Manifestations en Egypte

Dans le monde...

Message par Puig Antich » 04 Fév 2011, 20:54

a écrit :Le mouvement ouvrier indépendant s’organise


Création du Comité Constituant de la Fédération Indépendante des 
Syndicats d’Egypte



(extraits principaux de la déclaration) (texte complet en anglais ci-
dessous)



Les ouvriers et employés égyptiens ont mené de longs combats et ont 
participé, particulièrement ces quatre dernières années, à des 
mouvements de protestation récurrents – d'une manière sans précédent 
dans l'histoire égyptienne moderne – pour défendre leurs droits 
légitimes. En dépit de l’absence d’un syndicat indépendant organisé – 
ce dont ils ont été privés pendant de longues décennies – ils ont été 
capables d’attirer de leur côté des secteurs sociaux les plus larges 
et de gagner une grande sympathie dans la société égyptienne et les 
mouvements ouvriers et les syndicats.

Les travailleurs se sont battus pour le droit au travail contre le 
démon de chômage – qui hante la jeunesse égyptienne – et ont réclamé 
un salaire minimum juste qui garantisse un niveau de vie convenable 
pour tous les salariés. Ils ont mené de grandes batailles pour leurs 
droits démocratiques à la libre association dans des syndicats 
indépendants.

Cette lutte menée par les travailleurs a ouvert la voie en Egypte à 
la révolution du peuple actuelle... Par conséquent, les ouvriers et 
employés égyptiens refusent que la “gouvernementale” Fédération 
générale des syndicats les représente et parle en leur nom. Cette 
fédération qui les privait de leurs droits et refusaient leurs 
revendications et qui a publié récemment une infâme déclaration, le 
27 janvier, annonçant qu’elle fera tout son possible pour contenir 
tout mouvement de protestation des travailleurs au cours de ces 
journées.

C’est pourquoi, des syndicats et organisations indépendantes - le 
syndicat des employés des impôts fonciers, le syndicat des 
techniciens de la santé, celui des employés, l’association 
indépendante des enseignants, ainsi que plusieurs groupes 
indépendants d’ouvriers de l’industrie, représentants de différentes 
entreprises, constatant qu’il était impossible de rester les bras 
croisées, ont déclaré la fondation d’une Fédération des Syndicats 
Indépendants d’Égypte et la création d’un Comité Constituant en date 
d’aujourd’hui, le 30 janvier 2011, qui a pris les décisions suivantes :
Afin que soient obtenues les exigences de la Révolution du peuple et 
de la jeunesse égyptien proclamée le 25 janvier, nous soulignons ce 
qui suit :

1. Le droit au travail pour le peuple égyptien – qui est droit 
fondamental que l'État doit garantir et qui faute d’être respecté, 
doit ouvrir sur le droit à des prestations pour tous les chômeurs.

2. Un salaire minimum de 1200 livres égyptiennes [150 euros], avec 
des hausses de salaires indexées annuellement sur la hausse des prix, 
tout en accordant le droit pour tous les travailleurs à des primes et 
des indemnités appropriées à la nature des emplois et en particulier 
le droit à des compensations adéquates pour les dommages qui peuvent 
survenir en raison de l'environnement du travail et des risques.
Le salaire maximum ne doit pas dépasser dix fois le salaire minimum.

3. Tous les Egyptiens ont le droit à une protection sociale juste, y 
compris les droits à la santé, au logement et à l'éducation, « la 
garantie d’une éducation gratuite avec des programmes développés en 
fonction de l’évolution scientifique et technologique» et le droit 
des retraités à une pension décent avec la prise en compte de tous 
les bonus et primes.

4. Le droit pour tous les travailleurs, les employés et les salariés 
de s'associer dans des syndicats indépendants où ils décident eux-
mêmes de leurs règles et qui soient l’expression de leur volonté et 
la suppression de toutes les restrictions légales à l'exercice de ce 
droit.

