Rien trouvé de LO, par contre de Trotsky...
Le 10 octobre 1888, Engels écrivait à New York :
In Frankreich blamieren sich die Radikalen an der Regierung mehr als zu hoffen war. Gegenüber den Arbeitern verleugnen sie ihr ganzes eigenes altes Programm und treten als reinen Opportunisten auf, holen den Opportunisten die Kastanien aus dem Feuer, waschen ihnen die schmutzige Wäsche. Das wäre ganz vortrefflich, wäre nicht Boulanger und jagten sie nicht diesem die Masse fast zwangsmässig in die Arme.
On dirait que ces lignes ont été écrites pour notre temps. En 1934, les radicaux se sont montrés tout aussi incapables de diriger la France qu'en 1888. Tout comme alors, ils ne sont bons qu'à tirer les marrons du feu pour la réaction. Tout cela serait très bien s'il y avait un parti révolutionnaire. Mais il n'y en a pas. Ou plutôt pis : il y a sa dégoûtante caricature. Et les radicaux poussent les masses dans la direction du fascisme, comme ils les poussaient il y a un demi-siècle du côté du boulangisme. C'est dans ces conditions que les staliniens concluent avec les radicaux un bloc " contre le fascisme " et en coiffent les socialistes, qui n'osaient même pas rêver d'un tel cadeau. En bons singes à demi dressés, les stalinistes continuent encore de gronder contre les cartels : il ne s'agit pas de maquignonnage parlementaire avec les radicaux, mais de " front populaire " contre le fascisme ! On croirait lire l'organe officieux de Charenton. Le cartel parlementaire avec les radicaux, si criminel qu'il soit du point de vue des intérêts du socialisme, peut ou pouvait avoir une signification politique du point de vue de la stratégie électorale et parlementaire des démocrates-réformistes. Mais quel sens peut avoir un bloc extra-parlementaire avec un parti purement parlementaire, qui par sa structure sociale même est incapable d'une action de masse quelconque hors du Parlement : l'état-major bourgeois du parti redoute comme le feu sa propre base dans les masses. Recevoir une fois tous les quatre ans les voix des paysans, des petits commerçants et des petits fonctionnaires – cela, Herriot y consent magnanimement. Mais les lancer dans une lutte ouverte, c'est évoquer des esprits dont il a infiniment plus peur que du fascisme...
https://www.marxists.org/francais/trots ... l14_02.htmde Trotsky encore :
En janvier 1889, au plus fort de la campagne de Boulanger en France, Engels écrivit : " L'élection de Boulanger amène la situation en France à un seuil critique. Les Radicaux se sont transformés en laquais de l'opportunisme, et ont ainsi littéralement nourri le Boulangisme. ". Ces mots sont sidérants de modernité ; il suffit de remplacer " Boulangisme " par " fascisme ".
Engels condamne la théorie de la transformation " évolutionniste " du capitalisme en socialisme comme celle d'une " 'fraîche et joyeuse' escalade à partir d'une obscure bestialité vers une société socialiste ". Cette formule satirique préfigure le bilan d'une polémique qui devait éclater des années plus tard.
https://www.marxists.org/francais/trots ... 351000.htmet de Guesde :
Guesde, après avoir ainsi remis au point les choses de France, examine par le détail "l'œuvre d'ensemble", l'œuvre énorme et féconde que Jaurès aurait accomplie "depuis six ans" et derrière laquelle il essaie d'abriter la nouvelle méthode contre un verdict qu'il sent inévitable. Et Guesde affirme tout d'abord que cette œuvre n'a jamais existé que dans le cerveau de Jaurès.
1° Jaurès n'a pas sauvé la République, qui n'a pas été en danger. Bien plus grave était la situation lors de Boulanger, que les radicaux avaient porté aux nues et rendu populaire dans le peuple et dans l'armée. Et cependant il a suffi de la poigne d'un Constans pour avoir raison du boulangisme. C'est qu'en France les coups d'Etat ne se sont jamais faits que par en haut, par des gouvernants maîtres du ministère de la guerre. Pour marcher contre le gouvernement établi avec quelques régiments sortis des casernes, un général aurait trop peur, serait trop certain de rencontrer d'autres généraux, à la tête d'autres régiments, pour lui barrer la route, et ce, non pas même par convictions républicaines, mais par intérêt personnel, pour l'avancement.
