiques dès l’étape de filtration. Par exemple, il existe sur le marché des nanoparticules d’oxydes de titane (TiO2) incorporées à des membranes et dégradant des pesticides. Les deux fonctionnalités innovantes des nanomembranes permettent finalement de filtrer l’eau plus efficacement, en moins d’étapes et avec rétention ou dégradation de davantage d’agents indésirables.

Les phénomènes d’adsorption ou de catalyse ont majoritairement lieu à la surface des particules. Il semble que cette « activité de surface » soit un paramètre très important pour les nanoparticules. Pourquoi ?

D’une manière générale, c’est en effet à la surface des particules que l’on observe la plupart des interactions avec les éléments extérieurs. Par exemple, ce sont les charges électriques situées à la surface qui, en se repoussant ou s’attirant, influent sur la coagulation et l’agglomération de petites particules.

Dans le cas des nanoparticules, la proportion d’atomes en contact direct avec le milieu extérieur (20 à 40 %) est plus important que dans des particules de plus grandes tailles (moins de 5 %). Davantage d’atomes sont donc impliqués dans les réactions chimiques ou dans la rétention par adsorption. Ce phénomène rend les nanoparticules bien plus rentables que les microparticules, puisque la même masse de particules contient une plus grande proportion d’éléments réactifs. A cela s’ajoutent deux autres phénomènes : d’abord, la surface d’une nanoparticule est plus accessible (en termes cinétiques) que celle d’une microparticule ; la réaction y est donc plus rapide. De plus, l’énergie d’interaction entre la surface d’une nanoparticule et son environnement est élevée et conduit à une déformation de cette surface, une « amorphisation » qui augmente la mobilité et la réactivité de la particule. La majorité des avantages des nanoparticules sont donc liés à l’activité de leur surface. Voilà pourquoi celle-ci est un paramètre fondamental.

Parmi les composés contre lesquels vous développez des moyens de décontamination, figure notamment l’arsenic. Pourquoi cet élément, et quel type de particules envisagez-vous d’utiliser pour l’éliminer ?

L’arsenic (As) est un élément très toxique qui contamine naturellement les eaux, rendant leur consommation dangereuse. La contamination peut aussi provenir d’activités humaines, si bien que l’on trouve des risques sanitaires liés à l’arsenic dans les pays en voie de développement comme dans les pays industrialisés.

Au Bangladesh, par exemple, la contamination est d’origine naturelle et provient des dépôts sédimentaires du Gange et du Brahmapoutre. Dans ce pays, entre 30 et 70 millions de personnes sont contaminées par l’arsenic. On rencontre également une pollution des eaux dans certaines régions des Etats-Unis, où l’arsenic a été utilisé pendant de nombreuses années comme pesticide. Ainsi, alors que l’OMS fixe une norme de 10 µg/litre pour ce composé, la législation américaine la maintient à 50 µg/litre afin d’éviter une coûteuse décontamination des eaux.

La France a elle aussi son lot de contamination, avec par exemple le site de Salsigne (Aude) où une mine d’or a produit des déchets riches en arsenic. On a observé que le taux de cancers dans les villages autour du site est supérieur à la moyenne nationale…
 
Les nanoparticules que nous étudions pour éliminer l’arsenic, essentiellement des oxydes de fer (Fe2O3), sont développées dans le cadre de la thèse de Mélanie Auffan en collaboration avec l’équipe de Jean-Pierre Jolivet, de l’Université Paris 6 (Laboratoire de Chimie de la Matière Condensée, LCMC, UMR 7574 CNRS). L’une d’elles, la maghémite, possède en son centre une cavité dont la taille est parfaitement adaptée à celle d’un atome d’arsenic. On peut ainsi adsorber cinq à six de ces atomes par nm2 de maghémite. C’est énorme : sur une maghémite de taille micronique on adsorbe en moyenne moins de deux atomes par nm2. De plus, l’arsenic est en forte interaction avec la maghémite car il est lié en moyenne à six atomes de fer. Enfin, la maghémite étant naturellement magnétique elle est facilement concentrée puis éliminée du milieu après traitement.

La forte affinité de la maghémite pour l’arsenic ne risque-t-elle pas de poser problème pour la régénération des particules après leur extraction du milieu ?

La question du retraitement des nanoparticules doit effectivement être prise en compte avec beaucoup d’attention. Dans le cas de la maghémite, nous avons montré la possibilité d’une désorption partielle de l’arsenic par un traitement acide. Après neutralisation par de la chaux, la solution devient une « boue » qui peut être stockée, incinérée (avec retraitement des cendres) ou retraitée directement. On peut aussi envisager de ne pas régénérer et d’utiliser chaque fois des nanoparticules neuves. Dans tous les cas, les principaux objectifs fixés, à savoir l’extraction et la concentration des polluants, seraient atteints.

En définitive, les choix entre les différentes filières de retraitement seront dictés par des questions de coûts et de bilan de pollution : on ne peut pas décontaminer au moyen de techniques qui introduisent plus de pollution qu’elles n’en retirent ! Cependant, les filières ne peuvent pas encore être comparées avec précision car le procédé n’en est qu’à ses débuts. Aujourd’hui, les recherches portent essentiellement sur la structure, les propriétés et les effets biologiques des nanoparticules.

Comment réalisez-vous vos études structurales à l'échelle nanométrique ?

Nous utilisons la spectroscopie d’absorption de rayons X. Cette technique permet d’étudier des particules à l’échelle atomique avec une grande précision, dans des situations où la diffraction de rayons X sur des particules cristallisées ne peut être analysée. La spectroscopie d’absorption de rayons X utilise l’énergie d’électrons circulant à la vitesse de la lumière dans un synchrotron (un accélérateur circulaire de particules). La trajectoire circulaire des électrons entraîne la transformation d’une partie de leur énergie cinétique en énergie lumineuse, émise dans une large gamme de longueurs d’onde. On peut alors étudier l’absorption de cette énergie lumineuse par un type d’atome donné, chaque atome absorbant à une longueur d’onde (et donc une énergie) spécifique. L’énergie absorbée permet l’arrachement d’un des électrons les plus proches du noyau de l’atome considéré et induit un signal détectable qui dépend de la longueur d’onde du rayonnement incident.

Le signal (absorption vs énergie incidente) présente deux parties. La première, appelée XANES (X-ray Absorption Near Edge Structure), donne des informations sur l’atome étudié, son état d’oxydation et sa coordinence (symétrie). La deuxième partie du spectre est liée au fait qu’une fois arraché à l’atome en question l’électron interagit avec d’autres atomes situés dans un rayon de 4 à 5 angströms (1 Å = 10-10 m). Ces interactions sont mises en évidence par des oscillations du signal, appelées EXAFS (Extended X-ray Absorption Fine Structure), qui fournissent des informations complémentaires sur la nature, le nombre et la distance des atomes voisins, avec une précision de quelques centièmes d’angströms !

Les informations issues du couplage entre XANES et EXAFS nous ont permis d’une part de montrer que l’arsenic se fixait au centre de la particule de maghémite et qu’il était partiellement oxydé, d’autre part de déterminer la géométrie globale des interactions entre la maghémite et l’arsenic. C’est ainsi que nous avons pu identifier une particule possédant une grande affinité pour cet élément.

A cette approche structurale, vous avez choisi d’associer des tests de toxicité des nanoparticules. Quels sont les principaux résultats obtenus sur ce sujet ?

Les tests d’impacts biologiques (thèse de Mélanie Auffan) sont réalisés en collaboration avec l’équipe de Jean-Pierre Jolivet et plusieurs autres laboratoires du CEA de Saclay (Antoine Thil) et de Cadarache (Thierry Heulin, Wafa Achouack), de l’université de Montpellier (Bénédicte Prelot) et de l’université Aix-Marseille II (Alain Botta). Ce projet, unique en France par son aspect pluridisciplinaire, est dirigé par Jérôme Rose et financé par l’Institut des Sciences de l’Univers du CNRS et plus particulièrement le programme ECCO (ECosphère COntinentale). Nous étudions principalement les effets des nanoparticules d’oxyde de cérium (CeO2), de maghémite et plus récemment des C60 (fullerènes) sur des bactéries et des cellules humaines (3).
 
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Molécule de fullerène
© Nick Wilson

Nous avons montré qu’en présence de cérium, des bactéries du genre Escherichia coli ont un taux de survie plus faible. Nous avons mis en évidence grâce à la technique XANES que 30 à 40 % des ions Ce4+ adsorbés à la surface des bactéries étaient réduits en Ce3+, ce qui cause probablement un stress oxydant dont nous ignorons encore les effets exacts. Il pourrait perturber la chaîne respiratoire bactérienne, située dans la membrane cellulaire, mais cette hypothèse reste à confirmer expérimentalement.

Administré à des cellules humaines (fibroblastes), le cérium est également réduit mais il n’a aucun effet biologique notable. En revanche, les particules de maghémite pénètrent dans les fibroblastes par endocytose et sont stockées sous forme de vésicules. Nous avons observé un ralentissement du métabolisme des fibroblastes (jusqu’à 20 %) mais aucune mort cellulaire. Dans la suite de l’étude, nous allons tenter de déterminer les mécanismes responsables des effets observés sur les bactéries et les fibroblastes et analyser en détails les effets cytotoxiques et génotoxiques des nanoparticules.

Les particules de maghémite ont un effet sur les fibroblastes mais celles de cérium n’en ont aucun. Ces résultats semblent indiquer que la toxicité des nanoparticules ne peut être étudiée qu’au cas par cas…

Exactement. Tout d’abord, le risque en termes de santé humaine est lié à la pénétration des nanoparticules dans l’organisme ou les cellules. Il est donc plus élevé lorsque les particules sont sous forme d’aérosols (en suspension dans l’air) ou si elles sont injectées dans l’organisme, lors d’usages médicaux par exemple.

Les particules que nous étudions sont utilisées en solutions aqueuses, sans risque de transmission par voie aérienne. Dans le cas de bactéries en contact avec le cérium, nous avons de plus montré que la pénétration n’était pas obligatoire pour induire un effet biologique. Mais le plus important à nos yeux est que chaque particule a un effet différent sur chaque type cellulaire, et qu’un même type cellulaire réagit spécifiquement à la présence de chaque espèce de particule. Des particules de même taille et de même forme (cérium et maghémite) ont des effets différents sur les fibroblastes humains, ce qui signifie que l’impact biologique est avant tout une question de chimie entre la particule et sa « cible » biologique. Dans un premier temps, il faut donc considérer chaque couple « particule - cible » séparément, et analyser leurs interactions pour prévoir et maîtriser une éventuelle toxicité. Après cette étape, nous pourrons peut-être dégager des règles générales.

En attendant, nos résultats montrent que les nanoparticules doivent être considérées comme tout autre objet biologique ou chimique : au cas par cas. On ne peut pas les rejeter en bloc a priori.

La prise en compte des risques potentiels des nanoparticules est assez récente, notamment en France, bien que la technologie existe depuis plusieurs années. Selon vous, pourquoi un tel délai a-t-il été nécessaire ?

Précisons d’abord que les nanotechnologies sont encore plus anciennes qu’on a tendance à le croire. Si le terme n’est apparu qu’au milieu des années 1990, les nanoparticules sont utilisées depuis longtemps, dans les cosmétiques ou les médicaments par exemple. Lors de mes études de thèse, j’ai synthétisé puis étudié les propriétés de surface de particules d’Al13 de taille nanométrique (1,3 nm exactement). Nous les appelions alors « colloïdes », « coagulats » ou « polycations », mais c’étaient en réalité des nanoparticules.

 
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Nanoparticules de cérium sur le point d'être captées par un fibroblate pulmonaire (microscopie életronique)
© Ludwig Limbach et al., Chemistry and Applied Biosciences, École polytechnique fédérale de Zurich.

Pour ce qui est de la gestion des risques, il est vrai que lorsque nous avons commencé à travailler conjointement sur la structure, l’activité et la toxicité potentielle des particules nous avons soulevé peu d’enthousiasme chez la plupart de nos collègues. Nous avons parfois été jugés opportunistes ou simplement attachés à des questions inutiles d’un point de vue scientifique. De plus, en France certains ont longtemps pensé les nanotechnologies incapables de fournir des applications réellement innovantes ailleurs que dans le domaine de la physique. Ainsi, lorsqu’en 2001 nous avons créé avec l’Université Rice le réseau I-CENTR (International Consortium for Environment and Nanotechnology Research), nous avons été très peu suivis.

