titi a écrit :Salut. Cela fait longtemps que je ne réfléchis plus trop à ces questions, mais en te lisant, j'ai un commentaire : la fonction d'onde est utile pour faire les prévisions. Un peu comme la théorie cinétique des gaz ne dit pas dans quelle direction/vitesse/etc. va chaque particule mais permet de calculer les effets macros. Par contre tu dis qu'elle ne permet pas de dire quel est l'etat précis de la particule. OK, mais pourquoi as tu besoin de savoir dans quel état est Cette particule ? Je reprend l'exemple du gaz, savoir ce que devient tel ou tel atome n'a pas plus d'intérêt, si ?
titi a écrit :...tu dis qu'elle ne permet pas de dire quel est l'etat précis de la particule.
Heu... non, je dis exactement l'inverse : la physique quantique nous dit quel est l'état de la particule... encore faut-il s'entendre sur ce qu'on entend par "état". Ça va être un peu long de répondre à tes questions parce que ça va m'obliger à aborder trois problèmes : quelle est la différence entre l'usage des statistiques en physique classique et en physique quantique, qu'est-ce qu'on entend par "état" d'une particule, et en quoi ça peut être intéressant ou pas de savoir quel est l'état d'une particule.
La théorie cinétique des gaz, ou plus globalement la
physique statistique (celle de Boltzmann et Maxwell), fait partie de la
physique classique, c'est sa branche la plus récente. Comme l'orateur du CLT, les physiciens qui l'ont élaborée restaient attachés au déterminisme : ils croyaient sincèrement que, étant données les positions et les vitesses de toutes les particules à un instant donné, il existait des lois physiques qui pourraient permettre à un super-calculateur de prévoir toute l'évolution future. La raison pour laquelle ils avaient fait appel aux statistiques était seulement pour s'épargner trop de calculs. Ils ne croyaient pas à un hasard sans cause, mais l'acceptaient comme un modèle de ce qui était trop compliqué à décrire. Ils supposaient donc que les particules pouvaient prendre
toutes les valeurs possibles de vitesse avec une distribution statistique qu'ils arrivaient bien à décrire. Cela marche assez bien pour certains problèmes, mais...
L'ennui, c'est que ces physiciens classiques butaient sur quelques problèmes insolubles. L'un des plus fameux était l'interprétation du rayonnement émis par une barre de fer chauffée, ce qu'on appelle le "problème du corps noir" en physique : un modèle issu de la physique statistique, celui de Rayleigh et Jeans, prévoyait assez correctement une partie du spectre mais donnait des résultats absurdes pour les grandes longueurs d'onde : on appelait cela la "catastrophe ultraviolette", prévue par la théorie mais absolument contraire à l'expérience.
Le coup de génie de Max Planck a été de dire que pour ce problème là, il ne fallait pas considérer toutes les valeurs possibles pour les fréquences d'oscillation des atomes mais seulement
quelques valeurs discrètes. Et ça a marché, ça donnait le bon résultat ! La physique quantique proprement dite dérive de cette intuition de Planck, qui a été mise à profit dans plein d'autres situations et a servi à l'élaboration de la physique quantique. C'est une théorie qui marque une rupture avec la physique classique, justement parce que le développement de l'idée de Planck a conduit les physiciens à renoncer au déterminisme (je passe sur pourquoi et comment car c'est vraiment compliqué).
Venons-en à l'état d'une particule : un physicien quantique et un physicien classique n'entendent pas la même chose par là. Pour le physicien
classique, l'état d'une particule c'est sa position, sa vitesse, etc. bref un
jeu de grandeurs physiques qu'on peut mesurer. Pour un physicien
quantique, l'état physique d'une particule est un objet abstrait qu'il appelle
fonction d'onde ; mathématiquement, c'est une fonction des coordonnées de l'espace et du temps, à valeurs complexes, et qui est solution de l'équation de Schrödinger. Les grandeurs physiques qu'on voudrait mesurer, en revanche, ne sont pas déterminées : c'est en étudiant les propriétés de la fonction d'onde qu'on pourra estimer quelle probabilité on peut avoir de mesurer telle ou telle valeur parmi un ensemble discret. Et ce n'est que lorsqu'on effectue réellement la mesure que cette valeur est déterminée, pas avant.
Enfin, la question de savoir pourquoi on peut avoir besoin de connaître l'état d'une particule : cela dépend du problème posé.
- Si c'est pour un problème qui fait intervenir un grand nombre de particules comme en théorie cinétique des gaz, alors ce n'est pas utile et c'est même plutôt encombrant de connaître l'état d'une particule donnée (par contre ça peut être utile de savoir si la distribution de propriétés à laquelle on doit s'attendre est discrète ou continue, l'exemple du corps noir nous montre que la conséquence physique peut en dépendre).
- Si c'est pour un problème qui fait intervenir un petit nombre de particules, par exemple l'étude d'un atome d'hydrogène (un proton et un électron) ou d'une molécule (quelques atomes eux-mêmes formés chacun d'un noyau et de quelques électrons), alors oui, comprendre ce qu'est l'état quantique de la particule est nécessaire. C'est grâce à ce genre de considération, où l'on ne peut pas éviter la physique quantique, qu'on arrive à savoir si une molécule peut se former ou pas, et à rationaliser la chimie, la spectroscopie, l'électronique, etc. Les applications de la physique quantique ne sont pas anecdotiques, elles sont quotidiennes.