Lu par ailleurs :
The Color Line. Les artistes africains-américains et la ségrégation au Musée du Quai Branly.
Largement chronologique, mais avec quelques salles plus thématiques (les lynchages, Harlem, l'affirmation par les sports, etc.), le parcours couvre la période allant des années 1850 jusqu'à aujourd'hui. Le parti-pris de cette exposition est de ne présenter que des œuvres d'artistes plasticiens, d'écrivains, de musiciens et de cinéastes afro-américains, pour prendre le contre-pied d'une représentation des Noirs qui fut longtemps le monopole des Blancs ; mais les œuvres exposées sont en permanence mises en relation avec des reproductions d'autres documents (par exemple, les affiches des écœurants spectacles de "blackface", qui étaient très en vogue aux USA au XIXème siècle et au moins jusqu'à la fin des années 1930).
Les artistes exposés sont pour la plupart méconnus : la "ligne de couleur" de la ségrégation limitait le plus souvent leur audience à un public exclusivement noir. On retrouve des peintres dont plusieurs autres tableaux sont également visibles en ce moment au Musée de l'Orangerie (exposition La peinture américaine des années 1930. The Age of Anxiety), notamment Aaron Douglas, dont l'une des œuvres apparaît au-dessus de mon message (Into Bondage, 1936, huile sur toile, Corcoran Gallery of Art, Washington, D.C.). Plusieurs de ces artistes étaient proches du mouvement ouvrier et communiste, et l'expo n'oublie pas de rappeler qu'avant que le stalinisme ne soit à son zénith, le PC américain fut l'une des premières formes d'organisation des travailleurs noirs et d'un certain nombre d'intellectuels noirs (sont ainsi exposés des dessins et des caricatures dénonçant les lynchages et la ségrégation, parus dans les années 1920-1930 dans le magazine communiste New Masses ; c'est d'ailleurs dans ce magazine que fut publié en 1937 le poème d'Abel Meeropol Strange Fruit, rendu célèbre par Billie Holiday).
Cette exposition est remarquable, émouvante, on la quitte en ressentant une grande admiration pour tous ces artistes qui ont su exprimer avec un tel talent la dignité, le courage et l'espoir des opprimés. Il est possible de la voir jusqu'au 15 janvier 2017.