5. La libération de toutes les personnes détenues depuis le 25 janvier.

Le Comité Constituant de la Fédération des Syndicats Indépendants d’ 
Égypte appelle tous les travailleurs égyptiens à former des comités 
populaires dans les installations de proximité et les sites pour 
défendre les infrastructures, les travailleurs et les citoyens dans 
cette situation critique. Ces comités organiseront aussi la 
protestation et les grèves dans les lieux de travail.

Le Comité Constituant fait appel à tous les travailleur en Egypte à 
participer à ces mouvements afin d’obtenir la satisfaction des 
exigences du peuple égyptien, à l'exception des installations vitales 
d'importance stratégique en raison de la situation actuelle.



La Fédération des Syndicats Indépendants d’Égypte

Le “Comité Constituant”

Le 30 janvier 2011

Puig Antich
 
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Message par abounouwas » 04 Fév 2011, 21:28

Merci Puig,
tu as des liens en arabe qui renvoie à ce comité ?
abounouwas
 
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Message par Puig Antich » 05 Fév 2011, 13:23

Non j'ai reçu ça par mail. Il faut chercher.
Puig Antich
 
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Message par redsamourai » 05 Fév 2011, 13:31

(abounouwas @ vendredi 4 février 2011 à 19:32 a écrit : pour info, sur le noyau dur de la place Tahrir :

a écrit :

Le Monde.fr:
La blogueuse égyptienne @suzeeinthecity a diffusé sur Twitter les sept revendications, selon elle, des manifestants.
1. Démission du président
2. Fin de l'état d'urgence
3. Dissolution des deux chambres du Parlement
4. Formation d'un gouvernement national de transition
5. Election d'un Parlement qui amendera la Constitution pour permettre la tenue d'une élection présidentielle
6. Traduction en justice immédiate des responsables de la mort des manifestants tués
7. Traduction en justice immédiate des personnes soupçonnées de corruption, qui ont pillé la richesse du pays

Selon le correspondant de la BBC, la foule n'est plus la même place Tahrir : "De nombreux manifestants des classes moyennes ont quitté la rue ; ceux qui restent, actuellement, sont les tenants de la ligne dure."


(pris sur le direct du monde.fr ce soir)
difficile à juger, quand on imagine à quel point blogueurs et journalistes peuvent sélectionner consciemment ou non les revendications dont on dit après qu'elles dominent dans le mouvement...

le texte de Puig met en tout cas en avant des revendications qui ne sont pas seulement d'ordre politique-démocratique. si en plus les classes moyennes commencent à quitter les manifs, on peut imaginer que les priorités dans les têtes peuvent évoluer en même temps que composition sociale du mouvement...

C'est chiant d'en entendre parler autant et d'avoir l'impression qu'on en sait pourtant si peu!

PS: ils sont en train de dire à france info que les manifestants ont essayé d'empêcher les militaires de quitter la place Tahrir, par crainte des pro-Mubaraks.
redsamourai
 
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Message par Antigone » 05 Fév 2011, 14:51

a écrit :CMAQ - 04 fev 2011
http://www.cmaq.net/fr/node/43320

Témoignage d'une française sur l'insurrection égyptienne

La situation est tout à fait extraordinaire, aussi me permettrez-vous d’apporter ma modeste contribution pour compléter les informations qui vous parviennent par les médias traditionnels ou non.

