Le jazz, "art prolétarien" ?

Message par charpital » 02 Juin 2008, 19:37

a écrit :Autre remarque (à l'adresse de Matrok je crois) : le style qui a précédé le black power, c'est le free et non le bop...


Ce n'est pas Matrox, c'est moi. Je ne parlais pas du "bebop" mais du "hardbop" (ce n'est pas la même chose) Pour ceux qui ne s'y connaissent peu en jazz, le "bebop" (ou bop) est un style né en 1940/45, et qui correspondait sur le plan esthétique a une certaine complexité harmonique. Ensuite, il y a deux styles trés différents qui ont émergé, le "hard bop" (dont les représentants les plus connus sont les "jazz messengers" d'Art Blackley) et le Cool, au début créé par Mile davis et repris par une floppé de musiciens blancs, comme Stan Getz, Gerry mulligan, etc

J'ai parlé du "hard bop" comme contemporain du "black power" parce que j'écoutais a ce moment précis le "freedom now suite, we insist" de Max Roach et de la géniale Abbey Lincoln. Mais c'est vrai que le free est plus associé a la révolte des années 60/70 -quoique

Sinon, si c'est vrai que le public de jazz est surtout un public de petit bourgeois (y compris noirs) le jazz, contrairement a la musique classique occidentale dans le derniers siécle, n'a pas perdu le contact avec la musique populaire. De sorte qu'il (le jazz) continue d'influencer tous les courants de la "great black music"
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Message par charpital » 03 Juin 2008, 19:00

a écrit :Ce qui correspond d'ailleurs à la volonté, dès ces années-là, de la petite bourgeoisie noire de singer la bourgeoisie blanche.

Je pense qu'il n'y a pas "une" petite bourgeoisie noire, mais plusieurs. Peut être qu'une partie d'entre elle effectivement avait comme caractéristique de "singer" la Bourgeoisie blanche. Mais une partie aussi était tournée vers le prolétariat noirs (et pas vers le prolétariat blanc uniquement en raison du racisme avéré d'une partie du mouvement ouvrier aux USA)

Sur le plan formel, le mouvement be bop était conduit par un regroupement d'intelectuels et d'artistes africains américains : Miles Davis (son pére est dentiste), Charles Mingus, etc Dans le meme milieu gravitent des gens comme Chester Himes (dont le pére est lui directeur d'école)

Bref, au tournant du XX siécle, les petits bourgeois sont la !

Ils n'ont pas uniquement comme objectif de "singer" les blancs, mais de se faire une place au soleil. Quelquefois en faisant des compromis, mais souvent avec une pointe d'ironie qui échappera toujours aux blancs (c'est ainsi que nombre de soi disant "oncle tom" se foutent plus ou moins ouvertement de la gueule de la bonne société, un parfait exemple étant Satchmo (Louis Amstrong)

Bref, je doute que le jazz soit un art "prolétarien" Par contre, je suis sur qu'il s'agit d'un des arts "révolutionnaires" (mais d'autres sont possibles et envisageables, évidemment)
charpital
 
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Message par Vérié » 04 Juin 2008, 11:51

(charpital @ mardi 3 juin 2008 à 20:00 a écrit :
a écrit :Ce qui correspond d'ailleurs à la volonté, dès ces années-là, de la petite bourgeoisie noire de singer la bourgeoisie blanche.

Je pense qu'il n'y a pas "une" petite bourgeoisie noire, mais plusieurs. Peut être qu'une partie d'entre elle effectivement avait comme caractéristique de "singer" la Bourgeoisie blanche. Mais une partie aussi était tournée vers le prolétariat noirs (et pas vers le prolétariat blanc uniquement en raison du racisme avéré d'une partie du mouvement ouvrier aux USA)


Je suis bien d'accord avec toi : la bourgeoisie et la petite bourgeoisie noires ne sont pas plus homogènes que la bourgeoisie blanche, et il n'y a aucune raison qu'il en soit autrement.

