Ma France laïque

Message par Valiere » 02 Avr 2007, 22:57

« Ma France laïque »
de Sophia Chikirou
Editions de la Martinière
215 pages
Février 2007
14,90 €

Vivre ensemble

La laïcité pleine et entière nous permet de mieux vivre ensemble et de ne pas rester enfermés, voire prisonniers d’une communauté.
Sophia Chirikou, militante socialiste revient sur les principes inhérents à la laïcité pour les expliquer et développer sa conception .
C'est un apport original qui s’appuie à la fois sur une expérience et à la fois sur des définitions précises de certains concepts, le tout dans un style accessible.
L’auteure s’en prend à certaines notions galvaudées.
Elle refuse le « politiquement correct » et choisit d'attribuer aux mots leur véritable sens.
« Pour être pleinement citoyen, il faut pouvoir investir trois champs qui s’articulent : le champ juridique-posséder des droits et avoir des devoirs; le champ politique-les citoyens fondent le pouvoir politique; et le champ symbolique-les citoyens font corps au sein de la communauté nationale »
Refusant le républicanisme et le communautarisme, elle propose une autre voie qui « organise la diversité dans le cadre défini par la loi commune »…
C’est une approche intéressante qui va à l’encontre d’une laïcité dite ouverte.
Elle prône ainsi la reconnaissance des appartenances culturelles « dans le cadre d’une culture politique partagée »….
L'association de culture berbère qu'elle co-anime dans le 20ème s'adresse à toute la population locale, sans distinction d'origine.
L'intérêt général prime sur l'intérêt de groupe et la communauté d'appartenance ne mène pas au communautarisme, elle n'est qu' un ferment d'intégration.
Il s'agit non de défendre les intérêts d'une communauté « mais bien au contraire de tisser des liens pour mieux comprendre les identités à travers ce qui est commun à tous. »

Pour l'auteure, militante convaincue, la laïcité à géomètrie variable conduit droit au mur.

Si un coup d’arrêt n’avait pas été porté à l’offensive des intégristes ;
Si la loi du 15 mars 2004 n’avait pas été adoptée,
D’autres revendications auraient surgi : « la justification des mariages forcés par la coutume, la remise en cause du droit à l’avortement pour certaines communautés… »

L'auteure met en cause le culte de la différence « communautarisante » et l'identification « colorielle ».
Comme Gaston Kelman et quelques autres personnalités qu'elle interroge, elle ne veut plus que l'on parle de deuxième ou de troisième génération:
« Il s'agit de faire comprendre que la couleur et le faciès ne sont pas des déterminants identitaires ».
Les racistes d'un côté et les « indigènes de la République » de l'autre en prennent pour leur grade.

La langue de bois est absente et l'auteure ne protège pas ses amis politiques, elle affirme son opposition au populisme et propose que l'on mène une politique claire visant à l'éradication de l'exclusion sociale.

C'est un livre grand public qui nourrit la réflexion et non un pensum philosophique pour initiés.

Jean-François CHALOT
Valiere
 
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Message par Crockette » 03 Avr 2007, 15:54

la laicité, la république, l'identité nationale, la marseillaise,

tout cela ce sont des discours de petis bourgeois sociaux libéraux qui ne se préoccupent pas vraiment des gens qui crevent à petit feu avec le rmi ou avec un smic... ou des licenciés, étant donné qu'eux mêmes occupent des places bien à l'abri et bien confortables...
Crockette
 

Message par Valiere » 05 Avr 2007, 07:27

Je n'ai pas vu de Marseillaise ou de drapeau tricolore dans ce livre ni d'excès républicains
Valiere
 
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Message par Indesit » 16 Avr 2007, 09:36

(Crockette @ mardi 3 avril 2007 à 15:54 a écrit :la laicité, la république, l'identité nationale, la marseillaise,

tout cela ce sont des discours de petis bourgeois sociaux libéraux qui ne se préoccupent pas vraiment des gens qui crevent à petit feu avec le rmi ou avec un smic... ou des licenciés, étant donné qu'eux mêmes occupent des places bien à l'abri et bien confortables...