J’ai été à la manifestation de vendredi [28 janvier] et toute la journée les policiers ont tenté de repousser les manifestants qui souhaitaient accéder à la place Tahrir. Jamais de ma vie je n’ai vu autant de bombes lacrymo lancées par les forces de l’ordre, l’air était irrespirable par moment. Partout, les gens s’entraidaient — j’ai découvert à cette occasion que pour lutter contre la brûlure des lacrymos, il fallait se rincer le visage au Pepsi Cola ou au Coca, ou encore respirer des oignons et du vinaigre — et distribuer à tour de bras mouchoirs et masques chirurgicaux. J’ai bien retenu la leçon de l’Égyptien qui nous a accompagnés au début de la manif, quand il faut courir, il faut courir, et beaucoup de gens couraient pour éviter les bombes. Pour la première fois, les hommes regardaient les femmes comme des égales, sans arrière-pensée genrée, ce qui reste encore vrai aujourd’hui. Tout le jour, des groupes de 100 ou 200 personnes arrivaient de partout, grossissant les troupes des manifestants se dirigeant vers la place de la Libération (ça veut dire ça Tahrir), sans pour autant parvenir à percer les cordons de police. Il y avait beaucoup de jeunes, habillés à l’occidentale mais pas seulement, des hommes, des femmes, et même des enfants — un peu, et beaucoup moins que les jours suivant. Dans leur voix, il y avait une rage, un souffle, une détermination que je n’avais jamais rencontrés chez personne auparavant. J’ai vu des blessés, des gens qui avaient dû se battre aux premières lignes, le sang qui leur coulait sur le visage, les jambes, ou un œil complètement tuméfié. Il n’y avait pas encore beaucoup de banderoles, mais des slogans chantés par des meneurs sans porte-voix mais assis sur les épaules d’autres manifestants qui reprenaient comme un seul homme des cris comme «Le peuple veut faire chuter du système» ou «C’est incorrect» ou «Descendez, descendez» aux gens qui re-[…].

Entre chien et loup, les policiers ont commencé à se retirer, et il a été possible d’avancer sur le pont menant à la place. À ce moment la nuit est tombée, et la terreur a commencé. De nouvelles lacrymo ont été lancées, sauf qu’on ne les voyait plus parce qu’il faisait nuit, et on entendait des coups de feu sans que l’on sache s’il s’agissait de balles réelles, de balles en caoutchouc, ou de bruits liés au lancement des lacrymos. C’était absolument terrifiant. On a essayé de se réfugier dans un des hôtels de luxe près du Nil — toutes les rues autour étaient barrées par les flics — les gens criaient «Asile ! asile ! asile !», mais l’hôtel avait fermé ses portes et ne faisait que distribuer de l’eau pour se donner bonne conscience. Avec le copain avec qui j’étais, on a cherché à quitter les lieux, je ne voulais pas prendre le pont de crainte d’un mouvement de foule. On a fini par trouver une famille égyptienne qui nous a accueillis toute la nuit, nous a nourris et laissés dormir chez eux. Toute la nuit, les gens se sont battus dans la rue, à balles réelles cette fois-ci, j’ai cru que cette apocalypse n’en finirait jamais. Finalement, à 5h40, on n’entendait plus rien.

Quand on est sortis le matin, les rues du centre-ville avaient des airs d’après-guerre : voiture et camions de police calcinées, vitrines cassées, immeuble du parti national en feu, gens dormant sur la place. Ils avaient tellement lancé de lacrymo qu’on ne pouvait pas s’empêcher de pleurer, plusieurs heures après la fin des combats. Je crois que l’image la plus forte que je garde de ce jour-là reste le petit groupe de personnes qui à 8 heures s’étaient de nouveau rassemblées sur la place encore fumante et qui criaient de nouveaux slogans. Il y a eu beaucoup de blessés, et des morts aussi. On a su ensuite qu’à la nuit les manifestants avaient réussi à prendre la place, et que de là, les combats avaient commencé, où l’avantage n’était pas toujours du côté de la police, sauf pour les armes à feu. Samedi, on est retourné plus tard sur la place, il y avait beaucoup de monde, et surtout des fraternisations avec les militaires qui se faisaient photographier avec les manifestants main dans la main.