Toutefois, cette volonté d'imiter la bourgeoisie blanche, de lui plaire, et d'espèrer ainsi plus facilement s'intégrer, être accepté et devenir des Américains à part entière, est tout de même un des traits caractéristiques d'une partie des petits bourgeois noirs. ET ce phénomène a nécessairement marqué l'expression artistique et le jazz. Ainis, si le negro spiritual et le blues ont été un moyen pour exprimer sa souffrance (c'est plus marqué me semble-t-il par la lamentation et la prière que par la révolte, voire par une certaine résignation), le Dixieland et le New Orleans ont été considérés comme une musique de distraction, voire une musique d'"Oncles Tom", dont Amstrong a été un des représentants : il était une sorte d'amabassadeur itinérant artistique des Etats Unis, à l'époque d'Eisenhower, c'est à dire de la ségrégation, de la guerre de Corée etc ! Et ce n'est en effet que dans les années 60, avec la montée des luttes pour les droits civiques, que les musiciens de jazz, souvent engagés dans cette lutte, on voulu exprimer la révolte dans leur musique, avec le free notamment. Puis il y a eu la période suivante, avec la Blackexploitation et les musiques et films qui l'accompagnaient. Ce qui n'empechait pas d'autres parties de la petites bourgeoisie noire de rechercher l'intégration autrement, notamment encore par l'imitation de la bourgeoisie blanche.

Tout ça n'est pas mécanique et les différentes tendances artistiques se chevauchent et se mélangent bien entendu. Luc, qui semble bien connaître le sujet et s'y intéresser, me corrigera peut-etre sur certains points...
___
Sinon, à propos de cette volonté de la bourgeoisie noire d'imiter la bourgeoisie blanche, il y a un film de Clint Eastwood, Dans le jardin du bien et du mal, qui comporte une scène d'anthologie : le bal des débutantes noires, avec des bourgeois noirs hyper guindés.
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Message par Zimer » 07 Juin 2008, 17:09

(charpital @ dimanche 1 juin 2008 à 20:31 a écrit :Enfin, pour le jazz c'est un peu compliqué. "Le jazz" n'a pas seulement créé une musique "jazz" qui se définit comme une "contre culture" (vis a vis de la musique occidentale) et qui se veut aussi complexe, aussi riche, aussi artistique que la "grande" musique (et qui l'est, alors que Carlos Gardel ou Piazzola sont jste de la "bonne" variété) Il ne faut pas oublier non plus toutes les variétés populaires qui sont une adaptation commerciale du jazz : swing, rythm ans blues, soul music, rap, etc.

:wavey: :wavey: :wavey: voilà un sujet qui passionne plus que l'échelle mobile les fALOISTES ... :emb: :emb: bon comme dirait l'autre c'est pas par ce que on n ' y connait rien de rien ( que je déteste le Jazz ) qu'on doit là fermer ...SI ...? Peut -être...

Je ne suis pas convaincus par ce qui est dit plus haut , je ne pense pas que le Jazz en terme de complexité , de richesse , de concentration organique d'histoire culturelle ...soit comparable à la Grande musique occidentale ( dites classique ) , cela reste au niveau "inférieure" sur ces plans là et je ne parle même pas du Blues , soul et Rap pour lesquels c'est encore plus net .....A mon avis je pense que justement lorsque Trotsky évoqué l'impossibilité d'une culture prolétarienne ; il s' agissait d'expliquer que justement les classes dominantes du passé pouvaient et avaient accumulés organiquement les siècles de culture passé ce que ne pouvait faire les classes exploités ...
Alors certes il existe sans doute des "contre-culture " mais jusqu'à quel point du point de vue du développement historique ne sont elles pas des sous -culture quand même ...??
Cela repose à mon avis la question du relativisme en matière culturelle qui me semble contraire au matérialisme dialectique ..
Zimer
 
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Message par charpital » 07 Juin 2008, 18:04

a écrit :je ne pense pas que le Jazz en terme de complexité , de richesse , de concentration organique d'histoire culturelle ...soit comparable à la Grande musique occidentale ( dites classique )


Soit on est dans les "impressions", et il n'y a pas a discuter (puisque "des gouts et des couleurs") mais sinon, quels éléments objectifs te permettent de dire que le jazz est structurellement inférieur en terme de complexité rythmique ou harmonique, en développement de formes diverses, en richesse de contenu ? Effectivement, on peut dire que le jazz est un style relativement nouveau, n'ayant pas plus d'une centaine d'année, et la musique africaine-américaine deux siécle tout au plus... Et le jazz est né en meme temps que l'industrie de la musique, ce qui changeait pas mal de choses.

Tu dis également que le jazz est une "musique de dominés", ce qui est exact. Mais être dominé, ce n'est pas être inférieur...

a écrit : il existe sans doute des "contre-culture " mais jusqu'à quel point du point de vue du développement historique ne sont elles pas des sous -culture quand même ...??


