par Valiere » 10 Avr 2008, 09:11
MAI 68 A MELUN
L'Ecole Normale d'instituteurs de Melun était déjà en effervescence au début de l'année 68
Les « élèves maîtres » étaient mobilisés depuis longtemps contre les plans gouvernementaux visant la déstruction des Ecoles Normales et la fin du recrutement pré-bac.
Sur Melun même, en relation avec d'autres militants radicalisés, marxistes léninistes notamment j'ai participé activement à la construction des Comités d'action lycéens.
J'étais au début 68 encore socialiste, secrétaire fédéral à la propagande des jeunesses SFIO, c'était une identité difficile à assumer : pour les révolutionnaires encartés, la SFIO était le parti de Jules Moch et pour les cadres du parti, nous étions des trublions.... Comment ! nous avions même édité et collé une affiche demandant que le droit de vote soit abaissé à 16 ans !
J'ai fini par quitter la SFIO pour essayer de voir qui étaient ces révolutionnaires parisiens dont on me parlait : le secrétaire fédéral du parti m'avait traité un jour de trotskiste, il fallait bien que j'aille m'informer.
Début mai 68, nous franchissions le mur de l'EN pour aller en manifestation à Paris. Dès que nous étions au bord de la route avec nos mines d'adolescents combatifs, une voiture s'arrêtait pour nous conduire à l'entrée de la capitale.
Très impressionnés par les manifestations qui partaient de Denfert, nous avons voulu faire de même sur Melun et très vite la mayonnaise a pris.
L'Ecole Normale a été occupée, un comité de grève s'est constitué et jours et nuits nous avons mis en place la garde vigilante de la vieille maison républicaine qu'aucune force répressive ne voulait d'ailleurs faire évacuer...Nous étions sur un petit nuage à la conquête du monde pour mettre fin à toutes les inégalités.
L'AG quotidienne a mis en place des groupes de travail planchant sur le règlement intérieur vieillot et réactionnaire de l'EN que nous voulions modifier et sur les programmes...Nous avions deux fers au feu : participer au mouvement social pour changer la vie et réfléchir à l'avenir de l'Education nationale.
L'après-midi je m'échappais de l'EN pour rejoindre les lycéens et ensemble nous organisions les grandes manifestations locales. Partie du lycée Jacques Amyot, la manif passait par le lycée technique pour envahir le centre ville.
J'ai rencontré récemment l'un des agents des renseignements généraux, il m'a rappelé qu'à cette époque il se renseignait pour savoir si j'étais de manifestation. En cas de réponse positive, il restait avec ses collègues...Il s'agit là d'une exagération manifeste mais qui reflète l'état d'esprit du moment.
J'ai même été accusé d'avoir apposé le drapeau rouge au-dessus du donjon du château de Blandy. Malheureusement, je ne suis pas l'auteur de ce haut fait... C'est l'un de mes camarades de classe enfantine, décédé aujourd'hui qui avait organisé avec des jeunes travailleurs de Blandy cet escalade risqué.
En réunion le matin à l'EN, en manifestation l'après midi à Melun et en soirée à Paris,en contact actif avec la Jeunesse Communiste Révolutionnaire dont j'étais sur l'agglomération le seul représentant, je n'avais pas le temps de faire autre chose que de militer... J'ai même raté mon bac en juin 68, j'avais sept de tension et moins de 6 de moyenne générale....
Mais qu'importe le bac, nous faisions la révolution.
Nous avons milité et milité avec ferveur et je me rappellerai toujours de certaines anecdotes comme celle-ci :
Les normaliens en formation professionnelle avaient repris le travail mi juin et le comité de grève m'avait proposé de tenir un piquet de grève.
Ils étaient une vingtaine devant la porte et quand le professeur leur a demandé pourquoi ils ne rentraient pas, les « délégués de classe » ont expliqué que je les empêchais de suivre les cours... J'étais seul et la classe regroupait,entre autres, la moitié de l'équipe de rugby de l'établissement!
Nous avons bien ri ensuite au réfectoire.
Les commentateurs bien pensants évoquent les soixante huitards parvenus aujourd'hui ! Certains ont effectivement tourné casaque mais d'autres continuent l'action politique et sociale ... Je rencontre à l'occasion certains de mes camarades, anciens « leaders » lycéens ou normaliens : la majorité milite encore et très activement, syndicalement et même politiquement à gauche.
Nous voulions changer la société et nous poursuivons ce combat de transformation sociale.
Ayant commencé à militer trois ans avant la grève générale, j'ai toujours eu une activité politique syndicale et sociale sans aucune interruption à ce jour...
Encore soixante huitard ? Oui, certainement