Quoique la République, suivant le mot de Thiers, puisse être le "gouvernement qui divise le moins" la bourgeoisie, elle est certes pour nous comme pour Marx le terrain idéal de la révolution par nous poursuivie, mais pourquoi ? Parce qu'elle met en présence les classes dans leur antagonisme collectif et direct, sans que leur lutte nécessaire puisse être faussée par des calculs ou des manœuvres dynastiques. Et cette supériorité du régime républicain disparaîtrait si, comme le voudrait Jaurès, du fait même de ce régime existant, le prolétariat devait abandonner sa propre bataille, renoncer à faire sa République à lui pour s'immobiliser dans la défense de la République de ses maîtres; ainsi entendue et pratiquée, la République deviendrait le pire des gouvernements.
https://www.marxists.org/francais/guesd ... 040813.htmet de Lafargue :
Le parti socialiste est parvenu à ce point de développement que ce qu'on tentera contre lui par la force ou par la ruse, tournera à son avantage ; mais pour qu'il tire tout le profit des fautes de ses ennemis, les militants doivent être plus que jamais conscients des dangers de la situation et méfiants des pièges qu'on va leur tendre.
La crise boulangiste a ruiné le parti radical ; les ouvriers, lassés d'attendre les réformes qui s'éloignaient à mesure que les radicaux arrivaient au pouvoir, dégoûtés de leurs chefs qui ne prenaient les ministères que pour faire pire que les opportunistes, se débandèrent ; les uns passèrent au boulangisme, c'était le grand nombre, ce furent eux qui constituèrent sa force et son danger : les autres s'enrôlèrent dans le socialisme.
Le parti radical est mort avant d'avoir réalisé les réformes les plus urgentes de son programme.
Nos gouvernants bourgeois étant les plus réactionnaires et les plus imprévoyants qui existent au monde, les plus insignifiantes réformes n'ont pu être obtenues qu'à coups de révolutions et de crises succédant aux crises, jusqu'à la débâcle.
https://www.marxists.org/francais/lafar ... 990000.htmEncore Lafargue :
Notre époque a vu bien des merveilles : la lumière électrique, le téléphone, la bourgeoisie représentée par le ministère qu'elle mérite, par la trinité tripoteuse, Rouvier-Heredia-Etienne [1] et d'autres encore ; mais ces phénomènes extraordinaires sont dépassés, effacés par la stupéfiante popularité de l'illustre Boulanger, le grand général qui écrit des lettres épiques [2], en attendant qu'il remporte des victoires, le bouillant capitaine dont le pistolet rata le royaliste Lareinty [3], mais dont le sabre fit merveille contre les Parisiens en 1871 [4].
Le nom de Boulanger fait son tour de France, comme autrefois celui de feu Gambetta. Le César de Cahors [5] monta en ballon, tout joyeux de quitter Paris assiégé ; le général pâle et défait par son triomphe part en locomotive sans trouver un mot pour saluer la foule qui l'acclame ; je me trompe, il a crié : à boire ! comme Gargantua en venant au monde. Bien qu'il fût moins curieux d'entendre un gaillard avec poil au menton clamer à boire ! cependant, les Déroulédistes [6] et les Boulangistes, pour préserver cette mémorable parole, chantaient le 14 Juillet sur l'air bien connu :
" C'est à boire qu'il nous faut ! "
La popularité de Boulanger est colossale et elle grandit tous les jours ; on pourrait s'en effrayer, si on ne se souvenait que la popularité de celui en qui les opportunistes incarnent la Défense nationale, ne résista pas à deux mois de pouvoir et à une réunion de Belleville [7]. Les ballons se dégonflent plus vite encore qu'on ne les gonfle.
Les vrais coupables de l'extravagante et grotesque popularité du général sans victoire ne sont pas ceux qu'on accuse. Rochefort [8], Déroulède, Meyer [9] de La Lanterne, Laur [10] de La France, Laguerre [11] et d'autres ont fait mousser Boulanger, mais les réactionnaires de toutes couleurs, et M. de Bismarck, étroitement liés, ont inventé ce foudre de guerre, qui s'évanouit, perd la tête et le pied quand ses admirateurs l'entourent.