Depuis, les choses ont un peu changé, notamment grâce à la publication des premiers textes officiels nationaux et européens. La prise de conscience des institutions européennes s’est inspirée de celle, plus ancienne, qui a eu lieu aux Etats-Unis. Le Vieux Continent a fini par s’atteler à la tâche, bien qu’avec un retard certain, et l’aspect « toxicité » des nanotechnologies est aujourd’hui un objet d’étude à part entière. L’éveil de la conscience citoyenne à ce genre de questions, qui s’est opéré suite aux affaires de la vache folle, de l’amiante et des OGM, a également influencé l’intérêt porté aux risques. Enfin, les médias ont joué un rôle important en relayant régulièrement les innovations et les dangers supposés des nanotechnologies.

La toxicité des nanoparticules est donc passée en quelques années de l’état « sans intérêt » à celui de « sujet d’actualité prioritaire ». A ceci près que les études consacrées au développement technique et aux risques liés aux nanoparticules continuent de faire l’objet d’appels d’offres différents, adressés respectivement aux physiciens et aux biologistes. Et la rencontre entre les deux domaines, que nous essayons de mettre en place dans notre laboratoire, est encore délicate.



Quelles difficultés rencontre-t-on lorsqu’on met en place de tels sujets transversaux ?

D’abord, les réticences de la communauté scientifique. En France les disciplines scientifiques sont cloisonnées, et on considère avec suspicion un biologiste qui veut acquérir des compétences en mathématiques, ou un physico-chimiste qui souhaite s’ouvrir vers la pharmacologie. La formation par spécialités ne favorise pas la collaboration puisqu’au final on ne comprend plus ce que fait l’autre, et ni pourquoi ni comment il le fait. Le vocabulaire, les méthodes, les manières de penser sont différentes et quasiment incompatibles au premier abord. Aux Etats-Unis, une telle vision de la formation n’existe plus depuis longtemps et tout étudiant peut acquérir des savoir-faire dans une large gamme de disciplines.

Le système français entraîne donc l’isolement de disciplines qui ne communiquent pas avec les autres dans un double souci (illusoire, à mon sens) d’efficacité et de facilité. Aujourd’hui, certains appels d’offres tentent de briser les barrières, mais nous ne sommes qu’au début du processus.

Lorsque l’on parvient malgré tout à mettre en place un projet de recherche transversal, la première difficulté est donc de comprendre l’autre. Par exemple, en discutant avec les biologistes, nous nous sommes rendus compte qu’ils étaient avant tout intéressés par les conditions de croissance des cellules testées, alors que les paramètres les plus importants nous semblaient être ceux liés à la stabilité et aux modifications structurales des nanoparticules. Il a fallu plusieurs mois avant que nous nous comprenions et nous entendions sur des méthodes, des protocoles et des objectifs communs.

Mais une fois la barrière franchie, une fois rendue possible l’étude des mêmes échantillons sous des angles différents, le travail a fourni des informations tout à fait valides, notamment lors des tests biologiques dont nous avons parlé tout à l’heure. Nous pouvons maintenant envisager de décrire à la fois la structure, l’activité, l’intérêt environnemental, les risques biologiques et les mécanismes exacts de ces risques (lorsqu’ils existent) de chacune de nos particules. Cette étude transversale, et au cas par cas, permet d’éviter tout amalgame simplificateur entre nanotechnologies et risques pour la santé humaine, ce qui constitue un de nos principaux objectifs.


Références
(1) M.M. Cortalezzi et al. (2003) Ceramic membranes derived from ferroxane nanoparticles: a new route for the fabrication of iron oxide ultrafiltration membranes, J. Memb. Sci. 227: 207-217.

(2) J. Rose et al. (2002) Synthesis and Characterization of Carboxylate-FeOOH Nanoparticles (Ferroxanes) and Ferroxane-Derived Ceramics, Chem. Mater. 14(2): 621-628.

(3) J. Labille et al., "Affinity of C60 fullerenes with water", Fullerene Nanotubes and Carbon Nanostructures, à paraître.
M. Auffan et al., "Transport and transformation of iron oxide nanoparticles in normal human fibroblasts : a physico-chemical and toxicological study", Environmental Science and Technology, à paraître.
A. Thill et al., "Adsorption of CeO2 nanoparticles on Escherishia coli. Assessement of nanoparticle localisation and cytotoxicity", Environmental Science and Technology, à paraître.

Voir http://www.insu.cnrs.fr/pj/document/601.pdf

canardos
 
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Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par canardos » 25 Nov 2006, 12:22

on continue avec le meilleur....

un autre article de "Vivant":

a écrit :

[center]Des nanoparticules activables contre le cancer[/center]


Jean-Jacques Perrier

Journaliste, VivantInfo


Pour tenter de limiter les effets secondaires des thérapies anticancéreuses, des chercheurs utilisent des nanoparticules chimiquement modifiées qui, une fois dans la tumeur, peuvent être activées à distance afin de détruire les cellules cibles. Un exemple des multiples possibilités des nanotechnologies, qui soulèvent cependant bon nombre de questions sur le devenir et les risques de « nano-objets » non biodégradables.


Les chercheurs qui développent des médicaments sont en permanence confrontés à plusieurs questions cruciales auxquelles ils ne savent répondre qu’imparfaitement : comment contrôler la dose libérée et la durée d’action du produit ? comment éviter qu’il agisse sur des cellules saines et provoque ainsi des effets secondaires ? Une solution pourrait venir d’une approche « énergique » : activer le produit uniquement là et seulement là où c’est nécessaire, en appliquant une source d’énergie adéquate.

 
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Nanoparticules de silice
© Nanobiotix


Cette idée a donné lieu à deux applications : la plus ancienne est la thérapie photodynamique (PDT), dans laquelle des photosensibilisateurs (porphyrines, etc.) sont activés par une lumière laser de longueur d’onde spécifique. La deuxième approche, très récente, utilise des particules de taille nanométrique (1 nm = 1 millionième de millimètre) qui sont activables à distance. Ces nanoparticules, d’une taille de 30 à 40 nanomètres, ont été imaginées et conçues par le groupe de Paras Prasad, directeur de l’Institute for Lasers, Photonics, and Biophotonics de l’université de Buffalo (State University of New York, SUNY), et notamment par Laurent Lévy lorsqu’il était chercheur associé dans cet institut en 1999 et 2000, après sa thèse de nanoélectronique réalisée au CEA de Saclay. Ce concept a donné naissance à la société Nanobiotix, que Laurent Lévy a fondée en mars 2003 avec Kader Boussaha, aujourd’hui directeur opérationnel et financier.

Qu’ont donc de spécial ces nanoparticules ? Un noyau et un manteau, superposés grâce à des méthodes empruntées à la chimie. Le noyau est constitué d’un composé sensible à l’agent énergétique qui sera appliqué à distance lors de la phase d’activation, tandis que le manteau est fait de silice inerte, ce qui limite les interactions avec le milieu biologique. Peuvent cependant être greffées sur cette silice des molécules de « ciblage » qui vont amener les particules à se concentrer dans les cellules à traiter.

Quatre types de « Nanobiodrugs »

Nanobiotix, dont le siège est à Paris, possède dans son portefeuille quatre familles de nanoparticules répondant chacune à un type d’agent physique. Elle les développe sous le nom de « Nanobiodrugs » grâce à des licences exclusives acquises auprès de l’université SUNY ou grâce à des brevets propres.

La première famille répond à un champ magnétique appliqué par un appareil d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Le noyau est alors constitué d’oxyde de fer, qui se comporte comme un aimant ; sous l’influence du champ magnétique, chaque particule entre en rotation très rapide et ce mouvement provoque dans les membranes cellulaires des nano-perforations qui tuent les cibles.

Les nanoparticules de la deuxième famille sont sensibles à la lumière laser, ce qui les rapproche des agents utilisés en thérapie photodynamique ; dans ce cas, les molécules photosensibles sont encapsulées dans un noyau de silice poreuse ; leur activation produit des radicaux libres toxiques pour les cellules dans lesquelles se sont nichées les particules. Le troisième type de nanoparticules exploite les propriétés des rayons X : un corps absorbant les ré-émet sous forme d’ultraviolets qui vont transformer les molécules d’eau en radicaux libres toxiques et en chaleur grâce à un photocatalyseur, l’oxyde de titane, qui constitue le manteau interne de la particule, enrobé de silice.

Enfin, la dernière catégorie de nanoparticules, développée en collaboration avec l’Institut Gustave Roussy, est sensible aux ultrasons. Il s’agit de microbilles à base de polymères qui, lorsqu’ils sont excités par les ultrasons, libèrent des molécules actives.


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Autre application nanomédicale des travaux de l'équipe de Paras Prasad : des nanoparticules de silice organiquement modifiées (ORMOSIL) peuvent indroduire un gène (ici d'une protéine fluorescente) dans des neurones, in vivo.
Source : D.J. Bharali et al., PNAS 2005;102;11539-11544; © The National Academy of Sciences of the USA

Contrôler l’action thérapeutique

Dans les quatre cas, le concept de nanobiodrugs « permet de casser la corrélation entre la toxicité et l’efficacité du produit que l’on retrouve inévitablement avec les thérapies classiques, explique Laurent Lévy. Avec ces approches, un produit efficace est souvent toxique puisqu’il va s’attaquer aussi aux cellules saines. Avec les nanobiodrugs, la toxicité est déconnectée de l’efficacité puisque celle-ci ne s’exerce que dans les cellules cibles. » De plus, leur mécanisme d’action étant indépendant de mécanismes biologiques et physiopathologiques, elles risquent peu d’induire une résistance des cellules cibles, alors que celle-ci est courante en chimiothérapie. Surtout, on dispose là d’un moyen de contrôle de l’action thérapeutique puisque l’on peut jouer non seulement sur le nombre de doses de nanoparticules administrées mais aussi sur l’intensité et la durée de l’activation physique qui suit.

L’évaluation des deux premières catégories de nanobiodrugs (IRM et laser) a été menée sur des rongeurs en collaboration avec la société Oncodesign (Dijon) et l’université de Buffalo. Elle a montré que la technique n’induit aucune toxicité intrinsèque même à des doses équivalentes à mille fois la dose thérapeutique, indique Laurent Lévy. Injectées en intraveineuse, les nanoparticules s’accumulent préférentiellement dans les tumeurs, en raison de l’effet EPR (Enhanced Permeability and Retention) : la vascularisation plus importante de la tumeur tend à y concentrer les nanoparticules.

Pour l’heure, Nanobiotix compte attaquer les phases précliniques réglementaires avec des particules dépourvues d’agent de ciblage et administrées localement sur le site de la tumeur, afin de tester le concept dans sa forme la plus simple possible. L’un des concurrents de Nanobiotix, la société allemande MagForce Nanotechnologies (Berlin), spécialiste des nanoparticules magnétiques, a de son côté abordé les phases cliniques sur le glioblastome, le cancer de la prostate et le cancer de l’œsophage, en collaboration avec des services cliniques berlinois.

L’évaluation toxicologique des nanobiodrugs sera certainement déterminante pour l’avenir de la technologie. On a en effet peu de recul sur le comportement des nanoparticules dans l’organisme humain, fussent-elles inertes biologiquement. Quel sera leur devenir une fois relarguées par les cellules cibles lysées ? Par ailleurs, le comportement du système immunitaire face aux « déchets » produits par la destruction des cellules cibles diffèrera-t-il de sa réaction face aux morts cellulaires induites par la chimiothérapie et la radiothérapie ? Des questions qui n’enlèvent rien à l’originalité et à l’intérêt des nanobiodrugs dans un contexte où les innovations anticancéreuses « de rupture » peinent encore à voir le jour.


canardos
 
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Message par canardos » 25 Nov 2006, 12:36

et encore du bon...

toujours dans "Vivant":

a écrit :

[center]Diagnostic et thérapie : la révolution des nanotechnologies[/center]

Patrick Couvreur , Jean-Claude Mounolou 
UMR CNRS 8612, Université Paris-Sud,
UPR CNRS 2167, Centre de Génétique Moléculaire, Gif-sur-Yvette

Depuis le début du siècle, l'exploration de l'infiniment petit est l'objet d'un extraordinaire développement des connaissances et d'investissements financiers considérables. Les médias font des nanosciences et des nanotechnologies l'un de leurs sujets favoris. Les Etats et les institutions scientifiques essaient de ne pas prendre de retard sur les compétiteurs tout en mesurant les deniers publics qu’ils doivent y consacrer. La biologie et la santé occupent dans ce mouvement une position-clé. Voici un éclairage sur les perspectives ouvertes par le « monde nano » dans le domaine du diagnostic médical et de la thérapeutique.