-- bip, on se calme, on relit a tête reposée, stp --

Personnellement, je crois qu'il est illusoire de s'en prendre aux communautarismes sans s'en prendre au capitalisme mais je trouve cependant tout-à-fait souhaitable que des gens se battent contre les idées communautaires et je les soutiens.

Je te rappelle que LO a soutenu par exemple Fadela Amara qui ne se bat pas sur un terrain fondamentalement différent de l'auteure dont nous parlons.

Si LO était un parti, elle ne rejetterait pas ces gens mais s'adresserait à eux, leur porposerait des perspectives.

INDESIT

os un essai dans le même goût

http://www.communautarisme.net/Contre-le-c...57dc4c25d8737ac
Indesit
 
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Message par Valiere » 19 Avr 2007, 12:39

Le communautarisme et le capitalisme sont des frères jumeaux.
Sinon d'accord avec ce que tu viens d'écrire
Valiere
 
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Message par pelon » 19 Avr 2007, 14:36

Pour ceux qui ne connaissent pas, ce texte de Maxime Rodinson de 1989 (après les premières affaires du voile) sur le communautarisme et ses dangers :


a écrit :
France De la peste communautaire
Article paru dans l'édition du 01.12.89
La guerre des foulards a son côté ridicule : proscrirait-on ici ou là la culotte tyrolienne ou la jupe écossaise ? Elle a son côté odieux : il est évident _ et c'était inévitable _ que quelque racisme se mêle chez beaucoup à la mobilisation laique.

Mais, au-delà de tout cela, il y a un enjeu très sérieux, un enjeu capital que les Français ressentent plus ou moins confusément et qui rend légitime leur inquiétude devant quelques chiffons. C'est le glissement de l'Etat unitaire vers l'Etat fédération de " communautés ", le passage de la communauté nationale à l'éclatement en formations multiples autonomes, compétitives, rivales et, peut-être, demain, hostiles.

Les signes d'un début au moins d'évolution dans ce sens se multiplient. Depuis plusieurs années, je suis troublé par un indice linguistique. Le mot " communauté ", presque jamais employé dans ce sens il y a peu, se répand. C'est devenu un tic journalistique et littéraire. On parle de communautés des pompiers, des diplomates, des riches, des pauvres, des malades du sida, des fans du rock, des danseuses de ballet, que sais-je encore ? Je viens de lire dans Le Monde : " la communauté historienne ", ce qui veut signifier l'ensemble des historiens. En quoi tous ces ensembles, qui ne sont même pas des groupements, forment-ils des communautés ?

Entendons-nous bien. Il existe, il a toujours existé des groupements qui méritent réellement ce nom. Des associations au sens le plus large, au-dessous du niveau de la communauté nationale, où on entre et dont on sort volontairement. Ou encore, si on y est intégré par la naissance, on peut confirmer ou désavouer plus tard cette adhésion. C'était le mot d'ordre des anabaptistes soulignant la nullité morale d'une adhésion des bébés. Ces formations ont une doctrine consignée quelque part, des buts définis, des règles de fonctionnement, statuts ou constitutions, un organisme dirigeant, une base, un rôle assigné aux uns et aux autres. Ainsi les syndicats, les partis, les confessions religieuses.

Tout cela est normal, tout cela fonctionne sans trop d'accrocs dans les sociétés dites développées, et même les autres, sous des formes à peine différentes. Mais des maladies mortelles menacent.

Marchais catholique...

J'ai longtemps vécu au Liban, en pratique fédération de communautés délimitées (en théorie) par l'adhésion à un credo religieux, souvent peu distinct ou pas du tout de celui des autres. Mais les croyances et même les pratiques n'y sont pas tellement d'importance. L'essentiel est l'adhésion.

Lorsque j'y vivais, les relations entre communautés étaient pacifiques dans l'ensemble et la fleur délicate du patriotisme pan-libanais pouvait y pousser sans trop d'obstacles. Mais les nuages étaient là.

On y était cadré par la naissance et il y était difficile d'en sortir. Un Georges Marchais libanais serait catalogué comme catholique. Dans une France libanisée, il serait difficile de ne pas considérer la suprématie de François Mitterrand sur Michel Rocard comme une prépondérance du catholicisme sur le protestantisme, G. Marchais représentant une certaine résistance de l'élément catholique !

