par Harpo » 18 Mars 2011, 00:54
Wapi, il me semble que le problème que pose Matrok est celui-ci : doit-on être solidaire ou hostile envers ceux qui militent pour "sortir du nucléaire".
Si l'on est hostile, c'est facile de le dire et ça ne coûte pas grand chose en terme de militantisme. Si l'on est solidaire, on n'a pas que ça à faire, il y a plus important pour nous et on les laisse se débrouiller en regardant leur activité avec bienveillance.
Je pense surtout que, n'ayant pas le loisir d'étudier à fond les arguments des uns et des autres et n'ayant pas parmi nous suffisamment de militants compétents dans ce domaine (je n'en connais qu'un), LO s'abstient de prendre une position définitive sur le sujet, tout en penchant en majorité plutôt dans le sens inverse de "sortir du nucléaire".
Ce que l'on peut et doit faire, c'est ce qu'on fait : insister sur la responsabilité indéniable des capitalistes et de leurs valets politiciens (et jadis des bureaucrates soviétiques) dans les accidents et catastrophes nucléaires, qui sont tous dus, jusqu'à présent, à des fautes au niveau des choix sur la sureté des installations nucléaires.
Pour ce qui est de l'opérateur privé (Tepco) qui gère les centrales japonaises, on apprend chaque jour de nouveaux manquements, tous dictés par le choix évident de faire prospérer ses actionnaires en se fichant de la sécurité de ses employés et de la population en général : 29 rapports falsifiés entre 1980 et 1990, et encore en 2006 et 2007 (voir le Canard enchaîné de cette semaine) et, le plus grave, construction de centrales au niveau de la mer, en zone sismique et sujette aux raz dz marée, malgré les avis répétés des experts américains en particulier.
Pour ce qui est des centrales françaises, il y a aussi des problèmes (moins sérieux qu'au Japon cependant), une transparence insuffisante, au moins une vieille centrale en zone sismique (Fessenheim en Alsace, mais pas de risque de séisme de l'ampleur de ceux qui secouent régulièrement le Japon), peut-être quelques unes qui ne sont pas totalement à l'abri d'une inondation, la prolongation de la durée de vie des centrales. Ce qui est un peu rassurant c'est que l'industrie française ne parvienne pas à vendre ses centrales à l'étranger : selon Sarkozy elles sont trop chères car trop sures... Ce qui peut inquiéter aussi, c'est la part laissée de plus en plus au privé dans la maintenance des installations, mais le secteur public n'est pas non plus une garantie car sa raison d'être est de fournir au plus bas prix possible l'électricité au secteur industriel privé.
Les risques liés à l'utilisation de la fission nucléaire dans un monde capitaliste sont bien sûr très graves. Sont-ils pires que ceux des autres sources d'énergie ? Vaut-il mieux empoisonner définitivement la planète par l'effet de serre dû aux combustibles fossiles (sans parler des 2000 morts par an dans les mines de charbon), vaut-il mieux la pénurie (pas pour les riches de toute façon) avec des éoliennes et des panneaux solaires couvrant la moitié de la planète pour fournir une quantité insuffisante d'énergie.
Le vrai problème, c'est l'insuffisance criante des crédits de recherche dans le domaine de la fusion nucléaire contrôlée, dans celui de la transmutation des déchets pour les rendre inoffensifs. C'est aussi le choix de l'EPR (qui présente peu de progrès par rapport aux centrales actuelles) au lieu d'accélérer les recherches sur les centrales à très haute température qui permettraient en plus d'obtenir de l'hydrogène à un coût dérisoire (plus d'effet de serre du tout si tous les véhicules l'utilisaient). Les centrales actuelles auraient dû être démantelées depuis longtemps, mais on les a prolongées de 20 ou 30 ans parce que la génération suivante n'était pas encore au point, faute d'investissements suffisants...).
Les écolos (je ne parle pas des vrais, il y en a sûrement, mais des politiques) nous bassinent avec leurs énergies propres, alternatives, mais tout ce qu'ils nous proposent en fait c'est la décroissance : l'énergie (propre) pour les riches, la pénurie pour les pauvres. Le fait qu'ils s'en prennent même aux recherches sur la fusion (à ITER en particulier) montre leur mauvaise foi ou leur ignorance (c'est nucléaire donc c'est mauvais). Même dans le domaine des énergies "propres", a-t-on jamais entendu un "écolo" parler de l'énergie colossale que l'on pourrait récupérer en utilisant le gradient de température entre la surface et le fond des océans pour actionner des pompes à chaleur (ce n'est qu'un exemple, les voies de recherche ne manquent pas c'est le fric pour les mettre en oeuvre qui manque s'il n'est pas immédiatement rentable pur les capitalistes.
Pour conclure, personnellement, je n'ai pas du tout envie de manifester avec les réactionnaires de "sortir du nucléaire". Je leur suis franchement hostile. S'ils réussissent à l'échelle d'un pays, ce ne sera que parce que les capitalistes trouveront un avantage financier à aller dans leur sens. Le gel du nucléaire en Allemagne n'a conduit qu'à revenir en grande partie au charbon ... et à acheter de l'électricité nucléaire en France.
Par contre, je verrais, avec bienveillance et si possible je participerais à toute manifestation exigeant une sécurité accrue des installations nucléaires, une information réelle permettant des choix démocratiques sur les problèmes d'énergie et surtout réclamant des crédits et des embauches pour la recherche dans ce domaine. Mais je ne me fais pas d'illusion la-dessus, car là comme ailleurs, la meilleure garantie pour obtenir une mobilisation sérieuse sur ces problèmes serait l'existence d'un parti révolutionnaire et c'est pourquoi la véritable urgence, c'est :
1) de le construire.
2) de remplacer le capitalisme par la dictature du prolétariat mondial.
Vaste programme, qui fait qu'avec nos petits moyens actuels on a vraiment autre chose à faire que d'essayer de proposer aux capitalistes d'autres façons de nous gruger.