Contrairement à ce que laisserait imaginer l'engouement actuel pour l’organisation du monde à l’échelle du nanomètre (10-9 m), cette attention ne date pas d'aujourd'hui : dès le milieu du XIXe siècle, le physicien britannique Michael Faraday (1791-1867) avait observé que l’or colloïdal possède des propriétés optiques et électriques particulières. Plus récemment, à la fin du siècle dernier, on a pu montrer qu’il est possible d’assembler des atomes, à 4°K, grâce au microscope électronique à effet tunnel (scanning probe microscope). En quelque cent cinquante ans, les connaissances sur l’organisation de la matière à l’échelle du milliardième de mètre, ainsi que les outils pour l’étudier, ont considérablement progressé. Ces avancées sont essentiellement issues des sciences physiques et chimiques. Mais elles mettent aujourd’hui à la disposition de tous des concepts et des moyens originaux ; elles stimulent ainsi l’imagination, l’interrogation et l’innovation bien au-delà de leurs disciplines d’origine. Ce sont ces effets intellectuels associés aux perspectives d’applications et d’usages qui justifient l’engouement général !

Nanotechnologies, biologie, santé et médicaments

Le domaine de la biologie et de la santé a dans ce mouvement une position-clé, scientifiquement et socialement. En effet, les avancées des connaissances physiques et chimiques convergent maintenant avec les avancées des sciences biologiques et médicales. Ces dernières ont, au cours des cent cinquante dernières années, suivi un chemin allant de l’étude du vivant macroscopique (l’homme, la souris, le blé,…) jusqu'au niveau atomique. L’échelle nanométrique d’organisation de la matière, qui est aujourd’hui à la mode, est précisément celle où les démarches scientifiques différentes du passé se rencontrent. Mais la vie, bien entendu, n’avait pas attendu le XXIe siècle pour exploiter les possibilités originales de la matière à cette échelle : pensons seulement aux mollusques qui cristallisent depuis des millions d’années le carbonate de calcium en nacre ! Tant et si bien que c’est aujourd’hui dans des exemples tirés du vivant que les physico-chimistes et les ingénieurs vont chercher leurs modèles et leurs idées : ordinateurs à ADN, moteurs moléculaires, etc.

On peut à ce titre s’étonner de ce que le remarquable rapport « Nanosciences et nanotechnologies », élaboré par l’Académie des Sciences et l’Académie des Technologies en 2003, se cantonne à une analyse disciplinaire des approches et des perspectives dans les champs de la chimie, de la physique et des technologies (1). D’autant plus regrettable que le rapport conclut que l’avenir sera fait d’avancées conceptuelles et pratiques de nature interdisciplinaire, issues de l’enrichissement mutuel des disciplines physique, chimique et biologique… Négliger de se prononcer sur le fond des questions et des concepts en matière de biologie ne contribue pas à éclairer un domaine où le vocabulaire est à la fois mal défini et marqué par les enjeux de société. L’usage devenu courant des mots « nanomédecine », « nanobiotechnologies », « bionanomédecine », etc., témoigne de l’intérêt du public pour un domaine de connaissances riche de promesses et dont les applications potentielles sont si nombreuses que ses contours sont toujours imprécis.

Beaucoup considèrent que la santé des hommes est le champ où les avancées seront les plus utiles. Le rapport élaboré en 2004 pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), « Nanosciences et progrès médical », le souligne clairement (2). Il indique en particulier que les outils pour agir sur le vivant sont prêts, ou presque : les systèmes microélectroniques, microinformatiques, microoptiques ou micromécaniques arrivent maintenant à l’échelle nanométrique et sont adaptables aux questions et aux conditions de la recherche médicale et pharmaceutique comme aux nécessités et aux pratiques de la clinique. Ce rapport invite aussi les lecteurs à l’effort : il leur propose d’expliciter les questions scientifiques fondamentales à examiner dans l’avenir, et les conséquences des avancées possibles face aux demandes de la société en matière de santé. C'est dans cet esprit que nous brosserons ici un tour d’horizon des applications des nanotechnologies dans le domaine du diagnostic et de la thérapeutique.

Identifier les acteurs moléculaires et leurs fonctions biologiques

Un premier grand domaine d’application des nanotechnologies est l’identification moléculaire. Elles peuvent servir à désigner les acteurs moléculaires et les fonctions qu’ils exercent localement dans une cellule ou un compartiment tissulaire sain ou malade. Elles peuvent donc servir au diagnostic, puis à l’analyse et à la découverte de nouveaux agents thérapeutiques qu’il faudra utiliser précisément là où le clinicien décide d’intervenir.

Par exemple, des sondes capables de détecter le transfert d’énergie de fluorescence sont utilisées pour étudier in vivo ou in vitro les interactions moléculaires : la découverte par les physiciens des propriétés optiques des nanomatériaux métalliques a permis aux biologistes de les utiliser comme « extincteurs » (« quenchers ») de fluorescence avec une efficacité bien meilleure que les sondes fluorescentes traditionnelles. Cette approche permet d’étudier les interactions entre biomacromolécules (acides nucléiques, protéines, lipides), ou entre celles-ci et des molécules exogènes (métabolites, drogues déjà connues, médicaments potentiels,…).

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Figure 1. L’application d’un champ magnétique permet d’allonger l’ADN à condition de l’avoir fixé à une nanoparticule magnétisable.
© Accelrys (www.accelrys.com)

Selon des démarches semblables, sont examinés des phénomènes d’hybridation entre molécules en conjuguant des sondes nucléiques à des nanoparticules colloïdales d’or dont les propriétés optiques dépendent de la distance interparticulaire, elle-même fonction de la nature du polynucléotide à détecter (3). De la même manière, des nanoparticules de cadmium-sélénium (quantum dots) peuvent remplacer les fluorophores de façon plus efficace et précise à l’échelle nanométrique puisque la longueur d’onde d’émission de ces nano-objets peut être parfaitement contrôlée en modifiant leur taille (4). La fixation d’une nanoparticule de magnétite à l’extrémité d’une molécule d’ADN permet de soumettre celle-ci à des forces de torsion ou d’élongation et d’évaluer les interactions de cette molécule avec des protéines capables de la couper ou de la copier, voire de l’ouvrir. L’effet de petites molécules thérapeutiques agissant sur ces fonctions pourra être étudié par cette approche « mécanique » (figure 1).

L’ingénierie nanotechnologique sert aussi à identifier et caractériser des macromolécules. Ainsi, elle ouvre des perspectives dans le domaine du séquençage des ADN et donc du décryptage de l’information génétique. Une technique, imaginée en 2000 par le groupe de Daniel Branton (Université Harvard, Cambridge) fait appel à une macromolécule naturelle (l’α-hémolysine) que l’on incorpore dans une bicouche de phospholipides, et qui y crée des nanopores (ou nanocanaux) membranaires (5) (figure 2)

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Figure 2. Exemple de séquençage grâce à des nanopores membranaires
Pour plus de détails sur cette technique, voir nanoSeq, The global exchange for Nanopore research

Interactions moléculaires

L'une des principales innovations de l'exploration du monde nanométrique reste la microscopie à force atomique (AFM). Elle mesure en effet des forces intermoléculaires entre une pointe et une surface. L’AFM peut être couplée au microscope à force chimique qui utilise une pointe dotée d'un groupement chimique et qui est capable de mesurer des interactions chimiques et biochimiques (6). La cartographie de ces interactions peut ensuite être convertie en images permettant de visualiser des activités enzymatiques voire des interactions moléculaires dans des structures cellulaires. La morphologie de la pointe est évidemment un facteur clé de la réussite de ces « microscopes chimiques ». Là aussi, les avancées de la nanophysique et de la nanochimie pourront déboucher sur de nouvelles connaissances en biologie et, pourquoi pas, sur de nouveaux concepts thérapeutiques.

D’autres innovations ont conduit à la mise au point de nanomoteurs et de systèmes microélectromécaniques hybrides qui permettent la création de microlaboratoires sur puces, composés par exemple d’un concentreur, d’un microdétecteur et d’une chromatographie gazeuse micro-usinée. Ces nanotechnologies apportent des informations nouvelles sur les macromolécules in vivo et sur leurs interactions avec de petites molécules. A l’intérieur de l’organisme, à l’échelle nanométrique, diagnostic et thérapeutique se trouvent instantanément associés : un progrès capital par comparaison aux pratiques cliniques actuelles !

Nanosciences et nanotechnologies créent ainsi un mariage réussi entre physique, chimie et biologie. Elles donnent un souffle nouveau à la chimie analytique, apportent des outils inédits pour l’analyse du vivant et de ses perturbations physiopathologiques. Un champ de connaissances, de réflexions et d’innovations s’ouvre pour orienter la découverte de médicaments, les appliquer à bon escient et au bon endroit. Le développement à partir de cette base de nouveaux systèmes diagnostiques fait entrevoir de nouveaux services rendus à la société… et de nouvelles interrogations fondamentales !

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Figure 3. Aiguilles hypodermiques
nano-usinées

Les progrès de la miniaturisation en micromécanique autorisent aujourd’hui le nano-usinage d’aiguilles hypodermiques très fines. Leur usage offre des perspectives intéressantes pour l’injection sans douleur, le médicament étant administré à travers des centaines de microaiguilles (figure 3). Des réalisations micromécaniques de ce type permettent même d’administrer des molécules biologiquement actives directement au niveau d’une cellule. Elles pourraient constituer pour la recherche l’outil technique idéal pour démultiplier les démarches expérimentales et agir sur une cible moléculaire, une fois son identification et sa localisation réalisées dans la cellule.

Des systèmes à libération « contrôlée » ou « autorégulée »

La conception de systèmes de libération contrôlée de médicaments est l’un des grands domaines d’application des nanotechnologies. Depuis quelques années il est possible d'administrer des hormones peptidiques (LH-RH, hormones de croissance,…) grâce à des micro-capsules : les peptides actifs sont enfermés dans une coque faite d’acides lactiques ou de polymères composés d’acides lactiques et glycoliques. La libération de l’hormone dépend de la cinétique de dégradation des polymères. Dans ce cas, c’est donc la connaissance de la vitesse de dégradation des polymères qui est critique pour le patient : le succès thérapeutique est ainsi le fruit de recherches convergentes en chimie des polymères et en pharmacologie. De telles formulations sont actuellement utilisées dans le traitement du cancer de la prostate.

De nombreux systèmes électromécaniques ont été utilisés pour administrer des médicaments à partir d’un microréservoir. A titre d’illustration, voici ce qu'a réalisé en 2001 l'équipe de Robert Langer, du département d'ingénierie chimique du Massachusetts Institute of Technology : une puce constituée de dioxyde de silice, d’une anode et d’une cathode capables de générer des courants électriques faibles (1 Volt) peut induire la libération de nombreuses doses d’un médicament (ou de plusieurs médicaments) isolées chacune par une fine lamelle d’or (7). Ce système peut être couplé à des capteurs. Après implantation, des doses individuelles du médicament seront libérées en fonction de la concentration de telle ou telle substance par cette véritable petite officine implantable.


Dans certains cas, il est possible d’obtenir des systèmes à libération contrôlée suite à l’obtention d’une architecture supramoléculaire très particulière qui ne nécessite même plus d’avoir recours à des excipients polymériques ou lipidiques. C’est le concept de la libération contrôlée sans excipients. Par exemple, à l'Université Paris-Sud, dans l'Unité dirigée par l'un des auteurs de cet article (UMR CNRS 8612), des chercheurs ont étudié un peptide analogue à la somatostatine développé par Ipsen Beaufour, le lanréotide, dont les molécules s’auto-assemblent spontanément pour former des dimères ; ceux-ci se structurent ensuite sous forme de colonnes qui, elles-mêmes, s’auto-associent par 7 pour former un hexaèdre (8). Cette organisation très particulière a été mise en évidence grâce aux techniques de cryomicroscopie et de diffraction des rayons X. L’équilibre entre cette superstructure et le monomère explique l’effet prolongé qui est obtenu.

