par Plestin » 29 Jan 2017, 15:23
Je trouve que dans ce débat on a un peu trop tendance à considérer que, comme beaucoup de Musulmans font partie de la classe ouvrière, les organisations musulmanes les représentent. En tant que Musulmans peut-être, en tant que prolétaires certainement pas.
On peut mentionner d'un côté les travailleurs et de l'autre les émirs, mais on oublie le poids de la petite-bourgeoisie musulmane. Pourtant, elle est omniprésente dans les quartiers populaires à forte population immigrée. Difficile de connaître son importance numérique : la plupart des études sociologiques ou autres sur l'immigration qui s'intéressent au fait de savoir quelle est la part des ouvriers, des commerçants, des artisans, des cadres et professions intellectuelles etc. datent des années 1980-90, comme si aujourd'hui les classes sociales ça comptait moins. Mais elle est assurément nombreuse et occupe une position centrale, une visibilité évidente tant sur les marchés hebdomadaires que dans les commerces permanents. Elle joue un rôle moteur dans la promotion de l'islam et bien des commerces possèdent un "tronc" de collecte pour construire la prochaine mosquée (mais attention, les commerçants musulmans turcs veulent construire la leur et ce n'est pas la même mosquée).
Eh bien, au risque d'enfoncer une porte ouverte, je dirais que, dans un contexte d'absence de luttes significatives de la classe ouvrière, la petite-bourgeoisie donne le ton... Chez les Musulmans comme chez les autres ! Elle s'exprime partout, bavarde et donne son opinion sur tout, elle est là et prétend que son discours représente "tous" les Musulmans ou "tous" les Français, ou "tous" les citoyens"...
Aussi, dans un contexte où évidemment il y a du racisme dans la société, du racisme anti-arabe notamment, une fraction de cette petite-bourgeoisie s'est organisée dans le passé contre "le racisme", façon SOS-Racisme qui a servi à préparer bien des carrières au PS, mais aujourd'hui, la petite-bourgeoisie devenant de plus en plus réactionnaire, cela donne les organisations que l'on décrit dans l'article de la LDC ; et le racisme prenant les fausses couleurs de l'islamophobie (l'islam est un prétexte, le racisme est toujours là derrière), l'antiracisme devient l'anti-islamophobie (l'islamophobie est un prétexte, le prosélytisme religieux est derrière). Il faut d'ailleurs voir le pedigree des responsables de ces organisations : soit des milieux commerçants, soit des milieux où "je fais des études supérieures jusqu'à devenir cadre ou chercheur et je deviens recteur de mosquée en même temps", etc. et strictement rien dans leurs positions qui traduirait la moindre volonté de répondre aux problèmes spécifiques des ouvriers musulmans parmi l'ensemble des musulmans.
Que ces idées de la petite-bourgeoisie déteignent sur une partie des travailleurs musulmans (confortés par les discriminations racistes qu'ils subissent), c'est une évidence, de même que c'est une évidence que les idées de la bourgeoisie et petite-bourgeoisie française blanche déteignent sur les travailleurs français blancs...
Est-ce une raison pour pratiquer un suivisme vis-à-vis de ces organisations ? Certainement pas, et même, au contraire ! Le poids social exercé par ces milieux sur les travailleurs, c'est une véritable plaie !
Malheureusement, les camarades du NPA, qui ont longtemps été suivistes vis-à-vis de ces milieux quand ils avaient par exemple la forme de SOS-Racisme, ont continué à être suivistes malgré l'évolution réactionnaire de la petite-bourgeoisie musulmane. Ils sont pourtant certainement sincères et s'imaginent participer à une défense de la classe ouvrière musulmane contre les attaques particulières qu'elle subit (en plus de celles subies par tous les travailleurs). Mais ils se trompent lourdement.
De son côté, LO n'a pas pris cette voie, et cela donne l'impression à certains que du coup LO ne fait rien, et que ses critiques contre le NPA ne font que discréditer les tentatives de réaction aux attaques racistes. Mais ce n'est pas vrai. LO fait quelque chose, et fait même la seule chose utile qu'il y ait à faire : tenter de préparer la riposte collective de la classe ouvrière, seul antidote possible à la fois vis-à-vis de la double contamination des idées lepénistes et islamistes. Evidemment, c'est long, c'est difficile, et tant que la riposte ne survient pas certains ont l'impression qu'il ne se passe rien. Mais il n'y a pas d'autre voie ! Pas de raccourci ! Faire autre chose, c'est juste prendre encore plus de retard sur les tâches indispensables !