Zorglub a écrit :Tous ceux qui ont fait avancer la science étaient, même inconsciemment, déterministes.
Tous ? Sauf Erwin Schrödinger, Werner Heisenberg, Niels Bohr, etc. Qui étaient tout à fait consciemment non-déterministes.
Zorglub (le souligné est de moi) a écrit :Si j'ai bien compris. Le copain répondait qu'être a priori déterministe est nécessaire pour avancer scientifiquement et surtout politiquement.
C'est bien là le problème : on voudrait faire dire aux sciences de la matière ce qu'elles ne disent pas.
Zorglub a écrit :Pour faire une analogie avec la fameuse anecdote de Laplace sur l'hypothèse de dieu citée dans le CLT, il faut poser cette hypothèse (celle du déterminisme, ne me traitez pas d'agnostique !) pour continuer d'avancer. (...) Les barrières, en science et surtout dans notre combat, sont suffisamment importantes pour ne pas s'en mettre d'inutiles.
Sauf qu'en physique, poser l'hypothèse du déterminisme n'est pas seulement inutile, c'est se mettre une barrière.
Zorglub a écrit :Matrok me rétorquera que ce ne sont pas des barrières mais des constatations n'empêchant pas de continuer de comprendre le monde.
Le rejet du déterminisme n'est pas vraiment une constatation mais une commodité de pensée. De la même manière que Laplace n'a pas constaté l’inexistence de Dieu, il s'est contenté de ne plus y faire appel. En fait ce que la physique quantique, dans son interprétation standard dite "de Copenhague" nous enseigne, c'est que le déterminisme des lois physiques n'est qu'apparent et ne correspond qu'à une catégorie de phénomènes à notre échelle. À l'échelle des particules élémentaires de la matière, la meilleure description qu'on arrive à faire n'est pas déterministe, mais elle se traduit par des probabilités. Il y a bien eu des physiciens qui ont tenté d'établir une description déterministe du monde quantique (et pas des moindres : Einstein, de Broglie, etc.) mais ils n'ont pas obtenu de résultats vraiment satisfaisants et utiles. Au contraire, au moins l'une des expériences suggérées par Einstein pour réfuter l'interprétation de Copenhague (celle du prétendu "paradoxe EPR") a été réalisée (expériences d'Alain Aspect) et le résultat ne va pas dans le sens prévu par Einstein.
Zorglub a écrit :Le questionneur citant la physique quantique a parlé du principe d'incertitude de Heisenberg. Etienne Klein dans une petite vidéo sur le site du Monde corrigeait : il s'agit d'une dérive de langage, on devrait parler du principe d'indétermination de Heisenberg.
C'est vrai que le nom de "principe d'incertitude" n'est pas génial, non seulement parce qu'on parle plutôt d'indétermination... ce qui d'ailleurs a un sens anti-déterministe encore plus fort que "incertitude" ! Mais aussi parce que ce n'est pas vraiment un principe : il découle en fait des postulats de base de la physique quantique.
Zorglub a écrit :Il y avait Popper, adversaire du marxisme, et défenseur de l'indéterminisme je crois. Plus sérieux peut-être, Prigogine.
Popper, c'est une autre histoire, ça mériterait une discussion à part (qu'on a déjà eue plusieurs fois, y compris dans un fil intitulé si je me souviens bien "le marxisme est-il une science"). Je dirais juste que Popper était un adversaire du marxisme sur le plan politique car c'était un défenseur de la démocratie et de la république bourgeoise (ce qu'il appelait la "société ouverte"), ce qui l'a conduit à se rapprocher de Friedrich Hayek et des néo-conservateurs. J'y vois surtout un effet indirect du stalinisme. Son opposition au marxisme sur le plan philosophique n'est qu'un aspect parmi d'autres d'une réflexion poussée sur ce qui est scientifique ou pas, réflexion qui vaut le coup d'être connue. Mais Popper ne cachait pas en privé son admiration pour le livre de Lénine "Matérialisme et Empiriocriticisme" qu'il considérait comme excellent !
Prigogine, je connais moins bien : je n'ai jamais été satisfait avec sa formulation très abstraite de la thermodynamique (du moins de la façon maladroite de laquelle on l'expose souvent), et je sais aussi qu'il a cosigné sur le tard des livres très mauvais avec une "philosophe" anti-scientifique, Isabelle Stengers, livres célébrés par le pape Jean-Paul II. Cela me paraît a priori beaucoup moins intéressant que Popper.