Les jours suivants, les manifs ont grossi, tous les jours les gens ont rempli la place tahrir, organisant des sittings la nuit. J’ai eu l’impression qu’ils ont appris à manifester plus systématiquement que ce que j’avais vu auparavant, utilisant force banderoles et panneaux. Beaucoup d’enfants dans les rues, et des scènes très drôles, avec des petites filles sur les épaules de leur père, lançant des slogans que la foule reprend en cœur: «Le peuple veut faire chuter le président». Il y a quelque chose de très beau et de typiquement égyptien, c’est la manière dont les gens inventent et chantent les slogans politiques. En temps normal, les Égyptiens sont des gens qui chantent tout le temps, on peut rencontrer des hommes dans la rue ou sur leur moto qui reprennent des airs populaires et font de la musique avec un rien ou avec leurs mains. Alors là, tous ces gens dans les rues et sur la place ne font que continuer cette habitude et chantent ensemble. Le soir, ça prend des airs de fête, des types avec leur darbouka qui donnent les rythme et les sitters qui frappent des mains. Les rues sont encadrées par les tanks qui de plus en plus font des contrôles d’identité pour sécuriser la place. Un homme à qui on demandait comment c’était la place avant d’y entrer nous a répondu: «C’est une fête de mariage !» Je suis restée un soir avec un de mes profs d’arabe et ses amis, c’était très chouette. En fait, depuis cinq jours, tout le monde parle politique dans la rue, ce qui change énormément d’auparavant où c’était le sujet tabou. On rencontre des gens nombreux qui affirment qu’ils veulent juste que le président s’en aille. Un jeune m’a raconté toute sa résignation, toutes les humiliations et les frustrations qu’il a subies ces dernières années, et se disait prêt à mourir maintenant qu’il avait retrouvé sa dignité. Il m’a dit «Ou il part, ou c’est la mort. Je ne continuerai pas comme auparavant.» Il était très sérieux. Il y a aussi les gens qui soutiennent le gouvernement. L’armée a une réputation du tonnerre, et dès le lendemain de vendredi on entendait des gens crier «Le peuple, l’armée, une seule main». J’ai vu des scènes de charivari avant-hier, avec humiliation symbolique d’une effigie de Moubarak qu’on pendait, ou des tas de poubelles surmontées d’un panneau «Ici, le siège du parti national» (de Moubarak).


Place Tahrir, le 1er février
Hier, il y a eu un monde fou. Ça ressemblait au Premier Mai à Paris. Il fait très beau en plus ces derniers jours, sauf les nuages hier. Les gens étaient très heureux, et optimistes. Ça a duré toute le journée, on est rentré en milieu d’après-midi. J’ai vu un type qui arborait une pancarte de soutien à Moubarak, il s’est fait prendre à partie par un groupe de personnes qui ont fini par déchirer sa pancarte dans des cris de joie. Il n’a pas plu, certainement que dieu est contre Moubarak et n’a pas voulu que les manifestants se dispersent.

Aujourd’hui, tout avait l’air calme et comme d’habitude. Ce matin les gens klaxonnaient dans la rue comme pour une victoire au football, j’ai vu un défilé de taxis en klaxon, et j’ai croisé un groupe qui criait «Nous sommes l’Égypte». Depuis 14 heures cependant, on voit à la télé des combats de rue qui opposent pro- et contre-Moubarak. C’est d’une violence inouïe, il y a même des chevaux, des chameaux et des genres de barricade. Je pense qu’une partie de cette contre-manif est le fait de la police en civil, parce que je ne vois pas d’où sortiraient les chevaux entraînés à la foule autrement. Je ne sais pas comment la situation va évoluer.

