Je ne l'ai vu nulle part sur ce forum, c'était hier en 4eme de couverture de libé.
Alors voila le lien :
http://www.liberation.fr/economie/01013211...-temps-modernes
(Laurent Dupin sur le blog sus-cité a écrit :L'homme qui donnait à manger aux robots
On connaissait "L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux", "L'homme qui valait trois milliards"... Le délire de la religion technologiste propose une nouvelle figure des temps modernes si chers à Chaplin : "L'homme qui donnait à manger aux robots". Un travailleur de plus en plus caduque, usé, dépassé par l'époque.
Je lisais hier le portrait de der de Libération du 23 février, en page 32. Il était consacré à Jean-Pierre Mercier, ouvrier PSA, délégué syndical CGT et militant LO. Autant le dire de suite, ce portrait m'a scotché. Et m'a replongé avec bonheur dans ce genre que j'avais un peu perdu de vue, je dois l'avouer, pris par mes lectures web et mes crépitements en réseaux... On entre de suite et en profondeur dans le sérieux métallique du personnage, acquis bien malgré lui, au fil de ses années d'industrie automobile et de combats syndicaux âpres.
Une de ses expressions m'a plus particulièrement touché, décrivant les conditions du travail à la chaîne en 2009. Comprendre ultra automatisées et informatisées. La dite phrase : «[Il y a] des ouvriers qui donnent à manger aux robots, comme on dit entre nous». Sidérante image pour décrire symboliquement la condition blasée, écrasée d'hommes ramenés au niveau d'assistant de machines, plus rapides et douées qu'eux... Des hommes qui ne comprennent plus la cadence et l'organisation de leur métier. Des hommes qui voient muter leurs usines au point de s'en sentir étranger. Qui doivent faire face «au ballet de la centaine de robots qui soudent les pièces de métal sur des carcasses nues […] [dans] un froissement de tôles perpétuel. Des gerbes d'étincelles, des plaques de métal qui s'entrechoquent». L'interviewé ne le dit pas, mais l'on entend presque penser « … et sans que nous ne puissions plus rien y faire». Inhumanité galopante, violence sourde des lieux.
Il y a aussi dans cette phrase faussement ironique toute la menace, toute la dangerosité des futurs possibles. Ceux qui vont se construire à partir du moment capital que nous vivons (sans nous en rendre compte) en ce moment, grosso modo depuis les années 90. Soit la concentration de plusieurs mutations structurelles :
* informatisation débridée des systèmes de gestion et de logistique
* automatisation et robotisation des chaînes de production
* course sans fin ni fond à la productivité et à la consommation
* concentration des communications par les flux internet
Ce quadruple phénomène -s'il reste incontrôlé, furieux, excessif- ne pourra qu'apporter des révolutions douloureuses. Ce n'est qu'une question de temps. Je cite souvent ma chère science-fiction, mère de tous les visions délirantes. Mais parce qu'elle nous avertit de ce qui pourrait —ou est en train d'advenir—, justement pour cet « l'homme qui donne à manger aux robots ». On voudrait se cramponner à la vision humaniste du petit garçon nourrissant le gentil robot géant, mangeur de ferraille, du dessin animé The Iron Giant. On voudrait aussi retenir le contrepoint artistique de Kamel Ouali et de son ballet de robots dansants créé pour le Futuroscope... L'art comme nourriture terrestre pour nos amies les machines; c'est beau, c'est fin.
Mais l'on retient aussi irrémédiablement d'autres images plus inquiétantes. Celles du mythique War Games, et son avertissement posé dès 1983 : à trop «nourrir» les super ordinateurs de données stratégiques, l'humain se met à la diète de l'intelligence! Une tradition de vision pessimiste sur le progrès par le robot, qui a donné aussi le conglomérat Skynet (dans Terminator) : la série télévisée qui en a été tirée depuis (The Sarah Connors Chronicles, actuellement diffusée sur TMC), gratte mieux encore cette notion de la machine qui dépasse peu à peu l'homme, le rend caduque, puis le contrôle pour finalement l'éliminer. Tout commence un jour par un logiciel capable de jouer aux échecs comme un humain et mieux qu'un humain... Je recommande enfin l'épisode de l'excellent Animatrix, The Second Renaissance, qui raconte cette robotisation future qui finit dans un drame total.
http://www.youtube.com/v/whGL6b3O_6o&hl=fr&fs=1
Soyons vigilants. Les avertissements commencent parfois par une phrase anodine d'un ouvrier inquiet...
Pour compléter : lire les articles de Libération Robotique en folie, Un robot pour opérer les cancers de la langue, et le diaporama que j'avais publié sur ZDNet.fr en août 2007 Des robots pour libérer la vidéoconférence en entreprises.
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