La vectorisation des médicaments : un champ d’action privilégié

L’utilisation de nanotechnologies pour transporter des médicaments dans les cellules (figure 4) est, sans conteste, une application qui, bien que futuriste, peut contribuer à l’amélioration de la santé humaine dans le domaine de la thérapeutique comme dans celui du diagnostic. Les nanotechnologies offrent, en effet, la maîtrise de la distribution spatiale et temporelle de molécules biologiquement actives dans l’organisme.

La conception des vecteurs est un processus complexe qui ne s’arrête pas aux méthodes de synthèse et de caractérisation physico-chimique. D’une part, les contraintes imposées pour le développement de tout système pharmaceutique s’appliquent aussi pour les vecteurs (ils doivent in fine être mis sur le marché et accepté par les patients). D’autre part, leur élaboration doit s’appuyer sur des artifices permettant d’améliorer la spécificité du ciblage du principe actif tant au niveau cellulaire que tissulaire.
 
Parmi les vecteurs de première génération, les liposomes (9) et les nanoparticules (10) ont été découverts pour leurs applications thérapeutiques dans les années 1970 par des équipes européennes (11). Ces vecteurs permettent de cibler le foie et la rate grâce aux processus de reconnaissance des macrophages impliquant les opsonines (protéines plasmatiques telles que les immunoglobulines qui sont reconnues par les récepteurs des cellules phagocytaire). Cet « adressage » peut être mis à profit pour améliorer l’efficacité de traitements à base d’antibiotiques destinés à combattre les infections intracellulaires ou pour diriger un agent anticancéreux au niveau du foie (cas des métastases hépatiques). Ils réduisent la toxicité pour d’autres organes (le cœur dans le cas de la doxorubicine). En outre, l’adressage sert aussi le diagnostic : la synthèse d’oxydes de fer à l’échelle nanométrique a permis de faire de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du tissu hépatique et de détecter de manière précoce la présence de métastases (Endorem R, laboratoires Guerbet).

Vecteurs de deuxième génération

La nécessité de diriger les médicaments vers des territoires biologiques autres que la sphère hépato-splénique a nécessité de modifier la surface des nanovecteurs à l’aide de polymères hydrophiles et flexibles. Le concept de répulsion stérique a abouti à la mise au point de liposomes et de nanoparticules « invisibles » pour les macrophages (12, 13), et capables de diffuser de manière sélective au travers des capillaires rendus plus perméables par une réaction inflammatoire (cancer, infection, maladie autoimmune etc.). Certaines avancées permettent même d’envisager la translocation de ces vecteurs de deuxième génération au niveau des sanctuaires biologiques comme le cerveau (14) ou le tissu oculaire, ce qui ouvre des perspectives thérapeutiques nouvelles (15) (figure 5).

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Figure 5. Translocation de nanoparticules recouvertes de PEG (fluorescence jaune) au niveau du cerveau au cours de l’EAE (maladie autoimmune cérébrale expérimentale). Deux mécanismes sont observés pour le passage de la barrière hémato-encéphalique : la diffusion directe des nanoparticules à travers l’endothélium vasculaire (à gauche) et la capture des nanoparticules par les macrophages de l’inflammation, suivi par la diffusion intracérébrale de ces macrophages (au milieu et à droite).
© P. Calvo et al. (2002) Europ. J. Neurosci.15, 1317-1325.

Dans le domaine du diagnostic, des oxydes de fer de deuxième génération (de quelques dizaines de nanomètres et recouverts de dextran) permettent de réaliser l’imagerie lymphatique et ganglionaire avec une très bonne résolution (Synérem R, société Guerbet) (16).

Transport sélectif

Les vecteurs de troisième génération sont maintenant capables d’apporter leur contenu sélectivement aux cellules (17). Celles-ci, en particulier lorsqu’il s’agit de cellules cancéreuses, présentent souvent à leur surface des marqueurs ou des récepteurs spécifiques. Ces derniers sont maintenant bien décrits et leurs ligands sont souvent identifiés. Ils fonctionnent selon le modèle de reconnaissance bien connu de type « clé-serrure ». Ainsi, les ligands de ces récepteurs peuvent être utilisés pour piloter les vecteurs et leur contenu vers les cellules qui les expriment. Dans ce but, le ligand est greffé à la surface des nanovecteurs afin d’y être exposé et de pouvoir interagir avec les cellules cibles. Dans certains cas, la nanoconjuguaison permet le franchissement des barrières biologiques. Cela a été montré avec le peptide tat qui, comme pour le virus HIV, permet à des nanoparticules superparamagnétiques de franchir efficacement la membrane cellulaire (18). Ce type d’approche « biomimétique » illustre à merveille l’apport de la biologie dans la conception de nanotechnologies pour la vectorisation.


L’utilisation des nanotechnologies pour la thérapie génique non virale est un domaine d’investigation qui mérite aussi d’être mentionné. La délivrance d’acides nucléiques à la cellule (ADN, si ARN ou oligonucléotides) ouvre des perspectives thérapeutiques extraordinaires en dotant celle-ci d’un gène manquant ou au contraire en induisant l’inhibition de l’expression d’une protéine pathologique (virale ou cancéreuse, par exemple). Cependant, si les approches virales présentent de nombreux inconvénients (risque de recombinaison d’oncogènes, réactions immunitaires, maîtrise insuffisante de l’infectiosité, etc.), l’utilisation de nanotechnologies pour la conception de vecteurs non viraux se heurte, quant à elle, à une efficacité de transfection trop modeste. L’utilisation d’oligonucléotides structurés contre les oncogènes de jonction (dans le sarcome d’Ewing, par exemple) et des petits ARN interférents pourraient cependant changer la donne.

Quoi qu’il en soit, la conception de vecteurs non viraux constitue un important défi. Idéalement, il est nécessaire de concevoir des vecteurs capables de condenser l’ADN en particules suffisamment petites pour pouvoir être internalisées par la cellule ; il faut aussi protéger les acides nucléiques de la dégradation par les nucléases et enfin libérer l’acide nucléique dans une forme transcriptionellement exploitable (cas de l’ADN) au niveau du bon compartiment intracellulaire : cytoplasme (l’ARNm est la cible principale des ARN interférents et des oligonucléotides antisens) ou noyau (figure 6).

De nombreux nanovecteurs ont été ainsi conçus afin de répondre à ces exigences : nano-éponges à protons (19), nanocapsules à contenu aqueux (20), dendrimères (21), nanoparticules sensibles à un champ magnétique, liposomes pH-sensibles, lipides ou polymères cationiques pourvus d’un peptide d’adressage nucléaire…

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Figure 6. Après encapsulation dans des nanocapsules, des oligonucléotides antisens, marqués par fluorescence, sont délivrés au niveau du noyau cellulaire. Ce n’est pas le cas lorsque les oligonucléotides sont incubés seuls avec les mêmes cellules (non montré ici).
D’après N. Toub et al. (2005), J. Controlled Rel., sous presse.

L’administration de peptides par des voies ne faisant pas appel à des injections (voie orale, nasale, pulmonaire, etc.) répond à d’autres attentes. Elle est en partie réussie et entraîne l’émergence et la mobilisation de nombreuses entreprises.

L’irradiation électromagnétique ciblée est une approche thérapeutique nouvelle fondée sur l’utilisation de nanotechnologies pour l’« adressage » sélectif d’un traitement physique et non plus chimique. Le principe (figure 7) consiste à synthétiser des nanoparticules inorganiques, « fonctionnalisées » afin de faciliter leur endocytose par les cellules tumorales (par exemple celles qui sont porteuses de récepteurs de l’acide folique). Ces particules, d’une taille extrêmement petite (comprise entre 1 et 5 nm), peuvent traverser la couche endothéliale de la paroi des vaisseaux sanguins et être absorbées par les cellules cibles. La destruction de celles-ci est effectuée grâce à l’irradiation électromagnétique. Cette approche du traitement des cancers est nouvelle. Elle met en œuvre les avancées les plus récentes dans le domaine de la physique (interactions électromagnétiques et « suscepteurs » nanométriques), de la chimie des colloïdes inorganiques (synthèse de particules inférieures à 5 nm) et de la biologie (utilisation de ligands de reconnaissance de récepteurs tumoraux).


Nanotechnologies et pharmacologie de demain

Que sont finalement les nanotechnologies ? « Il s’agit de l’ensemble des savoir-faire qui permettent de travailler à l’échelle moléculaire pour organiser la matière, brique par brique, jusqu’à l’échelle macroscopique… », affirme le rapport des académies des sciences et des technologies (1). C’est exactement, dans le domaine de la biologie et de la santé, l’ambition de la pharmacologie actuelle et du « Drug Discovery and Delivery » (la découverte et l’administration des médicaments) de demain.

Il est frappant de constater que les développements dont il vient d’être question sont rendus possibles par la rencontre d’outils issus de l’évolution vers la miniaturisation (et la complexification) des procédés de la physique des micro-processeurs (top-down), et des connaissances nouvelles des propriétés biologiques, chimiques et physiques de molécules individuelles. L’enjeu pour le pharmacologue est de connecter ces molécules l’une à l’autre, l’une après l’autre (bottom-up), pour réaliser les constructions multifonctionnelles originales dont il a besoin pour intervenir dans l’intimité des activités biochimiques et physiologiques des cellules malades.


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Figure 7. Principe général de l’irradiation sélective de cellules tumorales ciblées par des nanoparticules métalliques (1 à 5 nm) décorées d’acide folique.

Le vivant constitue, pour mener cette démarche, une très riche source de modèles peaufinés par des millénaires d’évolution : moteurs moléculaires, navettes et canaux, transporteurs et récepteurs (d’électrons, d’atomes, de molécules,…), membranes et parois, etc. Le pharmacologue de demain aura à mobiliser simultanément et parallèlement des compétences dans les domaines de l’information biologique et des interactions moléculaires. Dès maintenant, pour asseoir les bases d’un corpus de nanochimie biomimétique, la chimie s’interroge : les théories des interactions moléculaires et de comportement des colloïdes permettent-elles de prédire les structures, les fonctions et les dynamiques des nanomédicaments de demain ? Quelles sont les limites des théories actuelles ? Faut-il concevoir une nouvelle thermodynamique des interactions ?

L’ambition du pharmacologue n’est d’ailleurs pas nécessairement limitée au biomimétisme, fût-il soutenu par des avancées de la science chimique… Connecter des molécules les unes aux autres autorise aussi l’association de molécules biologiques à des molécules du monde de la physique, qu’elles soient douées de propriétés magnétiques originales ou reliées à des nano-ordinateurs… Progresser dans l’élaboration des telles architectures fonctionnelles nouvelles demande au physicien de penser des transports et des systèmes quantiques cohérents, et de comprendre leurs interférences éventuelles quand ils sont mis en présence. Sur un tel socle de sciences physiques, le pharmacologue imaginera les architectures moléculaires fonctionnelles qu’il intègrera à la cellule, et de nouveaux médicaments pour soigner… Ainsi se préparent, pour l’exploration et le diagnostic, des gélules munies de capteurs, de nanocaméras et de nanoémetteurs. Ainsi se préparent des vecteurs de quatrième génération programmables et activables de l’extérieur, par des signaux magnétiques par exemple.

Très curieusement, alors que la découverte de nouveaux médicaments s'est sensiblement ralentie au cours des dernières années, contrairement à d'autres grands domaines industriels (électronique, optique etc.), les « big pharma » se tiennent à l'écart des nanotechnologies alors que les perspectives scientifiques ne manquent pas. Cette situation a probablement des origines diverses, dont la discussion sort du cadre de cette revue, mais il est probable que si la recherche industrielle pouvait bénéficier d'une exposition accrue aux concepts issus de la recherche fondamentale dont il est question ci-dessus, l'innovation thérapeutique devrait en bénéficier (22).


Les avancées fructueuses de cette convergence scientifique à l’échelle du nanomètre n’auront pourtant que peu d’échos si la communauté scientifique ne mène pas simultanément une réflexion interdisciplinaire bien plus large. Elle aura à interroger aussi les sciences économiques sur les investissements nécessaires et les coûts dérivés… selon les modèles d’économies nationales et mondiales qu’elle souhaite. Elle aura surtout à interroger les sciences humaines et sociales ; car, appliquées dans le champ de la santé, les nanosciences et le progrès médical laissent entrevoir un type d’homme différent - soigné, réparé, télécommandé, augmenté - à confronter à notre conception de l'homme libre…

Références
(1) Corriu R., Nozières Ph. et Weisbuch G. (2003) Nanosciences et nanotechnologies. Rapport sur la Science et la Technologie n°18, Académie des Sciences et Académie des Technologies, éditions Tec & doc, 480 p. En ligne ici

(2) Lorrain J.L. et Raoul D. (2004) Nanosciences et progrès médical. Rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (n° 1588 de l’Assemblée Nationale et n° 293 du Sénat), Editions du Sénat, 308 p. En ligne ici 

(3) Dubertret B., Calama M. et Libchaber A.J. (2001) Nat. Biotechnol. (2001) 19: 365-370.

