j'ai trouvé dans eurekalert la présentation d'un article de Stanislas Dehaene Source of Mathematical thinking (source de la pensée mathématique):
a écrit :
Les Capacités Mathématiques De L'Homme Sont Basées Sur Deux Modes De Pensée, Selon Le Reportage Paru Dans L'Édition De Science Du 7 Mai 1999
Washington, DC -- Une équipe de chercheurs français et américains a découvert les premiers indices solides que deux modes distincts d'activité cérébrale sont à la base de nos capacités mathématiques innées. En plus de l'élucidation de la base cognitive d'un des talents particuliers aux humains, les découvertes des chercheurs pourront vraisemblablement aider les psychologues et les éducateurs à élaborer des méthodes d'enseignement nouvelles pour les enfants qui ont des difficultés en arithmétique. Les résultats sont publiés dans l'édition du 7 mai 1999 de la revue Science.
En décrivant ce qui se passait dans leur tête, les mathématiciens ont depuis longtemps fourni des indications sur le fait qu'au moins deux modes de pensée sont mis en jeu lorsque le cerveau humain travaille avec des nombres, l'un basé sur un sens non verbal et visuo-spatial de la quantité et l'autre basé sur les symboles linguistiques. Albert Einstein, par exemple, n'était pas le seul à insister que ses idées d'ordre numérique prenaient naissance sous forme " d'images, plus ou moins claires que je peux reproduire et recombiner à mon gré ". Par contre, d'autres mathématiciens ont indiqué qu'ils dépendaient surtout de la représentation verbale des nombres. Des études effectuées avec des personnes atteintes de lésions cérébrales fournissent des indications similaires : certains patients sont capables de soustraire (une opération non verbale basée sur la quantité), mais non de multiplier (une opération verbale basée sur la mémorisation), et vice versa. La nouvelle étude, dirigée par Dr. Stanislas Dehaene, un neuroscientifique de la cognition à l'INSERM, et Dr. Elizabeth Spelke, une psychologue de la cognition au Massachusetts Institute of Technology, confirme non seulement la théorie des deux modes de pensée, mais localise également les sites de ces activités dans le cerveau.
Les chercheurs ont demandé à des volontaires parlant couramment le russe et l'anglais de résoudre une série de problèmes après leur avoir enseigné les mathématiques nécessaires, en russe pour un groupe et en anglais pour l'autre. Ceux qui avaient appris les mathématiques en anglais et avaient été testés en russe, et vice versa, prenaient jusqu'à une seconde de plus pour résoudre le problème, mais uniquement si le problème mettait en jeu un calcul exact comme, par exemple, est-ce que 53 plus 68 est égal à 121 ou 127 ? Par contre, si le problème nécessitait un calcul approximatif - est-ce que 53 plus 63 est plus proche de 120 ou de 150 ? - le retard lié à la langue disparaissait.
" J'ai vraiment été étonné que la différentiation soit aussi nette, " affirme Dr. Dehaene. " Après tout, nous avions juste demandé à nos sujets de résoudre des problèmes qui à la surface se ressemblaient énormément. Notre cerveau résout ces deux types de problèmes de bien différentes manières ".
La différence liée à la langue a continué à se manifester quand les chercheurs ont enseigné aux sujets bilingues des opérations mathématiques plus complexes, comme l'addition dans une base autre que la base décimale et l'approximation de logarithmes et de racines carrées. L'équipe du Dr. Dehaene a ensuite utilisé des techniques d'imagerie de la fonction cérébrale afin de déterminer quelles régions du cerveau étaient mises en jeu pour chaque type de tâche. Les calculs exacts ont stimulé le lobe frontal gauche, une zone cérébrale où l'on sait que les associations entre mots s'effectuent. Par contre, les calculs approximatifs ont stimulé les lobes pariétaux droit et gauche, un réseau neuronal bilatéral en charge des représentations visuelles et spatiales, ainsi que de la commande des doigts.
Néanmoins, compter avec les doigts représente une technique presque universelle d'apprentissage de l'arithmétique exacte pour les jeunes enfants. Un autre fait également remarquable est qu'au stade préverbal, les jeunes enfants, ainsi que les jeunes singes, peuvent différencier numériquement de petits groupes d'objets. Une telle observation suggère que le sens inné de la quantité, un sens non verbal que les humains partagent avec les primates, peut constituer un élément critique du mode symbolique de pensée mathématique, particulier aux humains, qui a permis à Einstein de capturer l'univers dans une équation.
Toutefois, Dr. Dehaene souligne que ces résultats ne peuvent pas être utilisés pour détecter quels enfants sont doués ou non pour les mathématiques. Comme il nous le rappelle, de nombreuses études ont indiqué que " l'impact de l'éducation était probablement beaucoup plus important qu'une différence initiale " de talent naturel. Les résultats peuvent néanmoins mener au développement de meilleures méthodes d'enseignement. De plus, " même les enfants ayant des problèmes de langage sérieux peuvent et doivent apprendre à développer leur sens non verbal des nombres au moyen de manipulations non symboliques de la quantité ". En accord avec ses convictions, Dr. Dehaene a décidé d'affecter une partie de sa subvention de 1 million de dollars de la fondation McDonnell à l'étude des enfants et des adultes " dyscalculiques ".
voici le lien sur la page web de Stanislas Dehaene qui vous permettra de télécharger la plupart de ses articles en pdf
Selected publications of Stanislas Dehaene et voila l'article en question (en anglais):
DehaeneSpelke_Sources_of_Mathematical_Thinking_Science1999.pdf