Le livre de ma grand mère

[Valiere]

«  Le livre de ma grand mère »
de Féthiye çetin
Editions de l'Aube

143 pages
mai 2006
14,60 €


Témoignage d'un «  reste de l'épée »



Les «  restes de l'épée « , c'est le surnom «   terrible » que portent les Arméniens des provinces orientales de Turquie, rescapés du génocide de 1915.
Féthiye çetin, avocate, militante des droits de l'homme, née en Turquie à Maden en 1950 nous livre son premier récit, poignant, courageux, puisqu'il est sorti en Turquie en 2004.
L'auteure nous emmène pour un voyage de plusieurs dizaines d'années afin de nous faire découvrir un pan de sa famille et surtout sa grand mère dont elle dévoile le nom arménien caché, au moment du décès de la vieille dame qui a traversé le vingtième siècle.
Il s'agit là d'une oeuvre de généalogie, intéressante, instructive qui prend très vite une tournure dramatique quand Féthiye çetin, nous raconte un épisode sanglant et épouvantable de l'enfance d'Heranus au moment du génocide arménien organisé par les autorités turques de l'époque.
Des enfants, séparés de leurs familles ont assisté à des scènes à jamais gravées dans leurs mémoires: «  Ils coupent la gorge des hommes et les jettent dans la rivière. »
Comme d'autres enfants arméniens de son âge, Heranus, placée comme servante dans une famille musulmane, changera de nom et d'identité, elle deviendra une convertie ( à la religion musulmane), c'est à dire un individu ne disposant pas -de fait-des mêmes droits que ceux reconnus par la loi.
Les racines, malgré la dictature, malgré la répression sanguinaire subie sont encore là, présentes...
Elles semblent oubliées, elles ne sont qu'enfouies.
Les rescapé(e)s du massacre racontent leurs histoires, entretiennent la mémoire et résistent même, ensemble, préservant des coutumes que nous découvriront dans le livre.
« Heranus perdit toute sa famille et ne la revit plus jamais. Elle reçut un nouveau nom, une nouvelle famille....Toute sa vie, elle ne s'est jamais plainte, mais elle n'oublia jamais, oh non jamais. Son nom, son village, sa mère, son père, son grand-père et tous ceux qu'elle avait aimés.»
Cette résistance, secrète mais réelle et opiniâtre mérite le respect et comme le rappelle celle qui aujourd'hui entretient la mémoire, il ne faut jamais oublier ces milliers et milliers de familles déchirées par ce génocide .
L'intégrisme d'hier, comme celui d'aujourd'hui doit être combattu sans aucune faiblesse.

Jean-François CHALOT