(4) Taton T.A., Lu G. et Mirkin C.A. (2001) J. Am. Chem. Soc . 123: 5164-5165.

(5) Meller A., Nivon L., Brandin E., Golovchenko J. et Branton D. (2000) Proc. Natl. Acad. Sci. U.S. 97: 1079-1084. Version pdf

(6) Wong S.S., Joselevich E.,Woolley A.T., Cheung C.L. et Lieber C.M. (1998) Nature 394: 52-55.

(7) Santini J. T, Cima M. J. et Langer R. (2001) Nature 397: 335-338 (1999).

(8) Valery C., Paternostre M., Robert B., Gulik-Krzywicki T., Narayanan T., Dedieu J.C., Keller G., Torres M.L., Cherif-Cheik R., Calvo P. et Artzner F. (2003) Proc. Nat. Acad. Sci. U.S. 100: 10258-10262. Version pdf

(9) Gregoriadis G. (1977) Nature 265: 407-411.

(10) Couvreur P., Tulkens P., Roland M., Trouet A. et Speiser P. (1977) FEBS Letters 84: 323-325.

(11) Voir le numéro spécial de Science et Vie, N° 1039, avril 2004.

(12) Gabizon A. et Papahajopoulos D. (1988) Proc. Nat. Acad. Sci. U.S. 85: 6949-6953.

(13) Gref R., Minamitake M., Peracchia M.T., Trubetskoy V., Torchilin V. et Langer R. (1977) Science 263: 1600-1603.

(14) Kreuter J., Alyautdin R.N., Kharkevich D.A. et Ivanov A.A. (1995) Brain Res. 674: 171-174.

(15) de Kozak Y., Andrieux K., Villarroya H., Klein C., Thillaye-Goldenberg B., Naud M.C., Garcia E., Couvreur P.(2004) Eur. J. Immunol. 34(12): 3702-3712.

(16) Huwyler J., Yang J. et Pardridge W.M. (1997) J. Pharmacol. Exp. Ther. 282: 1541-1546.

(17) Lewin, M., Carlesso N., Tung C.H., Tang X.W., Cory D., Scadden D.T. et Weissleder R. (2000) Nat. Biotechnol. 18: 410-414.

(18) Anzai Y., McLachlan S., Morris M., Saxton R. et Lufkin R. B. (1994) Am. J. Neuroradiol.

(19) Boussif O., Lezoualc'h F., Zanta M.A., Mergny M.D., Scherman D., Demeneix B., Behr J.P. (1995) Proc. Nat. Acad. Sci. U.S. 92: 7297-7301. Version pdf

(20) Lambert G., Bertrand J.R., Fattal E., Subra F., Pinto-Alphandary H., Malvy C., Auclair C. et Couvreur P. (2000) Biochem. Biophys. Res. Com. 279: 401-406.

(21) Kukowska-Latallo J.F., Bielinska AU.., Johnson J., Spindler R., Tomalia D.A. et Baker J.R. Jr. (1996) Proc. Nat. Acad. Sci. U.S. 93: 4897-4901. Version pdf

(22) Couvreur P., Braguer D., Crommelin D., Duchene D., Engels J., Kerr D., Krogsgaard-Larsen P., Meijer D., Paoletti R., Wagner E. (2005) Contribution of academic research to discovery and development of medicines : current status and future opportunities, Europ. J Pharm. Sciences 24: 245-252.

canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par canardos » 25 Nov 2006, 12:49

on continue....apres le meilleur, le moins bon...et pour finir le pire...

le moins bon, les risques liés aux nanoparticules.

dans "le vivant":

a écrit :

02/04 2006

[center]Les dangers toxiques des nanoparticules[/center]

Alain Lombard
Toxicologue, ancien coordinateur des activités toxicologiques chez Arkéma (industrie chimique)

Alors que la production mondiale de nanomatériaux croît continuellement, on sait bien peu de choses de leurs effets sur la santé. Pourtant, si les leçons de la catastrophe de l'amiante avaient été tirées - ce dont on peut douter -, la capacité des nanoparticules et des nanofibres à pénétrer le système respiratoire et à interagir avec les cellules aurait dû inciter à décupler les efforts de recherche consacrés à la toxicologie des nanostructures. On en est loin... En attendant mieux, voilà ce que l'on sait des dangers toxiques des nanoparticules.

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Nanotubes
© Haut : Nanoscale Thermo-Fluids Laboratory, Purdue University
Bas : NEC


Avec l’avènement des technologies de l’infiniment petit, la recherche et la production de nanoparticules (particules dont la taille ou le diamètre ne dépasse pas 100 nanomètres, soit 0,1 micron) va augmenter de manière exponentielle dans les prochaines années. Les nanoparticules sont en effet utilisées couramment comme catalyseurs pour les réactions chimiques, pour le polissage de « wafers » et disques durs en microélectronique, etc. Elles peuvent être incorporées dans divers produits : vêtements, cosmétiques, pneus, farts de skis, etc. (1). Elles seront exploitées à l’avenir pour des applications médicales, par exemple comme vecteurs pour transporter des médicaments au niveau des cellules cibles, et à des fins environnementales (voir l’entretien avec Jean-Yves Bottero).

Or l’état des connaissances sur les effets cardiovasculaires, respiratoires et cancérigènes des particules micro et nanométriques de la pollution atmosphérique (2, 3, 4) fait craindre que les nanoparticules fabriquées par l’homme puissent avoir, elles aussi, des conséquences néfastes sur la santé. Les quelques études scientifiques publiées font état d’interactions des nanoparticules avec les cellules, et incitent à la prudence.

Un air chargé

L’exposition aux nanoparticules a, certes, toujours existé. L'air que nous respirons contient des quantités très importantes de particules ultrafines naturelles : plus de 10 000 particules supérieures à 10 nm dans 1 cm3 d’air, avec de fortes variations selon la saison ou le degré de pollution industrielle. Dans le monde du travail cette exposition est aussi très ancienne : condensation de fumées émises par des fours métallurgiques, fumées de soudage, fabrication et utilisation de noirs de carbone, de silices amorphes, etc.

Cependant, l’industrialisation des nanotechnologies change la donne puisqu’une très grande quantité de nanofibres et de nanoparticules aux propriétés physico-chimiques très diverses, voire nouvelles, va être produite. Les risques sanitaires qui découlent de cette nouvelle ère concernent aussi bien les travailleurs du secteur, qui peuvent être exposés de manière chronique à des quantités importantes de nanoparticules, que la population en général, dont l’exposition est plus indirecte.

En hygiène du travail, on a longtemps évalué le risque résultant de l'exposition aux « poussières » en fonction de leur concentration dans l'atmosphère inhalée par le travailleur (mg/m3). Mais les moyens de protection utilisés pour les poussières micrométriques ne sont pas efficaces pour les nanoparticules, qui ne sont pas retenues par les filtres classiques. Chaque type de nanoparticule est une entité particulière, avec un comportement physicochimique, toxicologique et environnemental spécifique, pour lequel il faut trouver et mettre en œuvre des moyens de contrôle et de protection adaptés. Prévenir les risques liés à l’exposition à des nanoparticules implique aussi de caractériser leurs propriétés physico-chimiques et de les classer selon leur degré de réactivité de surface. Il faut ensuite déterminer leurs effets biologiques sur les cellules et les organes.

Le poumon en première ligne

D’après les connaissances toxicologiques actuelles, les nanoparticules de l’air se déposent dans les voies pulmonaires, notamment dans le poumon profond, en proportion nettement supérieure à celle de particules de plus grosse taille. Plus l’activité physique est importante, plus le dépôt pulmonaire est grand.

  Les études expérimentales menées par de groupe de Günter Oberdörster (université de Rochester, Etat de New York) dans les années 1980 et 1990 ont constaté que des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) ont la propriété de pénétrer l’épithélium pulmonaire, de passer dans les circuits lymphatiques et de s’accumuler progressivement dans les ganglions lymphatiques les plus proches (5, 6). Une distribution systémique dans tous les organes (foie, rein, cœur, cerveau) par la circulation sanguine a également été mise en évidence. Cette pénétration est favorisée par la petite taille des particules et par leur nombre dans l'air ambiant, ainsi que par l’intensité de l’inhalation.

D’après les travaux plus récents d’Oberdörster chez le rat et de sa fille Eva (Southern Methodist University, Dallas) chez un poisson, les nanoparticules pourraient même parvenir au cerveau en suivant le trajet du nerf olfactif (7, 8). Par ailleurs, la capacité des nanoparticules à traverser la barrière cutanée reste controversée.

Quel est le mécanisme d’action des nanoparticules ? Leur action sur les cellules de l’organisme est variable : elle dépend de la nature chimique des particules, ainsi que de leur état physicochimique de surface. Selon leur nature, les nanoparticules ne pénètrent pas l'interstitium alvéolaire de façon similaire : par exemple, environ 50 % de la dose pour le dioxyde de titane, et seulement 4 % pour le noir de carbone (9). De même, la « réactivité de surface » intervient dans la toxicité des nanoparticules (10), ainsi que la capacité des particules à libérer des radicaux libres (11), ou encore à porter des impuretés superficielles ou des métaux biodisponibles (12, 13).

Cela peut se traduire par des réactions inflammatoires localisées, et l’émergence de modifications génétiques des cellules atteintes pouvant évoluer vers un dysfonctionnement plus ou moins important des organes touchés, voire en cancer. Dans les poumons, les réactions inflammatoires peuvent dégénérer en fibrose, qui se traduit par une diminution de la capacité d’échanges gazeux des alvéoles pulmonaires et une diminution de la fonction respiratoire ou de l’asthme.

Oberdörster a émis l’hypothèse que l'incidence des tumeurs pulmonaires observées dans certaines études animales est liée à la surface totale des particules présentes dans les poumons, plus qu’à leur nombre (14). Une hypothèse toutefois contredite récemment par des chercheurs du DuPont Haskell Laboratory for Health and Environmental Sciences (Newark) (15).

Nanotubes : péril à demeure

Le risque majeur actuellement identifié est celui que représentent les nanotubes de carbone et les fullerènes, en raison de leur production industrielle déjà importante dans les pays industrialisés. L’instillation dans la trachée chez le rat de nanotubes de carbone monofeuillets (single-wall carbon nanotubes, SWCNT) mais aussi de nanotubes multifeuillets (Multi-wall carbon nanotubes, MWCNT), plus épais, provoque l’apparition dans le poumon de granulomes (lésions inflammatoires) et d’une fibrose (transformation fibreuse du tissu épithélial) (16, 17, 18).

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Tissu pulmonaire de souris ayant reçu 0,5 mg de particules dans la trachée, observé au bout de 90 jours.
(A) Noir de carbone. Les particules sont dispersées dans les alvéoles. ( 8) Quartz. La flèche montre un agrégat de lymphocytes autour de macrophages contenant des particules de quartz. © Nanotubes de type CarboLex. Granulomes contenant des particules noirâtres. (D) Nanotubes bruts. Granulomes à petit grossissement. (E) Nanotubes bruts. Un granulome à fort grossissement. (F) Nanotubes purifiés. Un grand granulome dégénéré et nécrosé.
© 2004 by the Society of Toxicology, Toxicological Sciences 77, 126-134 (2004), Chiu-Wing Lam et al., Pulmonary Toxicity of Single-Wall Carbon Nanotubes in Mice 7 and 90 Days After Intratracheal Instillation.


Selon l’équipe d’Anna Shvedova et Paul Baron, du National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH, Etats-Unis), le mécanisme de fibrose tiendrait à une activation directe de cellules fibreuses (fibrocytes) pulmonaires par les nanotubes (19). Les effets inflammatoires seraient dus à la présence d’impuretés chimiques (nanofibres, nanoparticules de carbone, métaux catalyseurs) dérivant des processus de production des nanotubes (20).

