A mon avis, la Bolivie est vraiment un des rares pays où on peut dire qu'il a manqué, et qu'il manque, une direction révolutionnaire car il y a une des classes ouvrières, et une population pauvre, les plus combatives du monde.
D'ailleurs Goni, le prédécesseur de Morales, a été renversé par un mouvement de masse d'une puissance considérable qui alliait la classe ouvrière, la population urbaine marginalisée ou non, et la paysannerie. Un mouvement si puissant que la répression sanglante n'en est pas venu à bout. La bourgeoisie a préféré ne pas poursuivre l'affrontement, se souvenant sans doute de la révolution de 1952 après laquelle les forces de répression ont quasiment été dissoutes.
L'armée dont la base est constituée en majorité de fils de paysans pauvres d'origine indienne et les petits/moyens cadres de métis, n'est pas sure du tout face à un vaste mouvement populaire. Quant aux travailleurs boliviens, en particulier les mineurs, ils ont montré plus d'une fois qu'ils ne redoutaient ni la violence ni la mort. Leur exploitation est si féroce qu'ils n'ont vraiment pas grand chose à perdre.
Dans cette situation, Morales a joué en définitive pour la bourgeoisie le rôle d'un excellent rampart contre la classe ouvrière et la population pauvre. Ce n'est pas pour autant, certes, que la bourgeoisie, surtout les oligarques, lui en sera reconnaissante. Mais l'arrivée de Morales a tout de meme abouti à freiner les masses populaires, justement en raison des illusions qu'elle a engendrées.
Alors, évidemment, on peut se demander pourquoi, dans un tel contexte, les orgas révolutionnaires, surtout le POR qui a de vieilles traditions, ne sont pas plus puissantes. Vaste débat. A mon avis, on ne peut pas isoler la Bolivie du contexte international, c'est à dire de la situation de recul et d'isolement du mouvement révolutionnaire mondial. De plus, divers facteurs ont aussi affaibli et divisé le prolétariat bolivien, comme la fermeture des mines, le développement des coopératives privées etc. Mais une chose est certaine : la politique de Morales, et en particulier sa démagogie "indianiste" contribuent grandement à cette division et à l'émiettement des luttes.