Les titres du général à l'admiration de ses contemporains ne sont pas longs à énumérer ; il a pris quelques mesures qui, si elles ont déplu aux officiers, ont satisfait le soldat, dont on croit s'être suffisamment occupé quand on l'abrutit avec une discipline de belluaire ; il a expulsé les d'Orléans ; enfin, il a, comme le prince-président, caracolé sur son cheval noir, dont la popularité rivalise presque avec la sienne. Ces actes remarquables lui ont mérité de justes applaudissements, qui cependant se seraient éteints dans le bruit de Paris, sans l'incompréhensible et déraisonnable haine des royalistes et des opportunistes.
M. de Bismarck, qui n'est pas assez badaud pour s'effrayer d'un général du Grand-Duché de Gerolstein [12] mais qui est assez roublard pour simuler d'en avoir peur, afin d'épouvanter les philistins du Reichstag et de les faire voter comme il l'entend, s'est enrôlé dans le camp des antiboulangistes avec Grévy, Ferry et le reste.
Arrive l'affaire Schnæbelé [13] ; les brutalités inouïes du gouvernement prussien, capables de soulever l'indignation la plus apathique, réveillent le patriotisme que Déroulède et ses copains commençaient à tuer sous le ridicule ; et Boulanger, que les soldats aiment et que détestent les opportunistes et les royalistes, chauffé par la presse radicale et intransigeante, devient le héros du jour, l'idole de la foule braillarde et chauvine.
Les opportunistes parlent de césarisme et ce sont eux qui ont lancé Boulanger, lequel ne demandait qu'à être un ministre nul et ami de tout le monde.
Les opportunistes parlent de césarisme ; mais la classe ouvrière n'est-elle pas bel et bien sous le régime du sabre ? Que les prolétaires bougent à Anzin, Decazeville, Vierzon ou Montluçon et les troupes prétoriennes de la bourgeoisie d'accourir avec sabres et canons et de terroriser le pays.
Ce despotisme contre les ouvriers est le bon despotisme, le despotisme libéral et bourgeois qu'il convient de développer pour maintenir les prolétaires dans la sujétion : mais les réactionnaires ne crient au césarisme que par peur de voir Boulanger jouer au radicalisme. Ils prêtent bénévolement de bien méchantes intentions à ce bon porte-sabre qui pourrait faire payer cher leur enthousiasme aux radicaux.
Mais tandis que les opportunistes crient avant qu'on ne les écorche, ils organisent le despotisme militaire. Le 14 Juillet, Paris était en état de siège ; les troupes étaient consignées ; le long des quais, sur les ponts et les places publiques, des pelotons de fantassins et de cavaliers étaient massés, sabre et fusil au poing, prêts à charger. Quel épouvantable massacre, dans cette foule mêlée de femmes et d'enfants, on était décidé à accomplir ! Pourquoi ? Pour maintenir à la présidence le vieux grigou Grévy et le tripoteur Rouvier.
Les bourgeois de France ont été incapables d'établir le parlementarisme, la forme gouvernementale bourgeoise par excellence. Depuis la dictature militaire de Napoléon les régimes constitutionnels ont été mitigés par le despotisme du sabre.
Louis-Philippe, issu d'une révolution parlementaire, ouvre son règne par des massacres en plein Paris. Le gouvernement provisoire avant de songer à fonder la République, s'occupe d'avoir un général sous la main ; il fait venir Cavaignac [14] qui se distingue en juin ; Napoléon imite les républicains et tire d'Afrique les bouchers dont il a besoin pour saigner Paris. Les radicaux du jour courtisent Boulanger, tandis que les opportunistes se sont assuré Gallifet [15] qui vaut une demi-douzaine de Cavaignac.
Il est impossible d'établir et de maintenir en pleine paix une machine d'oppression contre l'armée permanente, sans que les partis politiques ne s'en emparent pour la tourner contre leurs adversaires.
Le danger des coups d'Etat et du despotisme militaire ne cessera d'exister que lorsque l'armée permanente sera abolie et que la nation sera armée.
https://www.marxists.org/francais/lafar ... 870723.htm