On a pu craindre que les nanotubes de carbone aient un comportement similaire à l’amiante ou d’autres fibres minérales du fait de leur très faible diamètre (< 100 nanomètres) et de leur grande longueur (quelques millimètres). En fait, ces nanotubes flexibles s’agglomèrent en pelotes dans les alvéoles pulmonaires, et se trouveraient ainsi dans l’impossibilité de traverser la plèvre. Mais cette agglomération augmente leur persistance dans les poumons, et par là même facilite l‘initiation de leur effet fibrosant potentiel.

Les nanotubes de carbone ont été évalués également pour leur toxicité vasculaire. Chez la souris, l’équipe de Tony Huang (Université de Caroline du Nord, Chapel Hill, et National Health and Environmental Effects Research Laboratory, EPA) a observé une augmentation, dépendante de la dose instillée, de l’altération de l’ADN mitochondrial dans l’aorte, et une altération des gènes impliqués dans l’inflammation dans les cellules cardiaques (21). Des études in vitro avec des cellules endothéliales aortiques humaines montrent que l’exposition pendant deux heures à des nanotubes de carbone entraîne une augmentation de l’expression de nombreux gènes et une oxydation dose-dépendante des lipoproteines de faible densité (LDL). Ces résultats font penser que les nanotubes de carbone pourraient créer directement ou indirectement une prédisposition à la formation de plaques d’athérome (22).

Un danger sous-estimé ?

Les effets toxicologiques observés s’appliquent en particulier aux nanoparticules et nanotubes « libres ». Leur piégeage dans une matrice (polymère, composite, nanostuctures électroniques, etc.) rend les risques d’exposition très faibles, voire nuls pour les populations. Le risque se concentrerait sur les personnels de laboratoire et de production qui manipulent ces nanoparticules « libres ». Mais des incertitudes persistent quant à l’exposition des populations par l’environnement lors de la dégradation de ces matrices ou du traitement des déchets, ou encore via la chaîne alimentaire – via les poissons par exemple (8) - si ces nanoparticules sont bio-accumulables et bio-persistantes.

Paradoxalement, il y a peu de travaux probants dans le domaine de la caractérisation physicochimique et de la toxicologie des nanoparticules et des nanomatériaux. Les études publiées montrent des résultats contrastés selon le type de réactif biologique étudié, ainsi que la pureté et la qualité des nanoparticules et nanomatériaux utilisés. Dans la course mondiale à l’innovation, les dangers potentiels de ces derniers pour la santé et l’environnement sont étudiés en même temps qu'ils sont découverts, développés et commercialisés. De plus, les budgets consacrés à l’évaluation des risques restent infimes en proportion des sommes allouées au développement des nanomatériaux ; par exemple aux Etats-Unis, pays le plus avancé sur la question, le gouvernement fédéral y consacrera 40 millions de dollars en 2006 alors que le budget de l’Initiative nationale sur les nanotechnologies (NNI) dépasse 1 milliard de dollars.

Cette situation où l’on « apprend en faisant » ne laisse malheureusement pas beaucoup de marge de sécurité, ni de possibilité de retour en arrière en cas d’apparition d’un problème de santé ou d’environnement majeur.

Références

(1) « A nanotechnology consumer products inventory », http://www.nanotechproject.org/index.php?id=44
(2) C.A. Pope 3rd et al. (2002) Lung cancer, cardiopulmonary mortality, and long-term exposure to fine particulate air pollution, JAMA 287(9):1132-41.
(3) R.J. Delfino et al. (2005) Potential Role of Ultrafine Particles in Associations between Airborne Particle Mass and Cardiovascular Health, Environ Health Perspect. 113(8), August 2005
http://www.ehponline.org/members/2005/7938/7938.html
(4) L. Filleul et al. (2005) Twenty five year mortality and air pollution: results from the French PAARC survey, Occup Environ Med. 62(7):453-60.
(5) J. Ferin, G. Oberdörster (1985) Biological effects and toxicity assessment of titanium dioxides: anatase and rutile, Am Ind Hyg Assoc J. 46(2):69-72.
(6) J. Ferin et al. (1992) Pulmonary retention of ultrafine and fine particles in rats, Am J Respir Cell Mol Biol. 1992 May;6(5):535-42.
(7) G. Oberdörster et al. (2004) Translocation of inhaled ultrafine particles to the brain, Inhal Toxicol. 16(6-7):437-45.
(8) E. Oberdörster (2004) Manufactured nanomaterials (fullerenes, C60) induce oxidative stress in the brain of juvenile largemouth bass, Environ Health Perspect. 2112(10):1058-62.
http://www.ehponline.org/members/2004/7021/7021.html
(9) G. Oberdörster et al. (1992) Role of the alveolar macrophage in lung injury: studies with ultrafine particles, Environ Health Perspect. 97, 193-9.
(10) A. Nel et al. (2006) Toxic potential of materials at the nanolevel, Science 311(5761):622-7.
(11) C.A. Dick et al. (2003) The role of free radicals in the toxic and inflammatory effects of four different ultrafine particle types, Inhal Toxicol. 15(1):39-52.
(12) A.E. Aust et al. (2002) Particle characteristics responsible for effects on human lung epithelial cells, Res Rep Health Eff Inst. 110:1-65.
(13) Y.C. Huang et al. (2003) The role of soluble components in ambient fine particles-induced changes in human lungs and blood. Inhal Toxicol. 15(4):327-342.
(14) G. Oberdörster (1996) Significance of particle parameters in the evaluation of exposure-dose-response relationships of inhaled particles, Inhal Toxicol. 73-89.
(15) D.B. Warheit et al. (2006) Pulmonary Instillation Studies with Nanoscale TiO2 Rods and Dots in Rats: Toxicity is not Dependent Upon Particle Size and Surface Area, Toxicol Sci. 2006 Feb 22.
(16) D.B. Warheit et al. (2004) Comparative pulmonary toxicity assessment of single-wall carbon nanotubes in rats, Toxicol Sci. 77(1) 117-25.
http://toxsci.oxfordjournals.org/cgi/content/full/77/1/117
(17) C.W. Lam et al. (2004) Pulmonary toxicity of single-wall carbon nanotubes in mice 7 and 90 days after intratracheal instillation, Toxicol Sci. 77(1) 126-34.
http://toxsci.oxfordjournals.org/cgi/content/full/77/1/126
(18) J. Muller et al. (2005) Respiratory toxicity of multi-wall carbon nanotubes, Toxicol Appl Pharmacol. 207(3):221-31
(19) A.A. Shvedova et al. (2005) Unusual inflammatory and fibrogenic pulmonary responses to single-walled carbon nanotubes in mice, Am J Physiol Lung Cell Mol Physiol. 289(5):L698-708.
(20) K. Donaldson et al. (2006) Carbon Nanotubes: a Review of Their Properties in Relation to Pulmonary Toxicology and Workplace Safety, Toxicol Sci. 2006 Feb 16.
(21) Z. Li et al. (2005) The Toxicologist 84:A1045.
(22) Z. Li et al. (2004) Free Radical Biol Med. 37(1):S142.


canardos
 
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Message par canardos » 25 Nov 2006, 12:56

et pour finir, le pire, toujours dans "Vivant":

a écrit :

21/11 2006

[center]De l’usage militaire des nanotechnologies[/center]

Louis Laurent Physicien


Aux Etats-Unis, le domaine de la défense absorbe un quart des financements de l'Initiative nationale sur les nanotechnologies. Un livre récent du physicien allemand Jürgen Altmann analyse les possibles applications militaires des nanotechnologies  en couvrant un large spectre,  des applications les plus réalistes aux plus folles. Louis Laurent propose une compilation des perspectives que Jürgen Altmann décrit dans son ouvrage.

Jürgen Altmann, physicien à l’Université de Dortmund, a récemment publié l'une des premières analyses prospectives d'ampleur consacrées aux applications militaires des nanotechnologies (1). Il y dépeint en particulier les programmes qui sont financés aux Etats-Unis dans le cadre de la « National Nanotechnology Initiative », un projet fédéral américain de l’ordre d'un milliard de dollars, dont environ 25 % au titre du département de la Défense (2).

Particulièrement instructive est l’analyse que brosse Jürgen Altmann des applications militaires des nanotechnologies à partir de la littérature existante et des programmes de recherches américains, comme ceux de la DARPA, la Defense Advanced Research Projects Agency (3). On pourrait classer les applications qu’il évoque en trois catégories : les retombées de recherches non spécifiquement militaires, les développements de nature militaire, et des perspectives plus spéculatives.

Des ordinateurs de la taille d'un dé à coudre

Première application : les retombées de recherches non spécifiquement militaires. Cette première catégorie, comprend les utilisations de technologies civiles pour l’information et la communication, les matériaux, les capteurs, la gestion de l’énergie. Dans la plupart des cas, il s’agit d’évolutions estimées par Altmann à un horizon de cinq à dix ans.

Dans le domaine des technologies de l’information, l’industrie de l’électronique va produire ces vingt prochaines années des circuits de plus en plus performants en terme de puissance de calcul, et cela à un rythme soutenu. On peut imaginer que naîtront de petits calculateurs de la puissance d’un ordinateur de bureau actuel, mais enfermés dans des centimètres cubes voire des millimètres cubes. Ces calculateurs pourraient alors se généraliser, par exemple dans tout ce qui est logistique, les systèmes portés par le fantassin, mais aussi dans les munitions de petite taille qui pourraient ainsi acquérir des capacités de guidage accrues.

De même, cette évolution va mener à la prolifération de capteurs autonomes capables de calculer et de communiquer sans fil. Altmann précise toutefois que la miniaturisation rencontre des limites, par exemple le fait que, lorsqu’il s’agit de communiquer à une distance utile, des antennes et des sources de puissance de tailles centimétriques deviennent nécessaires. L’apparition de petits écrans plats et souples, peu gourmands en énergie permettrait en outre de réaliser de nombreux systèmes de visualisation de l’information.

Au-delà de cette évolution « classique », des systèmes d’information d’un genre nouveau pourraient se développer et permettre l’accroissement des puissances de calcul ou des capacités de stockage de l’information : nouveaux composants fondés sur le magnétisme, par exemple des mémoires magnétiques qui ne s’effacent pas lorsqu’on coupe le courant, donc des ordinateurs instantanément prêts à l’allumage ; systèmes optiques assurant des transferts rapides avec des débits qui se mesureraient en térabits (mille milliards de bits) par seconde, systèmes à basse consommation ; mémoires moléculaires avec des densités d’information dix mille fois supérieures à celles des circuits actuels.

Le développement des puissances de calculs disponibles et des moyens de communication a pour corollaire de nouveaux logiciels. Ils peuvent concerner des simulations de champs de bataille virtuels à des fins d’entraînement ou d’analyse stratégique, mais aussi la gestion de la logistique. D’autres perspectives qui semblent à portée sont la capacité des machines à communiquer en langage naturel, les systèmes de traduction automatique, l’accès à des données variées. A plus long terme, on peut imaginer des systèmes autonomes et intelligents.

Matériaux nanostructurés

Dans le domaine des matériaux et systèmes mécaniques, des additifs nanométriques seront utilisés tout d’abord pour améliorer les propriétés des matériaux, par exemple pour répondre à des contraintes variées (les rendre peu inflammables, imperméables, conducteurs de l’électricité). La résistance mécanique des matériaux sera accrue. Jürgen Altmann évoque des composites à base de nanotubes de carbone ou des alliages métalliques nanostructurés qui pourront servir à réaliser des structures plus légères ou plus résistantes.

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Concept d'un biocapteur électrochimique à base d'un microréseau de nanotubes de carbone, capable de détecter des molécules d'ADN ou de petites molécules.
© Nasa

En défense, un domaine d’utilisation privilégié est bien entendu le blindage. Altmann estime que l’évolution la plus forte se fera dans le domaine des protections contre les projectiles légers (gilets pare-balle), les nanomatériaux n’ayant que peu d’efficacité contre des projectiles lourds. De même, des matériaux améliorés peuvent avoir un impact sur les armes, qu’il s’agisse de projectiles plus pénétrants mais aussi de substituts aux métaux rendant les armes plus difficilement détectables. Un dernier domaine d’application est celui des matériaux « intelligents », éventuellement inspirés du vivant : ils pourraient se déformer, exercer une force, s’adapter, par exemple modifier leurs propriétés optiques dans le but de réaliser des camouflages. On peut imaginer des systèmes sophistiqués contenant de nombreux moteurs miniatures (bio-inspirés, matériaux simulant des muscles, moteurs électrostatiques, etc.) réalisant des mouvements complexes ou simplement plus robustes, la puissance motrice étant répartie dans le matériau et non pas centralisée sur un moteur.