Je le disais alors en éveillant les soupçons des nationalistes arabes : il s'agissait de quasi-nations. La suite m'a malheureusement donné raison. Il y avait alors un patriotisme de communauté qui cédait rarement au patriotisme de la petite nation étatisée (le Liban) et bien plus aisément à celui de la grande nation rêvée (l'arabisme). Mais la compétition était permanente. L'Etat ne pouvait se permettre d'engager un ingénieur sunnite sans embaucher en même temps un ingénieur maronite (ou l'inverse), fût-il notoirement incompétent, sous peine de voir se déclencher une protestation vigoureuse, une grève, etc. Les députés étaient élus, les ministres nommés sur cette base.

Quand telle ou telle cause aiguise la compétition, elle devient lutte ouverte. Une représentation politique des communautés est devenue nécessaire. Elle se réalise. Quand la compétition s'aggrave encore, que l'Etat s'affaiblit, que les communautés trouvent des alliés à l'extérieur, que des armes sont aisément disponibles, alors c'est la guerre. Clausewitz l'a bien dit, c'est la poursuite de la politique par d'autres moyens.

La ruée française vers la communautarisation suivra-t-elle ce chemin ? La tradition séculaire unitaire sera-t-elle la plus forte ? Le pire n'est pas sûr, mais le danger existe.

Le nationalisme est toujours dangereux. Mais le nationalisme communautaire l'est plus que les autres. L'ennemi est alors le voisin, le concurrent de tous les jours. L'embrigadement est forcé. Il a des conséquences redoutables sur le plan rationnel comme sur le plan éthique.

La vérité est nationalisée ou quasi nationalisée. Les philosophes ont cherché en vain les critères de la vérité et de l'erreur. Ils tombent sous le sens. La vérité est ce qu'ont pensé mes ancêtres, l'erreur ce qu'ont pensé les ancêtres des autres. Les églises les plus avancées protestent qu'elles ne cherchent pas à convertir ceux du dehors. Pourquoi ? Si on possède la vérité, est-ce si mal de chercher à en convaincre plus largement ? Le membre de la communauté qui cherchait la vérité ailleurs était autrefois accusé de se vautrer dans l'erreur. Maintenant on l'accuse de trahison.

Alignement obligatoire

On peut raisonner quelqu'un qui est dans l'erreur. Mais pour le traitre ? Douze balles dans la peau. Rushdie ne croit pas à l'islam de ses ancêtres. Ce n'est pas tellement un hérétique qu'un traitre. J'en connais d'autres. Plus de liberté de critiquer ses soi-disant " coreligionnaires " les plus contestables. Alignements obligatoires à l'intérieur et au niveau international. Les ennemis de ceux qui haussent le plus haut le drapeau de la communauté doivent être mes ennemis. J'ai le devoir de les combattre.

Le nationalisme (ou nationalitarisme si l'on préfère) de communauté _ le tribalisme, selon Alain Finkielkraut qui dit pourtant encore appartenir à une communauté dont il ne partage pas les dogmes _ remplacera-t-il le nationalisme, le patriotisme de nation ? Peut-être. Mais les nationalismes des nations sont institutionnalisés. les nationalismes non institutionnalisés ou institutionnalisés à demi sont bien plus nocifs.

Faute de pouvoir couler dans des règles établies l'appartenance obligatoire, on la légitime par une soi-disant tradition culturelle spécifique. Comme celle-ci est bien maigre dans la formation réelle dechacun, on la fabrique. On apprend des langues oubliées, on s'oblige à des rites tombés en désuétude, on récite des catéchismes auxquels on ne croit pas. On suit la fameuse recette de Pascal : on s'abêtit en se communautarisant.