Les images que vous voyez à la télé, apocalyptiques, doivent être relativisées: les luttes ont lieu dans des endroits très circonscrits de la ville, l’hyper-centre pour l’essentiel. Ailleurs, la vie continue, jusqu’au couvre-feu où des groupes de voisins s’organisent pour faire des cordons de protection et défendre magasins et maisons le soir. En général, tout est plutôt calme et l’ambiance et plutôt bon-enfant, les gens sont pleins d’espoir et s’aident, distribuant des vivres et de l’eau aux manifestants et aux sitters. Très bon-enfant donc, jusqu’à aujourd’hui tout du moins. En général, il ne faut pas s’inquiéter. Avec mes amis, nous descendons régulièrement parce qu’on ne peut pas faire autrement, sauf aujourd’hui où on a vraiment le sentiment que ça chauffe. Je ne pense pas rentrer pour le moment, en tout cas, pas tant que l’ambassade n’a pas demandé aux Français de rentrer en France. Je vais peut-être ouvrir un Facebook.

(../..)

J’ai oublié de vous dire: pour ce qui est des images de gens en prière sur la place, il n’y a vraiment pas de quoi être terrifié. Les gens sont très croyants ici, et prier à l’heure de la prière est tout à fait normal, rien de particulier là-dedans. Pour ce qui est des Frères Musulmans, ils étaient totalement absents vendredi, mais semblent profiter de la situation pour réapparaître sur le terrain politique. On les voit sur la place le soir, à faire du sitting, et ils sont plutôt bien organisés : tentes, feu de bois, nourriture… cela ne signifie pas qu’ils représentent une force majoriaire, j’ai discuté avec des tas de gens qui, pour être pratiquants, ne les soutiennent pas pour autant.

Les images que je vois à l’instant de la place ressemblent à une guerre civile. De chez moi on n’entend rien, mais ça a l’air très grave. Je connais des gens qui y sont, et j’ai vraiment peur pour eux. Il y a trois jours, on avait entendu des avions de chasse, et je soupçonne fortement le président d’organiser cette anarchie et cette violence. C’est une honte ! Je vous en prie, allez manifester en France, il faut que ça bouge, il y a une jeunesse sacrifiée ici !

Voici l’adresse d’un blog avec de magnifiques photos (merci Samir):
http://blogs.denverpost.com/captured/2011/...-continue/2628/

Pour répondre aux questions des uns et des autres, les Égyptiens savent ce qu’ils ne veulent surtout pas, en revanche, il n’y a rien de clair qui ressort pour ce qu’ils voudraient. Ils veulent que le président parte, mais je n’entends rien sur un après. À vrai dire, avant il y a une semaine, la plupart des gens que j’avais rencontrés n’avaient pas de discours politique, il parlaient de ce sujet sur le ton de la blague, en parlant de «Monsieur 30», ou en faisant semblant d’adorer leur président tout en se moquant de lui. Aujourd’hui, tout le monde ose parler et même avoir une opinion politique. Au supermarché avant-hier, le caissier me disait que le peuple en avait assez et qu’il fallait que le président parte. De même dans le métro, ou alors lorsque les gens acclament le moindre militaire ou le premier tank qui passe ou huent la police. Je suis rentrée l’autre soir avec mes amis égyptiens, qui dans la nuit chantaient des slogans et étaient accueillis en frères dans la rue. Depuis une semaine, j’ai eu l’impression qu’une opinion publique s’était formée, avec quelque chose d’une certitude d’être dans le vrai qui s’entend dans le regard des gens, dans leur voix. Les gens aspirent vraiment à la liberté, qui est un très beau mot en arabe parce qu’il sonne comme un cri de guerre et de l’âme — «horia» — que les gens entonnaient dans la rue d’ailleurs. Ce sont les jeunes qui ont fait cette révolution, mais pas seulement, j’ai vu des familles, et même des personnes âgées. Il y a un ras le bol généralisé et une aspiration réelle à quelque chose de neuf. Un jeune m’a dit qu’après cela, on respectera de nouveau l’Égypte. C’est comme si les gens avaient retrouvé une dignité. Pour ce qui concerne l’attitude envers les étrangers, la plupart des Égyptiens qu’on a rencontrés nous ont remercié de les soutenir, en nous demandant pourquoi on était là, et ensuite en nous souhaitant la bienvenue en Égypte. Je n’ai rencontré qu’une femme qui s’en prenait aux étrangers en nous disant : «Vous êtes qui pour nous dire ce qu’on a à faire ?»