Les nanotechnologies permettent par ailleurs de développer des capteurs de taille extrêmement réduite. Jürgen Altmann note qu’un détecteur de petite taille n’est toutefois pas toujours aussi sensible qu’un détecteur plus grand et que la course à la miniaturisation n’apporte pas toujours un gain en performance. Cependant, il est probable que le nombre de détecteurs en usage va augmenter, qu'il s'agisse de systèmes de détection d’agression, de localisation, à usage médical, de détection…

Autonomie puissance dix

Une évolution en cours est la généralisation de capteurs « communicants », c'est-à-dire de systèmes autonomes, capables de transmettre par ondes le résultat de leurs mesures. En pratique, une portée raisonnable demande des systèmes centimétriques mais il existe des voies de miniaturisation plus poussée vers des systèmes millimétriques, voire submillimétriques, contenant divers types de capteurs (sismique, d'ondes sonores, chimique, de radiations) que l’on « saupoudrerait » sur le terrain par milliers. La portée radio de tels systèmes étant très faible, l’information se déplacerait de proche en proche ou serait lue à distance, par exemple à l’aide d’un laser.

Un autre domaine d’application de ces capteurs est le soldat lui-même. Différents systèmes localisés à la surface du corps, voire implantés, permettraient de suivre son état de santé voire de donner l’alerte ou déclencher des contre-mesures en cas d’agression.

La gestion de l’énergie est un terrain de jeu complémentaire. Selon Jürgen Altmann, les nanotechnologies peuvent permettre des avancées pour les sources d’énergies de forte puissance, avec des piles à combustible de quelques dizaines de kilowatts pour les véhicules, comme pour les sources d’énergie de faibles puissances (du microwatt à la centaine de watts), qui seraient destinées à rendre autonomes des systèmes portés par un fantassin, voire implantés dans son corps. Les techniques envisagées sont variées : énergie solaire, piles à combustible, chaleur du corps, glucose, etc.

Les matériaux énergétiques (explosifs, propulsion) ne sont pas en reste : il devient possible de réaliser des milieux dans lesquels les échanges d’énergie sont optimisés par des mélanges intimes de carburant et comburant, des puissances programmables, des molécules « sur mesure ». Altmann évoque toutefois des augmentations modestes des capacités énergétiques (moins d’un facteur deux).


De la tenue intelligente au micromissile

Selon Jürgen Altmann, toutes ces pistes n’aboutiront pas nécessairement à des systèmes utiles à des fins militaires, en particulier en raison des limitations en puissance, en mobilité, et en charge utile des microsystèmes. Mais les possibilités sont nombreuses et variées : tenues « intelligentes » capables d’interagir avec le corps du soldat, de changer d’apparence et offrant une perception accrue des agressions extérieures, une meilleure protection, voire quelques soins médicaux (compression de plaie, attelle en cas de fracture, injection de médicaments) ; munitions ou missiles plus petits à cause de l’allègement des structures et de la plus forte puissance des propulseurs mais surtout du fait de l’augmentation de la précision de la trajectoire qui permet de diminuer la charge explosive transportée ; véhicules plus légers, plus puissants et surtout autonomes qu’il soient terrestres, marins ou aériens (surveillance, logistique, attaque), etc.

Jürgen Altmann discute également l’impact que pourrait avoir l’amélioration des explosifs et des matériaux sur les armes nucléaires. Il avance la possibilité de réduire la masse de matériau fissile nécessaire mais ne pense pas que cela induirait un changement qualitatif de ce type d’armes. De même, l’impact que ces techniques pourraient avoir dans le domaine spatial ne paraît pas anecdotique. Altmann évoque en particulier la possibilité de réaliser des microsatellites d’une dizaine de grammes, éventuellement associés en essaims. Ils pourraient être mis en orbite par des fusées de taille modérée lancées à partir d’un avion. Ces satellites seraient capables de détection (il s’agit d’une extension du cas des capteurs discutés ci-dessus), pourraient inspecter ou réparer d’autres satellites, mais aussi constituer des armes anti-satellite.

Une deuxième catégorie de développements, plus spécifiquement militaires, rassemble des réalisations plus spéculatives et en tout cas de plus long terme (dix à vingt ans). Elles constituent souvent une rupture avec l’existant et posent des problèmes d’éthique, voire correspondent à des armes explicitement interdites par la Convention sur les armes chimiques (4) et celle sur les armes biologiques (5).

« Amélioration » de l’humain, microrobots et hybrides animal-machine

Des systèmes localisés dans le corps ou à sa surface pourraient à long terme donner de nouvelles possibilités au soldat. Des capteurs - actionneurs pourraient injecter, en fonction des circonstances, diverses substances capables d’augmenter la résistance du combattant aux agressions, de soigner voire de modifier son comportement. Des connexions entre des micromachines et le système nerveux pourraient augmenter la rapidité d’une action, voire implémenter de nouveaux sens par branchement de capteurs. Altmann rapproche ces perspectives des recherches médicales actuelles destinées à guérir des lésions graves de la rétine ou de la moelle épinière. Une troisième catégorie d’action consiste à améliorer les capacités mécaniques du corps par exemple en renforçant les os, les muscles ou en développant un exosquelette.

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Robolobster, robot biomimétique sous-marin mis au point au Northeastern University´s Marine Science Center (Nahant, Massachusetts). Les nanotechnologies apporteront miniaturisation, légèreté et résistance aux robots à usage militaire.
© U.S. Navy, photograph by John F. Williams

Jürgen Altmann discute la possibilité de réaliser des microrobots de taille inférieure à 5 millimètres voire submillimétriques. Il mentionne les difficultés techniques soulevées par un tel concept, notamment leurs limites en ce qui concerne l’énergie, les communications et les déplacements qui ne pourraient être que limités. Sur ce dernier point, divers modes de déplacements pourraient être envisagés (flagelle, pattes, ondulations, vent…), mais aussi transport par des projectiles ou des véhicules plus gros. De tels robots serviraient avant tout à des opérations de surveillance, mais pourraient être aussi utilisés comme armes ou moyens de sabotage, soit en mode isolé soit en essaim.

Combiner du vivant avec des systèmes est une autre grande perspective. Une première approche consiste à équiper un petit animal (rat, insecte) d'un système de contrôle permettant de le « télécommander » voire d’augmenter ses capacités. Jürgen Altmann évoque ainsi les travaux de l’équipe de Sanjiv Talwar (Neural and Behavioral Science Program, State University of New York Downstate Medical Center) sur les « ratbots » publiés en mai 2002 dans la revue Nature (6). De même, des morceaux d’organes sensoriels (souvent plus performants que les capteurs artificiels actuels) pourraient être implantés dans des microrobots. Altmann évoque avec raison le flou qui peut s’instaurer entre le vivant et le non-vivant dans un tel contexte.

Armes chimiques et biologiques

Jürgen Altmann discute la possibilité d’associer des toxiques chimiques ou des espèces pathogènes à des nanosystèmes capables par exemple d’assurer un stockage plus sûr de ces substances mais aussi de les transporter sur des cibles spécifiques, voire avec un certain degré de sélectivité. Cependant les « armes ethniques » (qui viseraient des ethnies particulières ou leurs ressources) lui semblent actuellement peu plausibles.

Une dernière catégorie d’applications est, comme l’indique Jürgen Altmann, beaucoup plus spéculative. Elles sont associées à des capacités de manipulation de la matière à l’échelle atomique, rêvées par Eric Drexler dans les années 1980.

La littérature évoque la possibilité de réaliser un jour des nanorobots capables de réaliser certaines tâches en manipulant la matière à l’échelle moléculaire mais aussi de se répliquer à l’image du vivant. Ces « nanobots » pourraient être utilisés pour construire en un temps record des équipements militaires y compris nucléaires, et cela à partir de ressources variées disponibles par exemple dans le sol (minéraux, carbone,…).

Des armes de destruction massive ?

Des systèmes de très petite taille doués de capacités proches de celles du vivant en terme d’autonomie, de possibilités de se reproduire, de perception de l’environnement, voire de calcul, ouvriraient la porte à de nombreuses armes d’un type nouveau. Elles ne remplaceraient pas les armes « classiques », qui se caractérisent en général par une grande libération d’énergie, mais agiraient en pénétrant dans le corps, en modifiant le métabolisme ou en causant des dégâts éventuellement mortels, en attaquant des infrastructures (abrasion, corrosion, courts-circuits), ou encore en détruisant les moyens de communication ou les systèmes informatiques. Jürgen Altmann évoque des variantes sélectives agissant sur des cibles précises ou au contraire des versions destinées à la destruction massive.

Très brièvement, Jürgen Altmann spécule sur la possibilité de stocker dans des systèmes de très petites tailles de l’antimatière produite par un accélérateur de particules. Des pièges miuscules permettraient de stabiliser des nuages d’anti-atomes en les faisant léviter à l’abri des collisions avec des atomes, ce qui aurait pour effet de les annihiler. Si l'on arrivait un jour à en piéger un nombre suffisant (un microgramme d’antimatière représente 44 kilogrammes de TNT), on pourrait réaliser par exemple des bombes ou des amorces pour des bombes thermonucléaires qui pourraient alors être miniaturisées.

Un texte qui interpelle, à n’en pas douter essentiel pour le dialogue international sur les nanotechnologies qui est en cours d’instauration.

Références
(1) J. Altmann (2006) Military nanotechnology: Potential applications and preventive arms control, Editions Routledge, Londres et New York , 2006

(2) http://www.nano.gov/html/about/funding.html

(3) http://www.darpa.mil/body/off_programs.html

(4) (http://www.un.org/Depts/dda/WMD/cwc/

(5) http://www.opbw.org/ 

(6) Voir M. Sigman (2004) Commander une machine par la pensée, Le Monde diplomatique, septembre 2004.
http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/SIGMAN/11452




canardos
 
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Message par canardos » 25 Nov 2006, 18:10

dans le Monde:

a écrit :

[center]La nanotraque du cancer[/center]

LE MONDE | 25.11.06 |

Les cellules cancéreuses seront-elles, un jour, ferrées comme de vulgaires poissons ? Le chercheur américain James Baker, spécialiste des nanotechnologies, y travaille. Dans son laboratoire de l'université du Michigan, ce scientifique a eu l'idée de transformer en piège les centaines d'hameçons - appelés dendrimères - qui se trouvent à la surface d'un polymère. Il y a accroché tout à la fois un appât, des molécules de vitamine B9, et un poison, une drogue anticancer. Ces dendrimères se fixent facilement sur les cellules du corps humain, d'autant plus que celles-ci possèdent des protéines à leur surface. C'est justement le cas des cellules cancéreuses. Ce scientifique a ainsi réussi à tromper les cellules tumorales en leur faisant ingérer la vitamine et la drogue mortelle. Des essais cliniques sur l'homme devraient démarrer dans les prochains mois. La généralisation de ce traitement n'est pas envisageable avant une décennie, mais de premiers patients pourraient le recevoir d'ici à 2010.

A quel horizon verra-t-on arriver les autres avancées des nanotechnologies en médecine ? 139 experts provenant d'une trentaine de pays ont tenté de répondre à cette délicate question posée par le centre de prévision et d'analyse technologique de l'université de Tel-Aviv, en Israël. Trois horizons d'applications sont esquissés pour les vingt prochaines années.

2015 : manipuler les cellules.

D'ici une dizaine d'années, il devrait être possible d'accéder à l'intérieur des cellules afin d'interagir avec elles. Plusieurs équipes de chercheurs, au MIT, à Harvard et au California Institute of Technology, travaillent sur l'utilisation de l'ADN elle-même pour fabriquer des réservoirs de 30 nanomètres de diamètre qui pourraient servir à acheminer des drogues vers des endroits précis de l'organisme. "On exploitera des objets tels que des boules, des tubes ou des fils mesurant de 1 à 100 nanomètres, soit une taille très inférieure à celle des cellules", précise Patrick Boisseau chercheur au CEA-LETI de Grenoble et coordinateur du réseau d'excellence européen "Nano-to-Life" dont est membre l'université israélienne.