Parfois une fleur, étonnamment, en surgit : une foi sincère et paisible. Mais l'essentiel, c'est l'embrigadement. Au seizième siècle, catholiques et protestants, dans l'intervalle des combats, discutaient, échangeaient des arguments, essayaient de convaincre les adversaires. Voit-on quelque chose de semblable aujourd'hui au Liban ou en Ulster ? Tu es catholique, protestant, sunnite, chiite, druze, Autre que moi. Il n'y a pas à chercher plus loin. Je te tue. Qui parle de théologies en conflit, de batailles de concepts ? Bien peu connaissent seulement les dogmes qui, en théorie, les séparent. Il n'en est guère besoin. Pas plus que les supporters du club de football de Sheffield pour attaquer les partisans de Manchester, de Bruxelles ou de Rome. Les appartenances primaires plus ou moins justifiables ou imaginaires suffisent à mobiliser.

Comment les esprits sincèrement religieux peuvent-ils admettre ces ralliements à leur foi pour des motifs qui ne dépassent pas le niveau footballistique ?

Il y avait des remèdes contre l'éclatement en communautés ; dont un remède pire que le mal : le despotisme à divers degrés. Despotisme imposant parfois l'unité, comme (en pratique) l'URSS stalinienne. Plus souvent jouant sur les communautés et leurs rivalités en empêchant par la force celles-ci de se traduire en actes de violence. Ainsi les empires austro-hongrois ou ottoman. Enlevez les barbelés despotiques et elles se déchainent.

Un Etat démocratique doit trouver d'autres moyens de brider le développement du communautarisme vers le stade politique. Il serait bon aussi que s'y limitent l'idéologie, le culte de la différence pour la différence, de la prétendue " authenticité ", presque toujours construction artificielle, la religion des " racines " (mieux valent des ailes, écrivait Rachel Mizrahi). Il faut contenir tout cela dans des limites acceptables (les Etats-Unis semblent y être à peu près arrivés) ou alors c'est l'incendie à la libanaise.

La situation rêvée par les communautaristes éveille toujours en moi, Parisien, un souvenir cauchemardesque : la peste frappant Paris. A l'âge de treize ans, j'avais lu dans l'Humanité, journal de ma famille, une fiction géniale et atroce : un feuilleton d'un talentueux romancier polonais d'avant-garde, Bruno Jasienski. Le titre était Je brûle Paris. Dans notre capitale, frappée par la peste, isolée par un cordon sanitaire du reste de la France, ceux qui allaient mourir avaient de bonnes raisons de se regrouper en communautés (1). " Dispersés dans l'immense chaudière de la ville, devant la faux égalitaire de la mort, les hommes se cramponnaient convulsivement au moindre signe distinctif à eux propre. Ils s'assemblaient autour de leurs temples comme de la limaille autour d'un aimant. Les clochers des cathédrales, des temples, de la mosquée canalisaient vers le ciel, comme des paratonnerres, le courant des velléités individualistes, groupant le troupeau divisé des humains en organismes autonomes de race et de religion. "

Le cauchemar de Jasienski

Ainsi se formaient un petit Etat chinois autour des restaurants du Quartier latin avec expulsion des Blancs, une (vraie) communauté juive autour d'un rabbin miraculeux vers la rue des Rosiers, un Etat tsariste à Passy, un royaume des Bourbons au faubourg Saint-Germain, une république soviétique à Belleville, etc. Les juifs et les Polonais du quartier Saint-Paul se faisaient la guerre, etc.

Le cauchemar de Jasienski qui me hante depuis soixante ans, réalisé, c'est l'Ulster ou le Liban. Il ne faut pas brimer les porteurs de divers vêtements. Mais il faut être très vigilants envers le communautarisme. Ce sont les nationalismes de base qui portent la peste surtout. Une communauté catholique avec Decourtray, Lustiger et même Lefebvre, on n'y voit pas d'objection. Mais si on y inclut Mitterrand, Chirac et Marchais, halte là ! C'est à ces micronationalismes que pensait surtout, à l'aube de l'âge des nationalités, vers 1849, le poète viennois Franz Grillparzer quand il écrivait ce petit quatrain qu'admirait fort le grand sociologue Max Weber (patriote allemand par ailleurs) : " Le chemin de la culture moderne (Der Weg der neuern Bildung) part de l'humanité et aboutit, par l'étape de la nationalité, à la bestialité. "

Voyez le Liban, voyez l'Ulster. France prend garde aux communautés !

Maxime Rodinson est directeur d'étude à l'Ecole pratique des hautes études (IVe section)

RODINSON MAXIME
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