Les Frères Musulmans sont organisés mais se sont fait réprimer. Je crois que les chefs sont encore en prison, mais il y a des militants qui ont saisi l’opportunité au vol.

Quant à ce que vous entendez à la radio sur les évènements d’aujourd’hui, je suis restée à la maison, je ne peux pas les confirmer directement, mais Al Jazira nous donne les mêmes infos que vous en ce moment.

Je ne sais pas si le président s’en ira, il a l’air très accroché au pouvoir. Ici, la corruption inerve toute la société, de la police, aux hommes d’affaire et aux hommes politiques. Je pense que ses soutiens vont bien au-delà de ses proches, à la différence de Ben Ali en Tunisie qui avait concentré toutes les sources de pouvoir économique et politique entre les mains de sa famille ou de celle de sa femme. Par ailleurs, l’anarchie qui est en train de s’organiser ne joue pas forcément en faveur des manifestants. S’il part, rien ne permet de dire ce qui se passera. Je ne crois pas que les extrémistes arriveront d’emblée au pouvoir, peut-être dans un second temps si le processus échoue parce qu’il est vrai que la société n’est pas du tout laïque, la religion est très prégnante ici, la société conservatrice et que l’Égypte n’est pas la Tunisie. Les marques de la colonisation sont beaucoup moins fortes ici. Par ailleurs, le processus démocratique est beaucoup plus en danger ici, aussi à cause de la violence dans laquelle se passe la révolution, qui est une révolution du peuple, mais où aucun leader crédible ni aucune force politique ne semble sortir du lot.

Mais, je ne vous donne là que mon avis, qui ne vaut ni comme prédiction, ni comme analyse historique.
Bons baisers à tous.

Sarah, 3 février 2011
Antigone
 
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Message par Wapi » 05 Fév 2011, 15:08

Sympa ce témoignage, sur la vitesse à laquelle les gens se politisent.


a écrit :Je ne sais pas si le président s’en ira, il a l’air très accroché au pouvoir. Ici, la corruption inerve toute la société, de la police, aux hommes d’affaire et aux hommes politiques. Je pense que ses soutiens vont bien au-delà de ses proches, à la différence de Ben Ali en Tunisie qui avait concentré toutes les sources de pouvoir économique et politique entre les mains de sa famille ou de celle de sa femme.



C'est vrai que Moubarak pèse quand même entre 40 et 70 milliards de dollars selon cet article du Guardian. A ce niveau, il est plus qu'un simple exécutant des décisions de la bourgeoisie mondiale, il est devenu l'un des leurs. Ses pairs le lâcheront quand même moins facilement qu'un petit dictateur tunisien qui ne vaut "que" 6 milliards de dollars.
Mais la seule force capable de contrer la bourgeoisie, c'est le prolétariat, dont l'entrée sur l'arène politique balaiera tout le régime.
Wapi
 
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Message par abounouwas » 05 Fév 2011, 16:09

(redsamourai @ samedi 5 février 2011 à 12:31 a écrit :
(abounouwas @ vendredi 4 février 2011 à 19:32 a écrit : pour info, sur le noyau dur de la place Tahrir :

a écrit :

Le Monde.fr:
La blogueuse égyptienne @suzeeinthecity a diffusé sur Twitter les sept revendications, selon elle, des manifestants.
1. Démission du président
2. Fin de l'état d'urgence
3. Dissolution des deux chambres du Parlement
4. Formation d'un gouvernement national de transition
5. Election d'un Parlement qui amendera la Constitution pour permettre la tenue d'une élection présidentielle
6. Traduction en justice immédiate des responsables de la mort des manifestants tués
7. Traduction en justice immédiate des personnes soupçonnées de corruption, qui ont pillé la richesse du pays

Selon le correspondant de la BBC, la foule n'est plus la même place Tahrir : "De nombreux manifestants des classes moyennes ont quitté la rue ; ceux qui restent, actuellement, sont les tenants de la ligne dure."