De multiples travaux concernent le cancer. Ainsi, au MIT, des scientifiques cherchent à visualiser le développement des cellules malignes. Pour cela, ils tentent d'introduire des nanoparticules d'oxyde de fer dans les vaisseaux sanguins, particulièrement poreux, que fabriquent les tumeurs cancéreuses lorsqu'elles se développent. Ces nanoparticules infiltrées par de minuscules orifices "s'auto-assemblent lorsqu'elles sont en présence d'enzymes à l'intérieur de la tumeur", explique Sangeeta Bhatia, professeur associée au MIT. Les grappes ainsi formées deviennent trop grosses pour ressortir des vaisseaux et sont visibles par IRM (imagerie par résonance magnétique), ce qui permet de suivre le développement de la tumeur.

Ce mode d'infiltration pourrait servir, à terme, à injecter des drogues capables de tuer les cellules malignes. Shiladtiya Sengupta, cofondateur de Dynamic Biosystems, travaille également sur cette voie en développant des sphères de lipides de 200 nanomètres de diamètres. Ces dernières se logent sur les vaisseaux des tumeurs et libèrent de la drogue lorsque leurs parois se dissolvent. Dans le même esprit, en Allemagne, Günter Tovar de l'Institut Fraunhofer développe des nanoparticules destinées à provoquer la nécrose des cellules cancéreuses.

D'ici à 2015 également, les experts interrogés estiment que les "laboratoires sur puces" électroniques se seront généralisés. Avantages ? En tous lieux (aéroports, gares, frontières, écoles...) pourront être réalisés des diagnostics rapides sanguins, salivaires... L'entreprise américaine Hµrel, créée par Robert Freedman et Gregory Baxter, travaille déjà à la multiplication de ces mini-laboratoires portables pour créer un véritable "homme sur puce" : une carte électronique sur laquelle pourront être simulées les réactions de différents organes (foie, poumon...) à des drogues et des médicaments. Ces tests "humains" pourraient réduire ou éviter le recours à certaines expérimentations animales.

2020 : régénérer les organes.

A la greffe et la prothèse, seuls moyens actuels pour réparer des organes défectueux, pourrait s'ajouter la régénération grâce à l'injection de cellules souches. Pour cela, Patrick Boisseau envisage la création d'échafaudages à l'échelle nanoscopique qui serviront de structures artificielles soutenant les organes en cours de reconstitution. Déjà, l'équipe de Samuel Stupp à l'université Northwestern d'Evanston (Illinois) réalise des nanofibres destinées à stimuler la croissance de vaisseaux sanguins.

A cet horizon, selon l'étude israélienne, les "laboratoires sur puces" seront utilisables par le grand public. M. Boisseau souligne les problèmes éthiques et humains que pourrait engendrer l'utilisation banalisée de ces "kits" pour diagnostiquer les maladies. En revanche, ce scientifique se déclare très confiant dans l'avenir de ces puces utilisées chez le médecin : "Les résultats des analyses, au lieu d'être attendus plusieurs jours lorsqu'ils proviennent d'un laboratoire, seront disponibles dès la fin d'une visite." La précieuse information obtenue ainsi très tôt aura des conséquences importantes sur l'efficacité des traitements prescrits.

2025 : "théragnostiquer".

Les experts pensent qu'il sera possible d'utiliser des "nanomachines" tout à la fois pour diagnostiquer des maladies mais aussi les soigner. "Les patients pourront avaler des nanosystèmes capables de reconnaître une tumeur, de l'analyser sur place et, si nécessaire, de lui injecter une drogue avec une extrême précision", imagine M. Boisseau. Un tel scénario appartient aujourd'hui à la science-fiction. Sa mise en pratique suppose d'arriver à guider de telles nanomachines et de communiquer avec elles, afin de déclencher, à distance, le "largage" du médicament.

"Par rapport aux chimiothérapies actuelles, un tel mode de traitement bénéficierait d'une grande précision, d'où une meilleure efficacité et une limitation des effets indésirables", précise M. Boisseau. Il souligne également les nombreux impacts sur le système de santé : "Sans doute des coûts de diagnostic plus élevés, mais des économies en durée d'hospitalisation." Ce chercheur ne néglige pas le débat social et éthique que provoquera l'apparition de nanochirurgiens... "L'engouement et la peur se développent en parallèle", note-t-il en remarquant la discrétion médiatique des grands groupes de l'industrie médicale sur ce thème alors même qu'ils en surveillent de très près les progrès.

Michel Alberganti

canardos
 
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Message par titi » 25 Nov 2006, 19:25

articles passionnants, merci
titi
 
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Message par canardos » 26 Nov 2006, 09:54

quand je trouve des articles interessants, j'essaye d'en faire profiter aussi les autres...

en plus en ce moment est en train de naitre une polémique anti nanotechnologies sur des bases encore plus irrationnelles que celle sur les OGM car tres peu de gens savent en fait en quoi consistent les nanotechnologies en question, le vocable "nanotechnologies" recouvrant un ensemble de techniques qui n'ont rien à voir si ce n'est de travailler à l'échelle du nanometre (milliardième de metre) et qui recouvrent aussi bien la chimie que la mécanique et l'électronique.

alors si on a à discuter sur ce forum avec un nouvel avatar de la grande peur antiscientifique qui sévit y compris dans l'extreme gauche, autant fournir des éléments qui permettent de discuter sur du concret...
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Message par canardos » 27 Nov 2006, 08:11

dans Futura Sciences:

a écrit :

[center]Nanotechnologies : vers le refroidissement quantique ?[/center]

Par Pascal Belotti, Tech&Co, le 26/11/2006

On sait que l’un des principaux problèmes des nanotechnologies réside dans les dégagements de chaleur. Une équipe de physiciens vient de mettre au point une technique électromécanique permettant d’exploiter des effets quantiques à grande échelle comme réfrigérant.

Selon la célèbre loi de Newton, pour chaque action il existe une réaction. Ce qui est vrai à l’échelle macroscopique l’est aussi d’une certaine façon dans le domaine microscopique où règne la mécanique quantique. Pour chaque mesure effectuée, il y a une perturbation de l’objet concerné. Le phénomène est connu sous le nom de « back-action ». Ainsi, en vertu du principe d’incertitude d’Heisenberg, si l’on applique un amplificateur linéaire pour observer la position d’un objet, celui-ci subira une certaine force. Mais ce phénomène ne pouvait pas être exploité jusqu’ici. L’équipe de Keith Schwab a pu mesurer cette force produite par un transistor SSET sur un résonateur radiofréquence à l’université du Maryland, en liaison avec des théoriciens des universités McGil et de Nottingham ainsi que du Dartmouth College (1) .

Le SSET (« superconducting single-electron ») a été couplé avec un faisceau atomique composé de nitrure de silicium (SiNx) qui entre en résonance et oscille un peu comme une corde de guitare. Le couplage est effectué en appliquant une tension électrique entre les deux éléments du dispositif. Tout changement dans la position du résonateur entraîne une modification de la conductivité dans le SSET. Sur ce principe, ce dernier est « l’observateur » et le résonateur est l’« observé ».

Refroidir des composants mécaniques nanométriques.

D’une part, les chercheurs ont constaté que des fluctuations de charge dans le SSET provoquent une force qui modifie la fréquence, la position et le coefficient d’atténuation du résonateur, par l’effet du phénomène de « back-action ». D’autre part, ils ont montré comment, dans ce dispositif, l’application d’une différence de potentiel à une valeur correspondant à un état d’énergie quantique des électrons dans le SSET, pouvait entraîner une chute de température de 550 m K à 300 m K dans le résonateur.

Conclusion :

l’effet de "back-action" agit comme un réfrigérant. Ce qui ne manque pas d’interpeller les physiciens. Ces travaux pourraient en effet ouvrir la voie d’applications de cet effet quantique pour refroidir des composants mécaniques nanométriques du futur.

(1) “Cooling a nanomechanical resonator with quantum back-action”, A. Naik, O. Buu, M. D. LaHaye, A. D. Armour, A. A. Clerk, M. P. Blencowe and K. C. Schwab, Nature 443, 193-196 (14 September 2006)

canardos
 
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Message par canardos » 30 Nov 2006, 07:22

dans le Figaro:

a écrit :

[center]Première réglementation sur les nanoparticules[/center]

CYRILLE VANLERBERGHE.
Publié le 29 novembre 2006

L'agence américaine de l'environnement EPA va établir des règles sur l'utilisation de minuscules grains d'argent à but antibactérien.


POUR la première fois dans la jeune histoire des nanotechnologies, une agence gouvernementale aux États-Unis va émettre une règle spécifique concernant l'utilisation de nanoparticules dans des produits grand public. La règle concerne un nombre important de produits nouveaux, comme des réfrigérateurs, des climatiseurs, des lave-linge et même des chaussettes, qui utilisent tous de minuscules particules d'argent dans un but antibactérien.

L'EPA, l'agence américaine de protection de l'environnement, va demander à ce que les compagnies fournissent les preuves scientifiques de l'absence d'impact de leur produit sur l'environnement avant sa commercialisation. Des associations écologistes craignent en effet que les nanoparticules d'argent rejetées dans l'eau puissent avoir des effets néfastes sur la flore bactérienne et les organismes aquatiques.

Certains spécialistes américains, comme Andrew Maynard, du Centre international Woodrow Wilson à Washington, estiment que cette décision peut être un tournant pour l'avenir des nanotechnologies et leur réglementation future.

Le terme de nanotechnologie désigne toutes les disciplines qui travaillent sur des objets de la taille de quelques nanomètres (milliardièmes de mètres, soit les dimensions d'une dizaine d'atomes alignés). Le potentiel de ce domaine est énorme, mais de très nombreuses inconnues existent sur les risques potentiels, pour la santé ou pour l'environnement, que pourraient présenter les nanomatériaux, des particules bien plus petites que celles que l'on sait couramment étudier et mesurer. Pourtant, de nombreuses nanoparticules existent déjà dans l'environnement, à l'état naturel ou produites par l'homme (suies ultrafines issues de la combustion dans les moteurs Diesel).

De nombreux spécialistes réfléchissent sur la manière de contrôler et estimer les risques de ces nanoparticules, notamment parce que certains des composés ont des propriétés chimiques qui varient de manière importante quand leur taille passe en dessous d'une centaine de nanomètres (0,1 micromètre).

L'information sur la future réglementation américaine, rendue publique la semaine dernière par le Daily Environment Report, un bulletin environnemental paru à Washington, a ensuite été confirmée par l'EPA, qui a précisé que la nouvelle réglementation sera publiée dans son registre fédéral dans les prochains mois.

Effet bactéricide

Les propriétés antibactériennes de l'argent sont connues depuis l'Antiquité, où ce métal fut utilisé pour purifier l'eau. Des onguents et pommades contenant de l'argent furent aussi couramment employés pour nettoyer des plaies. En revanche, l'usage de l'argent sous forme de nanoparticules est très récent. L'intérêt étant de garder une bonne efficacité antibactérienne tout en réduisant les quantités nécessaires de ce métal coûteux. En effet, plus les « morceaux » d'un matériau sont petits et plus leur surface relative par rapport à leur masse est importante, et donc plus ils sont actifs.

L'utilisation de nanoparticules d'argent qui a attiré l'attention de l'EPA cette année est un nouveau type de lave-linge de Samsung, dit « Silver Wash », utilisant de microscopiques ions d'argent pour désinfecter le linge à basse température. Or, nul ne connaît l'impact potentiel de cette forme métallique, une fois rejetée dans l'environnement. Pour l'instant, Samsung assure que les quantités d'argent rejetées sont minuscules et inactives. « La toxicité de l'argent et son devenir dans l'environnement font partie des réflexions que nous intégrons à nos recherches, même si nous n'avons pas de réponses précises pour le moment », assure Muriel Mercier-Bonin, chercheuse à l'INSA à Toulouse, travaillant sur des revêtements contenant des nanoparticules d'argent qui empêchent l'adhérence de micro-organismes sur de l'acier.

En Europe, une telle réglementation spécifique pour ce type d'application n'existe pas encore. « Mais tout produit revendiquant un effet bactéricide doit se conformer à la directive européenne sur les biocides », précise Gilles Dixaut, chef de l'unité des agents physiques à l'Agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (Afsset), qui a récemment remis un rapport recommandant de prendre en compte la spécificité des nanomatériaux au sein de la future réglementation européenne REACH sur les produits chimiques.

canardos
 
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