Débat complexe, a mon avis. Mais a mon avis, une culture cesse d'être une culture "dominée" a partir du moment ou elle cesse de se revendiquer comme une "contre culture" pour devenir une culture tout court. Je pense là a Michel Portal, un musicien que j'adore. Il est tout aussi doué et convainquant dans une pièce de Mozart a la clarinette, une composition d'un auteur contemporain ou une jam du free jazz le plus échevelé. Eh bien, ça fait longtemps qu'il ne se justifie plus d'avoir à interpréter une de ces trois musiques. "Je me contenter de les jouer"...
charpital
 
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Message par Vérié » 07 Juin 2008, 18:42

Il est toujours difficile de comparer des univers musicaux aussi différents que le classique, le jazz, le flamenco etc. Mais, je me demande aussi (ça s'adresse à Zimer) si tu ne sousestimes pas la sophistication des musiques "d'origine populaire". Elles ont créé leurs propres règles, souvent non écrite mais très élaborées, très complexes, parfois leurs écoles (dans le sens écoles de style comme le flamenco).

Il ne faut pas confondre origine populaire et spontanée. Le jazz, le flamenco, le tango sont bien loin d'être spontanés, la pratique de ces musiques exige un très long apprentissage, très contraignant.

Je ne suis donc pas du tout certain - bien que pas assez compétent pour en juger - que ces musiques d'origine populaire soient moins "riches" moins "laborée" et moins "complexes" que la "grande musique"...
Vérié
 
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Message par Zimer » 07 Juin 2008, 20:08

:33: :33: justement je pense que si il est possible de comparer des univers musicaux différent et je pense qu'il n'est pas absurde de distinguer et aussi d'établir une hiérarchie en ce qui concerne l'Art et pour la musique entre musique savante et musique populaire . Bien sûr les parois ne sont pas étanches et il peut y avoir des mouvements dialectiques entre les deux , certains courants populaires ( souvent
réapproprié par des classes dominantes ) peuvent passer à la musique savante et inversement le classique fusionner avec des musiques populaires...
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Message par Matrok » 07 Juin 2008, 20:13

Bien sûr que si c'est absurde de comparer jazz et "grande musique" ! Tout simplement parce que si le jazz est bien un genre, en revanche la "grande musique" n'est pas un genre, c'est un ensemble hétéroclite qui contient toute la musique écrite en Europe, ou parfois selon certains certaines musiques seulement, avec des critères flous. Et non, mettre une hiérarchie ou Duke Ellington serait inférieur à Rossini n'a pas de sens. Il faut d'abord comprendre de quoi on parle avant de vouloir établir une hiérarchie.
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Message par charpital » 07 Juin 2008, 20:42

Je ne suis pas convaincu. Déja doit on classer le jazz en "musique savante", ou en "musique populaire". Evidemment, on peut toujours discuter de ce que ce genre de catégorisation regroupe (les musiques "savantes" sont elles des musiques "pour les savants", les musiques "populaires" sont elles telles parce qu'elles sont appréciées par les gens...

Moi j'adopte une définition (qui est sans doute discutable) de "musique savante" comme "musique qui s'adresse aux savants" c'est a dire qu'elle nécessite pour l'apprécier toute une éducation artistique, et une connaissance de l'histoire des genres, de leurs évolution, etc. Evidemment, on peut apprécier Mozard sans avoir "toute une éducation" (mais c'est qu'en générale elle est "sous jacente") mais pour Debussy, c'est plus difficile. De ce point de vue, le jazz est une musique savante. Elle nécessite toute une éducation pour l'apprécier, et plus encore pour la jouer. Une musique "populaire", c'est une musique "par le peuple, pour le peuple" La valeur essentielle, c'est d'être partagée en profondeur par toute une communauté. Ce n'est pas forcément une musique "commerciale" (parce qu'on peut susciter une adhésion commune sans vouloir vendre des millions de disques) mais on ne s'adresse a tout le monde. Tout le monde ne peut pas être touché par Beetoven, tout le monde ne peut pas etre touché par Wagner, tout le monde ne peut pas etre touché par Bartok. Mais de même j'ai des doutes : tout le monde ne peut pas forcément être touché par Coltrane (même si les premiers ouvrages sont trés accéssibles) tout le monde touché par Archie Sheep, par albert Aylers, par Julien Loureau, Pat Metheny
charpital
 
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