(pris sur le direct du monde.fr ce soir)

difficile à juger, quand on imagine à quel point blogueurs et journalistes peuvent sélectionner consciemment ou non les revendications dont on dit après qu'elles dominent dans le mouvement...

le texte de Puig met en tout cas en avant des revendications qui ne sont pas seulement d'ordre politique-démocratique. si en plus les classes moyennes commencent à quitter les manifs, on peut imaginer que les priorités dans les têtes peuvent évoluer en même temps que composition sociale du mouvement...

C'est chiant d'en entendre parler autant et d'avoir l'impression qu'on en sait pourtant si peu!

PS: ils sont en train de dire à france info que les manifestants ont essayé d'empêcher les militaires de quitter la place Tahrir, par crainte des pro-Mubaraks.
tout à fait d'accord,
c'est un "texte" qui a été établi dans la nuit de jeudi à vendredi si je dis pas de bêtises, de la part de militants qui "tiennent" la place face aux pro-Moubarak. Voilà pourquoi je précisais "noyau dur de la place Tahrir". Pour le reste, et pour rebondir sur ce qui nous intéresse, ce qui se passe dans les villes industrielles du Delta (qui ont connu des grèves à répétition dures ces dernières années), on n'a juste des images floues et on ne sait pas ce qu'y s'y dit/fait. Il semble en revanche que les Frères Musulmans se montrent (ou bien que les téloches veulent plus les montrer, je sais pas) comme des groupes présents dans les manifs et qui restent auprès de ces jeunes. Ils voient évidemment là une occasion de recruter et de défendre leurs positions. C'est rageant de ne pas voir de "drapeaux rouges".
abounouwas
 
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Message par sylvestre » 05 Fév 2011, 16:46

[quote=" (abounouwas @ vendredi 4 février 2011 à 20:28"]
Merci Puig,
tu as des liens en arabe qui renvoie à ce comité ?
La déclaration en arabe : http://www.solidaritycenter.org/files/egyp...3011_arabic.pdf

Pour ce que j'en comprends ce site a plus d'infos : http://www.ctuws.com/
sylvestre
 
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Message par abounouwas » 05 Fév 2011, 22:14

merci, Sylvestre.
l'info du Guardian rapportée par Wapi sur la fortune des Moubarak (40-70 mds ) ne passe pas inaperçue. c'est sur toutes les grosses chaînes satellites et des manifestants l'ont repris en slogan aujourd'hui
"Moubarak, dis la vérité ; t'es un voleur, oui ou non ?".
c'est clair que la clique au pouvoir (désormais "l'oligarchie" pour al-Jazeera) a su voler à grande échelle ce pays, mais il ne faudra pas oublier ceux qui l'ont fait "légalement", les grandes familles comme Osman (BTP) ou/et les multinationales des pays impérialistes. en tout cas, les journalistes posent la question ( ;) ) de savoir si des hommes d'affaires n'ont pas profité de leur proximité avec le pouvoir. encore un effort et ils mettront en avant les profits juteux réalisés sur le dos de millions de travailleurs égyptiens (près d'un sur deux au seuil du pauvreté de 2 par jour, le pays arabe le plus peuplé).
abounouwas
 
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Message par yannalan » 06 Fév 2011, 11:00

Je trouve perso que le fait de se concentrer sur le départ du dictateur est aussi une façon de ne pas vouloir voir le besoin de changement. Si Moubarak part en étant replacé par un autre général, avec quelques élections, on arrivera vite à une situation aussi pénible pour les masses.
A mon avis, les Frères ont compris ça et laissent filer en se contentant d'aides concrètes aux manifestants, au moment des déceptions ils seront là...
J'espère me tromper...
yannalan
 
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